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Politique Publié le mardi 17 février 2009 | Notre Voie

Point de mire… - Qui se souvient encore du 18 février 1992 ?

Demain mercredi 18 Février 2009, cela fera 17 ans, jour pour jour, que notre pays, la Côte d`lvoire a failli connaître la Saint-Barthélemy de sa jeune histoire. Les gens de bien se souviennent sans doute de cette triste date de l`histoire de France. En effet, à Paris, dans la nuit du 23 au 24 août 1572 et en province les jours qui ont suivi, eut lieu le massacre des Protestants sur instigation de Catherine de Médicis et des Guises, inquiets, est-il ressorti après, de l`ascendant pris par l`amiral de Coligny sur Charles IX et de sa politique de soutien aux Pays-Bas révoltés contre l`Espagne. Ce massacre fit, dit-on, près de 3 000 victimes.

La Saint-Barthélémy est restée très longtemps le triste symbole de l`intolérance religieuse. Il en a été de même de notre "Mardi noir" du 18 février 1992, un complot monté de toutes pièces par Houphouet et son Premier ministre d`alors, M. Alassane Dramane Ouattara, contre l`avènement de la démocratie dans notre pays.

Ce jour-là, les tenants du "parti seul", pour ne pas dire parti unique, ne voulaient pas lâcher quoi que ce soit, malgré le multipartisme qu`ils avaient accepté à contre coeur.


La Saint-Barthélémy ivoirienne

Si la Saint-Barthélemy fut une nuit effroyable qui marqua l`histoire de la France, en général, et la guerre des religions, en particulier, le 18 février 1992 fut aussi, à ne point en douter, un symbole de la lutte de notre peuple contre le pouvoir personnel quoi qu`on en dise aujourd`hui.

Chez nous ici, la Côte d`lvoire avait connu, il faut qu`on se le dise, le multipartisme dès l`aube des temps. C`est après qu`elle, la Côte d`lvoire, a emprunté quelque peu le chemin tortueux et sans issue du parti unique par la seule volonté d`un seul homme, Houphouet-Boigny.

Le temps ayant fait son travail, le multipartisme a été réinstauré non sans mal le 30 avril 1990. C`est presque un vent de renouveau qui a soufflé sur la Côte d`lvoire.

Avant d`en arriver à cette effroyable journée, faisons un retour en arrière pour mieux appréhender la torpeur qui s`était abattue sur la Côte d`lvoire, même si nous en avons connue une autre aussi, un certain 19 septembre 2002, quelque dix ans après, avec ses morts et ses martyrs.

Les années 1963, 1964 et 1970, c`est déjà loin. Et pourtant, comme c`était avec le même homme, il n`est pas redondant de le rappeler ici et maintenant, en mémoire de ce qui arriva à notre pays en cette année 1992.

De 1963 à 1970, c`était la mise en place du système que l`année 1990 est venue interrompre à l`occasion de ce qu`il est convenu d`appeler la lutte pour le multipartisme. Des élections ont lieu. Houphouet dit les avoir gagnées, en octroyant à Laurent Gbagbo 18 % seulement. Malgré cette victoire étriquée, la morosité est de mise dans tout le pays. Avec cette victoire à la Pyrrhus, ce n`est pas la sérénité. Alors les coups bas vont succéder aux coups bas. Les intrigues ne sont pas en reste. Aidé en cela, dans ce triste dessein, par des gens qui se présentent aujourd`hui comme des immaculés. En somme sans tache. Ils ont voulu éliminer Laurent Gbagbo physiquement, l`empêcheur de tourner en rond, comme ce fut le cas Kragbé Gnagbé en 1970.
Houphouet et ses séides restent sourds aux cris de détresse d`une jeunesse interloquée.


Les évènements de la Cité de Yopougon

Cette jeunesse se regroupe dans une association d`étudiants appelée FESCI. Elle dérange tout le monde. Pour la réduire au silence, avec une brutalité jamais égalée à ce jour, dans la nuit du 17 au 18 mai 1991, cette jeunesse endormie est l`objet d`une bestialité des plus ignobles. On parle de morts, de défenestrations et de viols sur la cité de Yopougon. Ça chauffe dans le pays.
Laurent Gbagbo, le FPI et quelques organisations de la société civile, dont la LIDHO avec son président, le Professeur Dégni-Ségui ,s`indignent. Laurent Gbagbo réclame une commission nationale d`enquête quand d`autres la veulent internationale. Comme toujours, les mêmes, ils sont tournés vers le grand large.

Houphouet accepte l`idée de la commission nationale. Elle est mise en place et dirigée par un grand juriste de renom, aujourd`hui disparu, Camille Hoguié. Cette commission travaille en toute sérénité au bout de six mois. Elle rend son rapport à qui de droit. Les faits sont accablants pour l`armée et ses chefs qui ont brutalisé nos enfants. C`est une première en Côte d`lvoire. Des gens d`opinions divergentes ont travaillé ensemble pour la manifestation de la vérité.

Le Bélier de Yamoussoukro, contre toute logique, n`envisage pas de prendre des sanctions, arguant que, quand ton couteau te coupe, tu ne le jettes pas, au contraire, tu le ranges dans son fourreau. Rien que ça. C`est le tollé général.


Ahipeaud kidnappé

C`est dans cette effervescence quasi générale que, le 13 février 1992, aux environs de 20 h, à Koumassi, Martial Ahipeaud, le jeune leader de la FESCI, est enlevé par le commando d`un certain Faizan Bi de triste mémoire. Un kidnapping digne des célèbres Tupamoros d`Amérique latine.
C`est la mobilisation générale. Dans une déclaration restée mémorable, le FPI condamne cet acte ignoble et appelle à une marche gigantesque le mardi 18 février 1992.

Martial Ahipeaud, le jeune leader de la FESCI kidnappé le jeudi d`avant dans les rues de Koumassi par la police politique d`Houphouet-Boigny, doit être jugé ce même mardi 18 février 1992 au Palais de Justice d`Abidjan.

Quelques jours avant cette ultime date, comme de coutume, les partis de Gauche, comme on disait avant, avec la société civile, projettent de faire une marche de protestation ce jour-là. Ils communiquent l`itinéraire de la marche à la police comme c`est cela est du coutume. La marche partira d`Adjamé, devant le Commissariat du 3ème Arrondissement, jusqu`à la place de la République où aura lieu la dispersion des marcheurs.

Ce mardi 18 février 1992, le monde est là et impatient. On n`attend plus que Laurent Gbagbo et les autres têtes d`affiche, les Dégni-Ségui, président de la LIDHO, et autres, pour que le cortège s`ébranle. Ils arrivent enfin et nous démarrons.

Quelque chose de bizarre se passe devant le cortège. Des jeunes gens extrêmement excités courent de droite à gauche, criant à tu tête que “Aujourd’hui, c’est aujourd’hui”. On arrive enfin vers les tours administratives. C`est le piège. Il ne fait aucun doute que c`est un véritable complot.
Des coups de feu éclatent alors que le procès du jeune Ahipeaud vient à peine de commencer. C`est la débandade.

Laurent Gbagbo, qui était au milieu du cortège, aidé de ses gardes du corps, se retrouve dans le sous-sol de l`immeuble Hévéa. Les tueurs envoyés à ses trousses le cherchent vainement. Dieu était avec lui. Il est capturé et amené manu-militari au Camp d`Agban où il est déshabillé tout comme sa femme Simone et son fils Michel. Toute la hiérarchie du FPI et quelques grosses têtes de la société civile sont aussi arrêtées. C’est le purgatoire complet.

Voici, en bref, le résumé du film de l`horrible journée que nous avons vécue.

Ali Kéita, Guédé Pépé et moi-même, nous courons dans tous les sens pour trouver refuge dans un bureau quelque part au Plateau.

Là, de là-haut, nous voyons toute la mise en scène de ce qu`il faut considérer comme un guet-apens. Les boutiques sont mises à sac, les voitures des travailleurs de la BAD sont incendiées, etc., etc.

Comme écrit précédemment dans un autre texte, en toute chose, il faut considérer l`épicentre du séisme.

A peine que Laurent Gbagbo et ses compagnons sont pris dans les rets de la police que M. Konan Bédié se précipite chez le Premier ministre, M. Alassane Dramane Ouattara, pour le féliciter de sa prouesse.

Alors se déroule comme un film bien rodé la trame que les hommes du pouvoir avaient prévue. Le Premier ministre apparaît à la télévision avec une ordonnance à la main. Il dit avoir vu Gbagbo cassant à tout venant. C`est donc un cas de flagrant délit. Cette ordonnance porte le n°92-80 du 17 février 1992. Elle est signée quelque deux jours avant à Paris où Houphouet séjourne comme Zeus sur les pentes de l`Olympe regardant son monde grouiller.

C`est une machination. Les arguments ne manquent pas pour le démontrer.

Avec le recul qui sied à ce genre d`évènements, le complot est réel. Il n`y a pas de doute et Laurent Gbagbo et ses compagnons feront 6 mois de prison à la MACA.


Tuer pour le pouvoir

Le procès qui a lieu donnera maille à partir à l`accusation à prouver quoi que ce soit contre les prévenus. Tout le monde est confondu. La conjonction pour un temps des intérêts de Ouattara et Bédié paraissait tellement évidente que les observateurs se demandent même si tous les deux n`ont pas été à l`école du même sorcier, Houphouët-Boigny.

Faute de preuves irréfutables, Gbagbo et ses co-détenus sont relâchés. Cela se passait il y a dix sept ans. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, I`on a oublié le coup d`Etat intervenu le 24 décembre 1999 de l`un contre l`autre. Les deux sont aujourd`hui à la tête du RHDP pour aller contre le même Gbagbo après avoir tenté une fois de plus de l`éliminer le 19 Septembre 2002 en se servant des frêles mains de Guillaume Soro.

Les temps passent et les adversaires de Gbagbo ont toujours la main sur la gâchette. C`est ainsi qu`on connaîtra, quelque dix ans après, le 19 septembre 2002, le même scénario, mais, cette fois-ci, sous forme de guerre avec les mêmes acteurs et le même dessein de tuer. Nous y sommes encore.

C`est pourquoi, à cette veille de l`anniversaire de cette effroyable journée, nous nous posons la question de savoir qui se souvient encore de ce 18 février 1992.

Par Jacques Préjean
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