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Politique Publié le jeudi 5 mars 2009 | Nord-Sud

Gnamien Yao - “Voici les vrais traîtres du PDCI”

•Allez-vous répondre favorablement à la convocation du conseil de discipline du Pdci Rda ?
J’ai toujours dit que je suis un fils du Pdci. Contrairement à ceux qui se découvrent des destins de militant, moi j’y ai fait toutes mes classes. Je totalise de 1983 à aujourd’hui plus de 26 ans de présence au Pdci. J’ai gravi des échelons. J’ai collé les affiches, j’ai été candidat à des élections nationales, j’ai présidé le 7ème congrès du Meeci, j’ai été candidat à la présidence nationale de la Jpdci. J’ai été membre des bureaux du congrès. J’ai présidé des commissions au congrès. En tous lieux et en toutes circonstances, je suis un fruit du Pdci.

•C’est ce qui vous autorise à dire que vous n’êtes pas un militant comme les autres ?
Bien sûr, je ne suis pas un militant comme les autres. Ce qui fait qu’on est militant c’est la légitimité. C’est la capacité pour un homme d’avoir raison sur la majorité. En ce qui me concerne, au Pdci j’ai plusieurs fois eu raison sur la majorité. Notamment sur ceux qui s’apprêtent à me juger aujourd’hui.

•Jugez-vous le « tribunal » de Noël Némin illégitime ?
Parfaitement illégitime. Il est truffé non seulement d’indisciplinés mais aussi et surtout, de gens qui ont abandonné l’héritage de Houphouët Boigny au moment où il fallait l’assumer. Lorsque nous sommes tombés en 1999, et que le président du Pdci-Rda est allé en exil, et que le secrétaire général a été incarcéré à Akouédo, 90 à 95 % de ceux qui me jugent aujourd’hui m’ont démarché pour abandonner le président Bédié. Ils se sont liés au général Guei. En clair, ce sont des gens qui voulaient donner leur mère en mariage à celui qui a tué leur père. C’est la raison pour laquelle je n’éprouve aucune difficulté, aucun complexe à me retrouver devant ceux qui voulaient me pousser à abandonner Bédié. Nous sommes dans le prolongement de la lutte engagée depuis 1999. Une bataille que j’ai gagnée. Comme le président Bédié, une fois rentré d’exil est venu leur donner l’occasion de me guillotiner, je pense que la vérité sera sue.

•Avez-vous cherché à rencontrer Bédié pour lui faire le point de ce qui s’est passé en son absence ?
Le président Bédié est censé savoir tout ce qui s’est passé. Permettez que je n’en dise pas davantage pour le moment. Ce que je peux dire au président du Pdci, c’est que le roi ne s’amuse pas pendant longtemps avec son fou d’hier. Il doit comprendre que pendant longtemps, j’ai été le fou du roi qu’il était. Je lui demande de se ressaisir pendant qu’il est encore temps parce que ce n’est pas tout qu’on dit.

•Que reprochez-vous concrètement au président Bédié
Je lui reproche d’avoir permis à ceux qui l’ont abandonné hier d’être aujourd’hui, les détenteurs du pouvoir à l’intérieur du parti. Il a permis à ceux qui nous ont dit que Bédié n’est pas reconnaissant d’être aujourd’hui nos juges.

•Est-ce parce que vous pensez n’avoir pas été suffisamment récompensé que vous adoptez cette position ?
Un militant ne raisonne pas en terme de récompense. Un militant raisonne en terme de fruit du travail. Le président Bédié lui-même dit que personne ne doit être frustré. Je pense que Bédié m’a frustré des fruits de mon travail. J’aurais pu le laisser en exil. Le secretaire général du Pdci, Djédjé Mady, Noël Némin ne peuvent pas me regarder droit dans les yeux pour dire que je suis un indiscipliné. Encore moins Ezan Akélé.

•Selon la formule consacrée, avez-vous des dossiers en béton ?
Non, pas de dossiers en béton, mais j’ai la vérité contre eux.

•On serait tenté de dire que vous avez tout de même bénéficié d’un poste de ministre au nom du Pdci, alors que vous n’êtes pas seul à vous être battus pour Bédié
Quand Bédié est allé en exil, nous étions au moins 200 jeunes et femmes à le défendre. De tous ceux qui ont été faits ministres, je suis le seul qui ai offert sa poitrine pour que Bédié revienne d’exil. Il y a 199 autres jeunes qui auraient pu être récompensés. Tous ceux qui sont au gouvernement ont été soit collaborateur de Guéï Robert, soit son porte-parole. C’est à eux que Bédié a donné la force de nous mater à l’intérieur du parti. Cela est vérifiable. Je ne me plains pas parce que je suis sorti du gouvernement. Je me plains parce que au retour de Bédié, il a mis de côté tous ceux qui ont lutté pour promouvoir ceux qui étaient avec Guei, c’est ça le problème. On est près de 200 personnes à avoir pris position publiquement et mené cette bataille. De tous ceux qui sont au gouvernement aucun ne peut démontrer avoir lutté pour Bédié.

•Que répondez-vous à ceux qui pensent que vous êtes acheté par Gbagbo ?
Ils ne connaissent pas l’histoire politique de la Côte d’Ivoire. On n’achète pas la vérité. C’est le mensonge qu’on achète. Le président Bédié lui-même, était de la Feanf, c’était un mouvement estudiantin de gauche opposé à l’action de Félix Houphouët Boigny. Mais aujourd’hui Bédié est le successeur de Houphouët. Quel paradoxe ! A combien a-t-il donc été acheté ? La politique est la saine appréciation du moment, bonne ou mauvaise. C’est la raison pour laquelle j’ai toujours prôné la culture du diagnostic en politique. Cela a une dimension prévisionnelle qui vous permet d’être capable d’adaptation et d’être flexible.

•Le militant de base du Pdci ne peut pas comprendre votre revirement ?
Je dis toujours aux jeunes de ma génération que la Côte d’Ivoire est née dans le multipartisme. Dans les années 50 il y avait plusieurs partis et plusieurs leaders. On peut parler des Sékou Sanogo, Dignan Bailly, Ouezzin Coulibaly…Mais à un moment donné, quand l’intérêt national était en jeu, ils ont abandonné toutes les fibres ethniques et colorations et pour dire que, par rapport aux exigences du moment, le meilleur était Houphouët. Tout ce que nous faisons aujourd’hui n’est que la perpétuation de cette tradition.

•C’est une façon de dire que Gbagbo est le meilleur candidat ?
Il est le meilleur et c’est la vérité. Il est le meilleur parce que nous sommes un pays en guerre. Le 11 septembre 2001 quand l’Amérique a été attaquée tout le peuple s’est mobilisé derrière George Bush. Et ce président qui avait été élu difficilement lors de son premier mandat en 2000 a été brillamment réélu en 2004 pour raison d’Etat. L’histoire nous montre aujourd’hui qui a été le président Bush. On est exactement dans la même situation en ce qui nous concerne. La Côte d’Ivoire a été attaquée, ce n’est pas le moment de nous diviser. C’est le moment du rassemblement derrière l’un d’entre nous.

•N’est-ce pas le poste de conseiller spécial du président Gbagbo qui vous rend si élogieux à son endroit?
Non, j’ai adopté cette position avant d’être nommé conseiller du président Gbagbo. A mon âge, si on doit acheter mes convictions, il faut désespérer de la Côte d’Ivoire. La foi en une chose ne s’achète pas. Souvenez-vous en 1994, quand Bédié est devenu président, il y a des militants du Fpi qui ont milité au Cercle national Bédié. (CNB) tous les partis s’y retrouvaient. La vérité est qu’à cette époque, Bédié était l’homme de la situation. Houphouët venait de mourir et il fallait rassembler la famille autour du président Bédié. C’est ce que nous avons fait.

•Ils sont nombreux les militants du Pdci qui pensent que vous êtes en mission de destruction du parti, vous et les autres qu’on doit sanctionner ?
Non, la seule chose qui ne détruit pas c’est la vérité. Or je ne suis pas en train de mentir. Je suis pour la vérité…

•…Même si cette vérité doit détruire le parti ?
Toutes les vérités construisent. Seules les intrigues détruisent. Il s’agit d’une élection présidentielle. Elle est différente de l’élection locale. C’est pour cette raison que récemment aux Etats-Unis des Républicains ont voté pour le Démocrate Obama. Et vice-versa. Après la présidentielle ici, moi, j’irai battre campagne pour les candidats du Pdci. La présidentielle, c’est 60% de l’équation personnelle du candidat et 40 % de l’équation du parti. Aujourd’hui, il s’agit de l’équation d’un homme. Par rapport tout à cela, je dis que l’homme de la situation c’est Laurent Gbagbo.

•Quelles sont pour vous les chances de Bédié de remporter les élections?
Le président Bédié ne peut pas gagner les élections. Il n’a aucune chance. Je l’ai dit et c’est clair. Si c’est pour cela qu’on veut me tuer qu’on me tue. Je vous explique. S’il voulait gagner les élections, quand il est rentré d’exil jamais il ne devrait se séparer des jeunes gens qui l’ont porté à la victoire. Regardez autour de lui, il n’y a personne qui ait mené le combat. Il s’est entouré de tous les « Judas » qui l’ont fait chuter. On change une équipe qui ne gagne pas il ne l’a pas compris. Je ne peux plus combattre pour un tel homme. Avec l’entourage qu’il a, si nous le suivons, notre génération ira à sa perte.

•Voulez-vous dire qu’il y a un conflit de générations dans le parti?
Il ne s’agit pas de cela. Suivre Bédié, c’est faire une mauvaise lecture de la situation du moment. Houphouët doit être en train de se retourner dans sa tombe. Est-ce normal que des gens de 70-75 ans traduisent un jeune homme comme moi en conseil de discipline ? Aucun d’entre eux n’a été capable de m’appeler chez lui pour qu’on discute à la manière d’Houphouët. C’est une catastrophe. On a profané la mémoire du Vieux.

•Et si on vous radiait du Pdci ?
Ces choses appartiennent à Dieu. Un destin s’accomplit toujours. Ceux qui vont me radier n’ont rien compris à la philosophie du président Houphouët. En 1963, il pouvait radier des gens. Il pouvait radier des gens en 1977. Il pouvait le faire en 1980. Souvenez-vous du train du multipartisme qui s’est arrêté à Dimbokro. Il ne l’a pas fait. Il a prôné le rassemblement. Ceux qui veulent radier un petit-fils d’Houphouët n’ont rien compris de ses enseignements.

•Apparemment, Houphouët est devenu votre fonds de commerce?
Non, il n’est pas un fonds de commerce. Il est notre origine commune. Et toutes les grandes nations du monde ont leur origine. Aujourd’hui, quand vous prenez la France moderne son origine c’est De Gaulle, les Etats-Unis, c’est George Washington. Notre origine commune, c’est Houphouët.

•Que reprochez-vous à la procédure initiée contre vous ?
Noël Némin me dit que je peux me faire assister d’un militant chargé de ma défense sans qu’il tienne à ma disposition le contenu de mon dossier. A partir de quoi celui qui va me défendre doit plaider ? Je réalise qu’on a déifié ces gens pour rien. Ils n’ont été que des carriéristes à côté de Houphouët. Ils n’ont rien retenu de sa sagesse lui qui disait que le dialogue est l’arme des forts. C’est ce qui me désole.

•Ne craignez-vous pas le courroux des fanatiques de Bédié avec ce genre de propos?
Ces mêmes fanatiques m’avaient démarché pour que je quitte Bédié. L’histoire est trop récente pour être oubliée. Je ne fais pas partie de ceux qui trompent leurs camarades. Les nouveaux bédiéistes ou les bédiéistes de la 25ème heure sont ceux qui l’ont abandonné hier. J’ai refusé de m’associer à leur jeu.

•Si ce que vous dites est fondé, pourquoi n’êtes-vous pas nombreux ?
Nous sommes nombreux mais, il faut donner la chance au dialogue. Nous voulons donner la chance au débat. C’est la raison pour laquelle je vais répondre à l’invitation du conseil de discipline mais, je tiens à ce que les choses se déroulent conformément aux règles de l’art. C’est à l’intérieur des partis qu’on apprend les us et coutumes de la République. Comment peut-on traduire quelqu’un devant le tribunal alors qu’il ne connait pas les griefs retenus contre lui ? C’est du jamais vu. C’est une forme de dictature. Moi, je n’ai aucune crainte. Même si on donne une Kalachnikov à Bédié pour m’abattre, s’il appuie sur la gâchette, les balles se transformeront en eau pour me bénir parce que quand il fallait le soutenir je l’ai fait au péril de ma vie.

•Votre organisme, l’Institut africain de développement et de stratégie, organise dans quelques jours une grande rencontre à Abidjan. A quoi cela rime-t-il ?
Quand je vais parler, on va trouver à redire. Je voudrais remercier le président Laurent Gbagbo. Quand je suis sorti du gouvernement, j’ai passé dix mois sans salaire. On menaçait de suspendre l’eau et l’électricité chez moi. J’étais la risée de tout le monde dans le quartier. Aucun membre du Pdci, à commencer par le président Bédié ne m’a tendu la main. Je dis bien aucun. J’ai pleuré dans les journaux. Mieux quand je suis allé voir Bédié, il m’a chassé de chez lui. Je tiens à vous le dire. C’est quand Bédié m’a chassé que je suis allé porter plainte à la Sodemi. Lorsque Gbagbo a entendu mes cris de douleur, il m’a appelé et m’a remis la somme de 20 millions de francs. J’ai investi cet argent dans mon institut. Aucun militant du Pdci ne m’a manifesté de la solidarité. Un ministre Pdci m’a remis 10 mille francs Cfa quand on menaçait de couper mon courant. Gbagbo m’a ensuite nommé ambassadeur et m’a après accordé une bourse d’étude. Cet argent qui m’a permis d’aller faire deux années d’études, c’est l’argent du contribuable. Mon devoir c’est de permettre aux Ivoiriens de bénéficier de la formation que j’ai reçue d’où cet institut. Nous invitons sept experts occidentaux pour venir former les Ivoiriens au vocabulaire des investissements internationaux et de s’imprégner des grandes tendances économiques. Quand un pays sort de crise, il a forcément besoin de l’investissement étranger.

•Que doit-on attendre de ce séminaire ?
J’attends que mes maîtres qui arrivent, viennent nous donner de riches enseignements. L’Institut africain de développement et de stratégie va permettre de maitriser les exigences des investissements internationaux. C’est un peu cela, le sens du séminaire que nous organisons du 16 au 21 mars à Yamoussoukro et à Abidjan.

Interview réalisée par
Traoré M Ahmed
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