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Société Publié le vendredi 27 février 2009 | Nord-Sud

Quêtes dans les églises et mosquées : L`argent de Dieu tombe dans de nouvelles mains

Dans les lieux culte, la gestion informelle du fruit de la quête est en train de faire place aux règles de la comptabilité.

Ceux qui pensent que le spiritualisme et la science comptable ne peuvent pas faire bon ménage doivent se raviser. La gestion moderne s'est installée dans la maison de Dieu, et même confor-tablement. Dans la majorité des communautés religieuses, chrétiennes comme musul-manes, le problème du jour n'est plus résolu avec la quête du moment. L'on procède désormais par prévision budgétaire. Au début de l'année, le comité de gestion constitué des composantes de la communauté se réunit pour arrêter la liste des dépenses en fonction des ressources attendues. Des modifications peuvent être opérées en cours d'exercice en fonction des variations conjoncturelles. Réduction ou élimination de certaines dépenses quand les ressources sont moins que celles qui étaient prévues. Investissements supplémentaires en cas d'excédent. Même les guides spirituels ont fini par se familiariser avec la pratique managériale. « Chacune de nos églises comprend un Président des laïcs (Pl), un Président du conseil d'administration et des finances (Pcfa), un comité église et société (Pcs). Le président du conseil d'administration et des finances est celui qui élabore les budgets qui s'équilibrent en dépenses et recettes », explique le pasteur Josué Affi, surintendant du district Abidjan Nord de l'Eglise méthodiste unie de Côte d'Ivoire. Sa compétence s'étend sur les communes du Plateau, d'Adjamé de Cocody et de Bingerville. Comme chez les autres confessions, les dépenses dont ils parlent concernent essentiellement les charges de fonctionnement (consommation d'eau et d'électricité, téléphone, frais d'entretien, émoluments des célébrants et de leurs collaborateurs). S'ajoutent quelques fois des travaux d'extension.


Où vont les fonds ?

Aujourd'hui, l'ampleur des charges et la taille des ressources imposent aux maisons de Dieu de fonctionner comme des entreprises. A la mosquée ''An Nour'' de la Riviera II, un comité de gestion a été institué. Outre l'imam, il est composé de plusieurs fidèles choisis en fonction de leur spécialité. « Notre trésorier est comptable de formation. C'est lui qui prépare le budget. Le comité a plusieurs démembrements tels que les commissions chargées de la maintenance et l'organisation. Nous avons un compte bancaire et tous les retraits sont soumis à une double signature », révèle l'imam Sékou Sylla. Selon lui, ce mode de fonctionnement qui régit aujourd'hui la plupart des mosquées est indispensable à la transparence. Sans transparence, estime-t-il, il n'y a pas de confiance, et sans confiance, pas de motivation chez les pourvoyeurs de fonds que sont les fidèles. « Il faut les hommes qu'il faut à la place qu'il faut », préconise le guide. Dans sa mosquée, en plus de la quête, les fidèles sont invités à acheter des ''cartes de soutien'' pour tous les prix. Tout en attestant leur appartenance à la communauté, ces cartes permettent à ceux qui les prennent de garantir un minimum de ressources à leur lieu de culte. Les fonds recueillis servent à maintenir l'hygiène au sein de la mosquée, à entretenir le matériel de sonorisation, à régler les factures d'eau et d'électricité et à verser des émoluments aux animateurs de la mosquée, de l'imam aux vigiles en passant par les muézins. Une aide financière mensuelle est aussi apportée à l'Association des élèves et étudiants musulmans de Côte d'Ivoire (Aeemci) dont le siège se trouve dans le même bâtiment. Dans l'Eglise catholique, selon les diocèses, tout ou une partie de l'argent de la quête est acheminé vers l'organe financier appelé la Procure. Dans le diocèse d'Abidjan, le plus grand avec 62 paroisses, plus rien ne reste dans une paroisse depuis 2007. Le nouveau responsable, Amangoua Lookensey, a décidé que la totalité des ressources converge vers sa structure en vue d'une gestion centralisée. Il reçoit les fruits des quêtes ordinaires, des quêtes spéciales pour des projets spéciaux et les quêtes impérées. Dans le derniers cas, il s'agit de quêtes réalisées dans un esprit de solidarité. Les fonds qu'elles génèrent sont affectés à des causes ou des charges spécifiques. Comme leur nom l'indique, elles ont un caractère impératif. Il s'agit entre autres de la quête pour l'entretien des lieux saints, la quête de Saint Pierre Apôtre et de l'entretien de la résidence du Pape, la quête de la Caritas (Pour les œuvres sociales). Chacune de ces quêtes se fait à une date précise connue des fidèles. Une grande quête est par exemple organisée partout dans le monde le dernier vendredi de la période du Carême (Vendredi saint) au profit des lieux saints. En 2008, pour le seul diocèse d'Abidjan, les quêtes impérées ont rapporté plus de 130 millions Fcfa.

Tout cet argent est acheminé au Vatican qui s'en sert pour son fonctionnement, la rémunération des évêques du monde et l'appui à des communautés défavorisées. Les ressources des quêtes ordinaires et des quêtes spéciales restent sur place pour être redistribuées aux différentes paroisses selon leurs besoins (eau, électricité, téléphone, frais d'entretien). S'ajoutent les salaires des employés des paroisses et diocèses et les émoluments des prêtres. Depuis deux ans, contrairement au passé, tous les prêtres perçoivent les mêmes montants aux mêmes dates. Cela, au nom de l'équité recherchée par la nouvelle péréquation. Le constat est là, chez les musulmans comme chez les chrétiens, une révolution s'opère en matière de gestion des devises pour le bonheur des communautés respectives. Mais, il y a autant de progrès que de difficultés.


Les musulmans s'organisent

« Vous avez été témoin de l'interruption de la fourniture d'électricité à la Cathédrale St Paul pour facture impayée. La pauvreté a gagné tout le monde. Certaines personnes qui, avant mettaient1.000 Fcfa dans la caisse ne peuvent plus donner que 500 ou 200Fcfa. Les ressources diminuent pendant que les charges augmentent. La facture d'électricité s'élève à des centaines millions de F, sans compter l'eau et le téléphone », déplore l'abbé Augustin Obrou, responsable de la communication de l'archevêché d'Abidjan. Pour le directeur de la procure, financier de formation, les problèmes que connaissent la Cathédrale et bien d'autres paroisses sont moins le fait d'une baisse des ressources que d'une gestion qui doit être améliorée. Il en veut pour preuve une augmentation de plus 500 millions Fcfa sur le montant global de la quête entre 2007 et 2008. En 2008, les fidèles ont cotisé 1,8 milliard de Fcfa contre 1,3 milliard de Fcfa l'année précédente. « A la cathédrale, tous les bâtiments fonctionnent avec des climatiseurs split. A l'archevêché, il y en a 40. Au niveau du presbytère, on en compte au moins 35. Par mois, l'électricité coûte 3,5 millions de Fcfa. C'est une installation de haute tension. Donc, nous avons mené des démarches pour descendre à la basse tension. A part la grande salle de cathédrale où il y a un système de refroidissement complexe et qui va fonctionner sous moyenne tension, tous les autres bâtiments reviendront à la basse tension. La baisse de puissance va réduire considérablement la facture. Pour l'ensemble des 62 paroisses, l'électricité coûte 12 millions par mois. Je vais ramener ce montant à 7 millions Fcfa. Nous avons commencé des contrôles qui nous ont permis de découvrir que des paroissiens ont des restaurants qui fonctionnent avec l'électricité des paroisses. A St Michel, on s'est rendu compte qu'une menuiserie était branchée à la paroisse. Le niveau des quêtes n'a pas baissé. Au contraire, il a augmenté. Il y a juste un problème d'organisation », soutient M. Amangoua. Pour réduire la consommation d'électricité dans ses églises, il a plafonné la consommation : « Pour chaque paroisse, il y a un plafond de kilowattheure à ne pas dépasser. Quand vous l'atteignez, le disjoncteur se déclenche et vous n'avez plus d'électricité. Cela évite les excès parce qu'à certains endroits, les gens pouvaient laisser le climatiseur en marche de 8h du matin à minuit.» Concernant le téléphone, les appels sur les mobiles ont été supprimés sur plusieurs lignes. Dans l'ensemble ces mesures sont bien accueillies par les chefs de paroisses. L'abbé Abékan Norbert de Notre Dame de La Tendresse de la Riviera salue surtout le fait que la nouvelle gestion mette tous les prêtres sur le même pied d'égalité au plan matériel. «Il est inamissible que certains prêtres aient de gros moyens pendant que d'autres ne trouvent même pas à manger », se désole le guide. « Dans les paroisses des zones rurales, l'argent de la quête ne peut pas faire face aux charges d'électricité. Grâce à la péréquation, ces communautés sont aidées par les autres », se réjouit l'abbé Augustin. Des paroisses comme St Jean de Cocody réalisent des excédents de 150 millions Fcfa par an, quand d'autres ne pouvaient pas acheter des soutanes à leurs prêtres. Ces écarts sont en train de disparaître parce que ceux qui ont plus de moyens aident ceux qui en sont dépourvus. Autre confession, autre type de difficulté.


La maison de Dieu sinistrée

A la mosquée de Williamsville, la recette mensuelle varie entre 175.000 et 200.000 Fcfa. Des montants largement en deçà des charges. Pour combler le déficit, les responsables se tournent vers des âmes généreuses ou les maigres ressources générées par la commercialisation des toilettes. Impossible dans ces conditions de payer régulièrement des émoluments à l'imam qui ne peut compter que sur les dons de bonnes volontés. « Les difficultés financières des mosquées ne sont pas une chose nouvelle. Ce sont des choses auxquelles nous sommes habitués. Si à Cocody, il y a un minimum, ce n'est pas le cas partout. Je pense que tout dépend de l'organisation. C'est un travail de longue haleine. Un seul sermon ou une conférence ne suffisent pas pour faire changer les mentalités. Il faut reconnaître que notre communauté n'est pas organisée comme les autres. C'est maintenant qu'elle apprend à s'organiser. C'est maintenant qu'elle apprend à avoir une seule direction », avoue le responsable de la communication du Conseil supérieur des imams(Cosim). Faut-il s'attendre à ce que toutes les mosquées transfèrent leurs quêtes à une instance unique qui va les redistribuer ? « Il ne s'agit pas pour nous de faire forcement comme les autres. Après l'immatriculation des mosquées, nous sommes en train d'élaborer les statuts et règlements qui prévoient entre autres des émoluments pour les imams », annonce Sékou Sylla. Les méthodistes, tout comme plusieurs Eglises évangéliques, sont eux aussi dans la péréquation. Toutes les dîmes sont remises à la direction nationale qui se charge de rémunérer les pasteurs. Chaque église conserve cependant une partie de ses quêtes, notamment celle de la moisson qui constitue l'essentiel du budget du Temple du jubilé de Cocody. Cette communauté prend aussi en compte une partie des charges des méthodistes de Katiola affaiblis par la crise. Ce type de partenariat interne existe entre plusieurs communautés, indique le pasteur Josué. En ce moment, les aides sont essentiellement orientées vers les méthodistes des zones Centre, Nord et Ouest (CNO). «A l'époque, Bouaké cotisait près de 30 millions Fcfa par an. Aujourd'hui cette ville atteint à peine 1 million. Les fidèles méthodistes pouvaient dépasser 2.500 personnes par communauté. Aujourd'hui, on n'atteint pas 100 fidèles par communauté. Et la plupart des fidèles qui se sont déplacés ont perdu leurs emplois. Nous avons dû revoir beaucoup de chose à la baisse. Nous parlons d'une mission de reconstruction dans ces zones. Des presbytères ont été totalement rasés par la guerre. Nous avons subi des préjudices mais nous ne demandons pas réparation. Notre prière est que les armes se taisent définitivement », conclut le guide méthodiste.

Cissé Sindou
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