L'épouse et le fils de l'ex-président gabonais, Ali Bongo, réitèrent leurs accusations contre les nouvelles autorités du Gabon. Dans une déclaration commune signée ce mercredi, Sylvia et Nouredine Bongo ont indiqué avoir été détenus illégalement et torturés.
« Nous ne nous tairons pas face à la terreur et à l'injustice », a clamé la mère et le fils qui, dans leur déclaration, ont indiqué que le président Brice Clotaire Oligui Nguema et ses proches ont voulu leur imposer le silence après les avoir torturés.
Au moment où ces lignes sont écrites, les autorités gabonaises n'ont pas encore réagi aux accusations de la famille de l'ancien président de ce pays d'Afrique centrale.
L'ex-président Ali Bongo, sa femme et son fils, détenus dans le pays après le coup d'Etat survenu en août 2023, ont quitté Gabon en mai dernier pour l'Angola.
Ali, Sylvia et Nouredine Bongo qui ont tous la nationalité française, ont déposé une plainte avec constitution de partie civile en mai 2024 en France pour torture et enlèvement contre les autorités gabonaises.
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Lundi dernier, Sylvia et Nouredine Bongo ont, pour la première fois, témoigné devant des juges en qualité de victimes au tribunal judiciaire de Paris, selon leur déclaration.
La famille Bongo transporte désormais la bataille à Paris.
Que reprochent les Bongo à Brice Clotaire Oligui Nguema ?
« Tortures et actes de barbarie », « enlèvement » et « séquestration en bande organisée » sont les accusations portées contre les autorités gabonaises par la famille Bongo.
Sylvia et Nouredine soulignent que leur famille « a été kidnappée et prise en otage jusqu'au plus jeune enfant âgé d'un an ». Ils indiquent avoir « subi humiliations et mises en scènes mensongères soutenant le narratif construit de toutes pièces par les nouvelles autorités pour justifier la prise de pouvoir ».
Ils indiquent avoir été pendant près de deux ans mis en isolement dans une cellule vide entre la prison centrale de Libreville et un bureau de la Garde Républicaine au sous-sol du palais présidentiel, six étages en dessous des appartements du président Brice Clotaire Oligui Nguema.
« C'est dans ce sous-sol que nous avons été violemment torturés à répétition par des militaires les plus proches du président Oligui Nguema : fouettés, électrocutés, noyés, battus et bien pire. Entre les coups, nous avons été contraints de signer la cession des biens de notre famille, aujourd'hui partagés par les proches du pouvoir », accusent-ils.
La femme et le fils d'Ali Bongo déclarent également détenir des audios et des vidéos qui sont des preuves « irréfutables que nous remettrons à la justice française ».
« Certaines vidéos montrent des hautes autorités judiciaires déclarant agir sur instruction du président Oligui Nguema, ou encore la juge d'instruction de notre dossier Leila Ayombo Moussa épouse Biam avouant recevoir des instructions de la part des militaires du CTRI. D'autres vidéos montrent des aveux de torture et preuves d'actes de barbarie par les militaires », ajoutent-ils.
Ils alertent également d'un procès que prévoient les autorités gabonaises pour « nous condamner par contumace » et de « légaliser la saisie de nos biens, notre détention arbitraire et la prise du pouvoir par la force ».
L'ex-président Ali Bongo a aussi été entendu le mardi 1er juillet dernier en tant que victime par deux juges d'instruction spécialisés du pôle Crimes contre l'humanité au tribunal judiciaire de Paris. Il a porté plainte pour « séquestration arbitraire ».
Selon l'AFP, les avocats de la famille, Mes François Zimeray, Pierre-Olivier Sur, Catalina de la Sota et Clara Gérard-Rodriguez ont exprimé leur « satisfaction face au travail des juges d'instruction ».
20 mois de détention
Ali Bongo a dirigé le Gabon pendant 14 ans, après que son père a passé plus de quatre décennies à la tête du pays. Il a été renversé le 30 août 2023, à la suite d'un coup d'Etat opéré par des militaires du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) à la tête duquel se trouve Brice Clotaire Oligui Nguema.
Après son renversement, il a été assigné à résidence, où il serait resté, bien que les autorités gabonaises affirment qu'il était libre de se déplacer à sa guise.
Son épouse et son fils ont été placés en détention, puis assignés à résidence.
Sylvia et Noureddin Bongo sont tous deux accusés de détournement de fonds publics, Mme Bongo étant notamment accusée de faux, de blanchiment d'argent et de falsification de documents.
Mais, Ali Bongo a condamné haut et fort ce qu'il a décrit comme les « violences et tortures » subies par sa femme et son fils, bien que les autorités de transition aient nié les avoir soumis à des traitements cruels.
« Le Gabon est respectueux des droits de l'homme. Si on a réussi à faire un coup d'État sans effusion de sang, ce n'est pas deux individus qui seront torturés, dans ce pays », a déclaré Brice Clotaire Oligui Nguema sur le dossier, lors d'une rencontre avec des responsables des institutions de la République.
Leur élargissement
C'est en mai dernier qu'Ali Bongo, sa femme Sylvia et son fils Nouredine ont été libérés. Cette libération était intervenue après la visite à Libreville du président angolais João Lourenço, actuellement à la tête de l'Union africaine.
M. Lourenço, lors de cette visite, a eu des entretiens avec son homologue gabonais Brice Oligui Nguema, l'ancien général qui a mené le coup d'État contre Bongo avant de remporter une victoire écrasante aux élections présidentielles en avril dernier.
Dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux, la présidence angolaise a annoncé que la famille Bongo avait été libérée et qu'elle se trouvait à Luanda.
Sur des photos publiées par la présidence angolaise, on pouvait voir Bongo accueilli à son arrivée à l'aéroport, avec une femme qui semble être son épouse derrière lui.
Eddy Minang, le procureur de la République du Gabon, a affirmé que la libération de Mme Bongo et de son fils est purement provisoire, en raison de leur état de santé précaire, et que les poursuites judiciaires à leur encontre se poursuivront.
Au cours de leurs 14 années au pouvoir, la famille Bongo a été accusée d'avoir accumulé des richesses au détriment du pays – des allégations qu'elle dément.
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