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Société Publié le jeudi 15 janvier 2009 | Nord-Sud

Mal payés, mal classés, impuissants devant les indigents… : Dans la galère des assistants sociaux

Bons Samaritains de l'administration ivoirienne, les assistants sociaux sont démunis et désespérés devant des cas dramatique. Tout comme ils sont les parents pauvres de la Fonction publique avec un quotidien ardu et un avenir brumeux.

Ils n'ont pas prononcé de vœux de pauvreté, mais leur travail s'assimile à un sacerdoce qui les confine à demeurer dans les arcanes de la misère. Etre assistant social ne signifie normalement pas être démuni, mais les circonstances de leur mission les y obligent. De la formation, au classement catégoriel dans la grille salariale de la Fonction publique jusqu'à leur lieu de travail, les assistants sociaux qui sont devenus eux-mêmes des cas sociaux côtoient la misère. Si ce ne sont pas des morts qu'ils gardent sur leur conscience, ce sont des injures qu'ils reçoivent de la part de ceux qui les sollicitent et pour qui, ils n'ont pas la possibilité de réagir par faute de moyens. Ce secteur d'activité hautement noble et prioritaire en Occident est le parent pauvre de l'administration ivoirienne. Pourtant, des grandes dames comme Mmes Thérèse Houphouët Boigny, N'Koumo Mobio, Albert Amichia (la mère du maire de Treichville) ont servi dans la sécurité sociale. Pour mémoire, c'est en 1955 qu'a été pris le décret portant création du service social Côte d'Ivoire. Un demi-siècle après, quel regard peut-on porter sur ces hommes et femmes qui ont décidé de consacrer leur vie pour le bien-être du prochain qui ne peut pas subvenir à ses besoins les plus élémentaires ?


Aberrations dans la formation

C'est l'Institut national de formation sociale (Infs) qui accueille tous ceux qui veulent travailler dans le domaine de la sécurité sociale. Dans cette école de la bonne cause, il y a deux niveaux de recrutement. On peut y entrer avec le Bepc et après deux années de formation, l'on est recruté à la Fonction publique dans la catégorie C3 en tant qu'assistant social-adjoint avec un revenu mensuel 88.000 Fcfa. Le deuxième niveau concerne les assistants sociaux. Ceux-ci accèdent par voie de concours à l'Infs avec le niveau Bac. Après trois années de formation, ils intègrent la Fonction publique dans la catégorie B3 avec comme salaire net mensuel 118.936 F cfa. Ce qui écœure les travailleurs selon le tout nouveau secrétaire général du Syndicat national des assistants sociaux de Côte d'Ivoire (Synasci), Kpla Kadio Georges, c'est le manque de visibilité dans leur carrière. « Il n'y a pas de cycle supérieur à l'Infs, ce qui fait que le l'assistant social n'a aucun profil de carrière. On commence en tant qu'assistant social et on va à la retraite avec ce même statut », déplore-t-il. La formation de Bac+3 dans l'administration publique équivaut au grade A3, l'on peut en toute logique se demander pourquoi les travailleurs sociaux sont classés en B3 alors qu'ils font trois années de formation à l'Infs après leur Bac ? Par ailleurs, c'est le seul corps de métier de l'administration publique ivoirienne qui, selon Kpla Georges, « ne bénéficie d'aucune indemnité, d'aucune prime encore moins d'avantages. Pourtant quand c'est le privé qui vous emploie, on vous affecte avant toute chose un véhicule de fonction avant même de discuter de salaire qui, de très loin, n'a rien à avoir avec ce que l'on touche à la fonction publique ». Le métier d'assistant social, au regard du travail qu'ils abattent et aux réalités auxquelles ils sont confrontés au quotidien peut être appréhendé comme un sacerdoce. Dans l'exercice de leur fonction, ils n'ont pas la gestion directe des fonds qui leur sont alloués. Ceci limite considérablement leur champ d'action. Mme K. Hermine, qui exerçait dans une pouponnière raconte avec beaucoup d'amertume l'expérience malheureuse qu'elle a vécue. « J'ai fait la pouponnière pendant sept ans. Il y a certes un budget qui nous est alloué ; mais souvent les pharmaciens refusent de nous livrer les médicaments pour les enfants quand l'Etat n'honore pas ses engagements. Nous sommes obligés de courir partout. en 2005, j'ai eu un enfant qui est mort dans mes bras parce que les parents n'avaient pas les moyens pour l'envoyer à l'hôpital », indique-t-elle avec regret.


L'impuissance…

Elle rapporte dans cette même veine qu'en 2006, le gardien du centre social de Koumassi est mort sous les yeux de l'assistante sociale des lieux au Chu de Cocody, tout simplement parce que la procédure pour avoir une prise en charge complète était trop longue. A. Koffi a servi de 2006 à 2007 au Chu de Yopougon. « Le service social de cet établissement sanitaire de référence, à l'instar de la plupart des autres services sociaux du pays n'a pas de budget direct. Quand un indigent vient vers vous, pour une simple plaquette de paracétamol, vous ne pouvez pas réagir et il peut par la suite mourir de son mal » déplore-t-il. Dans le même ordre d'idée, cet agent avance que cette impuissance de l'assistant social devant des cas qui choquent la conscience humaine est légion dans l'exercice de leur fonction. «Lorsqu'il y a des accidentés de la circulation qui sont évacués aux urgences sans parents par exemple, il y a ce qu'on appelle le « Bon pour » qui est un fonds qui permet d'administrer les premiers soins à l'accidenté. Mais l'assistant social ne détient pas ce fonds ; ce qui fait qu'on assiste impuissamment à des décès sans être en mesure de réagir ». Au regard de tous ces faits, certains travailleurs sociaux préfèrent changer de ministère pour ne pas toujours avoir des morts pour lesquelles ils ne sont pourtant pas responsables sur leur conscience. Dame K. Hermine qui, des années durant a servi dans une pouponnière a dû changer de service à force d'assister impuissante à des décès d'enfant. «Je voyais trop d'enfants mourir, c'était difficile à supporter c'est pourquoi j'ai décidé de changer de service. C'était insupportable. Il y a eu un temps où nous avons enregistré trois décès successifs en trois jours. J'ai tellement été choquée au point où j'ai décidé de changer de service», a-t-elle expliqué.


…insupportable

Certains parmi les assistants sociaux que nous avons croisés ont déclaré avoir puisé dans leurs ressources propres à plusieurs reprises pour soulager des personnes qui viennent vers eux. Cette situation a conduit le secrétaire général à dire que les assistants sociaux sont les bons samaritains de l'administration ivoirienne. « Nous sommes des bons samaritains plus que des assistants sociaux. Souvent, un parent désespéré nous abandonne son enfant. Nous sommes obligés de réagir. Il y a aussi ce qu'on appelle l'assistance d'urgence. Quand quelqu'un vient vers vous, cliniquement, on peut déterminer les difficultés auxquelles il est confronté et vous êtes obligés de réagir par vos propres moyens sur le champ», indique-t-il. Le secrétaire général avance qu'il existe cependant un fonds d'indigence au ministère des Affaires sociales. Ce fonds est logé dans une direction et le processus de décaissement, précise Kpla Georges, est tellement complexe que souvent les personnes dans le besoin abdiquent.

Kra Bernard (Stagiaire)
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