x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Économie Publié le lundi 16 mars 2009 | Le Patriote

Pillages, casses, pression fiscale, faillites d’entreprises - Comment la Refondation a ruiné l’emploi en neuf ans

L’avènement du régime de la Refondation aura été une calamité pour le tissu économique du pays. Pris en sandwich par les manœuvres politico juridiques qui ont ruiné et découragé plus d’un investisseur et les casses et pillages de sociétés perpétrés par les jeunes « patriotes » déchaînés contre les expatriés, l’emploi en Côte d’Ivoire n’aura jamais été aussi sinistré que sous l’ère Gbagbo. Au bas mot, plus de 150 entreprises ont dû mettre la clé sous le paillasson en 2004, année où la violence patriotique a battu tous les records, et 100.000 pertes d’emploi sur l’ensemble des neuf ans de présence du FPI au pouvoir. Retour sur un drame économique.

“La France n’a rien contre le Président Laurent Gbagbo. Tout ce que nous lui reprochons, c’est cette politique qui a eu pour résultat de diviser le pays en deux’’ dixit l’ex-Président de la République Française, Jacques Chirac en 2004 à Ouagadougou sur les antennes de RFI, en marge de l’ouverture du sommet de la Francophonie. Sommet auquel le mis en cause était, volontairement, absent. Autant ce reproche est irréfutable au regard de la partition en deux du pays depuis le 19 septembre 2002, autant au plan économique, il en vaut pour le gâchis enregistrés.

Mais le chef de fil des Refondateurs avait prévenu les Ivoiriens. « Les promesses n’engagent que ceux qui y croient », disait Laurent Gbagbo. Et ceux qui ont cru à la promesse d’une Côte d’Ivoire économiquement refondée en sont, aujourd’hui, pour leur frais. Et pour cause, en neuf ans, ce régime a causé faillite sur faillite dans le secteur des entreprises. D’abord par la crainte qu’il a inspiré, dès son avènement, aux investisseurs. Notamment par un discours qui ne rassurait pas. Mais bien plus, par une série de conduites attentatoires aux droits de la libre entreprise et aux libertés, parfois physiques, des ressortissants étrangers. C’est ainsi qu’en 2001 déjà, avant même l’éclatement de la guerre, des attaques à caractère xénophobe se sont multipliées contre les opérateurs expatriés, taxées d’avoir pris en otage l’économie ivoirienne. On assiste alors à une harcèlement juridique des Libanais, des Français et même des ressortissants de la sous région. A ces derniers, il leur est reproché de tenir des secteurs importants de l’économie ivoirienne. Le régime de Gbagbo n’affichait-là que ses intentions d’opter pour une sorte de « libération de l’économie ivoirienne ».

Un environnement juridique délétère

L’esprit xénophobe qui anime la Refondation se manifeste par des atteintes graves aux droits des investisseurs, à travers des procès qui prennent des tournures politico juridiques. On note entre autres les affaires Afrikof contre la Sgbci, Ivoire Café contre la Bad, Toyota- TSA, Ash international et Cora de Com Star. Propriétaire et ancien directeur de la société de nettoyage urbain ASH International, Ahmed Bassam continue de clamer qu il a été victime d’un complot qui visait à le déposséder de sa société.

C’est que dans toutes ces affaires, le pouvoir judiciaire, noyauté par le politique, rend des décisions qui vont à l’encontre du droit et heurtent le bon sens. Faut-il rappeler, pour mémoire, l’épisode de COMSTAR, le tout premier opérateur de Téléphonie mobile licencié en Cote d’Ivoire. Des tiraillements entre la Holding de Alexandre Galley et des investisseurs Américains ont débouché sur la fermeture de la compagnie.


De quoi s’agit-il dans ce cas d’espèce?

L’affaire Comstar est née d’un contentieux commercial entre la Société de droit Américain Wireless Communication Technologie (WCT), et la société GA Holding, de droit Belge. Les deux opérateurs privés se disputent la propriété de la société de téléphonie Cora de Comstar. Chacune des parties saisit alors les juridictions ivoiriennes afin que celles-ci les rétablissent dans leurs droits. De procès en procès, ce conflit connaît très vite des débordements inattendus et l’Ambassade des Etats-Unis en Côte d’Ivoire se saisit du dossier. Devant la gravité de la situation, l’Etat de Côte d’Ivoire crée un Comité Interministériel pour se pencher sur la crise. Après avoir pris connaissance de tous les accords conclus et entendu les deux parties le Comité Interministériel demande à GA Holding de renoncer à la saisine des juridictions. GA Holding doit renoncer non seulement à la saisine des juridictions mais aussi à toute prétention sur la société Cora de Comstar. Alexandre Galley monte au créneau et crie à l’injustice. Mais le mal était déjà fait. « Cora est un grand gâchis pour la Cote d Ivoire », regrette aujourd’hui l’opérateur, qui dégage toutefois la responsabilité de la justice ivoirienne dans cette affaire. Car selon lui, le droit a été dit dans cette affaire, mais malheureusement, le politique n’avait pas intérêt à ce que Justice soit dite. (Lire l’interview).


36.000 emplois perdus en novembre 2004

Bien d’autres affaires viennent ternir l’image d’une Justice ivoirienne aux ordres et qui tord le cou au droit pour des raisons politiques. Pendant ce temps, dans l’arrière cour politique, les conseillers de Gbagbo lui suggèrent pratiquement de nationaliser les entreprises aux mains de Bouygues (Sodeci-CIE) CI-Telecom, SDV et Saga. Les attaques xénophobes vont tous azimuts.
A l’éclatement de la crise du 19 septembre 2002, ce sont des milliers de travailleurs qui sont tous simplement réduits au chômage avec la fermeture d’importantes entreprises. Au nombre de celle-ci, on peut citer la Sitarail, filiale du groupe Bolloré qui a vu interrompre un an durant ses activités. Cette société évaluait en 2003, des pertes estimées à 43,7 milliards de fca. Et pendant que les ressortissants de la sous-région sont traqués et spoliés de leur commerce et plantations, l’opération dignité est engagée en nombre 2004.
De toutes les difficultés qu’ont traversées les entreprises en Côte d’Ivoire, les événements de novembre 2004, déclenchés par Laurent Gbagbo dans sa volonté de reprendre le nord par tous les moyens, auront été lourds de conséquences pour nombres d’entreprises. Ces tristes évènements ont été dramatiques du point de vue humain, mais aussi du point de vue de l’emploi. Les opérateurs économiques et les Français sont pris à parti. Ils seront violentés, leurs biens pillés et leurs entreprises saccagées. A Yopougon, notamment à la zone industrielle, les jeunes surexcités par les discours haineux et les appels à la violence du pouvoir, procèdent systématiquement à la mise à sac des entreprises. La chambre de commerce et de l’industrie de Côte d’Ivoire est affligée. Jean Louis Billon, son président, lance un appel à la raison au milieu des cris de détresse. Il dénonce les attaques contre les créateurs de richesse, et les salariés innocents qu’il résume sous le vocable de cibles faciles. Le secteur des petites et moyennes entreprises, et des petites et moyennes industries est sinistrés. La nouvelle fait le tour du monde, et la Côte d’Ivoire devient une destination à risque. Le volume du trafic du port autonome d’Abidjan prend un coup. Par centaines, des dockers se retrouvent, eux aussi, au chômage.


100.000 en neuf ans

Dans l’urgence, le Conseil national du patronat ivoirien (CNPI) dresse un bilan partiel des actes de pillage des entreprises. Il ressort de cet état que 106 entreprises étaient fermées pour cause de détérioration de leur outil de production. La commune de Koumassi était en tête avec 19 entreprises détruites, 10 à Yopougon, 9 au Plateau, 9 à San Pedro, 8 à Yamoussoukro, 7 à Gagnoa, et 4 à Agboville. Selon le président du CNPI ces fermetures constituaient près de 200 millions de perte sèche de cotisation par mois au niveau de la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS). Le premier responsable du patronat ivoirien annonçait déjà que cette situation allait avoir une incidence sur les recettes fiscales. Pouvait-il en être autrement quand on sait que les petites et moyennes entreprises représentent 50% des recettes fiscales et 30% du PIB en Côte d’Ivoire ?

Comme il fallait s’y attendre, les caisses de l’Etat ont enregistré un manque à gagner considérable avec le rétrécissement du champ d’activité des régies financières. La contraction des recettes va donc compromettre l’objectif du budget fiscal fixé en 2004 à 1263 milliards de FCFA. A preuve, le niveau de recouvrement au 31 décembre 2004 a fait apparaître un déficit de l’ordre de 25 milliards. Le secteur des recettes non fiscales enregistrait quant à lui un manque à gagner de 30,7 milliards de FCFA sur une prévision de 118 milliards de CFA. La croissance de 1,8% attendu n’a pas été atteinte. Evidemment, la destruction des entreprises et la perte du dynamisme des PME et PMI ne pouvait qu’affecter la croissance qui, selon le Fonds Monétaire International (FMI), a été proche de zéro de 2000 à 2007, contre 6,6% de 1994 à 1999 sous le régime du PDCI.


50 % des entreprises ont fermé sous la Refondation

Mais le décompte ne s’arrête pas là. Selon la Chambre de commerce et d’industrie, 150 entreprises ont été sinistrées au cours des évènements de novembre 2004 et 70 autres se sont trouvées en cessation d’activité. Trois mois après la furia des jeunes patriotes, sur 147 filiales de grandes entreprises françaises recensées en Côte d’Ivoire, 135 fonctionnaient au relenti. Le gâchis s’est matérialisé au plan social par la perte de 36.000 emplois. Favorisant ainsi la hausse du chômage et de la pauvreté. Le taux de pauvreté en Côte d’Ivoire, est passé de 38% en 2002 à 50% en 2005, selon le Programme des Nations Unies pour le développement. Mais pour Jean Louis Billon les pertes sont tout simplement inestimables en chiffres d’affaire. L’état de l’économie ivoirienne de ces cinq dernières années donne à constater que près de la moitié des emplois ont été détruits, quand 50 % des entreprises disparaissait purement et simplement. Quant aux secteurs de l’Education et de la Santé, ils voyaient leurs infrastructures se dégrader. Ces secteurs repartent néanmoins depuis la signature des accords de Ouagadougou, en mars 2007, puisque les grands hôtels affichent un taux de remplissage de 80 %, contre 20 % au plus fort de la crise.
« Régner en maître du désordre sur les vies des plus démunis et sur l’économie et cela en toute impunité, s’apparente à un coup d’état économique permanent dont les entreprises, petites et grandes, le fisc, les douanes et les autres services de contrôle de l’Etat en sont les principales victimes », dénonçait Billon lors du forum de dialogue économique. Et le premier responsable de la Chambre du commerce de déplorer : « Si la guerre ivoirienne est essentiellement politique, nous sommes aujourd’hui unanimement convaincus que l’otage principal, après la population, est l’économie en général et le secteur privé en particulier. Nous comprenons mal les raisons pour lesquelles aucun commentaire, aucune dénonciation, aucune sanction n’a été prononcée à l’égard de ceux qui ont commis tant de violences et de destructions d’entreprises ou d’écoles, outils par excellence du travail, d’émancipation, de cohésion et d’intégration sociale »
En 2008, le Conseil des investisseurs français en Afrique (Cian) dénonce, lui aussi dans un rapport, un harcèlement fiscal en Côte d’Ivoire. Une dénonciation qui avait suscité le courroux de la direction des Impôts. N’empêche, il ne reste plus en Côte d`Ivoire que la moitié des entreprises implantées avant la crise, soit 13.000 sur les 26.000 entreprises déclarées au départ selon la chambre de commerce et de l’industrie. Mais pour la Chambre, les origines de la descente aux enfers des entreprises remontent à 1999, quoique septembre 2002 et novembre 2004 marquent une véritable cassure dans le tissu économique. Et les chiffres sont édifiants sur cette situation sans précèdent. Selon la Chambre de commerce et de l’industrie en 1960, il y avait 180 000 salariés dans le secteur privé ; en 1970, 300 000 ; en 1980, 450 000 ; en 1990, 400 000 salariés, soit une perte de 50 000 emplois en 10 ans. En 2000, le nombre de salariés atteint son apogée avec 576 000 salariés, soit près de 200 000 nouveaux emplois en 10 ans. Avec la crise ivoirienne, de 2002 à 2005, le secteur privé a perdu à peu près 100 000 emplois, un chiffre très proche du volume d’emplois des années 1980. Ces années noires, il faut le faire remarquer, interviennent sous la Refondation. Ironie du sort, ce sont ceux qui n’ont rien construit qui ont su détruire le mieux. En effet depuis l avènement du régime FPI aux affaires, le secteur des entreprises n’a plus aucune visibilité, il affiche un bilan négatif, à quelques rares exceptions.
Et la série noire ne s’arrête pas pour autant. La Compagnie ivoirienne du bois, la plus grande société pourvoyeuse d’emplois du Centre Ouest du pays, situé à quelques kilomètres du village natal du Chef de l’Etat, a mis la clé sous le paillasson en ce début d’année. Jetant 1.400 employés au chômage. C’est à se demander de quels types de socialistes, la Côte d’Ivoire a hérité en octobre 2000. La venue insurrectionnelle des Refondateurs aux affaires, était-elle révélatrice de ce que les Ivoiriens vivront plus tard ? Une chose est certaine, à la lumière des statistiques, plus qu’une calamité, la Refondation aura été une malédiction pour l’Emploi et l’Economie ivoiriennes.

Alexandre Lebel Ilboudo
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Économie

Toutes les vidéos Économie à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ