Quand on parle de la Côte d’Ivoire à l’international, trois noms reviennent presque toujours : Didier Drogba, Magic System et… la Basilique Notre-Dame de la Paix de Yamoussoukro. La première incarne la puissance du sport, la deuxième la vitalité culturelle, et la troisième un monument architectural unique au monde : la plus grande basilique de la planète, devant même Saint-Pierre de Rome.
Pourtant, si Drogba et Magic System continuent de rayonner dans la francophonie, la basilique demeure sous-valorisée. Là où elle pourrait devenir un symbole de prestige, un moteur touristique et un levier de soft power, elle reste perçue comme une dépense passée, presque oubliée dans la stratégie nationale. C’est un paradoxe : la Côte d’Ivoire dispose déjà d’un emblème mondial, payé au prix fort, mais qu’elle n’a jamais pleinement activé.
Dans l’histoire des nations, chaque grande puissance s’est appuyée sur des icônes architecturales devenues des récits collectifs. La Tour Eiffel n’est pas qu’un monument : elle incarne l’audacebindustrielle de la France. La Statue de la Liberté symbolise l’idéal américain. La Sagrada Familia raconte la spiritualité espagnole. Le Burj Khalifa projette la modernité des Émirats.
Ces édifices sont à la fois des cartes postales universelles, des moteurs économiques et des outils diplomatiques. La Sagrada Familia à Barcelone attire plus de 4,5 millions de visiteurs par an et génère environ 20 millions USD de revenus directs (Fundació Sagrada Família, 2023). Le sanctuaire de Lourdes en France génère environ 270 millions EUR de retombées économiques annuelles (Euronews, 2024). La Basilique Saint-Pierre de Rome accueille quant à elle environ 10 millions de visiteurs par an.
La Côte d’Ivoire possède déjà son équivalent africain : la Basilique Notre-Dame de la Paix. Mais faute de stratégie, elle n’a jamais bénéficié de ce statut.
Un actif unique et inégalé
Plus vaste encore que la basilique Saint-Pierre de Rome, elle détient un record mondial qui lui confère un prestige objectif incomparable. Elle incarne aussi une vision d’ambition africaine : un monument de foi, de grandeur et d’audace qui dépasse les frontières et raconte au monde la capacité de l’Afrique à rêver grand. Enfin, elle représente un patrimoine déjà payé. Les milliards nécessaires à sa construction ont été investis ; aujourd’hui, chaque effort de valorisation ne demanderait qu’un coût marginal au regard du potentiel immense qu’elle recèle.
La Basilique souffre d’un vide marketing : pas de logo, pas de charte, pas de présence digitale forte. À l’inverse, la Tour Eiffel ou le Taj Mahal ne sont pas seulement des monuments, ce sont des marques mondiales. Pour la Basilique, cela passerait par des actions simples et visibles : un logo officiel décliné sur les billets et souvenirs, un site multilingue avec visite 3D immersive,
une stratégie Google/TripAdvisor pour capter les voyageurs, et des campagnes sociales associant le monument à des images fortes de paix. Sans marque, un monument reste muet. Avec une marque, il devient un récit vivant.
Dans un monde où le tourisme religieux représente un marché considérable, l’Organisation mondiale du tourisme (UNWTO) estime que près de 300 à 330 millions de visiteurs fréquentent chaque année les grands sites religieux à travers le monde (UNWTO, 2016 ; FRH- Europe, 2022). La Côte d’Ivoire est assise sur une mine d’or inexploitée. Si la basilique de Yamoussoukro attirait seulement 1 million de visiteurs annuels avec un ticket moyen de 10 USD, cela représenterait déjà 10 millions USD de revenus directs sans compter les retombées indirectes pour l’hôtellerie, la restauration, le transport et l’artisanat local.
Actions concrètes à faible coût
La première étape consiste à changer de regard. La basilique ne doit plus être considérée comme une curiosité architecturale isolée, ni comme un “luxe du passé”, mais comme un actif stratégique. Elle peut devenir un symbole universel de paix, de mémoire et de culture africaine.
Cela suppose de l’intégrer dans le récit national : faire de la Côte d’Ivoire un hub spirituel et culturel du continent. Yamoussoukro pourrait accueillir non seulement des célébrations religieuses, mais aussi des conférences internationales, des congrès sur la paix et des festivals culturels de portée mondiale.
Sur le plan touristique, la basilique doit devenir le pivot d’un circuit officiel associant la Fondation Houphouët-Boigny et l’histoire politique de Yamoussoukro. La Côte d’Ivoire accueille aujourd’hui environ 2,5 millions de visiteurs par an, le tourisme représentant près de 7 % du PIB. Avec la stratégie Sublime Côte d’Ivoire, l’ambition est claire : atteindre 4 à 5 millions de touristes d’ici 2025. La basilique pourrait en être l’un des piliers majeurs. Pour cela, il faut structurer des événements annuels : un Festival de la Paix réunissant concerts et expositions, un pèlerinage international centré sur la réconciliation, des symposiums académiques sur la diplomatie religieuse. Des campagnes internationales, en partenariat avec l’UNESCO, contribueraient à la positionner comme l’un des sites incontournables du continent africain.
Sur le plan diplomatique, la basilique pourrait devenir une véritable plateforme de médiation pour l’Afrique. Accueillir des sommets interreligieux, des dialogues de paix ou des conférences internationales renforcerait le prestige de Yamoussoukro comme capitale symbolique de la paix.
Des partenariats solides avec le Vatican, l’UNESCO et de grandes fondations internationales pourraient consolider ce rôle, jusqu’à créer un label “Paix d’Afrique” qui associerait durablement la Côte d’Ivoire à la stabilité et au leadership spirituel.
Rien de tout cela n’exige de nouveaux milliards. Cela peut commencer par des initiatives simples mais puissantes : une digitalisation ambitieuse avec site multilingue et expériences immersives, des documentaires diffusés sur Arte, Netflix ou National Geographic, des partenariats avec compagnies aériennes et croisiéristes pour inclure Yamoussoukro dans les circuits touristiques africains. Puis s’étendre à des expériences culturelles vivantes : visites nocturnes, spectacles de musique classique son amp; lumière, résidences artistiques autour du thème de la paix et de l’art contemporain africain.
La Côte d’Ivoire et le prestige du récit
Le prestige d’un pays ne se construit pas seulement par son PIB ou ses exportations, mais par sa capacité à offrir au monde des récits universels. La Côte d’Ivoire n’a pas à bâtir son récit de toutes pièces : elle a déjà en son cœur un monument capable d’incarner son prestige.
La Basilique de Yamoussoukro n’est pas seulement une œuvre d’architecture. C’est une promesse de grandeur. La Côte d’Ivoire a déjà son icône mondiale. Il est temps de l’incarner..
Melissa Amoa
Melissa Amoa est stratège en notoriété et fondatrice du cabinet AMOA. Elle accompagne dirigeants, entreprises et institutions en Afrique, en Amérique du Nord et en Europe afin de renforcer leur visibilité, leur prestige et leur capital de confiance, afin de consolider leur autorité et, par ricochet, leur croissance.

