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Société Publié le jeudi 31 mai 2012 | Le Mandat

Dossier / Désarmement, Démobilisation et Réinsertion des ex-combattants : Une bombe à retardementDanse de sorcières dans un océan boueux

Hier héros, les ex-combattants sont accusés d’être la cause principale de l’insécurité en Côte d’Ivoire. Pour leur donner espoir, le gouvernement veut mettre en place un processus de désarmement, démobilisation et réinsertion (Ddr) pour les réintégrer dans le tissu social. Mais le processus est à la traine… Décryptage !

Le processus Ddr se déroule normalement en trois phases : le désarmement, qui constitue la première étape, est l’opération qui consiste à récupérer les armes, munitions et autres matériels militaires dont disposent les combattants. Pendant cette opération, les combattants remettent leurs armes aux forces impartiales dans les sites prévus à cet effet. Durant le désarmement, les forces impartiales ont la charge de récupérer, trier, stocker, sécuriser les armes fonctionnelles et détruire les armes non fonctionnelles. Les combattants ainsi désarmés sont par la suite démobilisés.

La Démobilisation est l’étape symbolique qui assure le passage du combattant de la vie militaire à la vie civile. Elle commence par le profilage (enregistrement, questionnaire, etc.), suivi d’une visite médicale et se termine par la remise d’un paquet civil (vêtements, chaussures, etc.) et la sensibilisation des ex-combattants sur les opportunités de réinsertion. A la fin du processus de démobilisation, une carte de démobilisé est remise au combattant, afin de lui permettre de commencer sa réinsertion. La Réinsertion est une phase transitoire entre la démobilisation du combattant et sa réinsertion définitive dans la vie sociale et économique. Le combattant commence sa réinsertion en recevant, sur présentation de sa carte de démobilisé, une assistance financière appelée filet de sécurité. Ce filet de sécurité a pour but de faciliter l’installation de l’ex-combattant dans son lieu de réinsertion et d’avoir accès aux opportunités de réinsertion proposées. A savoir les activités génératrices de revenus (Agr), les microprojets, les formations professionnelles, les bourses d’étude, etc.

DD : Un processus au point mort
Le président de la République, Alassane Ouattara, a pris un arrêté pour mettre en place un groupe de travail chargé de réfléchir sur la réforme du secteur de la sécurité (RSS), dont la présidence du comité scientifique est assurée par Alain Donwahi. Ce groupe travail est en séminaire depuis mardi dernier à Grand-Bassam. Ce comité a quatre vingt dix jours pour sortir une matrice de la reforme du secteur de la sécurité.

Toutes les structures qui interviennent sur le Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (DDR) y sont représentées. Des réunions se tiennent pour sortir un plan cohérent de DDR des ex-combattants. Le Conseil de sécurité de l’Onu a accordé une attention toute particulière aux besoins du gouvernement dans les domaines de la réforme du secteur de sécurité. L’Onuci a annoncé que trois sites (Anyama, Bouaké et Guiglo) seront opérationnels en cette fin de mois de mai. Chaque site accueillera 500 anciens combattants par rotation de trois semaines. Mais, l’objectif est de livrer 9 sites cette année. En somme, il est prévu 20 sites de regroupement sur l’étendue du territoire national pour accueillir les anciens combattants du Dd. Tout le processus est encore à l’étude. Il y a un manque réel de moyen financier. Le commandant Gbané Abdou, responsable de Démobilisation et Désarmement (DD) à l’état major, rassure sur l’avancée du processus. «Vous serez informé du lancement du DD», a-t-il déclaré, lors d’un entretien le mardi 22 mai au camp Gallieni.

Le capitaine Kouakou Kouamé et le lieutenant Lehité Tagban s’occupent du volet planification. Sinon actuellement, ce sont les interminables réunions de la RSS qui préparent le DDR. La Côte d’Ivoire a décidé de ne pas faire du rachat d’arme, parce que cela développe le trafic. Selon des experts, cette méthode n’a pas été efficace dans d’autres pays post conflit. Pour le moment, la commission nationale de la lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre (Comnat ALPC) est à pied d’œuvre. Son objectif est de collecter, d’ici décembre, 5000 armes. Selon le commissaire principal, secrétaire de la sous-commission Opération-Sécurité de la COMNAT-ALPC, le commissaire de police Léon Djokouéhi, 1500 armes de toutes catégories, 1334 grenades et 290661 munitions avec l’appui de l’Onuci ont été collectées. Dans ce processus, près de 3000 personnes ont été désarmées. Une collecte d’armes et de munitions est prévue les 30 et 31 mai à Treichville, afin de bénéficier d’une carte de démobilisé. L’ancien combattant doit déposer au moins 1000 munitions. En juin, la Commission se rendra à l’ouest pour une opération similaire. Au niveau de la Comnat+-Alpc, après la collecte, les armes sont mises dans un entrepôt sécurisé. Deux machines de marquage ont été acquises pour la traçabilité des armes, si elles doivent servir à l’usage de la défense. Dans une circulaire en date du mardi 22 mai, le ministre délégué à la Défense, Paul Koffi Koffi, a invité tous les détenteurs d’armes au dépôt volontaire au plus tard le 30 juin. Passé ce délai, les contrevenants seront sanctionnés et passibles de poursuite judiciaire.

5000 armes à collecter avant décembre 2012
Lors d’une mission à Korhogo, le ministre délégué à la Défense a été apostrophé par un groupe d’ex-combattants, qui n’y sont pas allés du dos de la cuillère pour assener leurs quatre vérités. En possession de leur carte de démobilisés depuis des années, ces jeunes ont mis en cause l’efficacité du processus de réinsertion. La plupart souhaitent intégrer l’armée régulière ou des corps paramilitaires. Exposés à des pressions d’ordre social et économique, les héros d’hier sont devenus des parias. Au nord, tous ces jeunes gens qui ont « installés la démocratie » attendent, pour certains, d’être démobilisés, pour d’autres, un plan de réinsertion.

Les nombreuses structures de réinsertion qui se marchent sur les pieds se rejettent la responsabilité de l’échec de la réinsertion. Le Programme national de réhabilitation et de réinsertion communautaire (PNRRC) est accusé de n’avoir pas fait correctement son travail. La structure dirigée par Daniel Ouattara se défend. Dans une interview publiée les 16 et 17 mars 2012 dans le quotidien gouvernemental, le Coordonnateur du programme national a déclaré que l’argent fait défaut à l’accomplissement efficace de sa mission. «J’ai besoin d’un budget consistant et de procédures d’urgence. S’il faut six mois entre la conception, la planification d’un projet et son exécution, parce que les procédures me l’imposent, les jeunes ne peuvent qu’être impatients et prendre des raccourcis pour se faire de l’argent», a regretté M. Ouattara.

A, l’en croire le budget de trois milliards FCFA est insuffisant pour atteindre ses objectifs. Sa structure a déjà identifié 32.777 éléments des ex- Forces nouvelles (FN) et 38 165 éléments des ex-groupes d’auto-défense (Gad) ou ex-miliciens, avant la crise post électorale. Tous ces démobilisés ont été remobilisés pendant la crise post électorale. Après les événements de décembre 2010 à avril 2011, 38834 jeunes associés aux Forces républicaines de Côte d’Ivoire (JA FRCI) ont été profilés. Ce qui fait un total de 106 776 éléments profilés. 18.222 éléments ont été démobilisés. Ceux-ci peuvent être réinsérés. 17889 éléments des ex-groupes d’autodéfense qui ont été démobilisés sont aussi éligibles au programme de réinsertion. Selon le coordonnateur du PNRRC, seulement 13.473 éléments ont été insérés. Il y a donc une urgence à réinsérer ces jeunes dans le tissu social. Mais, les nombreuses structures passent leur temps à se disputer le leadership. A participer à des séminaires, à perdre le temps dans les réunions.

Les ex-combattants sont oisifs. Or, l’oisiveté est la mère de tous les vices. Pour relever le défi de la sécurité de la Côte d’Ivoire, voire même de la sous région, il est important de concevoir une bonne politique de réinsertion des ex-combattants. Parmi, les structures en charge de la réinsertion, Il y a le projet d’assistance post-conflit (PAPC). Conformément à l`accord de financement, le PAPC est chargé d’améliorer les opportunités de réinsertion économique et l’accès aux services sociaux des communautés et des individus affectés par le conflit ; ceci de façon à contribuer à l’accélération de la sortie de crise et au renforcement des perspectives d’une paix durable. Le PAPC a lancé la première vague du programme d’urgence de réinsertion de 5000 bénéficiaires sur le territoire du District d’Abidjan, le jeudi 10 novembre 2011, en présence du président de la République, Alassane Ouattara. Au titre des acquis, 15000 personnes ont été déjà réinsérées par les différents programmes du PAPC, dont 2594 ex-combattants. L’objectif à terme est la réinsertion de 30 000 ex-combattants, jeunes associés au conflit, avant le 31 décembre 2012.

La Banque mondiale est un partenaire de ces structures. Après l’accord politique de Ouagadougou en avril 2007, un programme de service civique national (PSCN), qui s’occupe de la réinsertion des ex-combattants, a été crée et placé sous la tutelle du premier ministre d’alors, Guillaume Soro. Le Secrétariat National à la Reconstruction et à la Réinsertion (SNRR) a été aussi créé le 25 mars 2010, en substitution au ministère de la Reconstruction et de la Réinsertion, dissout le 12 février 2010, et dont il assure la continuité. Koné Mamadou est le Secrétaire national à la reconstruction et à la réinsertion. Cette structure intervient aussi dans la réinsertion des ex-combattants. Sur le terrain, il y a le ministère des ex-combattants et des victimes de la guerre, dirigé par Babaud Darret. Remarque : le ministre est moins actif. Ces dernières sorties n’ont été consacrées qu’à des actions de sensibilisation.

Un an après sa nomination, les ex-combattants attendent toujours les solutions de leur ministre. L’Onuci a lancé «1000 microprojets», une initiative pilote de réinsertion financée par les Nations Unies. Elle s’inscrit dans le cadre de l’appui au Le Programme national de réhabilitation et de réinsertion communautaire (PNRRC) des ex-combattants et ex-miliciens, mis sur pied par le gouvernement ivoirien et soutenu par les partenaires internationaux (Union Européenne, Banque Mondiale, agences des Nations Unies, les opérations bilatérales et l’Onuci). Le montant du financement par ex-combattant se situe entre 300 000 et 420 000 CFA.

Tous ces projets sont en cours. Un bureau de Ddr a été mis en place à l’état major des armées au Plateau. Le colonel Ali Coulibaly en est le responsable. « Le processus avance bien. Nous y travaillons. Bientôt, vous aurez les résultats», a-t-il promis. La paix est certes de retour mais la question des démobilisés est loin d’être aisée pour Alassane Ouattara. Les récurrents braquages, seule source de revenu de ces démobilisés, constituent un problème sécuritaire en Côte d’Ivoire. Le préfet de Ferkessédougou, Vassiriki Traoré, a crevé l’abcès dans les colonnes de Fraternité matin, en révélant ceci: «En général, tous les coupeurs de route qui ont été pris sont à 80% des Ivoiriens, notamment des ex-combattants ou des jeunes qui ont été associés aux combats. Les autres sont des Burkinabè et des Maliens.» Un indice de taille pour les autorités compétentes.

PATRICK N’GUESSAN
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