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Politique Publié le lundi 2 mars 2009 | Fraternité Matin

Crise au Fpi à Soubré : Miaka et Gogui se battent, le parti se meurt

Rien ne va plus au Fpi dans la cité du Nawa. Le conflit entre le secrétaire général du parti au pouvoir et le fédéral est ouvert et fait des vagues.

Le Front populaire ivoirien (Fpi), le parti dirigé aujourd’hui par Pascal Affi N’Guessan, est malade de sa division, à Soubré. La “guerre fratricide” que se livrent deux clans, l’un conduit par le secrétaire général national, porte-parole du Fpi, Miaka Ouretto, par ailleurs député et président du Conseil général de Soubré; et l’autre, par le secrétaire fédéral du même parti, Gogui Théophile, directeur général de la Société de gestion du patrimoine immobilier de l’Etat (Sogepie).

La situation dure et perdure. Et plus le temps passe, plus elle se dégrade. Et cela se vérifie à toutes les manifestations. Que ce soit à Soubré sous-préfecture ou commune, à Méagui, Liliyo, Buyo, Okrouyo et à Grand-Zattry. Les deux groupes se regardent en chiens de faiënce quand ils ne se prennent pas au collet.

Au fait, que se passe-t-il exactement à Soubré? Les démons du fleuve Nawa ont-ils entrepris de diviser les fils de la cité? Est-ce un problème de personne ou de leadership? Sur cette question, Gogui Théophile, d’ordinaire peu bavard, devient loquace: “Un problème personnel par rapport à quoi. Moi, je vais vous dire une chose: Miaka a certainement des problèmes personnels”.

Gogui, considéré par ses détracteurs comme un ex- secrétaire fédéral donne sa version des faits. “Tous nos problèmes ont commencé le jour où j’ai offert aux structures de base du Fpi, 500 vélos, 50 mobylettes et 10 motos-cross et équipé la Jfpi, l’Offpi, ... D’une part, il estime que j’aurais dû dire que c’est lui qui a fait, ce don. Et d’autre part, il pense qu’en faisant ce don, je veux me positionner comme patron de la région. C’est à partir de ce moment-là qu’il a commencé à me combattre ouvertement”.

Pour Gogui, en tant que fédéral, toutes les actions, à savoir, encourager de nouvelles adhésions particulièrement dans le milieu Akan et Sénoufo, œuvrer à multiplier les sections et les bases du parti, réorganiser la chefferie traditionnelle départementale, qu’il mène ont un seul objectif: travailler “au rayonnement du parti au niveau du département. Je le fais pour mon secrétaire général. Qui, malheureusement, pense que je le fais parce que je veux lui ravir le poste de président du Conseil général”, a-t-il confié.

Ce que certains appelleraient divergence de vues sur la manière de diriger le parti au niveau de la base, n’est pas resté sans effet. Gogui Théophile est démis de ses fonctions de vice-président du Conseil général de Soubré, par le président Miaka Ouretto. “En me démettant, il a radié du Conseil un certain nombre d’employés qu’il soupçonnait d’avoir pris fait et cause pour moi dont son chef de cabinet et son chargé de mission, Bouazo Zouzoua Vincent, qui était mon premier fédéral adjoint”, explique le DG de la Sogepie.

A Soubré, Gogui Théophile est accusé d’avoir convoyé des loubards acquis à sa cause pour boycotter, l’an dernier, l’une des réunions du Conseil général. “C’est totalement faux. Je n’ai jamais boycotté de réunion du Conseil général. Miaka avait annoncé qu’il allait m’enlever de la vice-présidence”, se défend Gogui. Qui dit ne pas comprendre pourquoi Miaka s’en prend à sa personne. Il tient à rappeler ceci: “Je ne suis pas devenu vice-président du Conseil par sa volonté. C’était à la suite d’un consensus. Au moment où l’on le choisissait président du Conseil général. Il n’était pas candidat au départ. Il l’est devenu par la volonté du fédéral Gogui. Et bien souvent, il se garde de le dire. C’est un consensus que nous avons fait avec une répartition des postes de vice-président”.

Que pense-t-il de la destitution de Miaka Ouretto de son poste de directeur départemental de campagne du candidat Laurent Gbagbo par des secrétaires généraux de section Fpi, en décembre dernier? La réaction est toute simple: “Cette destitution s’inscrit dans un processus. Miaka m’a enlevé en tant que directeur local de campagne. Les populations, se reconnaissant en moi parce que je suis sur le terrain, ont dit que si Miaka fait cela, c’est qu’il ne mérite pas d’être directeur départemental de campagne. Donc elles l’ont destitué”.

Dans cette localité, des secrétaires généraux de section sont convaincus d’avoir agi dans le bon sens. “Miaka ne travaille pas pour le parti. Les élections approchent. En vue d’atteindre les 70% de résultats que la direction du parti nous a imposés, nous devons occuper, efficacement, le terrain. Ainsi, nous a démis le Ddc de Gbagbo, c’est-à-dire Miaka Ouretto”, fait remarquer Biagné Madou Chambert, secrétaire général de section à Soubré commune. Cette position sera soutenue par d’autres militants de première heure du Fpi. En l’occurrence, Sépi Abel, 5ème personne à avoir adhéré au Fpi, à Soubré, et Mme Saki Antoinette, la 6ème en 1989. C’est elle qui vendait, aux premières heures du multipartisme, tous les journaux de l’opposition, malgré les risques que cela comportait. “Gbagbo est élu Président de la République. La victoire ayant plusieurs pères, les gens qui ne faisaient rien pour le parti, se font voir. C’est le cas de Miaka qui ne travaille pas pour le parti ici”, se plaint Sépi Abel. Et Mme Saki Antoinette, membre du bureau national Offpi, de renchérir: “A Soubré, c’est un problème de leadership entre Miaka et Gogui. Si le fédéral ne travaille pas, ce sont les secrétaires généraux de section Fpi qui se réunissent pour le démettre et non le secrétaire général au plan national”.

Mme Saki Antoinette dit ressentir cette mésentente comme si “c’était son fils qui était malade”. Tant elle a souffert pour le Fpi. Elle explique: “Les cicatrices que j’ai au visage, c’est à cause du Fpi. Je vivais avec quelqu’un qui ne voulait pas du Fpi. Il m’avait demandé de choisir entre le Fpi et lui. J’ai choisi le parti de Laurent Gbagbo. N’étant pas content, il m’a bastonnée. Aujourd’hui, je souffre de la division au sein du Fpi, à Soubré”.

Mme Guigui Pélagie épouse Yodé, membre du comité de contrôle du Fpi, depuis 1996, est également peinée par cette division. Elle l’est d’autant plus qu’il s’agit du parti au pouvoir. Et qui plus est, celui du Président Laurent Gbagbo, un homme, dira-t-elle, “d’unité et d’humilité”.

Le Fpi est-il malade à Soubré? Pour elle, “c’est à cause de son secrétaire général, Miaka Ouretto, qui refuse d’être humble”. Elle a, au cours de notre entretien, à Soubré, fait remarquer que “les problèmes qui minent le parti ont commencé, en 2002, lors de l’élection de la secrétaire fédérale de l’Offpi quand Miaka a voulu imposer l’une de ses connaissances”. Sans tenir compte, accuse-t-elle, “des règlements du parti”.

Yodé affirme “avoir été menacée par Miaka de mise à l’écart du Fpi pour s’être opposée à cette dame qui ne remplissait pas les conditions”.

Quant au secrétaire général de la section Est 2 (commune de Soubré), Yaba Gossé, “avec Miaka, Soubré a connu beaucoup de problèmes dont l’échec de l’opération Inondation”. Et d’ajouter: “Miaka ne rassemble pas. Il ne fait rien pour que le Fpi continue de s’implanter. Il ne s’agit pas de travailler avec un petit groupe pour dire qu’on est incontournable. Nous pensons qu’il faut confier la tâche à la personne qui peut l’assumer convenablement: Gogui Théophile”.

Avec un pincement au cœur, le secrétaire général de la section Zozoro (commune de Soubré), Doudou Séry Pierre, se rappelle que le 6 juin 2006, en offrant du matériel roulant à des responsables locaux des structures du parti, pour leur permettre de bien travailler, “Gogui venait de signer son arrêt de mort comme aimaient à dire ses détracteurs”.

Ce geste, dira-t-il très clairement, a suscité beaucoup de jalousie. Toutefois, le partisan de Gogui se dit fier de travailler dans la légalité. “Gogui est élu selon les textes. Et nous, secrétaires de section et la base qui sommes le soubassement de la maison Fpi, soutenons ceux qui sont dans la légalité. Miaka a déçu pour avoir créé une fédération bis. Il se trompe.” A Grand- Zattry, Logbo Kipré Nazaire ne dit pas autre chose. Il accuse le camp Miaka de ne pas respecter les textes du parti. Conséquence: “Le Fpi est malade dans le département de Soubré. Partout où l’on va, il y a des clans. C’est triste”, regrette-t-il.

Abondant dans le même sens, le premier fédéral adjoint, premier fédéral Jfpi de 1996 à 2001, directeur local de campagne de Laurent Gbagbo à la présidentielle de 2000, Bouzo Zouzoua Vincent, affirme : “Si Affi qui est le président du Fpi arrive à Soubré, le fédéral Gogui reste le premier responsable du département. Si le secrétaire général Miaka vient, Gogui est le premier responsable de la zone. Que Miaka félicite son jeune frère Gogui pour le travail remarquable qu’il fait pour le parti sur le terrain au lieu de l’accuser de vouloir prendre sa place de président du Conseil général”.

Face à toutes ces accusations, que dit Miaka Ouretto? Toutes les démarches que nous avons entreprises pour rencontrer le secrétaire général du Fpi sont restées vaines. Toutefois, par le truchement de certaines personnes, nous avons appris qu’il aurait décidé de ne rien dire parce qu’il est à la direction du parti. Dont il serait prêt à accepter la décision.

Si Miaka Ouretto ne veut pas parler, tel n’est pas le cas de ses partisans. A Soubré où nous étions la semaine dernière, notre premier interlocuteur a été Liabra Claude. L’homme se fait passer pour le doyen du Conseil général. Apostrophé dans une rue, il nous a conduit à sa résidence, située en face du siège du Conseil général. Là-bas, il ne nous a pas caché que son parti, le Fpi, connaît des moments de turbulence dus à une mésentente entre le secrétaire général, Miaka, et le fédéral, Gogui. Comment cette mésentente est-elle née? Voici la réponse du doyen: “C’est dû à une indiscipline caractérisée de la part du fédéral Gogui”. Ce n’est pas tout. “Moi, je suis un ancien. Quand on lui donne des conseils, il n’écoute personne parce qu’il est en possession des sous. Plusieurs fois, j’ai essayé, avec le concours d’autres doyens de régler ce problème; mais Gogui fait ce qu’il veut. Aujourd’hui, cette division rend malade le Fpi. Je ne sais pas si c’est le Président de la République lui-même qui viendra demander aux gens de s’entendre”, a-t-il dit. Avant d’exprimer une autre préoccupation: “Mon souci est que Gbagbo et le Fpi ne perdent pas les élections à Soubré. Nous avons souffert depuis 1990. Si les élections nous échappent, ce ne serait pas bon”.

Le vieux Liabra Claude accuse Gogui de vouloir être leader. Or, précise-t-il, “il y a déjà un leader: Miaka Ouretto”.

A Soubré, tout comme dans d’autres localités du pays, nombre de personnes qui connaissent bien ce problème n’hésitent pas à parler d’opposition tribale. En effet, selon elle, la présidence de Miaka, originaire de Buyo, une petite localité du département, est mal perçue par Gogui, natif lui de la sous-préfecture centrale. “C’est faux. Cette thèse n’est pas à retenir. Houphouet était de Yamoussoukro et il a commandé toute la Côte d’Ivoire. Je dis qu’il faut respecter la hiérarchie du parti. Celui qui ne la respecte pas, je ne suis pas d’accord avec lui. Nous devons être disciplinés pour qui ceux que viennent de dehors nous respectent. Je ne suis pas d’accord avec toute cette manigance que les gens font pour détrôner Miaka. C’est donc la faute à Gogui qui a peut-être des personnes derrière lui”. Qui, par exemple? Le doyen du Conseil général répond: “Je ne cite personne. Il ne faut pas me compromettre. Je sais qu’il a des gens derrière lui”. Au niveau de la direction du parti? Devant cette insistance, il lâche ces mots: “En tout cas, il doit avoir des gens derrière lui au niveau de la direction du parti”.

Partout où nous sommes passé, s’il y a quelque chose que les gens n’aiment pas entendre, c’est bien la thèse tribale. A commencer par le fédéral Gogui, bien que contesté par les partisans de Miaka. L’ancien fédéral adjoint, Bouazo Zouzoua Vincent, les secrétaires généraux de section, Doudou Séry Pierre, Sépi Abel et bien d’autres. “Miaka n’est pas tribaliste. C’est plutôt la mauvaise formation politique de Gogui qui nous crée problème. Il pense que les Dakua sont faits pour le pouvoir. Mais nous ne sommes pas dans une tribu, dans un royaume. Nous sommes dans un pays développé, civilisé, démocratique où le pouvoir se prend par droit de vote. C’est le peuple qui désigne qui doit être là. Ce n’est pas parce qu’on a connu Séri Koré, Donwahi Charles qu’un Dakua va continuer à diriger le département”, répond le secrétaire à l’organisation du bureau fédéral intérimaire Fpi, Koré Logbo Pascal.

Pour l’homme qui nous a rencontré au domicile du doyen Liabra Claude, “Miaka qui fut le premier secrétaire fédéral du Bas- Sassandra n’est pas n’importe qui». Aussi, demande-t-il à Gogui de savoir poser ses pas en politique.

Ce qu’il reproche à Gogui, c’est qu’il ne parle pas de Gbagbo. Il ne pense qu’à lui. Il ne vise, soutient-il, que “le Conseil général de Soubré”.

Et d’exprimer sa colère en ces termes: “Gogui ne sera jamais président du Conseil général de Soubré. En politique, il faut savoir attendre son heure. L’heure de Gogui n’est pas encore arrivée. Pour le moment, c’est Miaka qui est là”.

Peu après lui, Anoï Olivier David, membre du bureau fédéral tient à appuyer Koré. Selon lui, on ne peut pas parler d’opposition. Dans la mesure où autour du président du Conseil général, gravitent cinq élus dont les députés Tina Zabouo qui est de Grand-Zattry, Traoré Mamadou de Soubré sous- préfecture et commune et Gnapo Charles de Buyo.


Expliquant le fond du problème que rencontre le Fpi dans le département, il dénonce des problèmes idéologiques. “Gogui fait des dérives droitières. A droite, l’argent fait la différence, sert à détruire la conscience de la base. Au point que celle-ci ne fait que suivre l’argent”.



Et d’ajouter: “Effectivement, Gogui est en train de pourrir le fondement du Fpi avec l’argent. L’argent de la Sogepie détruit le Fpi, à Soubré”.



Dans la cité du Nawa, il existe un mouvement des jeunes Akan pour Gbagbo. Son président s’appelle Kouassi Oi Kouassi. Nous l’avons rencontré. Pour lui, les gens suivent Gogui parce qu’il leur a donné des motos. “Ici, les secrétaires de section se comportent comme des sous-préfets devant un préfet. Ils sont obligés d’aller là où Gogui est. Sinon il va leur arracher les motos”, dit-il amer. Il va même accuser Gogui Théophile de faire du cinéma. “Il ne mobilise pas pour Gbagbo. Il fait du bruit avec un petit groupe. A Soubré, c’est Miaka qui sensibilise les populations à l’enrôlement, en offrant beaucoup de timbres”, avance le président du mouvement des jeunes Akan pour Gbagbo.



Fédéral Jfpi de Soubré depuis 2002, Zadou Bernard est lui formel: “le secrétaire général du Fpi ne doit pas être défié par un fédéral. C’est donc un cas d’indiscipline”.



C’est pourquoi, il invite, très respectueusement, Gogui à demander pardon à son aîné.



Le fédéral chargé de l’encadrement de la Jfpi au niveau de Liliyo, Namané Zadou Rémi, est, quant à lui, très inquiet face à l’allure que prend cette affaire. Il dit à qui veut l’entendre que nombreux sont les militants qui, déçus par le comportement des responsables locaux, sont prêts à aller dans d’autres formations politiques. “Cela veut dire que nous avons bradé notre concurrence au niveau de la présidentielle”, prédit-il.

Et de se demander: “Avec tout ce qui se passe, qui choisir comme élu après la présidentielle? C’est dangereux”.

Natif de Yacolo, secrétaire de section Jfpi, Boua Gossé demande, en ce qui concerne, aux uns et aux autres de s’occuper de l’essentiel: la présidentielle. “Pendant que nos parents n’ont pas de papiers pour voter demain, les gens s’opposent, se déchirent dans le département. Quand j’apprends que Gogui a derrière lui le couple présidentiel, je dis que c’est très grave. Je ne m’attendais pas à cela du Fpi”, regrette-t-il.

Le Fpi, secret de Polichinelle, est malade. Il est malade de sa division. Militants et non militants le disent. Sans sourciller. Fragilisé qu’il est, le parti de Laurent Gbagbo pourra-t-il gagner la présidentielle au bord du Nawa? Ici, tout le monde est unanime que Gbagbo sera réélu. Mais la bataille sera âpre entre les cadres du parti qui aspirent à devenir maires, députés et président du Conseil général.


Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, le Pdci, le Rdr, l’Udpci, pour ne citer que ces partis, tireront profit de cette querelle de clocher. Selon certaines sources, des espoirs de réconciliation existent et grâce à la médiation de la jeunesse patriotique, le téléphone a commencé à sonner à nouveau entre Miaka et Gogui.



Emmanuel Kouassi
(envoyé spécial à Soubré
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