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Société Publié le mardi 24 février 2009 | Fraternité Matin

Le Dg du Crou, à propos des cités universitaires:“J’ai décidé de rétablir l’ordre”

Le Dg du Crou, Seka Obodji, a lancé une opération dont le but ultime est de redonner un visage plus reluisant aux cités universitaires d’Abidjan.

M. le Directeur, en quoi va consister l’opération «cité propre» que vous avez lancée la semaine dernière?

Lorsqu’on regarde l’environnement des cités universitaires, on se rend bien compte que ce n’est pas sain. Il s’agit d’amener les étudiants et le personnel à s’intéresser au travail quotidien que font les sociétés qui ont été retenues pour assurer la propreté des lieux. Ça, c’est la première des choses. La deuxième chose qu’on demande, c’est que les étudiants s’investissent dans une action citoyenne, c’est-à-dire que le Crou va mettre à la disposition des directeurs de cité et des étudiants des kits comprenant des brouettes, des râteaux, des pelles, etc. De sorte que les samedis et dimanches, ces derniers descendent eux-mêmes, pour assainir leur environnement. Et nous avons institué un concours qui va courir jusqu’en novembre 2009. Un comité a été mis en place pour évaluer le travail qui sera ainsi fait. Il sera par ailleurs chargé de désigner la cité la plus propre et celle-ci sera récompensée. Nous comptons pérenniser cette action.

Le problème ne se situe-t-il pas ailleurs que dans une opération «cité propre»? Ne gagnerait-on pas plutôt à résoudre la question de la surpopulation des cités universitaires?

Non, il s’agit plutôt d’une question d’éducation.

Certes, mais est-il normal que dans une chambre prévue pour deux personnes, il y en ait dix et qu’on s’étonne que des cités et leur environnement soient dégradés?

Nous sommes obligés d’être tolérants, la situation du pays nous y oblige. Pendant la guerre, il y a eu de nombreux déplacés. Nous avons sur le campus, des étudiants de Bouaké qui logent avec leurs amis d’ici. Ainsi pour un étudiant ayant droit à une chambre, il faut compter en moyenne 5 à 6 personnes qui vivent avec lui. Faut-il les mettre dehors et revenir à l’ancienne formule où nous avions très peu d’étudiants par rapport au nombre d’infrastructures disponibles?

J’estime qu’il faut cultiver la solidarité, mais éduquer les étudiants de sorte qu’ils comprennent que la solidarité, ce n’est qu’une étape, en attendant que l’Etat prenne les choses en main et qu’il décide de la construction d’autres résidences universitaires ou que le privé lui vienne en renfort.

Soit! Mais, n’est-ce pas la surpopulation des cités qui a conduit au délabrement des infrastructures et à la dégradation fulgurante de l’environnement?

C’est comme si vous dites que parce qu’on est pauvre, on doit être sale.

On peut être pauvre et ne pas être 10, 15 dans une petite chambre de cité…

Le constat que nous faisons en Côte d’Ivoire, c’est que lorsqu’on est pauvre, on pense qu’on doit être sale. Et le fait d’être nombreux dans un espace donné ou dans une maison, ne signifie pas forcément qu’on doit produire beaucoup de déchets. On peut être nombreux dans une maison, mais si l’on est bien éduqué, on a de bonnes habitudes pour maintenir sain son environnement.

A 15 dans une petite pièce, on enlaidit forcément son environnement, lorsqu’on se met à sécher au même endroit 15 serviettes de bain et autres vêtements, en même temps…

Il y a dans les résidences des endroits prévus pour mettre le linge à sécher. Mais cet espace, en ce qui concerne le campus de Cocody, est aujourd’hui envahi par les herbes. Ce qu’on peut faire, c’est de le réaménager afin que les résidants puissent y sécher leurs habits. Donc il y a des aménagements qu’on peut faire pour avoir des espaces salubres.

Vous annoncez donc des réformes. N’est-ce pas une autre opération de trop, vu les obstacles qu’on imagine?

Les réformes, quand on les impulse, on rencontre toujours des obstacles. Mais, il faut persister pour qu’elles voient le jour et que les mentalités les intègrent. C’est de cette façon-là que je vois les choses. Si parce que les étudiants sont 50 dans les chambres, je ne fais rien, quel problème aurais-je résolu? Je préfère poser des actes maintenant pour avancer et apporter des correctifs au fur et à mesure, si cela s’avère nécessaire.

On affirme qu’il y a beaucoup de civils parmi vos résidants. Depuis votre prise de fonction, en avez-vous vus?
(Sur un ton un peu moqueur) Parmi ces civils, il y a vos collègues journalistes…
Là n’est pas la question M. le Directeur, répondez plutôt à notre préoccupation.
Vos collègues sont des civils ! Mais pour faire plus sérieux, je m’en vais vous dire que je suis indigné, lorsque je constate que des personnes qui ont les moyens de se prendre des studios en ville, continuent de squatter les résidences universitaires. Mais dans la vie, ce n’est pas de cette façon-là qu’on fait des économies, car plus on pense en faire, plus on perd de l’argent par la suite…

Vous ne répondez toujours pas à la question. Nous voulons savoir si vous avez constaté que des civils logent sur le campus?

Je vais répondre à votre question. ça, c’est le commentaire que je tenais à faire avant de poursuivre.

… Et combien sont-ils?

Je ne connais pas le nombre, mais je vais vous expliquer comment ce phénomène s’est développé. Généralement, c’est le fait d’étudiants qui sont logés, mais qui restent en famille et mettent en sous-location leurs chambres, pour gagner deux ou trois fois leur bourse. Et puis, il y a également les réquisitions qui se font par les syndicats qui, par la suite, sous-louent à des particuliers. Mais pour une question de bon sens et d’éthique, ces personnes devraient, à la limite, refuser d’habiter ou de squatter ces résidences.

Face à cette situation, que faites-vous?

L’opération d’assainissement va se faire également à partir de la prochaine opération d’attribution des logements. Nous allons donner des instructions aux directeurs de cité, afin qu’ils soient plus regardants sur ces choses qui ne peuvent disparaître tout d’un coup, car c’est le moyen qu’ont trouvé certains étudiants pour gagner de l’argent.

Les étudiants ne sont certainement pas les seuls à être impliqués dans ce «commerce».

Ont-ils le pouvoir d’installer des personnes dans des chambres sans que l’administration du Crou en soit informée?

Ah, oui!
Pourquoi?

Mais parce qu’il y a des directeurs qui entrent dans ce jeu. Maintenant, comme il y a d’un côté les étudiants et de l’autre le personnel administratif et que les deux entités dépendent de la direction générale du Crou, je procède d’abord par la sensibilisation, puis je vais passer aux sanctions, à la répression. Parce qu’à la prochaine séance d’attribution des chambres, les directeurs impliqués dans ce commerce seront débarqués.

Lorsque j’étais sous-directeur du logement, pendant longtemps j’ai évoqué ce problème. Maintenant, j’assume les responsabilités de directeur et j’ai les mains libres pour agir.

Avez-vous vraiment les mains libres?

Oui!
Même quand la Fesci et les syndicats s’arrogent des droits et exigent des quotas de chambres?

(Il insiste)J’ai les mains libres. Je ne gère pas le Crou sous la dictée de quelqu’un. C’est le programme que j’ai élaboré, au moment où je n’étais pas encore à la tête de la structure que je suis en train de mettre en application. Moi, j’avance. Et si chemin faisant, je rencontre des obstacles qui m’empêchent d’avancer, j’en prends acte et je m’en vais.(pour dire: je démissionne).

M. le Directeur, quelles dispositions entendez-vous prendre pour la Cité rouge dont certains paliers ont été ravagés par un incendie, récemment…?

Le Président a confié le dossier de la Cité rouge à la cellule présidentielle chargée des catastrophes. Les dernières informations nous indiquent que le dossier est au niveau du ministère de la Construction et de l’Urbanisme et que les choses avancent bien ; c’est dire que cette Cité sera réhabilitée.

Apparemment, la Cité rouge échappe désormais à votre contrôle. Faut-il croire qu’elle n’est pas concernée par le programme que vous lancez?

Il s’agit juste de la réhabilitation. Et c’est le ministère de la Construction qui a en charge ce dossier. Mais quand tout sera terminé, les entreprises vont soumissionner et celle qui sera retenue, exécutera les travaux.

La Cité rouge est un cas particulier. Vous le savez, elle est «gérée» par les éléments de la Fesci; comment allez-vous résoudre ce problème?

Je ne dis pas que du jour au lendemain, cette cité deviendra une belle cité réhabilitée. Je dis que nous sommes en train de chercher une solution à ce problème. Je réfléchis et j’avance. J’explique ce que je suis en train de faire. Ayant déclaré ce que je veux faire, je me donne les moyens d’avancer.

N’avancez-vous pas trop lentement?

Le temps, qu’est-ce que c’est? J’ai fait ma rentrée administrative le 15 octobre 2008. J’ai entrepris la tournée des résidences universitaires du 5 au 17 novembre 2008, pour en évaluer l’environnement ainsi que la situation des agents. Le point de la situation a été consigné dans un C D, dont nous avons remis copie au Président de la République, lors de sa visite à la Cité rouge. Parce qu’il est bon qu’il jette un coup d’œil sur l’ensemble des 19 cités universitaires (au plan administratif) de la ville d’Abidjan.

Combien de lits y a-t-il pour ces 19 cités?

Nous étions à 9804 lits. Mais l’incendie de la Cité d’Abobo et les deux bâtiments non réhabilités à Cocody sous mon prédécesseur (où on a évoqué le fameux dossier du milliard) ont contribué à réduire le nombre des chambres.

Quel est le coût de la réhabilitation de l’ensemble des cités?

Je donne un ordre de grandeur, cela tourne autour du milliard de francs CFA

A combien sont louées les chambres aux étudiants?

Depuis longtemps, elles sont à 3000 francs pour les chambres doubles et 3500 pour les chambres individuelles. Cela fait environ 200 millions par an. Et ceci, parce qu’on a demandé aux étudiants de payer entièrement l’occupation de la chambre pour l’année. Ça ne représente pas grand-chose, mais, ce sont des résidences subventionnées.

Les commerçants ne sont-ils pas également une source de revenus pour vous, puisqu’ils paient une taxe?

Oui, les commerçants paient selon la nature du commerce, et de ce qu’ils ont dans leurs magasins. Cela varie de 5000 à 15000 francs CFA. Mais ce sont des chiffres dépassés aujourd’hui. Voilà pourquoi l’opération de recensement que nous allons mener va permettre de réévaluer l’occupation. Cette réévaluation va se faire avec l’entrepreneur qui a été retenu pour construire les nouveaux magasins.

Avez-vous déjà discuté avec la Fesci?
Par rapport à quoi?

Par rapport à ce dossier de réorganisation des commerçants, puisque nous savons que la Fesci a également installé des commerçants…
j’ai un programme dans lequel je dis ce que j’ai à faire. Cela dit, de temps à autre, quand c’est nécessaire, je les appelle ici à mon bureau pour discuter avec eux (Entendez: les membres de la Fesci)

Sans attendre leur avis?

Je me rends compte heureusement, qu’ils sont en phase avec moi sur ce que je suis en train de faire et jusque-là, il n’y a pas eu de levée de boucliers contre mon programme. Au contraire, ils collaborent avec moi. Car ce que je fais, c’est dans l’intérêt de tout le monde. Quel est l’individu qui serait suffisamment fou, pour ne pas apprécier la réhabilitation des résidences universitaires? D’ailleurs, j’invite tout le monde à s’adapter à la nouvelle donne et plus précisément, à ce qui est en train de se faire. Parce qu’il faut que les gens aient la finesse pour analyser ce qui se passe. Vous n’ignorez pas que les mesures sont en train d’être prises contre les auteurs de détournements et adeptes de la corruption. Cela veut dire que personne n’y échappera et qu’il faut s’attendre à ce que cela s’applique à tous les “déviationnistes”. Donc, il est bon de perdre progressivement les mauvaises habitudes plutôt que de se faire surprendre par des mesures qui vont emmener certaines personnes en prison. Moi, je prône la voie de la sagesse.

En principe, il revient au Crou d’installer les commerçants.

Y compris sur les trottoirs des résidences aussi.

Oui, mais jusqu’en 2001, il n’ y avait pas autant de commerçants installés sur les trottoirs. C’est après cette date et avec la fermeture du restaurant du campus que les commerçants ont commencé à s’installer aux abords du boulevard, pour y faire à manger, au profit des étudiants. Mais progressivement, il y a eu des débordements. Tout le monde s’est installé et nous admettons que c’est avec le laxisme du Crou que cela a pu se faire et les étudiants s’y sont mis également. Au réveil, chaque matin, nous découvrons de nouveaux commerçants qui occupent des espaces et comme rien n’a été fait pour les déguerpir de ces lieux, l’anarchie s’y est installée.

Quels étaient les critères d’occupation?

Par le passé, le candidat à l’installation était tenu de faire une demande qui était étudiée par le service technique, au niveau de la sous-direction du patrimoine et de la maintenance. Après quoi, le Crou donnait l’autorisation d’occupation; on a progressivement assisté à l’installation anarchique des commerçants, faisant fi de l’avis technique de cette sous-direction.

Pourquoi face à cette situation, le Crou n’a-t-il pas réagi à cette époque?

Cela nous ramène à la question de la gestion et par conséquent à la critique de celle de l’un des anciens directeurs; en l’occurrence M. Nahounou A cette époque, j’étais sous- directeur du logement et deux tendances s’étaient rapidement dégagées. L’une était opposée à l’installation anarchique, et l’autre regroupait les personnes qui estimaient qu’on n’était pas dans le meilleur des mondes et qu’il fallait laisser les choses se faire. Cette deuxième tendance a pris le dessus, moi je n’étais pas de cette tendance là. Aujourd’hui, en tant que premier responsable du Crou, j’ai décidé de rétablir l’ordre, parce que je pense que ce qui se passe, n’est pas digne d’un campus universitaire. Car un campus universitaire, c’est un endroit où il doit faire bon vivre et bon étudier. Or aujourd’hui, le campus ressemble à un centre commercial; ce n’est pas tolérable.

Comment allez-vous procéder
Y aura-t-il une phase d’identification des commerçants?

Certains commerçants ont déjà été identifiés; nous le leur avons demandé parce que nous avons la volonté de les recaser. Pour ce faire, nous avons rencontré un opérateur économique qui va construire des magasins et ceux qui ont été recensés, vont les occuper par le système de location, jusqu’à ce que l’opérateur économique rentre dans ses fonds et en tire les bénéfices nécessaires. Après cela, les magasins seront rétrocédés au Crou qui en assurera la gestion.

Combien sont-ils, ceux qui ont déjà été identifiés?
(Il se tourne vers son conseiller pour savoir le nombre). Ils sont 234.
La liste est-elle définitive?
Non, il s’agit du premier lot de commerçants enregistrés.
Quel est alors le terme de cette opération d’identification?

Nous y allons jusqu’à ce que l’opérateur arrive et nous donne le plan. Mais dès qu’il commence ses travaux, l’identification prend fin.

Si l’on doit recaser les commerçants, c’est qu’un espace a été identifié.

Il est situé entre le boulevard de France et le centre médical des étudiants ; plus précisément dans le bas-fond derrière les bâtiments. La zone sera viabilisée, bien aménagée, pour que les commerçants s‘y sentent à l’aise. La semaine dernière, nous avons rencontré l’opérateur économique. Les plans devraient être logiquement remis la semaine prochaine. Et s’il dispose de moyens suffisants, les choses devraient aller vite. Ni le Crou, ni les commerçants n’apportent une contribution, parce que nous voulons éviter ce qui s’est passé à l’université de Cocody. Où les commerçants, qui prétendaient avoir versé de l’argent, n’ont pas été satisfaits.



Interview réalisée par Josette Barry
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