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Société Publié le vendredi 27 mars 2009 | Nord-Sud

Salaires au compte-gouttes, manque de moyens d`intervention… : Le calvaire des agents de sécurité

Dur, dur pour les vigiles de percevoir leurs salaires. Après avoir bravé de multiples dangers et souvent au péril de leur vie, ces agents de la sécurité privée vivent un véritable drame.


Battu à sang après avoir réclamé deux mois d`arriérés de salaire, N`Dri Célestin, agent de sécurité privée chez Delta Assistance (une entreprise de sécurité basée à Cocody-Angré) est encore traumatisé par la brutalité avec laquelle «ses bourreaux l`ont frappé à coups de rangers et de matraques. La bastonnade de l`infortuné Célestin se déroule le vendredi 21 novembre de l`année écoulée. «Je me suis rendu à la direction de Delta pour réclamer mon salaire de deux mois. Le Directeur général, M. Diabagaté Yaya a opposé tout refus de me payer mon argent. Non content, il ordonne à sa garde rapprochée composée de quatre personnes commandées par un nommé « Jack Bauer » de me battre. Ils se sont donc rués sur moi et m`ont frappé à sang. Sans l`intervention des sapeurs pompiers je serais mort», raconte-t-il au bord des larmes. Sous le feu des coups envoyés de part et d`autre, N`Dri perd connaissance. Selon lui, les secouristes l`évacuent au Chu de Yopougon où il reçoit des soins. Cependant, la raclée du jeune Célestin n`entame pas sa volonté de réclamer son salaire. Ainsi, une semaine plus tard, il revient à la charge. Son employeur s`oppose à sa revendication.
«On travaille, mais on n`a pas de salaire»

Pis, il lui lance au visage : «Va te plaindre où tu veux. J`ai assez de moyens et tu ne peux rien contre ma personne». Selon l`agent de sécurité, son patron refuse en définitive de lui reverser son salaire. Un cas typique qui est malheureusement la réalité que vivent de nombreux employés du secteur de la sécurité privée. Nos tentatives pour avoir la version du Directeur général de Delta Assistance sont restées vaines. Un employé de cette entreprise qui a refusé de décliner son identité nous apprend que son patron n`est pas disposé à nous accorder un entretien. Théophile G., 33 ans, marié et père d`un garçon de 7 ans est vigile à Hsr-Security. Il a été viré par son employeur en juillet 2008 sans aucune forme de procédure. Il a travaillé durant cinq ans chez Hsr-Security. Un matin il a été jeté sans aucune explication et papier. Pas même « ses trois mois d`arriérés de salaire» dit-il. Le motif qui sous-tend son renvoi est une « insuffisance de rendement». Théophile estime être victime d`une cabale pour l`éjecter de son poste. «J`ai donné le meilleur de moi-même. Nous avons participé à plusieurs missions dangereuses. Notamment, le transport de fonds où j`ai failli laisser la vie puisque nous avons été victimes d`une attaque armée. Cette scène s`est déroulée en mars 2007 au niveau du boulevard de Marseille, à Treichville. Une année plus tard, en février, j`étais chargé d`assurer la sécurité du domicile d`un directeur d`entreprise, à Biétry. En avril plus précisément dans la nuit du jeudi 12 à vendredi 13, des bandits armés ont attaqué le domicile où j`étais en poste. Même s`il n`y a pas eu de victime, les malfrats ont pu se tirer avec le butin. Ce jour-là encore, la mort est passée tout près. Après toutes ces épreuves j`ai été remercié par mon patron sans qu`il ne me paie mes droits», se lamente-t-il, avant de préciser que son employeur s`exécutait difficilement pour régler le salaire. Il accumule selon lui trois mois des salaires impayé après avoir signé un contrat de travail qui déterminait la rémunération. «C`est une pure exploitation. Le salaire varie entre 35.000 et 40.000 Fcfa. On abat un travail énorme au péril de notre vie. Mais on perçoit des miettes en retour. Ce qui est grave, c`est qu`on peine pour recevoir cet argent. Les clauses du contrat avec mon employeur sont restées lettre morte. Car, il n`a pas daigné respecter ses engagements », ajoute Théophile.
Conditions de travail dérisoire

Les tentatives, avance-t-il pour rentrer en possession de ses droits se sont heurtées à la muraille dressée par sa hiérarchie. «Elle a opposé une fin de non recevoir à mes démarches. Je ne sais pas à quel saint me vouer. Il n`y a pas de justice pour les faibles. J`ai donc tout laissé tomber puisque je n`ai pas de moyens pour engager une procédure judicaire», se résigne l`ex-agent de sécurité qui s`est reconverti au lavage d`automobile à Williamsville. Le traitement salarial et les conditions de travail des agents de sécurité laissent à désirer. Soumahoro Basile, assure la sécurité nuit et jour devant une pharmacie à Marcory. Pour sa défense et celle de l`établissement en cas de danger, il n`a qu`un couteau en poche et un détonateur. «Nous sommes conscient de la précarité des moyens d`intervention. Les bandits opèrent avec des armes feu. Donc, il y a un déséquilibre en terme de rapport de forces. En plus des risques multiples, le salaire est dérisoire. Il est quelquefois en dessous du Smig (Salaire minimum interprofessionnel garanti). On est payé à compte gouttes. Il est donc difficile de joindre les deux bouts. C`est tout simplement lamentable», fait-il remarqué. Dépourvu de moyens d`intervention et de la logistique, les agents de sécurité côtoient chaque jour la mort. Ils ne peuvent que se confier à Dieu. Comme T.D, 26 ans employé chez « One Security ». Il assure la sécurité d`une structure de communication dans la commune de Cocody. T.D explique les conditions dans lesquelles il exerce son métier de vigile. « Après avoir subi une formation de deux mois, j`ai commencé le service en janvier. Au préalable, nous avons discuté puis arrêté de commun accord avec l`employeur les conditions liées au traitement salarial. En principe, je devais percevoir 60.000 Fcfa comme salaire mensuel, mais la réalité est tout autre. Je reçois moins de 50.000 Fcfa par mois. Ce salaire arrive en retard, après le 10 du mois sans raison apparente», confie-t-il. L`agent de sécurité estime que même si l`arrivée tardive de sa rémunération lui cause un réel préjudice, il ne s`en plaint pas assez. «C`est mieux que rien. Dans la mesure où il y a des charges à régler. Notamment, le loyer, le transport et bien d`autres besoins à satisfaire. Il n`existe pas de sécurité à cent pour cent. Je mets en pratique toutes les techniques de défense apprises lors de la formation. Nous sommes au nombre de deux personnes. Et on se relaie au poste toutes les 24 heures. En tout état de cause, on se confie à Dieu qui est le meilleur protecteur contre les agressions», ajoute T.D qui possède une arme blanche pour veiller de nuit comme de jour à la sécurité de l`entreprise de communication. A Doué, opérateur économique dans la filière avicole s`est attaché en 2006 les services d`une entreprise de sécurité privée pour assurer son domicile, au II-Plateaux-Les Vallons. Selon lui, il débourse 50.000 Fcfa par mois en guise de prestation de service. «Les clauses du contrat déterminent le rôle que chaque partie doit jouer. Malgré le payement de la prestation, il se trouve que le vigile en poste peine à percevoir son salaire. Il m`arrive souvent d`intervenir suite à sa sollicitation. J`ignore complètement la gestion financière et surtout les bases tarifaires au niveau de la rémunération. Mais, je crois que les promoteurs d`entreprises de sécurité privée doivent veiller au versement du salaire à leurs employés », conseille-t-il.

Les patrons accusent l’Etat

Ainsi, les questions liées à la rémunération et à la définition des conditions de travail des agents de sécurité sont des os dans la gorge du patronat. M. Séripka André, président de l`Union patronale des entreprises de sécurité privée de Côte d`Ivoire (Upesp-CI) pointe du doigt l`anarchie du secteur responsable selon lui, de la maltraitance salariale des agents. « Dans toutes les corporations, il y a des brebis galeuses. Nous nous réjouissons du départ de Gbétia Firmin, ex-Directeur général de la Direction de la sécurité du territoire (Dst). Il n`a produit aucun programme pour assainir le secteur de la sécurité privée. Il n`était pas préoccupé par la fixation des conditions de rémunération. La Dst représente l`administration publique, elle est donc notre interlocuteur auprès des pouvoirs publics. Elle est membre de la commission de régulation et d`attribution des agréments. C`est donc un auteur incontournable pour la délivrance des autorisations», soutient-il. Avant d`affirmer : «Il y a beaucoup de voyous, de repris de justice qui se sont incorporés dans le milieu. Tout ceci a été rendu possible parce que l`ex-Directeur général de la Dst fermait les yeux sur les dérives de certains promoteurs moyennant des pots de vin. Selon les conclusions de l`atelier organisé en 2005 à Grand-Bassam, la base tarifaire pour le salaire des agents est de 135.000 Fcfa pour un minimum de 66.000 Fcfa ». Selon M. Séripka, un employeur coupable de cas d`abus de salaire peut se voir retirer l`agrément. «Une période transitoire de six mois est accordée aux chefs d`entreprise pour se conformer aux règles en vigueur. Elle s`étend de janvier à juin 2009. Il existe le décret 2005-73 /du 3 février 2005 portant réglementation des sociétés de sécurité privée et les arrêtés ministériels qui rendront effectivement en vigueur après la période transitoire. L`application des textes pourra déterminer le nombre précis d`entreprises de sécurité. Nous sommes en train de travailler pour faire sortir la liste définitive. C`est le prix à payer pour assainir le milieu et assurer une bonne rémunération des agents de sécurité privée», se persuade le président de l`Upesp-ci. Pour M. Edy Koula, président de l`Union nationale des entreprises du secteur privé de la sécurité (Unapeps), le lien entre la formation et la rémunération est évident. Selon lui, le mode de recrutement le plus adéquat demeure l`enrôlement des agents qui subiront plus tard des actions de formation interne. «La meilleure manière pour recruter c`est d`aller prendre les jeune formés par les écoles spécialisées dans la sécurité privée qui opèrent sur la place. Mais plus de 80% des entreprises préfèrent le recrutement sur le tas par voie de conséquence les agents de sécurité ne sont pas bien rémunérés. Force est de reconnaitre que certains agents perçoivent entre 30.000 et 35.000 Fcfa comme salaire. C`est dérisoire », fait-il remarquer. Le président de l`Unapeps estime que les patrons d`entreprises n`ont pas le pouvoir de fixer une base tarifaire pour déterminer le salaire des vigiles. « Ce n`est pas l`employeur qui établit la base tarifaire. Selon les textes en vigueur, le patron est contraint de payer les travailleurs en fonction du Smig qui s`élève à 36.000 Fcfa plus 25.000 Fcfa qui représentent la prime de transport. En somme, l`agent doit percevoir au minimum 61.000 Fcfa. Le salaire est une source d`émulation. Nous sommes donc conscients du fait que certains agents de sécurité privée sont mal rémunérés. Par conséquent, nous interpellons les employeurs sur le sujet pour qu`ils corrigent les insuffisances», insiste-t-il. L`assainissement du secteur de la sécurité privée, poursuit Edy Koula, est amorcé car les jours à venir, la liste des entreprises agréées sera établie. «De concert avec la Dst et le ministère de l`Intérieur, nous mettons les bouchées doubles pour réguler le milieu», nous apprend-il.

OM
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