Le Conseil constitutionnel ivoirien a définitivement exclu lundi de la course à la présidentielle les deux principaux opposants, l'ex-président Laurent Gbagbo et le banquier international Tidjane Thiam, en raison de leurs radiations de la liste électorale.
Le Conseil a retenu cinq candidatures dont celle du chef de l'Etat sortant Alassane Ouattara, qui brigue un quatrième mandat et sera favori pour le scrutin du 25 octobre.
A lire aussi sur BBC Afrique :
- Non aux perruques - les nouvelles règles qui secouent les concours de beauté
- Les ivoiriennes qui mettent l'attiéké sur la carte du monde
- Assana Bakayoko : " Mon rêve était de devenir journaliste présentatrice mais la société ivoirienne n'était pas prête à voir une albinos sur les écrans "
Tidjane Thiam avait été radié par la justice de la liste électorale en avril pour des questions de nationalité, tandis que Laurent Gbagbo en est absent en raison d'une condamnation judiciaire.
"Le Conseil constitutionnel a de façon constante exigé la qualité d'électeur comme condition d'éligibilité", a déclaré la présidente du Conseil constitutionnel Chantal Nanaba Camara, déclarant les candidatures des deux hommes "irrecevables".
"Les Ivoiriens espéraient que le Conseil défendrait leur droit fondamental de choisir leur président par la voie des urnes. Au lieu de cela, ils se retrouvent face à un véritable plébiscite organisé du président sortant, pour un quatrième mandat anticonstitutionnel", a réagi Tidjane Thiam dans un communiqué transmis à l'AFP.
Qui sont les exclus ?
Laurent Gbagbo
Ancien président de la République (octobre 2000 - avril 2011), également condamné par contumace par la justice ivoirienne après avoir été acquitté par la Cour pénale internationale (CPI), est lui aussi écarté de la course à la présidentielle d'octobre 2025.
S'il a pu échapper à l'accusation de crime contre l'humanité dans les événements post-électoraux de 2010-2011 portée contre lui par la justice internationale, celle de son pays l'a au contraire condamné à 20 ans de réclusion, en appel, pour "braquage" de la Banque centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) pendant la crise de 2010-2011.
Déjà en décembre 2022, la Commission électorale indépendante (CEI) avait rejeté la demande de Laurent Gbagbo de s'inscrire sur la liste électorale. L'institution chargée d'organiser les élections dans le pays a invoqué sa condamnation à 20 ans pour "casse à la BCEAO".
"Non, non et non, je ne laisserai pas mon nom sali sans me battre. Je suis encore debout !", avait-il déclaré en 2023, après avoir déposé un recours au bureau de la CEI.
Entre-temps, le président Alassane Ouattara l'a gracié, mais pas amnistié. Ce qui l'empêche d'être inscrit sur la liste.
L'ancien chef d'Etat ivoirien reste une personnalité incontournable dans le pays, malgré ce passé. Bien qu'il soit radié de la liste électorale, le Parti des Peuples Africains-Côte d'Ivoire (PPA-CI), sa formation politique l'a investi à Abidjan le 10 mai 2024 pour être son candidat à cette élection.
C'était devant plus d'un millier de ses partisans devant l'hôtel Ivoire d'Abidjan que Laurent Gbagbo a déclare : "J'accepte d'être votre candidat".
Il avait promis mettre fin à la corruption dans le pays, rehausser le système de santé, mettre fin à l'endettement.
Tidjane Thiam
L'ancien PDG de Credit Suisse et figure montante du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), a été jugé inéligible par la justice le 22 avril dernier.
Après avoir officiellement renoncé à sa nationalité française en février 2024, M. Thiam espérait se présenter à la présidentielle. Mais un tribunal d'Abidjan a estimé qu'il avait perdu sa nationalité ivoirienne en 1987, lorsqu'il avait acquis celle française, et que sa réintégration était trop tardive pour figurer sur la liste électorale.
Il a qualifié la décision de « vandalisme démocratique », affirmant qu'elle priverait « des millions d'Ivoiriens de leur droit de choisir librement leur président ». À peine une semaine plus tôt, le 17 avril, Thiam avait été officiellement désigné comme candidat du PDCI à l'élection présidentielle.
« Ce n'est pas une surprise que cette décision intervienne alors que notre soutien dans l'opinion publique ne cesse de croître, » a-t-il déclaré.
Thiam, qui est revenu en Côte d'Ivoire en 2022 après deux décennies de carrière internationale, avait été vu comme un potentiel successeur au président Alassane Ouattara.
Sa candidature offrait une alternative centriste et technocratique, capable de poursuivre le développement économique du pays tout en proposant un changement politique.
Son parti, le PDCI, est considéré comme le principal de l'opposition en Côte d'Ivoire en raison du poids qu'il représente dans le pays.
Tidjane Thiam a été élu à 99% par son parti pour le représenter à la présidentielle d'octobre 2025.
- La radiation de Tidjane Thiam de la liste électorale, un coup dur pour la démocratie ivoirienne ?
- « Ce n'est pas au régime d'éliminer les leaders de l'opposition » - Tidjane Thiam sur l'élection en Côte d'Ivoire
Indignation au sein de l'opposition
« Ma radiation de la liste électorale par la Commission électorale indépendante est un exemple triste mais révélateur de l'abandon de la démocratie par la Côte d'Ivoire», a déclaré Tidjane Thiam après avoir appris la décision finale de la commission.
Et d'ajouter : « Ces attaques contre la démocratie doivent cesser et le gouvernement doit garantir des élections libres, équitables et inclusives en octobre. C'est le souhait de tous les Ivoiriens et seul un processus électoral équitable garantira une véritable stabilité en Afrique de l'Ouest ».
Son avocat, Me Mathias Chichportich a informé ce mercredi que le leader de l'opposition a déposé une plainte auprès du Comité des droits de l'homme des Nations Unies.
« Cette action vise à contraindre l'Etat ivoirien à prendre toutes les mesures nécessaires pour que l'élection présidentielle se déroule dans des conditions équitables, inclusives et démocratiques », a indiqué l'avocat.
Pour ce dernier, priver le leader de l'opposition de ses droits politiques par une décision arbitraire, discriminatoire et sans appel constitue une violation grave des engagements internationaux de la Côte d'Ivoire.
« Le Président Tidjane Thiam est plus que jamais déterminé à faire respecter le droit du peuple ivoirien à choisir librement ses représentants ».
Qui fera face à Alassane Ouattara ?
Le climat politique est tendu en Côte d'Ivoire depuis plusieurs semaines: l'opposition qui s'attendait à l'exclusion de ses leaders dénonce une élection peu inclusive et s'oppose au quatrième mandat de M. Ouattara qu'elle juge inconstitutionnel.
Alassane Ouattara affrontera les anciens ministres Jean-Louis Billon, Ahoua Don Mello ainsi que l'ex-Première Dame Simone Ehivet Gbagbo et Henriette Lagou, déjà candidate en 2015.
Jean-Louis Billon est un dissident du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), la formation de M. Thiam. Et Ahoua Don Mello est un ancien membre du Parti des peuples Africains - Côte d'Ivoire (PPA-CI) de M. Gbagbo.
Aussi sur BBC Afrique
- « Il n'y aura pas de plan B, il n'y aura pas de plan C » : Tidjane Thiam réagit après sa radiation de la liste électorale
- Que sait-on de l'ambitieux projet d'autoroute reliant la Côte d'Ivoire au Nigeria ?

