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Politique Publié le mercredi 18 février 2009 | Nord-Sud

Redéploiement de l`administration en zones CNO : Bouaké : Dans la nouvelle vie des fonctionnaires

Les fonctionnaires redéployés à Bouaké, dans la zone ex-rebelle, savent joindre l’utile à l’agréable. Ils s’accoutument petit à petit, malgré les difficultés. Tous, comme Coulibaly Kanigui n’ont pas encore totalement retrouvé leurs marques. Mais, cela ne saurait «tarder», espère cet homme, la quarantaine, redéployé à Bouaké depuis 2007. Professeur de physique, il n’a pas encore procédé à son regroupement familial. Son épouse réside toujours à Abidjan. Il est donc obligé de s’y rendre chaque mois, d’autant que celle-ci présente un état de santé chancelant. Coulibaly Kanigui vit à Bouaké dans un studio, le temps de recevoir sa prime d’installation. Dié Dramane a une situation beaucoup plus délétère. Revenu dans cette zone à la faveur de l’Accord de paix signé dans la capitale burkinabé, cet autre agent de l’Etat n’arrive plus à payer régulièrement son loyer. Pour une raison qu’il n’a pas voulu dévoiler, son salaire a été suspendu. Ceux qui ont toujours peur Erreur de programmation au niveau de la banque ? Erreur des services compétents de l’Etat ? Sanction pour une faute lourde ? Nous n’avons obtenu aucune réponse de l’intéressé. Après maintes démarches auprès des autorités d’Abidjan, ce professeur de maths et ses protégés livrés à eux-mêmes, attendent le rétablissement de sa solde pour retrouver la joie. Comme lui, beaucoup de fonctionnaires redéployés entre 2004 et 2007 n’ont pas une situation financière reluisante pour diverses raisons. Hormis la question du logement, certains d’entre eux se disent mal à l’aise du fait de problèmes de circulation, de sécurité et de commodités diverses… «Pour trouver une résidence décente ce n’est pas toujours facile», se désolent-ils. Tout ou presque l’essentiel ayant été emporté par la guerre. La durée de l’inoccupation a eu raison de certaines infrastructures. Certains fonctionnaires doivent apporter quelques «retouches» à leur résidence pour la rendre fréquentable. Mais, la modicité des moyens financiers rend pénible cette opération. Des fonctionnaires revenus ont logés d’abord chez des parents ou amis avant de regagner leurs propres domiciles. « Quand je suis arrivé, j’avoue que j’avais la peur au ventre. N’ayant pas de maison, j’ai d’abord souhaité rester chez un ami de longue date qui est demeuré sur place pendant toute la durée de la crise. C’est lui qui m’a rassuré et encouragé à louer une maison», rappelle le directeur d’une école primaire D. Jean. Venus rendre visite au « Maréchal » Eugène Djué, fils de Diabo, le 11 février, des enseignants du lycée moderne de cette cité par la voix de leur porte-parole avaient dénoncé quelques difficultés qu’ils rencontrent dans leur vie quotidienne. Ceux qui ont conquis Bouaké En réponse le leader de la galaxie patriotique leur avait demandé de continuer à consentir des sacrifices. «Allez au travail, progressivement cette situation va s’améliorer. Gbagbo a dit qu’on ne sort pas de la guerre comme on sort d’un gala. Même quand il s’agit d’un gala, on sort un peu fatigué parce qu’on a trop dansé, bu ou trop mangé», avait caricaturé Eugène Djué. A côté de ces fonctionnaires qui se plaignent, d’autres, en nombre assez important se sont accommodés à leur nouvelle vie. A Gbékékro, passées les difficultés d’installation, les fonctionnaires redéployés mènent une vie riche en couleurs. « Ils dorment dans de grosses villas coûtant moins cher, circulent sur des grosses motos achetées à moindre coût, pour faire la ‘’prodada’’ (Ndlr, la belle vie) dans les maquis en de galantes compagnies», fait remarquer un élève de terminale dans cette ville. La frange des jeunes professeurs fraîchement redéployés a déjà pris ses marques à Bouaké et ses environs. Après les cours, les maquis restaurants et autres espaces gastronomiques qui pullulent désormais la cité de la Paix sont pris d’assaut. Sur des engins à deux roues ils se dirigent vers le château d’Ahougnassou, la Sicogi Ahougnassou, le Centre Ivoire, le Cinéma Le Capitole, l’Espace Cavally …. Pour prendre un pot, manger du cabri. Scotché à son téléphone portable et assis devant une bière, la communication de l’un de ces jeunes agents de l’Etat attire les regards : «Tu es où mon frère ? Trouve nous au cabri (ndlr un restaurant spécialisé dans la vente de la viande de cabri) !». Les points chauds de la ville et les boites de nuit les plus fréquentées sont connus de ces groupes de ‘’boucantiers’’. Ils ont des surnoms connus. «Don Moutchatcha», «Le Molare», «Le prof Choco», «l’Intello Choco», «L’Ami des élèves» … Parmi ces jeunes redéployés, certains ont opté pour la «diversification» de leurs activités. Ils ont, pour emprunter leur propre langage, «ajouté de nouvelles cordes à leur arc». «J’ai acheté des mototaxis qui rapportent 2.000 Fcfa par jour. J’ai ouvert un maquis et un allocodrome pour mon épouse», révèle l’un d’eux. Diarra, lui, est devenu un entrepreneur. Il propose ses services pour la réhabilitation des domiciles des fonctionnaires de retour. Quant à Charles A, ce professeur de lycée, il est agent immobilier à ses heures creuses. Plusieurs cordes à l’arc A l’image de nombre de ses collègues enseignants il donne aussi des cours dans des établissements autres que celui où il exerce. La mode est devenue plus sérieuse étant entendu que des professeurs ont crée des écoles, pour leur propre compte. «Les ‘’gombo’’ glissent à Bouaké», se réjouissent-ils. Les agents de recherche scientifique en agronomie, eux s’adonnent à la culture de potager une fois descendus du service. Zoumana Fofana, agent au Centre national de recherche agronomique (Cnra) retrouve son jardin chaque week-end. Il y cultive de la salade, de l’aubergine, du gombo, du piment pour soutenir sa popote. Une autre vague de nouveaux fonctionnaires s’est installée dans la politique. Ils ont tout mis en œuvre pour se faire redéployer à Bouaké. « Je suis revenu à Bouaké pour réinstaller notre parti, le Fpi, qui était absent depuis le déclenchement de la crise. Actuellement, nous avons pu redynamiser un certain nombre de comités de base, de sections et créer des fédérations», explique un instituteur. Une pille de dossiers en main, cet homme n’a presque pas le temps pour lui-même. Revenu avec une moto au départ, il circule désormais en voiture grâce à la générosité de la direction de son parti. «Le pays est géré ! La politique nourrit son homme plus que la craie», ironise-t-il. Chaque jour, il parcourt la ville à la rencontre de ses militants. Les cours sont relayés au second rang pour lui. Dans les autres partis comme le Pdci-rda, le Rdr ou le Pit c’est le même son de cloche. Des enseignants, selon de nombreux témoignages quittent les salles de classes pour des rencontres politiques. «De fait, vous remarquerez que tous les représentants à la Cei, à la Cnsi sont issus du corps des enseignants. Certains avaient même osé postuler pour l’opération d’indentification et d’enrôlement en cours en tant qu’agent recenseur, chef de centre, ou chef d’équipe. Le corps préfectoral, vigilant a décidé du retrait de tout postulant issu de l’éduction nationale. Surtout que ceux-ci n’hésitent pas à profiter du syndicalisme pour bloquer régulièrement les cours afin d’être libres de mener à bien leurs gombos», confie une autorité locale. De fait, interdit par les ex-rebelles en 2002, la pratique syndicale a repris depuis la signature de l’Accords de Ouaga. Sport, pêche, chasse… Les enseignants qui ne jurent que par « cette réouverture » en profitent au maximum. Depuis, l’on assiste presque chaque semaine à une grève pour non paiement de prime de réinstallation, de prime d’incitation, de profil de carrière…. La dernière date de la fin du mois de janvier, où le bureau régional du Synesci dirigé par Diabagate est allé jusqu’à faire une grève de la faim à la cathédrale Sainte Thérèse de Bouaké. Les sports et loisirs sont les occupations principales d’un autre groupe de redéployés. Réunis en club de dimanche, ils partagent leur hobby. Aussi, assiste-t-on depuis quelques temps à des matches de maracana entre fonctionnaires à l’ancien stade municipal. Le karaté intéresse le professeur et ceinture noire shotokan, Kaba Alkali qui œuvre pour l’ouverture d’un centre de sport dans son lycée de Diabo. Avant lui, nombre de pratiquants ont ouvert des tatamis. Bémpé Kassiama fait partie des agents qui ont opté pour la chasse. Chaque nuit quand le temps le lui permet, il part traquer le gibier. Il revient régulièrement au petit matin avec des perdreaux, des lièvres ou d’autres petits animaux qu’il revend pour arrondir ses revenus. Les friands de la pêche n’hésitent pas aussi à faire comme lui en allant chaque week-end à la conquête du poisson dans les environs de Bouaké. Des lacs comme la ‘’Loka ‘’sont réputés riches en poisson. Les fonctionnaires du corps préfectoral semblent eux, moins enclins au jeu. Ces hauts commis de l’Etat sont partagés entres réception d’autorités, rencontres de travail, inauguration et lancement d’opérations.

Allah Kouamé, correspondant régional
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