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Politique Publié le lundi 19 janvier 2009 | Nord-Sud

Problèmes d`eau en Côte d`Ivoire - La Sodeci révèle : "Il faut 160 milliards pour sauver les robinets"

La fourniture d'eau potable en Côte d'Ivoire est largement en deçà des besoins qui ne cessent d'augmenter, surtout que les ouvrages obsolètes sont à bout de souffle. La situation est encore plus grave, prévient Cruz Dominique José, le Directeur général, adjoint chargé des questions techniques de la Société de distribution d'eau de Côte d'Ivoire.



•Plusieurs quartiers d'Abidjan continuent de subir des coupures d'eau. Pourquoi ?

Aujourd'hui, il n'y a pas un seul quartier d'Abidjan qui ne soit pas touché. Même les quartiers huppés sont concernés. Le déficit aujourd'hui au niveau du service d'eau est structurel et lié à la limite des capacités des infrastructures. Le dernier investissement dans le secteur a eu lieu en 1984. C'était une grande station plus des tuyaux raccordant le quartier qu'on appelle aujourd'hui 9e Tranche. C'est l'usine qui alimente aujourd'hui toute la Riviera, une partie de Cocody, et renforce un peu Koumassi. C'est le dernier gros investissement qui a été fait à Abidjan. Depuis 25 ans donc, il n'y a pas eu de gros investissements. Les investissements n'ont pas suivi alors qu'en face, il y a une évolution démographique qui a accru la demande.



•Quel est le niveau de la demande aujourd'hui ?

Au niveau d'Abidjan, on connaît un déficit de plus 150 millions de mètres cubes d'eau par jour (Ndlr : 1,5 million litres). On devrait aujourd'hui fournir 500.000 mètres cubes d'eau, alors que les capacités installées ne vont guère au-delà des 350.000 mètres cubes, bien qu'elles fonctionnent 24h sur 24. Il faut des infrastructures de renforcement. Il existe un plan directeur du secteur de l'eau élaboré en 1988, mis à jour en 1992 et qui aurait dû être mis en œuvre en 1996. C'est-à-dire que le problème dont on parle ne date pas d'aujourd'hui. C'est depuis 1996 que les actions auraient dû être menées. On aurait dû, selon le plan directeur, commencer à renforcer un certain nombre de quartiers. Le premier sur lequel on avait commencé, c'est Yopougon. Il était question de doubler la capacité de l'usine de ce quartier. Le financement français de près de 10 milliards Fcfa était acquis, le marché était signé et les travaux devraient démarrer, mais malheureusement, il y a eu la crise et les Français ont retiré leur financement. Après cela, on n'a plus bénéficié de financement jusqu'à ce jour. Après Yopougon, devrait suivre le renforcement des quartiers de Djibi, Deux Plateaux, etc. Il était prévu le château d'eau qui est en construction et qui est appelé Château d'eau d'Abobo-Baoulé. Là également, le financement était en cours de négociation, mais du fait de la crise, le dialogue avec les bailleurs de fonds a dû être suspendu. Le troisième projet qui devait être réalisé était la création d'une station de production d'eau potable à la Palmeraie-Bingerville. A ces trois unités de production devaient être ajoutée une autre du côté de Bonoua en exploitant la nappe du Sud Comoé. Ce projet s'intégrait dans le projet global de l'autoroute Abidjan-Bonoua. Avec cette autoroute, l'axe aurait connu un développement assez important. La nouvelle station aurait permis de desservir toutes ces nouvelles zones d'habitation, de commerce et d'activités diverses.



•Quel est le coût de ces projets et qui devait réaliser ces projets ?

Au niveau du service public d'eau, les investissements en infrastructures relèvent des prérogatives de l'Etat. C'est une activité régalienne. Le plan directeur a été évalué. Il comporte trois chapitres : le rétablissement et la continuité du service, le maintien de cette continuité de service et l'extension des infrastructures. Globalement, les besoins en investissement sont autour de 600 milliards Fcfa sur les 20 prochaines années. Avec cette somme on devrait pouvoir équiper chaque année 20 nouvelles localités.



•Quel est le coût pour la seule ville d'Abidjan

Pour revenir à la qualité de service qu'on connaissait il y a une dizaine d'années, il faut une soixantaine de milliards d'investissement pour la ville d'Abidjan. Ensuite, il faudra tenir compte de l'évolution de l'urbanisation de la ville et faire les extensions y afférentes.



•Vous avez parlé d'un déficit de 150.000 mètres cubes d'eau. Comment gérez-vous cette situation en tant qu'exploitant ?

A problème exceptionnel solution exceptionnelle. Aujourd'hui, nous ne sommes pas dans une configuration d'exploitation normale. L'exploitation normale exige de mettre en place des plans de maintenance préventive, de manière à anticiper sur les dysfonctionnements susceptibles d'intervenir pour garantir la continuité de service. Aujourd'hui, nous ne sommes plus dans cette situation. Nous nous sommes adaptés à la configuration actuelle. Au lieu de faire des entretiens réguliers, nous sommes obligés d'avoir des stocks. Nous avons été obligés de renforcer les moyens d'exploitation. On a été obligés de doubler les équipes pour pouvoir permettre d'utiliser les infrastructures à leur pleine capacité. C'est ce que nous faisons. Malheureusement, tous ces efforts sont vains parce que, ce que le client recherche, c'est de l'eau à son robinet. Or, malgré tout ce que nous faisons, ces efforts ne sont pas traduits sur le terrain. Voici la grosse difficulté à laquelle nous sommes confrontés dont nous sommes les premiers à être peinés. Cette exploitation est plus coûteuse qu'une exploitation normale. Quand une machine ne peut pas être entretenue parce qu'elle marche 24h sur 24, lorsqu'elle casse, il faut avoir une autre machine pour la remplacer.



•A cette allure ne faut-il pas craindre le pire ?

Il est vrai que les risques d'une aggravation existent mais il faut être optimiste. Cette situation est consubstantielle à la crise qu'on vit. Si la situation se régularise, je crois que globalement, les choses devraient aller mieux. Surtout que là, on vient de produire un document stratégique de réduction de la pauvreté. Cela devrait théoriquement permettre de converger vers les Objectifs du milliaire dont l'accès à l'eau potable est l'un des critères importants. L'amélioration du taux de desserte nationale devrait être une préoccupation. Par ailleurs, il faut savoir que le dialogue a repris avec les bailleurs de fonds et que ceux-ci ont dépassé le stade d'intention. Ils sont au stade de matérialisation sur le terrain. Ceci dit, il faut regretter certaines extensions de la ville d'Abidjan qui ne sont pas faites selon les règles de l'art. Cela pose aussi des difficultés d'alimentation. Quand vous prenez une viabilisation qui est faite par un lotisseur privé, des fois, le dimensionnement des réseaux ne tient pas compte de la demande dans le quartier. Les réseaux sont sous-dimensionnés de sorte que malgré leur raccordement au réseau public, à l'intérieur, les pressions sont faibles. C'est le cas de la cité Becao d'Angré où les gens se plaignent régulièrement. Les limites des capacités des infrastructures est aggravée par le problème de dimensionnement de leur réseau interne. Nous avons fait des investigations et les preuves existent. C'est pareil au quartier Belleville d'Abobo dont on a fait l'adduction dans les années 2000. Malheureusement, à ce quartier, se sont accordés des lotissements anarchiques qui ont poussé. A l'époque, à Belleville, le service était régulier. Comme les quartiers accordés sont un peu plus bas, ils reçoivent l'eau qui devait prioritairement arriver à Belleville.



•La Sodeci ne peut-elle pas prévenir ou éviter une telle situation ?

Vous ne pouvez pas accepter, vous, en tant qu'habitant du quartier qui est derrière Belleville, qu'on vous prive d'eau. Certes, il vaut mieux qu'on ne vous donne pas de l'eau pour que vous ne veniez pas créer un problème. Mais lorsqu'on vous dira cela au moment de votre abonnement, vous n'allez pas l'accepter. Normalement, la solution technique pour éviter ces problèmes, c'est d'éviter de raccorder de nouvelles extensions sur l'existant jusqu'à ce que les infrastructures de production et de distribution soient renforcées. Ce serait l'idéal. Mais que fait-on de ceux qui vont habiter la zone d'extension ? Voilà la problématique.


•N'est-il pas temps que la Sodeci, qui est toujours vue en cas de manque d'eau, suscite une mesure rigoureuse qui va éviter ces extensions à problèmes ?

Les exigences contractuelles sont claires en la matière. En tant qu'opérateur, nous constatons les dysfonctionnements à travers les visites techniques ou les réclamations des clients. Tout cela fait l'objet d'études qu'on soumet à l'autorité de tutelle pour dire : attention, voilà les problèmes qui se posent dans telle zone d'extension et voilà les coûts. Libre à l'Etat de trouver les moyens. Nous n'avons aucune action pour pousser l'Etat à prendre des décisions.



•La situation actuelle ne vous impose-t-elle pas d'aller au-delà, dans la mesure où ce sont des problèmes sérieux qu'il faut prévenir et que ce sont vos bureaux qui sont assiégés par des consommateurs en cas de manque d'eau ?

C'est en cela que ces tribunes sont importantes pour nous. Elles nous permettent de pouvoir porter le message au grand public et aux cibles spécialisées. Le partage des responsabilités est très clair entre l'Etat et nous. Comme je le reppelais, dans le contrat, la création des infrastructures relève de la compétence de l'Etat et l'exploitation est du ressort de la Sodeci, l'opérateur privé. Nous portons les dysfonctionnements à la connaissance de l'Etat. Nous allons même plus loin en lui proposant des schémas directeurs chiffrés avec des solutions. Nous avons des réunions périodiques pour attirer l'attention est autorités sur les difficultés. Tout cela s'inscrit dans un contexte global difficile pour le pays. Les ressources financières font défaut. Il faut pouvoir mettre en œuvre un certain nombre de programmes pour résorber toutes ces difficultés. Pour revenir au problème d'urbanisation, il faut dire qu'au-delà du déficit des infrastructures, il y a un problème de coordination. Malheureusement, l'urbanisation concerne plusieurs ministères : Le ministère de la Construction, celui des Infrastructures qui apporte les équipements et d'autres types de ministères. Je crois qu'il faut qu'il y ait une action coordonnée entre tous ces ministères. Avant de faire un lotissement, qu'on s'assure de la capacité des infrastructures électriques, téléphoniques ou hydrauliques à alimenter les nouvelles zones d'extension, avant de donner les agréments. Malheureusement, cette coordination n'existe pas. Si elle existait, on aurait pris le soin de privilégier les zones qui sont correctement desservies en attendant de renforcer les infrastructures avant de pouvoir autoriser de nouvelles extensions.



•Le château de la Djibi devait permettre de soulager les populations de Belleville et de la 8e tranche. Que devient ce projet ?

Le château en lui-même est terminé. Mais un système d'adduction en eau potable ne se limite pas qu'à un château. Il faut obtenir l'eau, la traiter avant de stocker dans le château. On a fini le château. Il faut réaliser les forages et l'usine de traitement pour pouvoir mettre en service ce château. En plus, il faut poser des tuyaux qui vont acheminer l'eau vers les cibles identifiées à savoir : Tout Abobo-Baoulé y compris Belleville, les 7e et 8e tranche et une partie de la 9e tranche. C'est un programme qui coûte 6 millions de Fcfa et qui comporte plusieurs phases dont la première a été achevée. Il devait être financé sur fonds propres de l'Etat de Côte d'Ivoire. On a fait le château d'eau, certains équipements ont été commandés et il faut des ressources pour les mettre en œuvre. Voilà où on en est.



•Dans la zone Sud, notamment vers Bonoua, les populations se plaignent de plus en plus du manque d'eau. Quel est le problème à ce niveau ?

Nous avons deux systèmes qui cohabitent à Bonoua : un ancien qui a été doublé d'un nouveau qui alimente Grand-Bassam et toutes les zones en élévation de Bonoua. Il se trouve que l'ancien système qui alimentait la ville de Bonoua avant la mise en service du nouveau système a connu quelques dysfonctionnements. Ces dysfonctionnements ont été corrigés. C'était un problème ponctuel. Il a été réglé.



•Il y a aussi des problèmes dans certains quartiers du Sud d'Abidjan…

Le Sud d'Abidjan est alimenté par deux usines : une située au camp militaire d'Akuédo et l'autre au 1er pont de Yopougon Mont Nimba. Malheureusement, sur le transit, toutes les canalisations qui véhiculent l'eau vers le Sud ont connu des connexions au profit de nouvelles zones d'extension d'Abidjan. Ainsi, une partie de l'eau qui devait aller prioritairement au Sud est défalquée au passage. Ce qui détériore les performances du service dans le Sud. Tout cela rentre dans la problématique du renforcement des capacités de ces infrastructures sur l'ensemble de la ville d'Abidjan. Il faut absolument qu'on aille vers les investissements dont j'ai parlés plus haut. Aucun quartier n'est épargné.



•Il y a des grincements de dents à l'intérieur du pays, en l'occurrence à Bouaké et Korhogo. Qu'est-ce qui est fait dans ces zones ?

Les populations de Bouaké sont plus chanceuses que celles des autres villes du pays. Malgré la crise, l'Union européenne a financé un certain nombre de programmes qui ont permis d'améliorer la situation à Bouaké. A Korhogo, il s'agit de renforcer l'alimentation. Ce sera fait grâce à un programme de 4 milliards Fcfa financé toujours par l'U.E. On ira tirer des ressources dans le Bandama pour alimenter Sinématiali et Korhogo. Toutes les grandes villes de l'intérieur du pays connaissent des difficultés d'alimentation en eau potable. C'est la même problématique. Il faut trouver des ressources financières pour pouvoir réaliser tous les projets de renforcement dans toutes ces villes. Actuellement, des appels d'offres sont en cours pour Daloa, San Pedro et Tabou. C'est aussi un financement de l'Union européenne. Des efforts sont faits à l'intérieur du pays, mais ils ne sont pas suffisants.




•A combien se chiffrent les besoins actuels de l'intérieur du pays ?

Pour rétablir la continuité de service, il faut plus 100 milliards Fcfa. Plus les 60 milliards Fcfa d'Abidjan, ça fait au moins 160 milliards Fcfa.




•Les problèmes se situent donc au niveau des infrastructures et non des ressources en eau…

La ressource est importante et il faut la préserver. La nappe d'Abidjan a atteint sa limite de puissance. Ce qui signifie qu'on ne peut plus indéfiniment réaliser des infrastructures sur cette nappe. Voilà pourquoi on a identifié celle de Bonoua pour préserver Abidjan. D'autres ressources alternatives ont été identifiées. C'est la lagune d'Aghien qui est du côté d'Alepé, à 50 km d'Abidjan. Mais ceci dit, éviter une pollution de la nappe d'Abidjan. Le problème de la ressource ne se pose pas partout en Côte d'Ivoire étant entendu que dans la partie Nord, il faut faire attention. Mais il ne se pose pas avec autant d'acuité que dans les pays sahéliens. La ressource existe, mais il faut des mesures idoines pour la protéger.



•Des rumeurs persistantes ont annoncé la contamination de la nappe abidjanaise par les déchets toxiques. Qu'en est-il ?

Les éléments les plus dangereux dans ces déchets, ce sont les métaux lourds. Ce n'est pas l'hydrogène sulfureux qui est un gaz qui se volatilise. Bien sûr, il ne doit pas être inhalé à forte dose. Par contre ce qui est resté, c'est le mercure. Voilà pourquoi, on a enlevé le sable pendant la dépollution. Les dépollueurs ont aussi enlevé une partie du plomb. Au-delà de tout cela, nous prenons quotidiennement des mesures pour nous assurer que la nappe n'a pas été touchée. Jusqu'à présent, ce n'est pas le cas. On croise les doigts pour que cela n'arrive jamais. La chance qu'on a, est que la nappe part du Sud vers le Nord d'Abidjan. Les points des déversements des déchets toxiques étant essentiellement dans le Nord, le sens d'écoulement est contraire à celui de l'eau. Ce qui sera plus dangereux, ce sont les ordures ménagères. Faisons en sorte que ce don de Dieu soit préservé. Il y va de la responsabilité de tout un chacun. Les ordures que vous déposez devant votre porte, si à terme, elles ne sont pas enlevées, elles s'infiltrent à terme dans le sol. Et si les quantités sont importantes, la pollution devient importante. Les dragages de la lagune font aussi qu'à terme, la lagune s'infiltre avec sa pollution.

nterview réalisée par Cissé Sindou
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