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Politique Publié le jeudi 12 mars 2009 | Fraternité Matin

Blé Goudé dénonce le harcèlement de l’Onu : "Qu’on me dise ce que je dois faire ou pas"

Au lendemain de l’interpellation de Fraternité Matin par l’Onu au sujet de Crise ivoirienne, ma part de vérité, l’auteur, Blé Goudé, réagit.

Monsieur le président de l’Alliance des Jeunes patriotes et du Congrès panafricain des jeunes et des patriotes (Cojep), l’Onu a dépêché, mardi, une mission auprès de la direction générale du groupe de presse Fraternité Matin pour lui interdire de rééditer votre ouvrage: «Crise ivoirienne, ma part de vérité» et de vous réverser vos droits d’auteur. Quelle est votre réaction face à cette situation?

Je voudrais vous dire que c’est la deuxième fois, mais à des moments bien précis, que la mission onusienne intervient dans cette affaire. La première fois, c’était lorsque nous étions en pleine caravane de la paix pour rapprocher les Ivoiriens. Nous partions de ville en ville, de village en village, pour expliquer le bien-fondé de la paix aux Ivoiriens. Aujourd’hui, au moment où nous sommes encore en tournée, pour exhorter les Ivoiriens à participer massivement au processus d’identification, au moment où nous sommes en campagne pour éviter que les élections soient émaillées de violences, c’est en ce moment-là que la même délégation vient parler d’un sujet qui n’a rien à voir avec la politique ivoirienne. Nous voudrions, finalement, que l’Onu, à travers sa délégation, nous précise le contenu de cette résolution. Que je sache, la résolution que je n’accepte d’ailleurs pas, mais à laquelle je me soumets, m’interdit de sortir de la Côte d’Ivoire et gèle les avoirs à l’extérieur de la Côte d’Ivoire. Je voudrais savoir si l’Onu ou la résolution m’empêche de réfléchir, de penser et de traduire mes pensées à travers mes écrits, qui par conséquent, me donnent des droits d’auteur. Même si tel était le cas, la résolution onusienne, que je sache, ne m’interdit pas d’avoir un compte dans mon pays. Enfin de compte, je voudrais qu’on précise définitivement ce que j’ai le droit de faire et ce à quoi je n’ai pas droit.

Avez-vous l’intention d’écrire à l’Onu ou à l’Onuci pour que cette résolution soit clarifiée?

Nous étions déjà dans une procédure. A savoir réunir des documents parce que l’Onu même dit avoir constaté que nous sommes en plein dans une campagne de paix. Il fallait donc réunir des documents, images, écrits, photos et les leur remettre afin que mon nom soit rayé de la liste de ceux qu’ils considèrent comme les acteurs de cette crise. Ce qui n’est d’ailleurs pas vrai parce que les acteurs de la crise ivoirienne sont connus; ils sont en paix et ils voyagent librement. Je n’accepte pas la provocation, je ne l’accepte pas ; si on m’accule, on m’aura. En principe, l’Onu devait m’encourager à faire ce que nous sommes en train de faire. J’ai fait la paix en Côte d’Ivoire plus que quiconque, plus que les vacanciers de l’Onu qui sont payés pour ramener la paix en Côte d’Ivoire, qui sont payés pour mettre fin à la crise ivoirienne et qui sont sur les plages, dans les boîtes de nuit. Pendant qu’ils y sont, mes amis et moi, nous faisons le tour du pays, village par village; et nous avons accepté ce que nous n’aurions jamais accepté. S’ils n’ont vraiment rien à faire, je pense qu’ils ont intérêt à trouver d’autres sujets.

Avez-vous été saisi de cette démarche qui a été menée en direction de Fraternité Matin par l’Onu?

Jamais, je n’ai été saisi de cette démarche. D’ailleurs, c’est une démarche qui n’a pas de sens. On ne peut pas empêcher quelqu’un de penser, donc d’écrire. En fait, allez chercher les raisons qui poussent les gens à agir de la sorte.

Quelles sont alors, selon vous, ces raisons?

C’est parce qu’ils connaissent le contenu du prochain livre.

Porte-t-il sur l’Onu?

Il porte sur la crise ivoirienne.

Nul n’en connaît le contenu puisqu’il n’a pas encore été édité.

Nous en avons parlé à Fraternité Matin et des copies circulent déjà, sous les bras. L’Onu le sait. Dans ce livre, nous avons parlé de l’échec des négociations de Linas-Marcoussis et de la réussite des accords inter ivoiriens et nous avons fait une comparaison. Cela fait peur. A toutes les conférences internationales de jeunesse, nos camarades africains distribuent «Crise ivoirienne, ma part de vérité», qui explique clairement les raisons profondes de la crise ivoirienne. Et cela fait peur.

Voulez-vous dire que vous êtes en train de déstabiliser le système onusien?

Non! Ce n’est nullement mon intention. J’explique simplement d’où vient la crise que vit mon pays mais je ne sais en quoi cela dérange. Alors, je voudrais simplement dire aux fonctionnaires onusiens qui sont en Côte d’Ivoire, que s’ils n’ont plus rien à faire, ils peuvent plier bagages pour partir. Je répète que je ne peux pas accepter ce harcèlement, et je n’aime pas la provocation. Nous sommes tous les jours sur toutes les routes, et aujourd’hui, les Ivoiriens se parlent. Cela semble déranger l’Onu et ses acteurs en Côte d’Ivoire. Parce que plus l’indice de sécurité augmente, plus leur salaire augmente. Ils cherchent donc la petite bête. Ils cherchent les troubles mais je ne leur en donnerai pas. Ce que nous faisons, ce n’est pas pour les fonctionnaires onusiens, nous le faisons pour la Côte d’Ivoire. Ils n’arriveront pas à nous détourner de notre objectif principal, qui concerne le processus de paix, d’une part. Et, ils ne m’empêcheront pas d’écrire, d’autre part. Mon prochain livre est pour avril.

Puisque interdiction est faite à Fraternité Matin de vous éditer, comptez-vous vous en remettre à une autre maison d’édition?

Pourquoi voulez-vous que je cherche une autre maison d’édition? Fraternité Matin ne m’a pas encore écrit pour me signifier son refus de m’éditer. J’éditerai mon livre à Fraternité Matin puisque rien ne justifie que j’aille ailleurs. D’autant que le premier livre a été bien édité et bien vendu.

Ce que vous considérez comme un harcèlement de l’Onu est-il spécifié dans les résolutions 1572 (2004) et 1842 (2008)?

A mon avis, c’est aux auteurs de ce harcèlement qu’il faut poser la question. Je parle de harcèlement parce que nulle part dans leurs résolutions, il n’est écrit que je ne dois ni penser, ni réfléchir, ni écrire. J’ai été à l’école, je suis un intellectuel. Donc, tout ce que je vois et qui peut être utile à la sortie de crise, je l’écris. Tout ce qui peut être des documents de base à la Côte d’Ivoire pour la postérité, je l’écris. Si je l’écris, par conséquent, j’ai des droits d’auteur. En quoi cela dérange-t-il? Nulle part, il n’est écrit que je ne dois pas avoir de compte en Côte d’Ivoire, on dit que je ne dois pas avoir de compte à l’extérieur.

On dit que vous ne devez pas non plus être riche et que vous ne devez vivre qu’avec le juste minimum.

Qui vous a dit qu’un livre rend riche? Q’on me dise ce qu’est le minimum. Voudrait-on que je vive de mendicité? Mes écrits sont le minimum pour moi. Je suis un communicateur, j’écris, par conséquent, j’ai des droits. Que veut dire être riche?

Vous avez déjà perçu, pour votre livre, une premier montant de onze millions.

Ce n’est pas ma faute si mon livre a été bien vendu. Si je ne les intéresse pas, mes écrits, au moins, intéressent des gens. Mais la plupart de ceux qui ont acheté mon livre, tenez-vous bien, sont les fonctionnaires de l’Onu.

Avez-vous des preuves?

Attendez! Je vous le dis, et je sais de quoi je parle.

Vous ont-ils appelé?

Bien sûr. Ce sont eux qui passent les plus importantes commandes. Ceci, pour vous dire qu’il est bon que l’on sache ce qu’on interdit à Blé Goudé. Ils savent très bien qu’ils ne peuvent pas empêcher quelqu’un de penser, mais c’est de la provocation, à mon avis.

Le refus de collaborer avec l’Onu n’est-il pas perçu comme un acte de provocation puisqu’on se souvient qu’une mission de l’Onu s’est rendue à Abidjan pour vous rencontrer après l’imposition des sanctions?
Celui qui vous dit que j’ai refusé de rencontrer la délégation onusienne ne dit pas la vérité. Nous nous sommes rencontrés à l’hôtel Tiama, en présence de mon avocat, et nous avons discuté. Et je leur ai posé la même question que je suis en train de poser. Rappelez-moi le contenu de votre résolution. Votre résolution m’interdit de voyager, d’avoir des comptes à l’étranger mais elle ne m’interdit pas d’écrire. Or je vais écrire. Parce que je suis, je pense. Parce que je pense, j’écris. Et parce que j’écris, j’ai des droits. C’est aussi simple à comprendre.

Cette décision ne constitue-t-elle pas une menace pour Fraternité Matin car en éditant votre prochain livre, la maison ne risque-t-elle pas d’être sanctionnée par l’Onu?

Je n’ai pas à craindre, je ne suis pas de Fraternité Matin. Fraternité Matin sait ce qu’il gagne en m’éditant, il ne m’édite pas parce qu’il m’aime. Je fais partie des meilleurs auteurs de la maison. Fraternité Matin est donc libre de m’éditer ou pas. Mais le débat n’est pas là. Nous parlons de ce qu’on veut empêcher un être d’écrire, nous parlons de ce qu’on harcèle un jeune homme qui met son énergie, sa réflexion dans un processus de paix. Voilà ce que nous dénonçons. Une résolution ou un accord de paix, ce n’est que du papier. Il faut maintenant donner vie à cet accord. Je pense que ceux qui ont des yeux pour voir et des oreilles pour entendre en Côte d’Ivoire savent très bien que j’ai donné mon physique et mon énergie pour donner corps et âme à l’Accord de Ouagadougou.

J’ai même été traité de traître, de vendu parce que j’ai parlé avec ceux que les Ivoiriens appelaient des ennemis. Nous avons réussi à les rapprocher, aujourd’hui. L’Onu devait me verser un salaire parce que je fais son travail à sa place. J’ai l’impression qu’ils ont un problème de personne avec moi. En quoi est-ce que je les dérange? En lieu et place des pancartes qu’ils placardent sur les routes pour parler de paix, je vais rencontrer, dans les maisons, les églises et mosquées, les gens. Je vais même jusqu’au siège du Pdci-Rda, au risque de ma vie, dormir à Bouaké, il y a des années. Je reçois ceux qu’on appelle les rebelles dans mon village. J’invite le commandant Wattao à Mama, j’invite Guillaume Soro à Gagnoa. Q’est-ce qu’on me veut à la fin? Mais je dis que je ne vais pas lâcher prise parce qu’ils cherchent des troubles. En principe, quand un élève travaille mal en classe, on lui donne une mauvaise note; mais le jour où il travaille bien, on lui donne une bonne note. Et l’on le présente à toute la classe pour dire qu’il y a une évolution. L’Onu n’est pas là que pour sanctionner, elle est là aussi pour encourager les bonnes actions. Pourquoi ces fonctionnaires sont-ils prêts à publier tout ce qui est mauvais et qu’ils ne disent jamais rien sur ce qui est bon?

Vous parliez tantôt d’un processus avec l’Onu. Qui a initié cette démarche?

Il y a eu une communication conjointe des ambassadeurs de la Côte d’Ivoire à l’Onu, Alcide Djédjé, et l’ambassadeur du Burkina Faso à l’Onu puisque le Président Blaise Compaoré est le Facilitateur du dialogue direct. En retour, le Comité de sanction leur a demandé de faire des démarches administratives afin que les sanctions soient levées. Il n’y a pas une semaine, j’ai encore été appelé pour que je rassemble de la documentation parce que le Conseil de sécurité se réunirait en avril. Je suis donc surpris de cet anachronisme. Qu’on me laisse en paix, je suis heureux quand il y a la paix en Côte d’Ivoire. Vous voyez que je ne suis pas heureux parce que je ne voyage pas, je voyage même beaucoup à travers le pays. Je trouve que c’est aberrant, mais le prochain livre sortira. Contre vents et marrées, il sortira en avril.

Quel bilan pouvez-vous faire du premier livre «Crise ivoirienne, ma part de vérité»?

Il m’a d’abord permis de réaliser que je peux aussi écrire. Ma part de vérité a confondu beaucoup de personnes. D’abord parce que ceux qui m’ont sanctionné me traitaient de vandale, de vaurien, de désoeuvré. Un désoeuvré ne peut pas écrire. Je pense que cela gène. Ensuite, Ma part de vérité a été un best-seller, à Fraternité Matin, ce qui n’a jamais été fait. Nous avons vendu 40 000 livres. Enfin, Ma part de vérité a permis aux Ivoiriens et aux Africains de savoir que nous ne sommes pas les bourreaux, que nous sommes les victimes. Le prochain arrive et c’est une bombe.

Quel sera le titre de ce prochain libre?

Le premier titre que nous avions voulu donner, c’était «Et pourtant, c’était le chemin». Mais lorsque nous nous sommes réunis en comité restreint, nous avons opté pour «D’un stade à un autre». C’est une comparaison de stades en tant qu’être physique. Notamment le stade de rugby de Linas-Marcoussis comparé au stade de football de Bouaké, où les mêmes entités s’étaient réunies. A Linas-Marcoussis pour tenter de trouver une solution à la crise ivoirienne mais qui n’a pas marché parce qu’à notre sens, le rugby n’entre pas dans les moeurs des Africains et que ce n’est pas un sport aussi populaire. Il est brutal et on y a brutalisé les autorités ivoiriennes. Mais ces mêmes autorités ivoiriennes se retrouvent dans un même stade, de football, à Bouaké et fument le calumet de la paix. Parce que le football est le sport roi, comme on le dit et qu’il est dans les mœurs des Africains. La deuxième comparaison est au sens figuré du terme. Le stade comme une étape, donc d’une étape à une autre. D’un stade d’adversité et d’inimitié à un stade de fraternité, et donc de paix. Ceux qui, hier, voulaient se tuer à travers des fusils, sont aujourd’hui des partenaires. Le Président Gbagbo travaille en symbiose avec le Premier ministre Soro Guillaume; ce qu’il n’a jamais fait avec Seydou Diarra ni avec Charles Konan Banny. Aujourd’hui, Blé Goudé se promène avec Wattao, Konaté Sidiki, Soro Guillaume. Les Ivoiriens vont à Bouaké, Korhogo; la zone de confiance a disparu. D’un stade à un autre. Telle est l’idée générale du livre mais il y a bien évidemment, d’autres chapitres.

Le 4 mars dernier, c’était le deuxième anniversaire de la signature de l’Accord politique de Ouagadougou. Quel bilan pouvez-vous faire et quelles sont les perspectives, en partculier, en ce qui concerne l’organisation de l’élection présidentielle?

Je voudrais d’abord rappeler aux uns et aux autres que les résolutions, les accords ne sont pas des panacées. Autremant, la crise israélo-palestinienne aurait pris fin. Je ne sais pas qui peut nous dénombrer les résolutions prises sur cette crise, de même que sur la crise libanaise. Et pourtant, toutes ces crises continuent. Ce sont les hommes qui, à travers leurs comportements, attitudes, leurs décisions d’aller à la paix, donnent corps et âme aux résolutions. L’Accord de Ouagadougou ne nous a pas apporté tout ce dont nous avions besoin comme l’unicité des caisses, l’armée nouvelle, les élections, tout ce qui est a trait à la sortie de crise. Mais comparé aux autres accords, l’Accord de Ouaga n’a pas été un accord totalement négatif. Beaucoup reste à faire mais pas par Soro Guillaume, ni par Laurent Gbagbo, encore moins par les acteurs politiques; mais par tous les Ivoiriens. C’est à nous de donner vie à cet accord. Si nous mettons de côté notre orgueil et que nous ne nous agglutinons pas sur nos petits intérêts, nous pouvons faire beaucoup avec cet accord.

La priorité, aujourd’hui, c’est l’élection présidentielle. Quand faut-il espérer sa tenue?

Ce n’est pas mon rôle. Lorsque l’opération d’identification avait débuté, il y avait des tensions et des passions. Mon équipe et moi avons fait le tour pour faire baisser ces tensions. Aujourd’hui, nous faisons le même travail pour encourager les uns et les autres à aller se faire identifier massivement et faire en sorte que la violence soit loin. Ensuite, dire aux Ivoiriens que le dialogue, la paix est la seule voie. Monsieur Robert Beugré Mambé (président de la Commission électorale indépendante ou Cei, ndlr) a pour mission de nous fixer les dates des élections.

Interview réalisée par Paulin N. Zobo et Marc Yevou
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