Lettre ouverte à 2009

Je t'écris cette lettre pour te dire tout le plaisir que j'éprouve de te voir arriver et surtout pour te parler de notre situation. Tu sais, ta petite sœur 2008 a fait ce qu'elle a pu. Comme nous l'avons fait pour toi, nous l'avions accueilli avec des feux d'artifice qui nous ont coûté parfois, les yeux de la tête ; du petit matin jusqu'au grand soir, le champagne a coulé et la nourriture ne finissait pas de remplir nos ventres. Cette ferveur qui nous a animés en te voyant poindre à l'horizon, elle l'a connue. Elle est parti en nous laissant de bons comme de mauvais souvenirs. En effet, avec elle nous avons démarré l'enrôlement pour l'acquisition de la carte d'identité et pour prendre part aux élections. Elle a permis à des populations d'avoir l'eau courante et l'électricité. Ne t'étonne pas, car dans nos pays, il y a encore des populations qui ne bénéficient pas du minimum vital et qui ne profitent pas encore des bienfaits du progrès: c'est cela le sous-développement. De nouvelles écoles ont pu ouvrir leurs portes permettant ainsi à de nombreux élèves de recevoir une instruction adéquate et d'obtenir des diplômes. Avec 2008, nous avons vraiment pris la route qui mène à la paix. Chaque ivoirien et chaque habitant de ce pays le sent : la paix n'est plus très loin. Mais le vrai virage, c'est celui des élections et c'est là que nous t'attendons. Mais je t'en parlerai tout à l'heure. Ta petite sœur a du cran : elle a mis sous les verrous les responsables du déversement des déchets toxiques et surtout, les puissants maîtres du café-cacao. Si tu ne me crois pas, tu peux faire un tour à la MACA, ils y sont encore. La sécurité ? Il n'y a pas grand-chose à signaler à ce niveau ; tu sais bien que c'est relatif. Cependant, notre indice en matière d'insécurité a été revu à la baisse : donc c'est satisfaisant dans l'ensemble. Des prisonniers voulaient s'évader de la MACA : ils ont tenté une mutinerie qui a été vite maîtrisée. Il y a tout de même des personnes peu avisées qui ont semé le trouble et le désarroi dans le cœur des populations. Je ne sais par quel stratagème, mais ils ont réussi à faire courir la plus folle des rumeurs en faisant croire que des individus armés et véhiculés enlevaient les personnes en masse, en particulier les enfants, et qu'ils allaient jusque dans les écoles, voire dans les classes, pour commettre leur soi-disant forfait. Bref, ça a fait des remous pendant quelques jours mais tout s'est dissipé comme par enchantement. Tu vois, tu devras faire attention à ce genre de manipulations et à ces informations qui n'auront d'autres buts que de te déstabiliser. N'oublie pas que tu as un mandat de 365 jours un quart et tu sais comme moi que dans ta fonction, il n' ya pas de prolongation encore moins des amendements pour te maintenir à vie. Au nombre des mauvais souvenirs que nous a laissé ta défunte sœur, il y a les incessantes grèves au nombre desquelles figurent en bonne place, les émeutes liées à la cherté du coût de la vie. En Côte d'Ivoire comme partout dans le monde, il est quasiment impossible de vivre convenablement. Les prix des denrées de première nécessité ont flambé : le riz, le lait, le sucre, la viande, la farine et j'en passe, tout est devenu cher. Tu peux le constater, on ne vit plus, on survit. Oui, tu as bien saisi mes propos. A côté des factures de toutes sortes qui ne cessent de grimper comme par magie, des impôts et autres taxes qui nous tombent sur la tête, se déplacer en taxi (même communal) est devenu un luxe. Quand tu te promèneras fais attention, observe : de plus en plus d'hommes et de femmes préfèrent marcher par souci d'économie. Mieux vaut user les semelles que de se vider les poches. Pendant une semaine, les transporteurs ont arrêté de travailler pour protester contre l'augmentation du prix du carburant. Tout augmente. Tout, sauf les salaires. Pardon, aies pitié de nous. Ne nous laisse pas croupir et moisir dans cette vie qui nous appauvrit de jour en jour. 2008 a certainement battu le record du monde de grève, car les avocats aussi ce sont mis dans la danse pour une affaire les opposant aux magistrats. Tu sais moi j'ai un peu honte de nous : à longueur de journée nous nous plaignons qu'Abidjan est sale, mais en fait, c'est nous qui sommes sales quand nous jetons nos ordures n'importe comment, impossible de s'approcher d'une poubelle pour y déposer nos bouts de papiers ou nos sachets. Et les ordures s'accumulent, s'entassent partout forçant les abords des quartiers résidentiels à devenir des décharges publiques. Tu verras toi-même comme nous sommes prompts à salir les endroits que d'autres s'évertuent à rendre propre. Là où 2008 a vraiment fait reculer l'insalubrité, c'est au niveau de l'échangeur de l'Indénié. Ce haut lieu de l'insalubrité a fait peau neuve et brille de mille feux la nuit venue. La bibliothèque Nationale longtemps laissée à l'abandon revit, je dirai même qu'elle fleurit de nouveau en offrant aux enfants, un espace de lecture et aux plus grands des occasions pour célébrer le livre. 2008 a arraché à notre affection des personnes qui nous sont chères. Oui, c'est la vie mais la douleur est toujours là : Joelle Cet, Kounta, Hien Touviel Sébastien et le professeur Harris Memel Foteh. Et tous nos parents, amis et connaissances. Maintenant que tu es là, il est de bon augure que je te présente au nom des ivoiriens les vœux de santé et de paix ; vœux de santé et de prospérité. Mais surtout, tous les vœux de réussite dans ta délicate mission. Tu la connais mieux que nous : arrange-toi pour qu'aient lieu sous ton mandat les élections. Attention, nous voulons des élections justes et transparentes avec des résultats clairs et nets pour tous comme au Ghana. Inspirent les différents candidats afin qu'ils acceptent le verdict des urnes. A l'instar d'Obama et de Mc Cain, que chacun sache quel est son rôle : œuvrer pour une paix durable ou contribuer à semer la désolation dans le pays ? Qu'ils s'interrogent avant de se présenter. Sur le plan social, je t'ai déjà dit combien nous sommes devenus pauvres et combien de fois la vie devient impossible. Pourquoi aller à l'école, faire de longues études, obtenir tous les diplômes pour se retrouver dans l'interminable file des chômeurs ? Cette question hante les nuits de nombreux jeunes en quête d'un premier emploi. Je t'en supplie, aide-les. Essaie autant que tu peux, de régler le problème d'embouteillage : nous avons plus que besoin du troisième pont qui est resté dans les tiroirs de nos ingénieurs. Excuse-moi de t'étaler tous nos problèmes, mais il faut que tu les connaisses dans les moindres détails pour nous aider à les résoudre.

Sincèrement, essaie de nous éviter les accidents graves, les femmes qui meurent en couche, les malades qui sont livrés à eux-mêmes dans les hôpitaux et autres centres de santé ; touche le cœur des forces de l'ordre pour qu'ils pensent plus à la sécurité des populations qu'au racket qui n'arrondit pas leur fin de mois, mais leurs poches ; essaie de diminuer le taux de corruption dans tous les services et fais naître en nos travailleurs, la conscience professionnelle. Bon je vais te laisser car je te sais très occupé. Tu es un nouvel an, et tout le monde fonde sur toi, les espoirs les plus légitimes et les plus fous. Je t'attends le 31 décembre pour le bilan. Avec tous mes vœux et toute mon amitié.

Koutouan Loba Patrick Ecrivain, Poète