L'usine Armajaro spécialisée dans l'exportation du café et cacao a reçu hier la visite musclée d'un détachement de la gendarmerie qui a fait plusieurs blessés. Journée mouvementée et triste hier pour les employés de la société Armajaro spécialisée dans l'exportation du café et cacao en zone portuaire de Vridi. Des ouvriers qui s'apprêtaient à commencer leur journée de travail, ont été surpris par une occupation musclée du site par un détachement important des gendarmes de la brigade de Port-Bouët qui ont quadrillé toute la zone, armes aux poings. Le spectacle ressemblait à un état de siège et tout passage de véhicules et de personnes était filtré. Pendant que les travailleurs d'Armajaro étaient tenus à l'écart de leur entreprise par la présence impressionnante des gendarmes, les agents des autres entreprises qui n'avaient pas voulu prendre de risque ont dû faire un long détour pour avoir accès à leur société. Plusieurs blessés Selon Karamoko Mamadi, chef de production de l'usine de café cacao, c'est précisément vers 6h du matin que les éléments de la gendarmerie ont fait irruption sur les lieux. «On avait des collègues qui avaient terminé le service de nuit. Lorsqu'ils ont entendu les mouvements des hommes en armes, ils se sont enfermés à l'intérieur, ne sachant pas ce qui se passe. Les gendarmes qui avaient du mal à avoir accès au site, sont allés chercher des ferrailleurs pour casser le portail de l'usine », explique-t-il très remonté. Selon lui, une fois à l'intérieur, les forces de l'ordre ont brisé les vitres de toutes les issues pour lancer des grenades lacrymogènes en vue d'expulser les travailleurs. «Devant l'odeur insupportable du gaz lacrymogène, nos collègues se sont livrés. Ils ont été passés à tabac par les gendarmes qui ont conduit une dizaine d'entre eux à la brigade de Port-Bouët dont le chef de quart, les techniciens de surface, les vigiles. Ce n'est pas normal ce qui se passe », s'indigne Karamoko Mamadi qui estime que c'est un abus de pouvoir dont se sont rendus coupables les gendarmes. «Nous ne comprenons pas qu'une entreprise qui est en pleine production, soit attaquée par des hommes censés faire respecter la loi. C'est extrêmement grave ce qu'on vit aujourd'hui car c'est 400 chefs de famille qui viennent de se retrouver dans la rue en cette période marquée par un fort rétrécissement du marché du travail», déplore-t-il avec véhémence. Le Directeur général de Armajaro, Ismaël Koné, rencontré sur les lieux n'a pas caché son mécontentement et sa peine devant l'expulsion manu militari de ses employés, indiquant que son entreprise paie le lourd tribut de la guéguerre entre le propriétaire du site le Fdpcc et le premier locataire de l'usine Roula Ahmed, gérant de la société Caf Ivoire. Une perte d'un milliard de Fcfa «Nous avons été expulsé sans motif légal de notre lieu de travail. Or nous jouissons pleinement de nos droits dans la mesure où nous avons un contrat de bail signé en bonne et due forme avec le Fdpcc. Je suis scandalisé et outré par le spectacle auquel se sont adonnés les gendarmes et M. Roula», fustige le Directeur général, dénonçant que sa structure est quotidiennement perturbée par l'ancien locataire du site «qui use souvent de moyens peu recommandables pour chercher à entraver notre fonctionnement.» En effet, l'entreprise de M. Roula qui occupait le site avait des impayés de loyers estimés à plus de 200 millions de Fcfa. Suite à une procédure judiciaire engagée au tribunal de première instance, le Fdpcc obtient l'expulsion de Roula le 12 août 2008. M. Roula a interjeté appel dont la décision ne sera connue que le 9 janvier en principe. Entre-temps, le propriétaire du site proposera une offre locative à Ismaël Koné qui a répondu favorablement avant d'occuper le local. «Depuis cette installation, nous ne sommes que perturbé quotidiennement par des venues d'huissier, de gendarmes, de policiers avec des méthodes d'intimidation, des injures…Malheureusement, on est en train de transporter ce problème sur un terrain politique. Or nous ne sommes que des opérateurs économiques. Même si nous avons des frères qui eux, peuvent avoir une activité politique. Mais cela ne doit pas entraver le bon déroulement de l'activité économique», s'offusque le Dg d'Armajaro. Il trouve «malsain» que l'ancien locataire n'attende pas la décision de la Cour d'appel avant d'agir en utilisant les gendarmes qui ont reçu également les ordres de leur hiérarchie. A l'en croire, l'entreprise qui traite 600 tonnes de cacao par jour vient de subir une perte de 700 millions voire un milliard de Fcfa. «On lance un appel à l'opinion nationale parce qu'il s'agit d'une société qui contribue au développement économique du pays. Nous soutenons l'Etat en payant nos taxes et nos impôts, on ne peut pas nous traiter de la sorte, sachant que nous sommes dans la légalité», lance Ismaël Koné qui rappelle que sa structure a investi plusieurs milliards de Fcfa pour remettre l'usine en l'état. Nos tentatives pour joindre Roula Ahmed sont restées vaines.
Cissé Cheick Ely
Cissé Cheick Ely