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Politique Publié le vendredi 27 mars 2009 | Nord-Sud

Pr Wodié : “Il faut une nouvelle Côte d’Ivoire”

«Il s’agit de savoir, quelle Constitution pour une Côte d’Ivoire nouvelle. Je commence par des questions. Une Constitution ? Laquelle ? Pour une Côte d’Ivoire, laquelle ? Est-ce qu’il faut une Côte d’Ivoire nouvelle ? Le pays existe déjà pour certains, donc, disent-ils, elle fonctionne, il n’est pas nécessaire d’envisager une autre Constitution. Pour nous, la nécessité est pourtant évidente de rechercher une nouvelle Côte d’Ivoire parce que l’actuelle n’est pas belle à voir. Elle est défigurée, coupée en deux. Elle est malade. Je ne m’attarde pas sur la nécessité d’une nouvelle Côte d’Ivoire. Il le faut et cela saute aux yeux, sauf pour ceux qui n’ont pas d’yeux, ceux qui sont aveuglés par des considérations particulières. Quelle est donc la Constitution qui doit régir la Côte d’Ivoire ?

Quelle nouvelle Côte d’Ivoire ?

Nous pouvons donner trois réponses. 1/La Constitution actuelle est bonne, il n’y a pas lieu de la modifier, il faut la garder telle qu’elle est. 2/ La Constitution actuelle est bonne mais elle comporte des articles qui méritent d’être revus. D’où la nécessité de sa révision. 3/ La Constitution n’est pas adaptée à la Côte d’Ivoire actuelle, il faut adopter purement et simplement une nouvelle Constitution. Le troisième point correspond à notre thèse qui est qu’il faut une nouvelle Constitution pour une nouvelle Côte d’Ivoire. Pourquoi ? Nous avons une série de réponses. Il y a des raisons d’ordre historique, de contexte et de texte. Sur les raisons de l’histoire constitutionnelle de notre pays, nous devons dire à l’attention des jeunes que depuis l’indépendance, et un peu avant, la Constitution n’a jamais été élaborée dans les conditions politiques et juridiques conséquentes. Par exemple, la Constitution du 3 novembre 1960 qui est la première Constitution de l’Etat de Côte d’Ivoire indépendant a été considérée comme adoptée après la révision de la Constitution du 26 mars 1959, adoptée elle-même par l’Assemblée territoriale élue le 31 mars 1957. Cette situation ne peut ni du point de vue du droit, ni du point de vue politique être satisfaisante. La Côte d’Ivoire accédant à l’indépendance, il aurait fallu proposer une nouvelle Constitution et la soumettre aux Ivoiriens pour leur permettre de se prononcer et de l’adopter par référendum constituant. Mais, au lieu de cela, c’est la même situation qui a prévalu jusqu’à aujourd’hui. La Constitution du 1er Août 2000 a été adoptée dans des conditions particulières, et autour d’elle, il y a eu beaucoup de contentieux. D’ailleurs, le texte qui a été publié dans le Journal officiel et qui devrait faire l’objet du référendum a été modifié à quelques jours de cette consultation. C’est une situation juridiquement inacceptable et politiquement incompréhensible. Nous avions eu à le dire en son temps en ayant été consulté par le général Guéi. Beaucoup considèrent aujourd’hui que la Constitution ivoirienne de 2000, est à l’origine du conflit que nous connaissons. On a parlé de dispositions confligenènes. Les conditions d’adoption de cette Constitution posent problème. Le référendum nous appelait à nous prononcer sur deux types de textes, d’abord le projet de Constitution, et ensuite le projet de code électoral, donnant d’un côté un référendum constituant, et de l’autre, un référendum législatif. 194 articles pour le code électoral et 134 articles pour la Constitution. Il fallait donc se prononcer sur quelques 325 articles en même temps. Il fallait avoir de l’estomac pour digérer et assimiler tout cela. Mais, nous avons constaté finalement qu’on a laissé de côté le code électoral. On s’est focalisé sur la Constitution. Et même dans cette constitution, on a occulté tout pour ne retenir que l’article 35. Les Ivoiriens n’ont donc pas vu l’ensemble de la Constitution et les liens avec les autres dispositions. On s’est juste prononcé pour ou contre une seule disposition. Et pour des raisons particulières, nous avons tous appelé à voter pour cette Constitution. Elle a été adoptée, son application va poser des problèmes, les élections organisées sur la base de cette Constitution ont donné lieu à des affrontements sanglants.

Ce que doit être la nouvelle Constitution

Aujourd’hui, nous voulons la paix. Donc, nous pensons que la Côte d’Ivoire nouvelle ne doit pas prendre appui sur une telle Constitution. Il y a lieu de se doter d’une nouvelle qui va exprimer les préoccupations actuelles et futures du pays, qui va exprimer la volonté des Ivoiriens et qui leur permettra de se prononcer cette fois en connaissance de cause. De la Côte d’Ivoire actuelle à une nouvelle, il faut que le socle soit nouveau. (…) Mais, en quoi doit consister cette nouvelle constitution. Quelle doit en être le contenu ? Nous pensons qu’il y a deux types de matières au moins qui doivent nécessairement figurer dans cette Constitution. Il y’a d’un côté la question des libertés et des droits. C’est-à-dire la question des valeurs. Aujourd’hui, les Ivoiriens n’ont plus des repères. Quelles sont les valeurs politiques et morales qui doivent servir de fondements à l’élaboration d’une nouvelle Constitution ? Sur la question, les regards sont différents. Nous ne sommes pas tous d’accord sur les libertés qu’il faut énoncer dans cette constitution qui est l’acte fondamental qui assure le maximum de garanties au citoyen. En tout cas, dès lors que nous considérons une valeur comme fondamentale, il faut l’insérer dans la Constitution. Par exemple, nous avons perdu le sens de la morale et il est important que la Constitution puisse nous rappeler à ces valeurs et qu’elle les consacre. Ce sont ces principes qui vont assurer la légitimité par ce que dans la Constitution, il y a des questions de légitimité et de légalité. La deuxième matière qui doit nécessairement figurer dans cette Constitution, est celle du pouvoir politique, les voies d’exécution du pouvoir politique, et des rapports entre les organes qui constituent l’ossature de l’Etat.

Quel type de régime?

Aujourd’hui, nous avons un régime qui est présidentiel ou présidentialiste. Il consacre d’énormes pouvoirs au chef de l’Etat qui détient le pouvoir exécutif à titre exclusif. Est-ce ce régime que nous voulons reprendre pour une nouvelle Côte d’Ivoire ? Ou à la lumière de l’application de la Constitution actuelle, nous allons imaginer un autre régime politique un autre mode d’exercice du pouvoir. Nous pensons que pour que l’Etat puisse fonctionner de manière harmonieuse, il faut qu’il obéisse à deux principes qui sont le principe de partage et d’équilibre.
Il faut que le pouvoir soit reparti de sorte que nous serions partisans d’un pouvoir exécutif reparti entre le chef d’Etat et le chef du gouvernement. De manière que le pouvoir ainsi partagé, son exercice soit équilibré. Que le pouvoir exécutif n’écrase pas le citoyen. Malheureusement, au niveau des gouvernés, nous avons une mentalité quelque peu monarchiste. J’ai dit quelque part qu’en Afrique, on ne se demande pas qui a le pouvoir. On se pose plutôt la question de savoir qui est le pouvoir. D’où la personnalisation parfois excessive du pouvoir et des institutions. Cette personnalisation du pouvoir dans son exercice est comme voulue par les gouvernés qui donnent un pouvoir complet aux hommes politiques. Pour eux, il faut que le pouvoir s’incarne en un homme.
Et lorsque les choses vont ainsi, celui qui est censé incarner ce pouvoir jouit de prérogatives exorbitantes. Et si nous ne faisons pas attention, on risque de voir les libertés bafouées et les droits fusillés. Parce que très souvent, lorsqu’un droit est reconnu, on ne le considère pas comme tel, on y voit une faveur consentie par le chef. Il faut que les mentalités changent. Il faut donc équilibrer les rapports. Il faudra des pouvoirs propres au chef du gouvernement ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Tout le pouvoir appartient au président de la République qui peut déléguer une partie comme il peut ne pas le faire. Pour un pouvoir législatif, qu’est-ce qu’il faut ?

La mentalité monarchiste des Ivoiriens

Là aussi le principe de partage et d’équilibre doit être de mise. Nous pensons qu’il doit avoir deux chambres dans le pouvoir législatif. Une chambre représentant la population dans son ensemble qui a un caractère purement politique, et une chambre représentant le milieu de la société civile, socioprofessionnel et les religieux. De manière que par cette chambre, les régions puissent participer à l’exercice du pouvoir législatif et à l’élaboration des lois (…) Faut-il un gouvernement responsable devant l’Assemblée nationale ? Tout cela doit être décidé. Le gouvernement peut par exemple être responsable devant le Parlement qui lui-même peut être dissous par le chef de l’Etat en rapport avec le chef du gouvernement. Ce qui n’est pas le cas actuellement. Il faut décider les institutions qui doivent exister. Il faut le pouvoir judiciaire. Mais, là par exemple il est dit dans la Constitution actuelle que le chef de l’Etat est le garant de l’indépendance des magistrats. Il y a là comme une contradiction. On ne peut pas dire que le pouvoir judiciaire est indépendant et on donne la garantie de ce pouvoir à un autre pouvoir. Nous pensons que cette disposition doit disparaitre de manière à confier au Conseil supérieur de la magistrature de garantir l’indépendance des magistrats. (…) Il faut garantir l’équilibre entre les pouvoirs. (…)

Propos recueillis par
Djama Stanislas
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