Campagne presidentielle - Voici la stratégie d`Alassane Dramane Ouattara

M. Alassane Dramane Ouattara, le président du Rassemblement des républicains (Rdr) peut-il encore compter sur le réseau français ? Ce réseau est-il encore disponible pour lui comme il était, il y a quelques années ? Réponse.

L’élection présidentielle en Côte d`Ivoire réserve de grosses surprises aux futurs électeurs. Dans la ribambelle de candidatures annoncées ou intentionnelles, chacune viendra avec ses stratégies, ses moyens financiers et ses hommes. M. Alassane Dramane Ouattara, précédé d`une réputation de richissime homme d`affaires, intéresse beaucoup les électeurs ivoiriens.

Qu`en est-il des amis de Ouattara ?

Inutile d`annoncer sa candidature au risque de donner dans le ridicule. Car, on ne peut guerroyer pendant plus d`une décennie parce que auréolé d`un diadème d`ancien Premier ministre et du titre d`ancien Dga du Fmi, on ne peut également mobiliser tant au plan national qu`international autant de soutiens politiques, financiers et même militaires, tout comme on ne peut prendre part avec hargne et abnégation à des pourparlers et accords de paix dans le seul but de faire accepter sa candidature à la présidentielle, et finalement manquer le rendez-vous électoral. Le président du Rdr est donc candidat, fut-il à titre " exceptionnel " et seuls ses moyens pour arriver au Palais présidentiel pourraient retenir l`attention de l`opinion. Après tant de batailles livrées pour se voir ouvrir le sésame, que pèse réellement le président du Rdr du point de vue des soutiens financiers qui ont fait sa force d`antan ? Sur qui compte-t-il pour prétendre présider aux destinées des Ivoiriens ?
A la vérité - et le raisonnement ne saurait être simpliste-, le mentor des républicains ne pèse fondamentalement plus grand- chose. Ne serait-ce que sur la scène internationale où il avait réussi à s`imposer. Son passage d`abord, à la Bceao ensuite, à la primature ivoirienne enfin au Fmi avait conforté une carrure d`homme d`Etat au banquier jusque-là inconnu du grand public. M. Ouattara a habilement usé de ces différentes positions pour nouer des attaches à l`international qui vont s`avérer déterminantes dans sa quête du pouvoir en Côte d`Ivoire. Aussi n`hésitait-il pas à brandir dans ses différents meetings politiques, ses avérées ou supposées amitiés avec Nicolas Sarkozy alors ministre français de l`Intérieur, Michel Camdessus, ancien Dg du Fonds monétaire international, sa dévotion subliminale à Nelson Mandela en qui il s`incarnait, sans oublier ses entrées chez des chefs d`Etat africains dont les plus en vues sont les présidents Omar Bongo du Gabon, Mouammar Kadhafi de Libye. Vincent Bolloré patron du Groupe Bolloré très présent en Côte d`Ivoire dans les affaires maritimes depuis des lustres, a été longtemps présenté par le cercle de M. Ouattara comme un des parrains. Il y a également le Groupe Bouygues à qui Ouattara alors Premier ministre, vendait les actifs de groupe Sodeci-Cie à un franc symbolique. Mais il y a bien longtemps de cela et le marigot politique ivoirien a énormément fait sa mue avec l`arrivée de nouveaux acteurs et de poids. En politique, dit-on, seule la saine appréciation de la réalité prévaut. Un pays n`a pas d`ami mais que des intérêts. Alors question : que gagnent ces différents réseaux suscités à s`obstiner à soutenir un individu dont les retombées se font désirer. Alassane Dramane Ouattara peine à convaincre ses "amis" sur sa capacité de faire l`unanimité autour de sa personne dans le maelström ivoirien.
Dès lors, de ses supposées accointances, il ne reste plus rien, apparemment. A moins que ce ne soit une autre entourloupette comme le président du Rdr sait le faire. C`est-à-dire, jouer le mort et réapparaitre après la houle. C`est ce qui expliquerait, selon Karamoko Yayaoro, le président de la jeunesse du Rdr, son retrait momentané du champ politique au profit de son allié du Rhdp, le président Bédié du Pdci-Rda. Mais parmi ces affidés, nombreux sont ceux qui n`y croient plus. " Ouattara n`a plus les moyens de son faro ", ironise un jeune cadre militant sur le tard au Rdr que nous avons, dans le cadre du présent dossier, rencontré dans le hall de l`hôtel du Golf où logent la plupart des autorités de la rébellion ivoirienne. Notons qu`avant la signature de l`Accord politique de Ouagadougou, le 4 mars 2007, Ouattara bénéficiait encore du soutien d`une grande partie des chefs de guerre et même de certains cadres originaires du nord. Mais on le voit bien, l`homme n`est plus ce grand rassembleur. Et pour cause.

Une prétendue fortune colossale qui ne fait plus recette

Le président des républicains peut laisser passer des longs mois voire même une année si ses militants ne vitupèrent, avant de programmer une tournée. Ce qui n`a jamais été dans ses habitudes. La bourse s`est amenuisée, les soutiens étrangers lui ont retiré toute confiance. Inutile de dire qu`il est difficile, voir impérieux pour de grands argentiers lobbyistes de renouveler leur confiance à un homme qui n`a pas été capable de s`imposer au plan local comme une véritable alternative démocratique. L`image de Alassane Ouattara à l`international est désormais assimilée à celle d`un fieffé meneur de trouble, doublé d`un poltron qui peine à assumer ses actions, comme il l`aura démontré tout au long de l`actuel crise militaro-politique. Ce qui fait qu`aujourd`hui, le " mentor " ne peut que s`appuyer sur les cadres du parti. Des ministres comme Amon Tanoh Marcel (Construction, Urbanisme et Habitat), Cissé Ibrahim Bacongo (Recherche scientifique) qui vient d`offrir "un Qg de campagne" à son mentor, Amadou Gon Coulibaly (Agriculture) heureux de payer son tribut à Ouattara qui l`a fait éternel ministre contre vents et marées, Ahmed Bakayoko (Ntic). Ceux-là, on les appelle "les payeurs" à la Rue Lepic. Depuis leur entrée aux successifs gouvernements, ces derniers sont coutumiers à la tontine dont M. Ouattara reste et demeure le seul et unique bénéficiaire. Aussi n`est-il pas rare de voir d`autres ministres, Pca, Dg délier bourse pour faire tourner la machine. Même l`opérateur économique sympathisant du parti n`est pas oublié, il est sollicité à agir par à-coups dans l`espérance d`une éventuelle arrivée du mentor au pouvoir. "De temps à autre, des hommes d`affaires font preuve de philanthropie à l`égard des structures du parti. Il y a longtemps que le mentor a cessé de mettre la main à la poche, les cadres ont pris la relève", indique avec un brin d`amertume, un nostalgique des années Ado, période où il suffisait de crier "wari facthê !" (ndlr, père de l`argent) au passage du Docteur pour se voir inondé de billets de banque. Trivialement : "Ouattara n`a plus l`argent". Le budget de 800 millions de Fcfa alloué aux grands partis politiques par la seule volonté du Président Laurent Gbagbo vient ainsi comme une manne tombée du ciel en pleine disette. Les militants, jadis exaltés par les harangues du Brave-tchè, ont perdu toute illusion et se rendent finalement compte que la richesse du mentor est désormais orientée vers d`autres priorités, en l`occurrence sa famille et ses affaires. L`ambition politique n`a pas réussi à mettre en veilleuse l`amour des siens à un Alassane Dramane Ouattara devenu plus que calculateur. Le pouvoir tardant à échoir dans sa main.


Simplice Allard
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