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Art et Culture Publié le jeudi 22 janvier 2009 | Nord-Sud

Alfred Dan Moussa, (Président de l`Upf) : "Il n`y a pas de honte à défendre la langue française"

Le président de l'Union de la presse francophone, Alfred Dan Moussa, donne dans cette interview les grandes lignes de la politique qu'il conduira pendant son mandat.


•A quoi répondent les visites que vous avez effectuées auprès de l'ambassadeur de France et chez le ministre des Affaires étrangères?

En tant que président de l'Union internationale de la presse francophone, je me dois de traduire la gratitude du comité international de l'Upf aux autorités de mon pays, en tête desquelles se trouve le président de la République et aux personnalités du monde francophone, sans distinction aucune. Que ce soit à leur initiative ou à ma demande, toujours est-il que chacune des occasions qui s'offrent à moi de les approcher permet de décliner les principes de l'union, les mandats successifs, les programmes du mandat en cours et les préoccupations qui s'y rattachent.



•Avez-vous des préoccupations particulières ?

L'Upf a à cœur de jouer sa partition, comme son nom l'indique, au plan international, sa partition en direction des journalistes, sa partition en direction des médias, mais aussi en direction du public. Parce que les médias n'ont aucun sens si nous ne prenons pas en compte la dimension «public». C'est-à-dire, les femmes et les hommes en direction desquels l'information est émise, ou ceux à cause desquels les médias existent et traitent l'information, instant après instant, 24 h sur 24. Pour nous, il s'agit de mettre tous les décideurs et tous les citoyens au même niveau d'information, de faire comprendre aux uns et aux autres que l'union n'est pas l'affaire des seuls membres. Elle est aussi l'affaire de tous ceux qui ont à cœur de faire progresser le débat sur la francophonie, le débat sur la défense et l'illustration de la langue française dans un contexte où les autres langues jouent à ravaler cette langue-là. Je pense qu'il n'y a pas de complexe à se faire. Que nous soyons de la Côte d'Ivoire, de la Belgique, de la Suisse, du Maroc, du Gabon, que nous soyons, pour tout dire, de l'espace francophone mondial, nous nous exprimons à travers cette langue. Nous nous comprenons parce que nous nous servons de cette langue pour communiquer entre nous et il n'y a pas de honte à défendre cette langue. A travers la protection du français, il s'agit d'aborder des préoccupations relatives à la culture démocratique, au droit du public à l'information juste et équilibrée, à la dépénalisation des délits de presse, à la place que l'espace francophone doit occuper dans le jeu démocratique, comparativement aux autres espaces non francophones.


•Que peut apporter l'Upf sur le plan démocratique aux pays francophones en Afrique ?

L'Upf, en tant que regroupement de radios, de télévisions, de journaux et de presse en ligne, a à cœur, avec les journalistes qui animent ces médias, de coller aux règles du métier. Et, le faisant, de donner l'information dans le respect du public à qui ils destinent l'information traitée. Par ses reportages, enquêtes, interviewes et commentaires, le journaliste fait en sorte de faire reculer les frontières de la pauvreté et du sous-développement ; et de promouvoir les valeurs de droit à la santé, à l'éducation, à la parole, entre autres. Le journaliste est celui-là aussi qui, faisant partie des observateurs francophones des élections, approche les rédactions, à travers cette observation, pour faire comprendre le rôle important que chaque média doit jouer en période électorale. Nous avons un grand rôle puisqu'il n'y a ni institution, ni support ayant un impact plus grand que les médias. En une fraction de seconde, nous avons la possibilité d'atteindre le monde entier.


•Quel regard portez-vous sur les chefs d'Etat qui révisent les Constitutions pour se maintenir au pouvoir?

Nous sommes une Union internationale de la presse francophone. Ce que nous avons à faire paraît simple à mes yeux. Les différentes instances et les membres de l'union gagneraient à bien connaître les textes qui régissent leur organisation, à respecter eux-mêmes lesdits textes et à les faire appliquer. Engager, de façon concrète, la campagne autour du respect des textes par nous-mêmes est une manière indirecte de porter le message à ceux qui, à travers le monde francophone, en ont besoin, mais aussi à tous les secteurs d'activités ou à toutes les disciplines. Je pense qu'il y a une manière indirecte et quelquefois plus efficace de porter le message aux autres. Et puis, les journalistes sont ceux qui décortiquent chaque jour l'actualité et diffusent l'information soutenue, parfois, par des éléments de comparaison. Le faisant, ils attirent l'attention sur ce qui est légal ou non, sur ce qui est juste ou non. Lorsque les journalistes comparent les élections aux Etats-Unis à celles qui se passent ailleurs, dans l'espace francophone, quand les journalistes comparent les élections qui se passent au Ghana à celles qui se déroulent dans bien d'autres pays, ils jouent leur rôle. A partir du moment où nous donnons l'information, nous contribuons directement ou indirectement à montrer ce qui est salué par les uns, et ce qui est décrié par les autres.


•D'aucuns pensent que défendre la francophonie est une autre manière d'assujettir les peuples africains. Partagez-vous cet avis ?

Je respecte cette appréciation. Je ne la partage pas. Je respecte les tenants de cette thèse. Je n'épouse pas le jugement qu'ils portent et qui, à mes yeux, constitue une manière grossière et caricaturale de voir les choses. Lorsque dans un pays donné, il n'y a aucun support de masse parmi ceux qui existent, pour véhiculer une langue nationale et qu'on a, par conséquent, recours au français pour se faire comprendre du plus grand nombre, il devient alors important d'entreprendre une analyse froide de la situation et de se poser les vraies questions sans passion. Dès lors, est-il réaliste de parler d'assujettissement ? Il faut dire les choses telles qu'elles sont. Dans nombre de pays francophones, il n'y a pas de langue nationale et de travail autre que le français. Il n'y a donc pas de complexe à défendre cette langue-là et toutes les valeurs que véhicule également la francophonie, laquelle ne doit pas être réduite à l'usage de la langue française.



•Peut-on connaitre les priorités de votre mandat ?

La recherche de partenaires économiques sûrs, en plus de l'appui attendu des Etats et gouvernements, est la première de nos priorités. La deuxième priorité réside dans notre volonté de traduire en actes le programme sur la base duquel nous avons été élu président de l'Union internationale de la presse francophone. Nous avons à cœur de numériser le fonds documentaire de l'Upf qui peut facilement prendre des allures de patrimoine de la francophonie. Les journalistes, les chercheurs, les sociologues et le grand public pourront y avoir recours. Autre centre d'intérêt, la formation. Le métier est aujourd'hui convoité par des jeunes qui sortent de l'université, qui y font leurs premiers pas, mais qui n'ont pas toujours eu l'occasion d'avoir une formation professionnelle. Il importe de leur en donner. Des projets d'émission télévisuelle, de dictée de la presse francophone et… d'édition sont dans l'agenda des programmes à réaliser. Nous travaillons à rechercher les moyens qui nous permettent de nous accomplir.



•L'obtention de visas pour les pays développés est un casse-tête aujourd'hui. Est-ce qu'à ce niveau l'Upf peut mener des actions pour les journalistes?

Un journaliste qui veut embarquer pour l'extérieur, au nom d'une rédaction qui lui en a donné l'ordre, un journaliste qui prouve qu'il fait partie des professionnels de son pays, qui est détenteur de sa carte de journaliste professionnel délivrée par l'équipe de Laurence Sautier, de sa carte de l'UPF, qui certifie qu'il va pour telle destination pour faire tel reportage, ou pour une autre raison clairement traduite, etc. ce journaliste ne peut pas avoir de problèmes particuliers de visa. Il faut se faire comprendre, il faut avoir ses papiers, il faut se faire respecter. Il ne s'agit pas, pour nous, de croire que notre qualité de journaliste nous donne le droit de fouler au pied les règles érigées par une autre institution. Nous devons avoir à cœur de respecter nous-mêmes la réglementation en vigueur, pour que nous soyons forts et convaincants pour dénoncer ceux qui pourraient enfreindre ces textes-là.



•Pourquoi deux pays africains abritent-ils successivement les assises en 2009 ?

Ce sont les pays eux-mêmes qui, à travers les sections de l'UPF, expriment le besoin d'accueillir les rencontres internationales de l'union. L'union n'impose pas les assises à tel ou tel pays. A l'occasion des 39èmes Assises en décembre 2007, en Côte d'Ivoire, l'Algérie a exprimé le besoin de recevoir les assises l'année suivante, en 2008. En définitive, c'est avril 2009 qui verra la presse francophone se diriger vers Alger. A Montréal, en octobre 2008, la section camerounaise, soutenue par le ministre de la Communication de ce pays, a souhaité abriter les assises de l'UPF, en 2009. Novembre 2009 a été retenu pour Yaoundé. En cas d'embouteillage, le comité international intervient pour départager les candidats à l'accueil des assises.


Interview réalisée Issa T. Yéo
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