Dans une interview accordée à la radio ONUCI FM, le président Mamadou Koulibaly a fait le tour de l`actualité ivoirienne. Le président de l`Assemblée nationale a particulièrement parlé de la crise ivoirienne, de la fronde sociale et enfin de la crise financière internationale. Sur toutes ces questions, surtout celles concernant les problèmes du pays, Mamadou Koulibaly s`est dit inquiet de la situation de la Côte d`Ivoire.
Que peut-on retenir sur la question du financement du processus de sortie de crise. Notamment le processus électoral, la réunification du pays, les autres opérations. Comment est-ce que selon vous en tant qu`économiste, l`on peut y arriver ?
Non. Il y a la sécurisation des frontières. J`ai dit qu`il faut tout de suite redéployer l`administration. Les préfets sont partis mais il faut que les juges, la justice reparte là-bas. Que les policiers, les gendarmes, les casernes, les commissariats de police, toutes les zones occupées s`ouvrent immédiatement. Toutes les brigades de gendarmerie, les pelotons mobiles de gendarmerie s`ouvrent automatiquement. Que les casernes militaires de Bouaké, Korhogo, Séguéla s`ouvrent immédiatement.
En somme, rétablir l`autorité de l`Etat sur l`ensemble du territoire
Ces mouvements, au lieu d`être ressentis comme une défaite ou une capitulation sont au contraire une reconnaissance de la voie de sortie de crise telle que choisie par le dialogue direct. Parce qu`une fois que ce mouvement a lieu, et que parallèlement dans chaque préfecture, les combattants sont identifiés, et qu`à chaque combattant, il est remis un bon, une reconnaissance de l`Etat, les entreprises, les industriels, les hommes d`affaires, les opérateurs économiques qui voient ce mouvement se disent bien, maintenant c`est bon. Si j`ouvre ma station d`essence à Katiola, si j`ouvre mon usine à Korhogo, si j`ouvre ma boutique à Odienné, s`il y a des problèmes, au moins il y a des agents de police qui peuvent faire le constat et mon assurance peut me payer. Et alors, les industriels, les opérateurs économiques, les boutiquiers, les magasiniers, les transporteurs vont repartir, l`agriculture va prendre parce que les clients sont là, la production aussi, les logements sont là, les fonctionnaires arrivent, les enseignants, les lycéens, les collèges bougent, les impôts : C`est un ensemble. On sent d`abord la confiance. On commence à faire confiance, au déploiement et puis l`argent vient ensuite. Tout cet argent versé dans les caisses de l`Etat, on a de quoi financer. Bien sûr le cacao ne fuira plus, le bois ne fuira plus et l`or et le diamant, tout est collecté, vendu localement. Et puis bien entendu tous ces produits qui rentrent de façon frauduleuse à toutes nos frontières à l`Ouest, au Nord comme à l`Est s`arrêtent et notre économie dans le Nord, dans les zones CNO remonte. C`est une chose qui se boucle mais tout commence par la confiance. Mais tant qu`il n`y aura pas de policiers, de gendarmes, de juges, les stations d`essence seront fermées.
Quand on finit de boucler tout ce processus, en tout cas, c`est un package, quand on le boucle, à quand on peut prévoir les élections ?
S`il y a la confiance. Si en face de nous, les gens sont d`accord. Si on commence, ce processus devrait aller très vite. Très très vite.
Mais comment on requiert la confiance entre les Forces nouvelles et le FPI ?
On s`assoit autour d`une table.
Qui peut être autorisé ?
Les forces rebelles, leurs représentants. Les forces du FPI, leurs représentants.
Et les autres partis politiques et les autres acteurs de la vie politique ivoirienne ?
A mon avis, s`ils ont des préoccupations particulières, ils peuvent venir.
Qu`est ce que vous répondez à ceux qui pensent que dans la crise actuelle, la Côte d`Ivoire connaît une gabégie dans la gestion des affaires de l`Etat, notamment au plan économique. En tant qu`économiste, ne trouvez-vous pas qu`il y a un paradoxe ?
Ceux qui le disent ont raison. Dans toutes les crises, dans toutes les guerres, il y a forcément une économie de guerre qui se crée. Une économie parallèle qui laisse de côté les institutions de la République. La Côte d`Ivoire ne fait pas exception. Et d`ailleurs, à partir d`un moment, cette économie de guerre finit par alimenter la guerre elle-même. Lorsque chacun s`installe en se disant, moi j`ai l`or de Séguéla, moi j`ai le diamant de cette zone… Chacun se contente de piller là où il est, parce que personne n`a de compte à rendre à personne.
Il n`y a donc pas de contrôle ?
Il n`y a pas de contrôle. C`est normal dans la situation de guerre. Il n`y a plus d`autorité de l`Etat. L`autorité de l`Etat qui était incarnée par le Président de la République. Mais à partir du moment où on a voulu accepter le Président de la République en lui imposant une sorte de bicéphalisme avec un premier ministre qui est devenu aussi fort. Et l`autorité de l`Etat s`est effritée et personne ne contrôle personne. Il y a des députés de l`Assemblée Nationale qui se disaient à l`époque, je fais ce que je veux, personne ne peut me chasser. Ni le Président de la République, ni le premier ministre, ni même le chef de mon parti. Moi, j`ai eu ma chose, je suis dedans. Si chacun raisonne comme ça au gouvernement, au parlement, dans les Institutions de la République, dans les médias. Je vais vous donner un exemple simple, le cas du parlement. Nous sommes 211 députés. Nous n`avons plus de travail effectif pour développer la Côte d`Ivoire mais nous nous sommes battus pour le maintien de l`Assemblée mais nous n`avons plus de loi. On ne peut pas nous renvoyer, on nous paye quand même.
Et pourquoi ?
Parce que, telle est la situation ; qui va renvoyer les députés ? On ne peut pas prendre un décret ou une loi ? Chacun peut démissionner. Mais pourquoi voulez-vous que je démissionne si ma situation actuelle me permet de vivre. Si je démissionne, je vais manger quoi ?
Est-ce que cet état d`esprit ou ces agissements ne vont pas conduire la Côte d`Ivoire droit dans le mur ?
C`est pour cela que Affi N`guessan a sonné le tocsin pour que nous nous réveillions tous. Pour dire que c`est vrai que la situation dans laquelle nous sommes est bien, on est tranquille. On fait ce qu`on veut et on ne rend compte à personne mais la Côte d`Ivoire est en train de chuter, nous serons tous responsables de sa chute. Et comme au FPI, on n’a pas l`envie d`être responsable de cette chute, le président Affi a levé le ton pour dire attention, là où on s`en va, c`est un cul de sac, il faut nous arrêter et prendre le virage tout de suite pour éviter la sortie de route.
A côté de tout ça, on parle de l`éligibilité de la Côte d`Ivoire au programme PPTE. Tout le monde espère que ce sera une bouée de sauvetage pour l`économie ivoirienne. Alors en tant qu`économiste, partagez-vous cette vision ?
Mais, c`est que l`aide publique au développement n`a jamais permis de développer un pays en voie de développement. Ce qui a permis de développer des pays, ce sont les investissements directs, qui sont réalisés par des hommes d`affaires nationaux ou étrangers dans un pays donné. Si le PPTE qui est la réduction de la dette est perçue comme une stratégie qui permet à un Etat de ne pas rembourser la totalité des intérêts de sa dette, ou de voir même annuler ce remboursement et que cet Etat consacre ces sommes qui auraient pu servir à rembourser la dette, à faire du développement, je comprendrais que c`est une solution. Mais je n`ai pas encore vu de pays ayant réussi en comptant exclusivement sur l`aide publique au développement, sur le PPTE.
Mais pourtant, on serait en train de faire des sacrifices au moins pour être éligible à ce programme.
Si nous réussissons, sinon ceux qui plaident en faveur, c`est plusieurs milliards de francs supplémentaires que nous n`aurons pas utilisés pour payer la dette. Si nous utilisons cet argent pour développer l`école, pour développer la santé, pour développer l`agriculture et moderniser l`administration, la justice et le reste. Mais l`expérience en Afrique, c`est que avant même que le PPTE ne soit mis en place, nous anticipons tous. Quand on dit à un pays africain en février 2009, vous serez éligible au PPTE donc, vous n`aurez plus à payer cent (100) milliards de dette par an cet argent là va être consacré à l`école, à la santé et aux autres, la plupart des gouvernements le sachant, se disent, bon comme l`année prochaine on va avoir le PPTE, on va déjà engager un certain nombre de dépenses cette année et puis le PPTE venant, il n`y a pas de problème. Or cette attitude fait que nous nous éloignons justement du PPTE. Parce que ces mesures qui sont prises avant le PPTE creusent des déficits publics, amènent l`Etat à vivre au-dessus de ses moyens. Or si vous vivez au-dessus de vos moyens, vous êtes mal notés et vous vous éloignez du PPTE.
Dans le cas de la Côte d`Ivoire qu`est-ce qu`il faut faire ?
Dans le cas de la Côte d`Ivoire, avec les difficultés de la crise et le manque de collecte de la totalité des recettes de l`Etat, alors que les dépenses de l`Etat sont énormes et profitent à l`ensemble du pays, nous nous sommes retrouvés dans une situation de dépassement budgétaire extraordinaire. Le budget de 2008 a été voté à deux mille milliards de francs CFA. Puis jusqu`à trois semaines, le gouvernement a dû prendre une ordonnance pour nous amener à trois cent quinze milliards. Les trois cent quinze milliards supplémentaires et compte tenu de la crise, nous avons dû dépenser sans avoir nécessairement de l`argent. S’il y avait eu au moment de la signature de l`accord de Ouaga une unicité des caisses respectée, on n`aurait pas eu un dépassement. Et ce dépassement nous a mis en difficulté vis-à-vis de nos partenaires du FMI et de la Banque Mondiale.
Est-ce que la Côte d`Ivoire a les chances véritables d`être éligible à ce programme
Si nous voulons vraiment être éligible, il nous faut le plus rapidement protéger les frontières de notre pays. Eviter, la contrebande, payer les impôts et verser tous ces impôts dans la caisse de l`Etat et puis, revenir à une bonne gestion avec la possibilité de sanction tous ceux qui s`amusent avec cet argent. Ça demande un petit effort de notre part, de la confiance et de la bonne gouvernance.
La Côte d`Ivoire a été frappée par la crise alimentaire mondiale. Le gouvernement est monté au créneau, qui a pris des mesures pour essayer d`adoucir un peu le choc. Mais nous vivons une crise financière international. Est-ce que la Côte d`Ivoire est à l`abri de cette crise.
La crise financière a frappé les pays qui ont un système financier. Un système financier, c`est un système qui permet à ceux qui ont de l`épargne, qui ont de l`argent d`aller placer cet argent auprès de ceux qui ont besoin de cet argent pour faire des investissements, pour réaliser des projets. Dans notre cas, nos fonds souverains sont déposés au Trésor public français. Notre système bancaire est sous tutelle du Trésor public français. La Bourse des valeurs d`Abidjan n`est pas encore une Bourse des valeurs. Les cotations sont lentes et ne sont pas de nature à encourager les épargnants à aller acheter des actions, des obligations. Et donc ce qui se passe là-bas est trop loin de nous. Ça nous influence parce qu`on voit à la télévision et puis on se dit, tiens, si les Américains, les Européens ont des problèmes de financement, ils ne pourront pas peut-être nous aider à grande quantité, ils ne pourront peut-être pas venir avec leur argent chez vous. Et donc ça peut nous influencer sur ce plan-là. Mais notre système bancaire ne va pas s`écrouler parce qu`il y a eu la crise financière à Wall Street.
Donc la crise financière est loin des pays de la zone franc. On peut le comprendre ainsi.
Loin des pays de la zone franc non. Elle ne nous influence pas au sens où elle va briser notre système bancaire et financier. Mais quand on observe cela, on se rend compte que les Américains ont des problèmes à régler aujourd`hui chez eux et donc l`argent dehors.
Est-ce que ça ne peut pas jouer sur l`aide au développement
Ça joue sur l`aumône qu`ils nous donnent traditionnellement. Sur ce plan-là, on peut pleurer parce que on se dit que l`Europe ne peut plus nous jeter quelques sous à la fenêtre parce qu`elle-même est occupée à régler ses problèmes de déficit, ses problèmes de balance commerciale, de déficit budgétaire, d`emploi, de chômage, de sécurité sociale. Bon on peut pleurnicher.
Sur ce plan-là, on est influencé. Nous allons dire un mot sur la Côte d`Ivoire. En ce début d`année 2009, les Ivoiriens dans les grandes majorités ont payé un lourd tribut de cette situation de crise. Qu`est-ce qu`il faut pour rassurer ces travailleurs, toutes ces populations.
Je suis même étonné que les Ivoiriens aient pu tenir tous sans que l`ébullition ne puisse atteindre son paroxysme. Je crois que les gens sont très attachés à leur pays. Aujourd`hui à mon avis compte tenu des contingences sociales, compte tenu de la crise parce qu`il ne faut pas oublier que beaucoup de gens en Afrique vivent et sont obligés de travailler pour s`occuper de leurs parents et de leurs enfants, tous s`accrochent. Pour permettre de supporter plus facilement les derniers moments de la crise il nous faut ouvrir l`avenir afin que les autres puissent voir clair dans les différentes étapes difficiles. Il faut que nous ayons un programme clair afin que chaque citoyen puisse se dire que l`impôt est payé à Bouaké, le courant y est payé, l`eau courante y est payée, les opérateurs économiques s`en vont là-bas, les policiers qui sont payés et qui sont ici retournent à leur poste. La criminalité est en train d`augmenter ainsi que le chômage. C`est pourquoi il faut dire aux gens de se calmer et que l`avenir est proche.
Professeur Mamadou Koulibaly, rappelons que vous êtes le président de l`Assemblée nationale de Côte d`Ivoire. En 2009, quels sont les vœux que vous formulez pour votre pays et pour l`ensemble des populations ?
Ceux sont des vœux traditionnels que l`on forme en général pour ceux qu`on aime. Il s`agit du bonheur, de la santé et de la prospérité. Et j`aimerais que la fin de 2008 et le début de 2009 nous inspirent et que cette inspiration laisse bien apercevoir que ce qui se joue aujourd`hui, n`est ni l`avenir du FPI, ni l`avenir du RDR ni l`avenir du PDCI ni l`avenir de leurs leaders et qu`il s`agit du devenir de notre pays. Et je formule que nous réfléchissons et nous pensons à nos enfants, à ceux qui vont venir demain. Nous sommes des hommes, nous ne sommes pas venus sur la terre pour vivre dans la misère, la pauvreté avec les ordures devant nos portes. Nous sommes venus sur terre pour vivre comme des hommes. Il faut que nous puissions être dignes de cette confiance que Dieu a mise en nous. Si nous reconnaissons que nous sommes des hommes, nous saurons que nous ne sommes pas d`abord Sénoufo, Guéré, Yacouba avant d`être homme. Nous sommes d`abord hommes. Et parmi les hommes, il y a des noirs, et parmi les noirs on est des Africains et parmi les Africains nous sommes des Ivoiriens et parmi les Ivoiriens nous sommes Yacouba, Guéré, Baoulé. L`on ne suit pas son groupe ethnique avant d`être Ivoirien. Je voulais formuler le vœu afin que nous puissions sortir de notre prison tribale et ethnique. C`est ce qu`il fait qu`il y a souvent rupture de confiance entre nous. Cela, je ne le dis pas pour les populations et les villages. Je le dis pour les autres Ivoiriens parce que c`est eux qui utilisent la fibre ethnique et tribale pour se positionner politiquement. Je voudrais qu`en 2009 l`on ait plus cet esprit là.
Propos retranscris sur ONUCI-FM par
Djè K. M, Jules Claver Aka, Dieusmonde Tadé
et Foumséké Coulibaly
Que peut-on retenir sur la question du financement du processus de sortie de crise. Notamment le processus électoral, la réunification du pays, les autres opérations. Comment est-ce que selon vous en tant qu`économiste, l`on peut y arriver ?
Non. Il y a la sécurisation des frontières. J`ai dit qu`il faut tout de suite redéployer l`administration. Les préfets sont partis mais il faut que les juges, la justice reparte là-bas. Que les policiers, les gendarmes, les casernes, les commissariats de police, toutes les zones occupées s`ouvrent immédiatement. Toutes les brigades de gendarmerie, les pelotons mobiles de gendarmerie s`ouvrent automatiquement. Que les casernes militaires de Bouaké, Korhogo, Séguéla s`ouvrent immédiatement.
En somme, rétablir l`autorité de l`Etat sur l`ensemble du territoire
Ces mouvements, au lieu d`être ressentis comme une défaite ou une capitulation sont au contraire une reconnaissance de la voie de sortie de crise telle que choisie par le dialogue direct. Parce qu`une fois que ce mouvement a lieu, et que parallèlement dans chaque préfecture, les combattants sont identifiés, et qu`à chaque combattant, il est remis un bon, une reconnaissance de l`Etat, les entreprises, les industriels, les hommes d`affaires, les opérateurs économiques qui voient ce mouvement se disent bien, maintenant c`est bon. Si j`ouvre ma station d`essence à Katiola, si j`ouvre mon usine à Korhogo, si j`ouvre ma boutique à Odienné, s`il y a des problèmes, au moins il y a des agents de police qui peuvent faire le constat et mon assurance peut me payer. Et alors, les industriels, les opérateurs économiques, les boutiquiers, les magasiniers, les transporteurs vont repartir, l`agriculture va prendre parce que les clients sont là, la production aussi, les logements sont là, les fonctionnaires arrivent, les enseignants, les lycéens, les collèges bougent, les impôts : C`est un ensemble. On sent d`abord la confiance. On commence à faire confiance, au déploiement et puis l`argent vient ensuite. Tout cet argent versé dans les caisses de l`Etat, on a de quoi financer. Bien sûr le cacao ne fuira plus, le bois ne fuira plus et l`or et le diamant, tout est collecté, vendu localement. Et puis bien entendu tous ces produits qui rentrent de façon frauduleuse à toutes nos frontières à l`Ouest, au Nord comme à l`Est s`arrêtent et notre économie dans le Nord, dans les zones CNO remonte. C`est une chose qui se boucle mais tout commence par la confiance. Mais tant qu`il n`y aura pas de policiers, de gendarmes, de juges, les stations d`essence seront fermées.
Quand on finit de boucler tout ce processus, en tout cas, c`est un package, quand on le boucle, à quand on peut prévoir les élections ?
S`il y a la confiance. Si en face de nous, les gens sont d`accord. Si on commence, ce processus devrait aller très vite. Très très vite.
Mais comment on requiert la confiance entre les Forces nouvelles et le FPI ?
On s`assoit autour d`une table.
Qui peut être autorisé ?
Les forces rebelles, leurs représentants. Les forces du FPI, leurs représentants.
Et les autres partis politiques et les autres acteurs de la vie politique ivoirienne ?
A mon avis, s`ils ont des préoccupations particulières, ils peuvent venir.
Qu`est ce que vous répondez à ceux qui pensent que dans la crise actuelle, la Côte d`Ivoire connaît une gabégie dans la gestion des affaires de l`Etat, notamment au plan économique. En tant qu`économiste, ne trouvez-vous pas qu`il y a un paradoxe ?
Ceux qui le disent ont raison. Dans toutes les crises, dans toutes les guerres, il y a forcément une économie de guerre qui se crée. Une économie parallèle qui laisse de côté les institutions de la République. La Côte d`Ivoire ne fait pas exception. Et d`ailleurs, à partir d`un moment, cette économie de guerre finit par alimenter la guerre elle-même. Lorsque chacun s`installe en se disant, moi j`ai l`or de Séguéla, moi j`ai le diamant de cette zone… Chacun se contente de piller là où il est, parce que personne n`a de compte à rendre à personne.
Il n`y a donc pas de contrôle ?
Il n`y a pas de contrôle. C`est normal dans la situation de guerre. Il n`y a plus d`autorité de l`Etat. L`autorité de l`Etat qui était incarnée par le Président de la République. Mais à partir du moment où on a voulu accepter le Président de la République en lui imposant une sorte de bicéphalisme avec un premier ministre qui est devenu aussi fort. Et l`autorité de l`Etat s`est effritée et personne ne contrôle personne. Il y a des députés de l`Assemblée Nationale qui se disaient à l`époque, je fais ce que je veux, personne ne peut me chasser. Ni le Président de la République, ni le premier ministre, ni même le chef de mon parti. Moi, j`ai eu ma chose, je suis dedans. Si chacun raisonne comme ça au gouvernement, au parlement, dans les Institutions de la République, dans les médias. Je vais vous donner un exemple simple, le cas du parlement. Nous sommes 211 députés. Nous n`avons plus de travail effectif pour développer la Côte d`Ivoire mais nous nous sommes battus pour le maintien de l`Assemblée mais nous n`avons plus de loi. On ne peut pas nous renvoyer, on nous paye quand même.
Et pourquoi ?
Parce que, telle est la situation ; qui va renvoyer les députés ? On ne peut pas prendre un décret ou une loi ? Chacun peut démissionner. Mais pourquoi voulez-vous que je démissionne si ma situation actuelle me permet de vivre. Si je démissionne, je vais manger quoi ?
Est-ce que cet état d`esprit ou ces agissements ne vont pas conduire la Côte d`Ivoire droit dans le mur ?
C`est pour cela que Affi N`guessan a sonné le tocsin pour que nous nous réveillions tous. Pour dire que c`est vrai que la situation dans laquelle nous sommes est bien, on est tranquille. On fait ce qu`on veut et on ne rend compte à personne mais la Côte d`Ivoire est en train de chuter, nous serons tous responsables de sa chute. Et comme au FPI, on n’a pas l`envie d`être responsable de cette chute, le président Affi a levé le ton pour dire attention, là où on s`en va, c`est un cul de sac, il faut nous arrêter et prendre le virage tout de suite pour éviter la sortie de route.
A côté de tout ça, on parle de l`éligibilité de la Côte d`Ivoire au programme PPTE. Tout le monde espère que ce sera une bouée de sauvetage pour l`économie ivoirienne. Alors en tant qu`économiste, partagez-vous cette vision ?
Mais, c`est que l`aide publique au développement n`a jamais permis de développer un pays en voie de développement. Ce qui a permis de développer des pays, ce sont les investissements directs, qui sont réalisés par des hommes d`affaires nationaux ou étrangers dans un pays donné. Si le PPTE qui est la réduction de la dette est perçue comme une stratégie qui permet à un Etat de ne pas rembourser la totalité des intérêts de sa dette, ou de voir même annuler ce remboursement et que cet Etat consacre ces sommes qui auraient pu servir à rembourser la dette, à faire du développement, je comprendrais que c`est une solution. Mais je n`ai pas encore vu de pays ayant réussi en comptant exclusivement sur l`aide publique au développement, sur le PPTE.
Mais pourtant, on serait en train de faire des sacrifices au moins pour être éligible à ce programme.
Si nous réussissons, sinon ceux qui plaident en faveur, c`est plusieurs milliards de francs supplémentaires que nous n`aurons pas utilisés pour payer la dette. Si nous utilisons cet argent pour développer l`école, pour développer la santé, pour développer l`agriculture et moderniser l`administration, la justice et le reste. Mais l`expérience en Afrique, c`est que avant même que le PPTE ne soit mis en place, nous anticipons tous. Quand on dit à un pays africain en février 2009, vous serez éligible au PPTE donc, vous n`aurez plus à payer cent (100) milliards de dette par an cet argent là va être consacré à l`école, à la santé et aux autres, la plupart des gouvernements le sachant, se disent, bon comme l`année prochaine on va avoir le PPTE, on va déjà engager un certain nombre de dépenses cette année et puis le PPTE venant, il n`y a pas de problème. Or cette attitude fait que nous nous éloignons justement du PPTE. Parce que ces mesures qui sont prises avant le PPTE creusent des déficits publics, amènent l`Etat à vivre au-dessus de ses moyens. Or si vous vivez au-dessus de vos moyens, vous êtes mal notés et vous vous éloignez du PPTE.
Dans le cas de la Côte d`Ivoire qu`est-ce qu`il faut faire ?
Dans le cas de la Côte d`Ivoire, avec les difficultés de la crise et le manque de collecte de la totalité des recettes de l`Etat, alors que les dépenses de l`Etat sont énormes et profitent à l`ensemble du pays, nous nous sommes retrouvés dans une situation de dépassement budgétaire extraordinaire. Le budget de 2008 a été voté à deux mille milliards de francs CFA. Puis jusqu`à trois semaines, le gouvernement a dû prendre une ordonnance pour nous amener à trois cent quinze milliards. Les trois cent quinze milliards supplémentaires et compte tenu de la crise, nous avons dû dépenser sans avoir nécessairement de l`argent. S’il y avait eu au moment de la signature de l`accord de Ouaga une unicité des caisses respectée, on n`aurait pas eu un dépassement. Et ce dépassement nous a mis en difficulté vis-à-vis de nos partenaires du FMI et de la Banque Mondiale.
Est-ce que la Côte d`Ivoire a les chances véritables d`être éligible à ce programme
Si nous voulons vraiment être éligible, il nous faut le plus rapidement protéger les frontières de notre pays. Eviter, la contrebande, payer les impôts et verser tous ces impôts dans la caisse de l`Etat et puis, revenir à une bonne gestion avec la possibilité de sanction tous ceux qui s`amusent avec cet argent. Ça demande un petit effort de notre part, de la confiance et de la bonne gouvernance.
La Côte d`Ivoire a été frappée par la crise alimentaire mondiale. Le gouvernement est monté au créneau, qui a pris des mesures pour essayer d`adoucir un peu le choc. Mais nous vivons une crise financière international. Est-ce que la Côte d`Ivoire est à l`abri de cette crise.
La crise financière a frappé les pays qui ont un système financier. Un système financier, c`est un système qui permet à ceux qui ont de l`épargne, qui ont de l`argent d`aller placer cet argent auprès de ceux qui ont besoin de cet argent pour faire des investissements, pour réaliser des projets. Dans notre cas, nos fonds souverains sont déposés au Trésor public français. Notre système bancaire est sous tutelle du Trésor public français. La Bourse des valeurs d`Abidjan n`est pas encore une Bourse des valeurs. Les cotations sont lentes et ne sont pas de nature à encourager les épargnants à aller acheter des actions, des obligations. Et donc ce qui se passe là-bas est trop loin de nous. Ça nous influence parce qu`on voit à la télévision et puis on se dit, tiens, si les Américains, les Européens ont des problèmes de financement, ils ne pourront pas peut-être nous aider à grande quantité, ils ne pourront peut-être pas venir avec leur argent chez vous. Et donc ça peut nous influencer sur ce plan-là. Mais notre système bancaire ne va pas s`écrouler parce qu`il y a eu la crise financière à Wall Street.
Donc la crise financière est loin des pays de la zone franc. On peut le comprendre ainsi.
Loin des pays de la zone franc non. Elle ne nous influence pas au sens où elle va briser notre système bancaire et financier. Mais quand on observe cela, on se rend compte que les Américains ont des problèmes à régler aujourd`hui chez eux et donc l`argent dehors.
Est-ce que ça ne peut pas jouer sur l`aide au développement
Ça joue sur l`aumône qu`ils nous donnent traditionnellement. Sur ce plan-là, on peut pleurer parce que on se dit que l`Europe ne peut plus nous jeter quelques sous à la fenêtre parce qu`elle-même est occupée à régler ses problèmes de déficit, ses problèmes de balance commerciale, de déficit budgétaire, d`emploi, de chômage, de sécurité sociale. Bon on peut pleurnicher.
Sur ce plan-là, on est influencé. Nous allons dire un mot sur la Côte d`Ivoire. En ce début d`année 2009, les Ivoiriens dans les grandes majorités ont payé un lourd tribut de cette situation de crise. Qu`est-ce qu`il faut pour rassurer ces travailleurs, toutes ces populations.
Je suis même étonné que les Ivoiriens aient pu tenir tous sans que l`ébullition ne puisse atteindre son paroxysme. Je crois que les gens sont très attachés à leur pays. Aujourd`hui à mon avis compte tenu des contingences sociales, compte tenu de la crise parce qu`il ne faut pas oublier que beaucoup de gens en Afrique vivent et sont obligés de travailler pour s`occuper de leurs parents et de leurs enfants, tous s`accrochent. Pour permettre de supporter plus facilement les derniers moments de la crise il nous faut ouvrir l`avenir afin que les autres puissent voir clair dans les différentes étapes difficiles. Il faut que nous ayons un programme clair afin que chaque citoyen puisse se dire que l`impôt est payé à Bouaké, le courant y est payé, l`eau courante y est payée, les opérateurs économiques s`en vont là-bas, les policiers qui sont payés et qui sont ici retournent à leur poste. La criminalité est en train d`augmenter ainsi que le chômage. C`est pourquoi il faut dire aux gens de se calmer et que l`avenir est proche.
Professeur Mamadou Koulibaly, rappelons que vous êtes le président de l`Assemblée nationale de Côte d`Ivoire. En 2009, quels sont les vœux que vous formulez pour votre pays et pour l`ensemble des populations ?
Ceux sont des vœux traditionnels que l`on forme en général pour ceux qu`on aime. Il s`agit du bonheur, de la santé et de la prospérité. Et j`aimerais que la fin de 2008 et le début de 2009 nous inspirent et que cette inspiration laisse bien apercevoir que ce qui se joue aujourd`hui, n`est ni l`avenir du FPI, ni l`avenir du RDR ni l`avenir du PDCI ni l`avenir de leurs leaders et qu`il s`agit du devenir de notre pays. Et je formule que nous réfléchissons et nous pensons à nos enfants, à ceux qui vont venir demain. Nous sommes des hommes, nous ne sommes pas venus sur la terre pour vivre dans la misère, la pauvreté avec les ordures devant nos portes. Nous sommes venus sur terre pour vivre comme des hommes. Il faut que nous puissions être dignes de cette confiance que Dieu a mise en nous. Si nous reconnaissons que nous sommes des hommes, nous saurons que nous ne sommes pas d`abord Sénoufo, Guéré, Yacouba avant d`être homme. Nous sommes d`abord hommes. Et parmi les hommes, il y a des noirs, et parmi les noirs on est des Africains et parmi les Africains nous sommes des Ivoiriens et parmi les Ivoiriens nous sommes Yacouba, Guéré, Baoulé. L`on ne suit pas son groupe ethnique avant d`être Ivoirien. Je voulais formuler le vœu afin que nous puissions sortir de notre prison tribale et ethnique. C`est ce qu`il fait qu`il y a souvent rupture de confiance entre nous. Cela, je ne le dis pas pour les populations et les villages. Je le dis pour les autres Ivoiriens parce que c`est eux qui utilisent la fibre ethnique et tribale pour se positionner politiquement. Je voudrais qu`en 2009 l`on ait plus cet esprit là.
Propos retranscris sur ONUCI-FM par
Djè K. M, Jules Claver Aka, Dieusmonde Tadé
et Foumséké Coulibaly