«Il s'est enfui avec l'or! ». Ce constat de Léon résonne comme un effroyable écho dans les tympans de Kouakou Konan. Il est 20 heures. Le négociant en or et son comptable cherchent désespérément dans la foule, sur les trottoirs mal éclairés d'Adjamé Renault, ce 4 février. Mais, aucune trace de Yao Germain et de la sacoche contenant les 7 kgs d'or.
Kouakou Konan achète et vend de l'or depuis une demi-dizaine d'années. Il sillonne l'intérieur du pays à la recherche du métal précieux. Il fait d'ailleurs de bonnes affaires. Mieux, il s'est taillé une bonne réputation dans le milieu. Le 3 février, son comptable, Léon, domicilié à Abidjan, le contacte à Yamoussoukro, où il est en mission. La nouvelle est bonne : une coopérative de Bouaflé désire vendre une importante quantité d'or.
Deux émissaires de la coopérative, Djédjéro Henry et Diomandé Vakaby, sont chargés de la transaction avec Kouakou Konan, selon les informations fournies par le comptable. Mais, une fois à Toumodi en compagnie de son comptable et d'un intermédiaire, le négociant en or se retrouve face à un vieillard.
Un vieillard escroc
Konan, 75 ans environ, est tout petit avec une barbe clairsemée. Il est accompagné de Yao Germain qu'il présente comme son fils. La rencontre a lieu à l'Hôtel Amitié. Yao Germain et l'indigne patriarche Konan détiennent effectivement 7 kg d'or. Après les vérifications techniques sur l'authenticité de la marchandise, les négociations aboutissent à un prix d'achat de 52 millions de Fcfa. Kouakou Konan n'est venu au rendez-vous qu'avec 20 millions de Fcfa. Les vendeurs acceptent cette avance. Il peut aller à Abidjan avec l'or et payera là-bas les 32 derniers millions de Fcfa entre les mains de Germain. Lui et son comptable sont escortés par le “fils” de Yao Germain et l'intermédiaire. Ils font le trajet en car jusqu'à Adjamé, plus précisément à la gare Stif. De là, ils doivent se rendre au domicile du négociant.
Pendant le trajet, comme la sacoche qui contient l'or pèse lourd, elle passe de main en main. Le colis précieux est tantôt supporté par Yao Germain, tantôt par l'intermédiaire ou par le comptable, Léon. A l'arrivée à la gare, la marchandise est entre les mains de Yao Germain. Le petit groupe est épuisé par cette longue journée lorsqu'il emprunte la rue qui longe la gare. Léon demande à aller acheter une serviette pour s'éponger. L'erreur fatale !
Dans l'attente, Kouakou Konan téléphone sur son portable. Il finit par ne plus accorder suffisamment d'attention à Yao Germain et l'intermédiaire arrêtés derrière lui. Quand le comptable revient avec sa serviette, Konan téléphone toujours. L'intermédiaire attend auprès de lui, mais Yao Germain a disparu…avec la sacoche qui contient l’or. Troublés par cette fuite, Konan et son comptable arrêtent sur le champ l'intermédiaire qui n'a pas bougé. Ce dernier soutient ne rien à avoir avec la disparition de Yao Germain. Il ajoute qu'il ne le connaît que dans le cadre de cette affaire. Il est conduit au domicile de Léon où les deux hommes ont l'intention de le garder jusqu'au lendemain pour tirer l'affaire au clair. Mais avant le lever du jour, l'intermédiaire s'évade. Kouakou tente alors de joindre le vendeur de Toumodi, Konan qu'il appelle « le vieux ». C'est l'homme à qui ont été remis les 20 millions de Fcfa. Mais, son numéro ne passe plus. Ceux de Yao et des autres acolytes ont été également déconnectés. L'impasse ! Kouakou saisit alors la police criminelle. Des investigations sont menées auprès des opérateurs téléphoniques. Elles permettent à la police criminelle de localiser certains des escrocs qui, entre temps, avaient changé de numéro. La police criminelle parvient à mettre la main sur trois des arnaqueurs dont Yao Germain qui réside à Abobo Belleville. Les soupçons se confirment : il s'agit bien d'une bande d'escrocs qui réside à Abidjan et non à Toumodi. La tête pensante du gang semble être « le vieux ». Il s'est littéralement volatilisé. Toutes les tentatives pour le coincer et retrouver l'or sont restées vaines.
Pas d’or pas d’argent
Ce lundi 16 mars, à l'audience des flagrants délits où l'affaire se termine, nous sommes parvenu à reconstituer une bonne partie des faits grâce aux procès verbaux et aux déclarations de Konan et de Yao Germain à la barre. Yao Germain, né à Daloa le 27 mai 1975, est svelte et garde un air serein. Il reconnaît les faits, mais pas le montant indiqué par Konan. « Nous n'avons reçu qu'une avance de 1,2 million de Fcfa et non 20 millions de FcFa », précise-t-il au président du tribunal. Comme pour minimiser l'ampleur de son acte et surtout pour distraire le juge. Peine perdue. Il est condamné à 5 ans de prison. Et devra payer 20 millions de Fcfa à Konan à sa sortie du bagne. Toutefois, ce jugement ne satisfait pas Kouakou Konan qui est très triste en sortant de l'audience. Le cerveau de l'escroquerie, « le vieux », reste en liberté avec les 7 kg d'or et ses 20 millions de Fcfa. Il y a deux semaines, Djédjéro Henry et Diomandé Vakaby, deux des acolytes du vieillard qui avaient été les premiers intermédiaires dans l'escroquerie ont été arrêtés par la police criminelle. « Il ont aussitôt été jugés coupables à la salle des flagrants délits et condamnés chacun. Ce procès a eu lieu sans que je n'en sois informé », se lamente l'homme d'affaires. Ce qui explique en partie son inquiétude. La police criminelle qui s'est occupée des arrestations de Djédjéro Henry et de Diomandé Vakaby lui avait pourtant signifié que ces délinquants ne seraient jugés qu'une fois que toute la clique d'escrocs aura été écrouée. Notamment le doyen de la bande qui s'appelle en réalité Ouedraogo Adam. Yao Germain aussi aurait sans doute été jugé et condamné à l'insu de Konan s'il n'avait pas eu l'idée de passer au Plateau et de faire un tour au tribunal, comme par intuition. C'est là qu'il a appris l'information et a pu se constituer partie civile. «Je ne sais plus que penser », se désole-t-il. Une vraie toile semble s'être formée autour de l'affaire. Comme dans la maffia aucun des acolytes de Ouédraogo n'a jusque-là accepté de le dénoncer.
Un compte-rendu de procès de Raphaël Tanoh
Kouakou Konan achète et vend de l'or depuis une demi-dizaine d'années. Il sillonne l'intérieur du pays à la recherche du métal précieux. Il fait d'ailleurs de bonnes affaires. Mieux, il s'est taillé une bonne réputation dans le milieu. Le 3 février, son comptable, Léon, domicilié à Abidjan, le contacte à Yamoussoukro, où il est en mission. La nouvelle est bonne : une coopérative de Bouaflé désire vendre une importante quantité d'or.
Deux émissaires de la coopérative, Djédjéro Henry et Diomandé Vakaby, sont chargés de la transaction avec Kouakou Konan, selon les informations fournies par le comptable. Mais, une fois à Toumodi en compagnie de son comptable et d'un intermédiaire, le négociant en or se retrouve face à un vieillard.
Un vieillard escroc
Konan, 75 ans environ, est tout petit avec une barbe clairsemée. Il est accompagné de Yao Germain qu'il présente comme son fils. La rencontre a lieu à l'Hôtel Amitié. Yao Germain et l'indigne patriarche Konan détiennent effectivement 7 kg d'or. Après les vérifications techniques sur l'authenticité de la marchandise, les négociations aboutissent à un prix d'achat de 52 millions de Fcfa. Kouakou Konan n'est venu au rendez-vous qu'avec 20 millions de Fcfa. Les vendeurs acceptent cette avance. Il peut aller à Abidjan avec l'or et payera là-bas les 32 derniers millions de Fcfa entre les mains de Germain. Lui et son comptable sont escortés par le “fils” de Yao Germain et l'intermédiaire. Ils font le trajet en car jusqu'à Adjamé, plus précisément à la gare Stif. De là, ils doivent se rendre au domicile du négociant.
Pendant le trajet, comme la sacoche qui contient l'or pèse lourd, elle passe de main en main. Le colis précieux est tantôt supporté par Yao Germain, tantôt par l'intermédiaire ou par le comptable, Léon. A l'arrivée à la gare, la marchandise est entre les mains de Yao Germain. Le petit groupe est épuisé par cette longue journée lorsqu'il emprunte la rue qui longe la gare. Léon demande à aller acheter une serviette pour s'éponger. L'erreur fatale !
Dans l'attente, Kouakou Konan téléphone sur son portable. Il finit par ne plus accorder suffisamment d'attention à Yao Germain et l'intermédiaire arrêtés derrière lui. Quand le comptable revient avec sa serviette, Konan téléphone toujours. L'intermédiaire attend auprès de lui, mais Yao Germain a disparu…avec la sacoche qui contient l’or. Troublés par cette fuite, Konan et son comptable arrêtent sur le champ l'intermédiaire qui n'a pas bougé. Ce dernier soutient ne rien à avoir avec la disparition de Yao Germain. Il ajoute qu'il ne le connaît que dans le cadre de cette affaire. Il est conduit au domicile de Léon où les deux hommes ont l'intention de le garder jusqu'au lendemain pour tirer l'affaire au clair. Mais avant le lever du jour, l'intermédiaire s'évade. Kouakou tente alors de joindre le vendeur de Toumodi, Konan qu'il appelle « le vieux ». C'est l'homme à qui ont été remis les 20 millions de Fcfa. Mais, son numéro ne passe plus. Ceux de Yao et des autres acolytes ont été également déconnectés. L'impasse ! Kouakou saisit alors la police criminelle. Des investigations sont menées auprès des opérateurs téléphoniques. Elles permettent à la police criminelle de localiser certains des escrocs qui, entre temps, avaient changé de numéro. La police criminelle parvient à mettre la main sur trois des arnaqueurs dont Yao Germain qui réside à Abobo Belleville. Les soupçons se confirment : il s'agit bien d'une bande d'escrocs qui réside à Abidjan et non à Toumodi. La tête pensante du gang semble être « le vieux ». Il s'est littéralement volatilisé. Toutes les tentatives pour le coincer et retrouver l'or sont restées vaines.
Pas d’or pas d’argent
Ce lundi 16 mars, à l'audience des flagrants délits où l'affaire se termine, nous sommes parvenu à reconstituer une bonne partie des faits grâce aux procès verbaux et aux déclarations de Konan et de Yao Germain à la barre. Yao Germain, né à Daloa le 27 mai 1975, est svelte et garde un air serein. Il reconnaît les faits, mais pas le montant indiqué par Konan. « Nous n'avons reçu qu'une avance de 1,2 million de Fcfa et non 20 millions de FcFa », précise-t-il au président du tribunal. Comme pour minimiser l'ampleur de son acte et surtout pour distraire le juge. Peine perdue. Il est condamné à 5 ans de prison. Et devra payer 20 millions de Fcfa à Konan à sa sortie du bagne. Toutefois, ce jugement ne satisfait pas Kouakou Konan qui est très triste en sortant de l'audience. Le cerveau de l'escroquerie, « le vieux », reste en liberté avec les 7 kg d'or et ses 20 millions de Fcfa. Il y a deux semaines, Djédjéro Henry et Diomandé Vakaby, deux des acolytes du vieillard qui avaient été les premiers intermédiaires dans l'escroquerie ont été arrêtés par la police criminelle. « Il ont aussitôt été jugés coupables à la salle des flagrants délits et condamnés chacun. Ce procès a eu lieu sans que je n'en sois informé », se lamente l'homme d'affaires. Ce qui explique en partie son inquiétude. La police criminelle qui s'est occupée des arrestations de Djédjéro Henry et de Diomandé Vakaby lui avait pourtant signifié que ces délinquants ne seraient jugés qu'une fois que toute la clique d'escrocs aura été écrouée. Notamment le doyen de la bande qui s'appelle en réalité Ouedraogo Adam. Yao Germain aussi aurait sans doute été jugé et condamné à l'insu de Konan s'il n'avait pas eu l'idée de passer au Plateau et de faire un tour au tribunal, comme par intuition. C'est là qu'il a appris l'information et a pu se constituer partie civile. «Je ne sais plus que penser », se désole-t-il. Une vraie toile semble s'être formée autour de l'affaire. Comme dans la maffia aucun des acolytes de Ouédraogo n'a jusque-là accepté de le dénoncer.
Un compte-rendu de procès de Raphaël Tanoh