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Société Publié le jeudi 26 mars 2009 | Nord-Sud

Délivrance de faux papiers : La sous-préfecture de Sogon et la police impliquées

Lundi, au tribunal des flagrants délits du Plateau, des services de l'administration territoriale et de la police ont été cités pour confection de faux et malversations par des prévenus.


Qu'est-ce qu'ils étaient heureux ! Environ une vingtaine de personnes ont embrassé Me Blessi, dans la cour du tribunal du Plateau, au sortir de l'audience des flagrants délits du 23 mars. Les cris de joie et l'affluence étaient tels que les policiers chargés de garantir l'ordre dans le temple de Thémis sont obligés d'intervenir. L'avocat vient en effet de soulager plusieurs familles d'une pénitence en faisant libérer cinq prévenus poursuivis pour faux et usage de faux. Il s'agit d'Ibo Mousse Jean, agent à la mairie de Songon, Djanhoué Koffi, Youan Bi Yougone Xavier, Fiéné Kouadio Romaric et Bamba Ibrahim, alias « Bill », tous démarcheurs. Leurs cas semblaient désespérés au vu de leurs agissements. Youan Bi Yougone Xavier, Fiéné Kouadio Romaric, Fiéné Kouadio Romaric et Djanhoué Koffi, que le juge appelle « Socrate » (son surnom) ont effectivement été pris en flagrant délit. Ils ont aidé des « demandeurs » à acquérir des attestations d'identité avec seulement des photos et de l'argent.
L’ONI démasque

Ces mauvais agents ont ensuite désigné Ibo Mousse comme l'homme qui se chargeait de produire les attestations d'identité. Des documents jugés authentiques, selon l'Office national d'identification (Oni). Cette précision est mentionnée dans le procès verbal. Dans les faits, ce ne sont pas les attestations d'identité en question qui posent problème, puisqu'elles sont authentiques, mais c'est la manière pour les acquérir qui est condamnable. Les débats ont soulevé dans la salle d'audience la problématique de la fraude des documents en Côte d'Ivoire. « Ceux qui réceptionnent les papiers incomplets qu'ils signent (moyennant de l'argent) sont les vrais fautifs, et non les démarcheurs », a noté Me Blessi au juge lors de sa plaidoirie. Qui sont donc ces personnes dont parle l'avocat ? Pour le comprendre, il est nécessaire de commencer par le début de cette affaire.

Début mars. L'Oni chargé de produire des pièces d'identité aux Ivoiriens vient d'être informé que des cas fréquents de fraude d'attestation d'identité sont signalés à Yopougon et environs. Pour vérifier l'information, le sous-directeur du contentieux à l'Oni, M. Akpa Apes, décide de mener une enquête. Deux commissariats à Yopougon, les 16ème et le 27ème arrondissements, sont chargés de la mission. Devant ces lieux trainent plusieurs démarcheurs qui facilitent l'acquisition des papiers administratifs aux intéressés, moyennant de l'argent. La plupart vivent de ce « gombo ». Ce n'est pas tant leur coup de main qui pose problème. Là où le bât blesse, c'est que certains « margouillats" se rendent complices de fraude en aidant des intéressés à acquérir leurs attestations d'identité avec des papiers incomplets ou falsifiés. La mission de l'Oni était par conséquent de démasquer ces cas et d'y mettre fin. Pour prendre ces fraudeurs en flagrant délit, facile. M. Akpa Apes et équipe de policiers se font passer pour des usagers venus confectionner leurs attestations d'identité. L'agent de l'Oni, muni seulement de deux photos d'identité et l'argent, a rencontré Djanhoué Koffi, alias Socrate, devant le 16ème arrondissement. Il lui explique qu'il n'a aucun document à part deux photos mais qu'il désire obtenir une attestation d'identité. Après avoir pris les références de l'intéressé et la somme de 5000 FCfa, le démarcheur s'exécute. Socrate est loin de se douter qu'il a affaire à une mise en scène dans le but de l'arrêter. Il revient plus tard, muni d'une attestation d'identité authentique qu'il remet à Akpa Apes. Surpris par une telle diligence, celui-ci fait mettre Socrate aux arrêts. La même mise en scène piège Youan Bi Xavier et Fiéné Romaric, des démarcheurs à la sous-préfecture de Songon, au 27ème et au 16ème arrondissements. L'Oni leur demande naturellement de désigner ceux qui osent fournir des documents authentiques sans un dossier complet. Alors que la production d'une attestation d'identité requiert, un extrait de naissance, deux photos, les photocopies d'identité des parents. Certains des interpellés désignent Ibo Mousse, agent de l'Oni à la sous-préfecture de Songon. Ibo est aussitôt arrêté, avec lui, Bamba Ibrahim, dit “Bill”.
«Les vrais coupables ne sont pas à la barre»

L'affaire une fois devant le juge des flagrants délits, ce 23 mars, ne manque pas d'intérêt aux yeux de tous. Le public a même applaudi à la fin du procès. Les faits en eux mêmes sont révélateurs. Les coupables ne sont pas ceux qui sont à la barre, selon Me Blessi, avocat de Fiéné Kouadio Romaric, mais qui a décidé de défendre aussi les autres prévenus. En prenant le cas d'Ibo, agent à la mairie de Songon, il aurait produit, selon le procès verbal, des attestations d'identité authentiques à base de faux documents. Mais, indique Me Blessi, il y a ce fait : « C'est le sous-préfet de Songon qui signe les attestations d'identité et c'est aussi lui qui a signé les pièces en question ». Par conséquent, il a le temps de vérifier si les pièces produites pour signer ce document sont régulières. Dans le procès verbal, le sous-préfet a expliqué qu'il n'a apposé aucune signature sur ces documents frauduleux. Sa signature, dit-il, a été falsifiée. L'administrateur ajoute que le cachet sur les documents frauduleux n'est plus valable dans sa sous-préfecture. Me Blessi pense plutôt que ce cachet est régulier. « J'ai été à la sous-préfecture de Songon et j'ai vérifié », charge-t-il. Mieux, la signature serait celle authentique du sous-préfet. Ces constats troublants, selon l'avocat ne manquent pas d'intérêt. D'autant que, ajoute-t-il, des responsables de commissariats sont forcement impliqués dans le faux. « Qu'on remonte les dossiers jusqu'aux vrais coupables », a conclu l'avocat. Sa plaidoirie n'a laissé personne indifférent. De sorte que le président du tribunal décide de libérer les prévenus. « Socrate, Ibo, Youan Bi, Fiéné et Bill, vous pouvez rentrer à la maison » lance-t-il. Tonnerre d'applaudissements dans la salle d'audience. Cette affaire mérite plus d'intérêt. En effet, s'il est vrai que ces démarcheurs sont les intermédiaires entre les corrupteurs et les corrompus, il convient de s'interroger si ceux qui favorisent ces actes en premier ressort ne sont pas les garants des institutions.


Raphaël Tanoh
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