Koffi Kan Kra, parti d’Abidjan en 2003 pour étudier en Allemagne, est depuis 2007 – 1ère édition – un des responsables du festival nommé Afrikamera qu’il a mis en selle dans l’esprit d’opposer une image plus positive de l’Afrique face à des images de guerre diffusées sur les chaînes de télés allemandes. Redorer l’image de l’Africain, c’est présenter l’Africain près de sa culture, de lui-même et ouvert au monde. Rencontré en mars au Fespaco, à Ouagadougou, Koffi Kan Kra fait part des opportunités que son festival offre aux jeunes pousses, réalisateurs dans le cinéma, et dit sa crainte de la survie en Afrique. Entretien.
Vous êtes responsable du festival Afrikamera en Allemagne où vous y êtes depuis 2003. Qu’est-ce qui vous amène à choisir la destination Allemagne ?
Le voyage a été motivé par le fait qu’à l’université d’Abidjan, j’ai fait une maîtrise appliquée en Linguistique anglaise qui a été introduite en son temps. Juste après, je n’avais plus l’envie de continuer les études. C’est ainsi que ma mère, qui connaissait quelqu’un, m’a proposé d’aller continuer les études en Europe. Ainsi, je suis arrivé en Allemagne. Il faut dire que j’ai d’abord fait des demandes en Angleterre, en France…La première réponse qui m’est venue était celle de l’université technique de Berlin.
Qu’est-ce qui motive la création du festival Afrikamera dont vous êtes un des responsables ?
Comme vous avez certainement entendu dire, l’Europe, ce n’est pas – vraiment – facile. Surtout quand on est un jeune africain, à la peau noire. Beaucoup de choses m’ont choqué. Je me suis dit qu’ayant fait l’université dans mon pays, il y a d’autres moyens de se présenter face à ce qu’on rencontre (Ndlr, en Europe). Puisque, franchement, pour un Africain, ce sont des frustrations tout le temps. Avec un ami burkinabé né à Abidjan et ayant grandi à Bassam, Sawadogo Moussa que j’ai rencontré par hasard, nous nous sommes demandé ce qu’il y a lieu de faire pour opposer une image plus positive de l’Afrique face à des images de guerre diffusées sur les chaînes de télés allemandes. Alors il s’est imposé l’idée d’organiser un festival de musique. N’étant pas fixés, nous nous sommes dit, la musique sera quelque chose d’exotique. Pourtant, avec le film et le cinéma, les images parlent plus. Car le message porte plus du fait qu’on y transporte beaucoup de choses. Nous avons donné priorité au cinéma. Mais la danse, la musique et la peinture vont suivre.
Quelles sont vos orientations avec Afrikamera ?
Afrikamera cherche à redorer l’image de l’africain. Il est vrai que nous faisons face à des difficultés que je ne trouve pas très dramatiques parce que nous sommes une société en transformation. Tout ce qu’on a rencontré, comme problèmes, va nous servir d’expériences pour bâtir quelque chose de nouveau. C’est ce message qu’on veut transmettre mais, avant tout, montrer que l’Africain, c’est un être humain qui a une histoire très profonde et qui date d’avant la civilisation européenne. C’est présenter l’Africain près de sa culture, de lui-même et ouvert au monde.
Afrikamera qui voit le jour en Europe, est-ce pour vous le bel endroit pour promouvoir les valeurs africaines ?
Au début, cela nous posait problème mais, étant là-bas (Europe), il est plus facile, d’abord, de mettre sur place une plates-forme ; ensuite de tirer les autres, à partir de l’Afrique, pour les faire revenir vers l’Europe. Parce que qu’est-ce qui se passe ? Ils viennent en Afrique (Ndlr, Européens) en tant qu’experts – ou que sais-je – au développement. Ils prennent en photos nos enfants, ils filment des images qui pouvaient être présentées positivement mais sont présentées sous l’angle le plus négatif possible. Si on a des images aussi négatives et que nous avons la possibilité d’opposer à celles-ci des images positives, je pense que, ce n’est pas grand-chose mais c’est une petite contribution. Quant aux enfants d’ici (Ndlr, Afrique), c’est de s’organiser. Car tout ce que nous pouvons faire, c’est de créer la plate-forme. Cet aspect de créativité qui est de faire des films, ce n’est pas notre domaine. Il existe des gens pour cela. Nous avons des capacités de gestion et d’organisation. Quelque chose est mise en place pour qu’ils viennent les produire. C’est l’idée. Nous n’abandonnons pas l’Afrique. Mais étant en Europe, nous pouvons les confronter.
Doit-on comprendre qu’avec vous et bien d’autres, les Africains ont décidé de soigner l’image de l’Afrique ?
Cela est assez complexe parce que nous avions trouvé des structures qui étaient déjà établies et qui essaient d’apporter leur contribution. Toute contribution est la bienvenue si elle peut nous aider à tirer conséquence de ce qu’on a comme expérience pour poser des bases nouvelles. C’est notre philosophie. Malheureusement, ces structures trouvées sur place (en Europe) ont tendance à être instrumentalisées pour dénigrer – un peu – l’Afrique. Souvent, au détriment des personnes qui sont dans ces structures. Parce qu’il y a des implications assez subtiles que ceux-ci ne comprennent pas vraiment. C’est un peu dommage qu’on soit dispersé ! A la longue, l’idée qu’on a c’est former, même avec eux, une association culturelle africaine où les lignes directrices se développent et se discutent. En créant notre structure, nous montrons ce dont nous sommes capables et on décide ce qu’on peut faire.
Qu’est-ce qui motive au Fespaco votre présence et quelles sont vos attentes ?
Dans un premier temps, je me réjouis de venir au Fespaco parce qu’auparavant, je n’ai pas eu l’occasion de le faire. Je me réjouis dans la mesure où j’y viens avec, dans ma besace, tout ce qu’il y a pour des frères ; pour la plupart des jeunes qui n’ont pas la possibilité, l’ouverture vers l’Europe. Après avoir organisé la première édition d’Afrikamera qui avait été précédée par une avant-première, et vu l’engouement du public, nous nous sommes dit, avec le peu d’argent qu’on a eu, on investit en payant, nous-mêmes, le billet d’avion et le logement pour venir prendre contact avec les gens sur place (Ndlr, Ouagadougou) et leur donner la possibilité de venir (Ndlr, Europe).
Comment est donc structuré Afrikamera ?
Il y a un appel au film. Dès que ces films nous parviennent et, avec nos partenaires, on s’arrange à ce que ce réalisateur – s’il est sélectionné – vienne à Berlin présenter son film, discuter et présenter son point de vue. Nous sommes ici (Ndlr, Fespaco) pour aider les frères qui y sont. Il s’agit pour nous d’inviter à produire la qualité pour qu’à notre niveau nous puissions porter vers l’Europe les belles productions que nous avons pu voir. Leur donner la possibilité de venir défendre leurs idées. C’est la raison pour laquelle nous sommes ici.
Quelles sont les conditions pour que ceux-là que vous invitez puissent effectuer en Allemagne le déplacement et animer le festival ?
Si le film est retenu, nous le prenons en charge (Ndlr, le réalisateur). Nous prenons en charge son séjour, l’hébergement et associons les mesures d’accompagnement étant donné qu’il ne peut pas entrer en possession de ses fonds à partir d’un seul festival. Cela va permettre d’amortir les frais qu’il a engagés.
Que faire pour qu’Afrikamera gagne en notoriété sous les tropiques ?
C’est d’utiliser les plates-formes telles que le Fespaco. Là, nous avons pu rencontrer le responsable du film de Kenya, celui de Duban, en Afrique du sud - que nous connaissons depuis Berlin. Nous avons fait passer à celui du Kenya de nous aider à toucher les autres festivals environnants. Ayouf du Maroc qui présente au Fespaco un film nous a dit qu’il pourrait établir des contacts avec nous au niveau du Maroc. Nous allons créer un networking pour que cela porte vers l’extérieur de sorte à avoir les échos en Europe. On part de l’Allemagne, on va chercher, on revient pour pouvoir défendre.
Vous relevez une dispersion des intelligences entre Africains au niveau de l’Europe. Quand l’Association sera-t-elle créée si elle ne l’est pas encore et où sera-t-elle basée ?
Elle est créée depuis 2007 et a un statut légal reconnu par les autorités allemandes. C’est en nous mettant ensemble qu’on peut parvenir à de meilleures choses. Mais, ce n’est pas parce que je mets sur place un festival que je suis le meilleur ! Ce n’est pas une façon assez intelligente de procéder car, en toute chose, on a besoin de partenaires. On a besoin d’un plus petit ou d’un plus grand que soi. J’espère pouvoir travailler avec tous ceux qui sont dans le domaine pour qu’enfin, on puisse réfléchir à d’autres choses que de rester à se justifier. On peut créer des structures, des plates-formes pour véhiculer des idées mais il faut regarder de l’avant.
Quelle est sa dénomination ?
L’Association s’appelle « toucouleur » et a été enregistrée officiellement, en Allemagne, cette année (Ndlr, 2009). Depuis 2007 que nous avons soumis les dossiers, c’est cette année que nous avons été reconnus. Voilà, nous travaillons et essayons de rentrer en contact avec tous ceux qui peuvent collaborer.
En étant au Fespaco, il y a ce que vous avez vu et constaté. Le Fespaco a 40 ans d’existence. En tant que promoteur d’un festival, quelle est votre appréciation de l’édition-ci dont on se plaint beaucoup de l’organisation ?
C’est d’abord difficile de juger dans la mesure où j’y suis pour la première fois. L’autre aspect, quand vous avez 300 films, il n’est pas tout à fait évident de pouvoir les organiser. On me dira que le Fespaco fait 40 ans ! Mais, ce qu’il ne faut pas oublier, c’est qu’il y a un nouveau délégué général (Ndlr, Michel Ouédraogo). Alors, le temps que lui-même ne rentre dans le Fespaco et avoir une visibilité, je trouve que ce n’est pas facile. De l’autre côté, il serait aussi facile d’argumenter qu’il vient d’arriver et que ce n’est pas bien fait. Il y a des choses minimales qu’on aurait dû mesurer et qu’on doit assurer. Je suis un peu surpris mais, je me dis que la 22è édition sera beaucoup organisée que celle-ci.
Quel est pour vous le regard sur un festival qui a, en face, des salles vides de son public ?
Si on jette un regard sur cet aspect, on est en train de se diriger vers la mort du cinéma africain. Ce en quoi je ne crois pas. Parce qu’avant tout, c’est un élément culturel très important. Cela peut arriver si on ne prend pas le temps d’inculquer à nos populations cette culture du cinéma. Si on ne le prend pas suffisamment au sérieux, il va arriver dans les années à venir que le cinéma ne soit plus existant ; comme on le voit d’ailleurs dans certains pays où les salles de cinéma n’existent plus. C’est en même temps bon et mauvais. Bon, parce que cela donne la possibilité à nos télévisions locales de se prendre en main que de nous montrer des films du Brésil, de l’Argentine. Je ne sais pas ce que ces films apportent à l’enfant africain. Quelle est la culture, le contenu, qu’on veut lui donner à travers ces films ? Apprendre à devenir comme l’Européen ? Apprendre à devenir fier de sa culture, pour pouvoir communiquer avec d’autres cultures ? Je ne sais pas ! En ce qui concerne le Fespaco, je vois qu’il y a des jeunes pousses qui font de très bons films. Il y a des initiatives qui se créent. En l’occurrence, Gaston Kaboré qui est très connu et qui a mis sur pied ici (Ndlr, Ouagadougou) une école de cinéma que nous avons visitée. Ce qui donne la possibilité de former des jeunes à la culture pour que, eux aussi, portent l’information et puissent éduquer nos populations. Nous avons besoin d’éducation – à part l’école – culturelle. Il faut que l’Africain soit fier, debout dans sa culture, et pouvoir porter sa gloire. Le Fespaco va se maintenir, si on travaille sur ce point. S’il s’agit de films qu’il faut réaliser, les montrer, faire venir des gens qui se retrouvent, se saluent et rient, sans aucun message en dessous, sans formation du peuple, je suis sûr qu’on va vers la mort du cinéma. En cela, j’ai confiance en nos autorités. J’espère qu’elles vont se réveiller à temps pour pouvoir sauver l’Africain. Même si je ne vais pas le voir (Ndlr, ce réveil), je suis sûr que l’Afrique va se relever.
… La vie est cyclique. Aujourd’hui, qui parle de la Grèce, où est-elle en terme de développement ou d’innovation technologique ? La Grèce a disparu. C’est comme l’Egypte pharaonique. De très grandes civilisations sur de longs siècles. On a vu au Mexique le Royaume Perse. C’est aujourd’hui le tour des Occidentaux. Ça tourne. Ça va revenir. On parle des pays émergents : Brésil, Chine. L’Afrique aura son tour. Nous y travaillons.
Avec Afrikamera…
Avec Afrikamera, c’est la contribution que nous pouvons apporter. On a des jeunes frères bien placés, même des Ivoiriens, à Berlin qui travaillent dans les plus grandes entreprises allemandes. C’est, peut-être, parce qu’on n’a pas encore sur place ces structures chez nous. Ce dont je suis sûr, dès qu’il y aura une petite volonté de mettre en place – ne serait-ce que des infrastructures rudimentaires – des gens sont prêts à retourner (Ndlr, en Afrique) pour apporter leur contribution. Pour le moment, ce que nous savons et pouvons faire, c’est la culture. Ayant eu une formation en Sciences de l’information et des bibliothèques, si je retourne, c’est construire – peut-être – une petite bibliothèque où des jeunes frères et sœurs, qui n’ont pas cette possibilité, puissent consulter sur place des livre. Cela est en projet et me tient à cœur. Je ne veux pas d’aides. C’est commencer petit à petit. Il faut éduquer nos peuples. C’est la base. Pouvoir se défendre au cours d’un débat et connaître son histoire. Leur histoire (Ndlr, les Européens), ils l’ont écrite comme cela les arrange. Pour celui qui connaît son histoire sait qu’un Pytagore n’aurait pas été le père des mathématiques si, avant sa naissance, il n’y avait pas les pyramides, en Egypte. Nous parlons tout le temps plutôt que d’agir pendant que les autres avancent et se développent. Etant donné que nous sommes dans le domaine de la promotion, que ceux qui sont meilleurs dans tel autre domaine laissent de côté les débats d’Africains-Européens et travaillent. Ainsi compartimenté, dans dix ou quinze ans, je suis sûr - on ne sera pas égaux en terme de développement – qu’on aura récupéré nos valeurs pour pouvoir avancer et avancer.
Réalisée à Ouagadougou par Koné Saydoo
Vous êtes responsable du festival Afrikamera en Allemagne où vous y êtes depuis 2003. Qu’est-ce qui vous amène à choisir la destination Allemagne ?
Le voyage a été motivé par le fait qu’à l’université d’Abidjan, j’ai fait une maîtrise appliquée en Linguistique anglaise qui a été introduite en son temps. Juste après, je n’avais plus l’envie de continuer les études. C’est ainsi que ma mère, qui connaissait quelqu’un, m’a proposé d’aller continuer les études en Europe. Ainsi, je suis arrivé en Allemagne. Il faut dire que j’ai d’abord fait des demandes en Angleterre, en France…La première réponse qui m’est venue était celle de l’université technique de Berlin.
Qu’est-ce qui motive la création du festival Afrikamera dont vous êtes un des responsables ?
Comme vous avez certainement entendu dire, l’Europe, ce n’est pas – vraiment – facile. Surtout quand on est un jeune africain, à la peau noire. Beaucoup de choses m’ont choqué. Je me suis dit qu’ayant fait l’université dans mon pays, il y a d’autres moyens de se présenter face à ce qu’on rencontre (Ndlr, en Europe). Puisque, franchement, pour un Africain, ce sont des frustrations tout le temps. Avec un ami burkinabé né à Abidjan et ayant grandi à Bassam, Sawadogo Moussa que j’ai rencontré par hasard, nous nous sommes demandé ce qu’il y a lieu de faire pour opposer une image plus positive de l’Afrique face à des images de guerre diffusées sur les chaînes de télés allemandes. Alors il s’est imposé l’idée d’organiser un festival de musique. N’étant pas fixés, nous nous sommes dit, la musique sera quelque chose d’exotique. Pourtant, avec le film et le cinéma, les images parlent plus. Car le message porte plus du fait qu’on y transporte beaucoup de choses. Nous avons donné priorité au cinéma. Mais la danse, la musique et la peinture vont suivre.
Quelles sont vos orientations avec Afrikamera ?
Afrikamera cherche à redorer l’image de l’africain. Il est vrai que nous faisons face à des difficultés que je ne trouve pas très dramatiques parce que nous sommes une société en transformation. Tout ce qu’on a rencontré, comme problèmes, va nous servir d’expériences pour bâtir quelque chose de nouveau. C’est ce message qu’on veut transmettre mais, avant tout, montrer que l’Africain, c’est un être humain qui a une histoire très profonde et qui date d’avant la civilisation européenne. C’est présenter l’Africain près de sa culture, de lui-même et ouvert au monde.
Afrikamera qui voit le jour en Europe, est-ce pour vous le bel endroit pour promouvoir les valeurs africaines ?
Au début, cela nous posait problème mais, étant là-bas (Europe), il est plus facile, d’abord, de mettre sur place une plates-forme ; ensuite de tirer les autres, à partir de l’Afrique, pour les faire revenir vers l’Europe. Parce que qu’est-ce qui se passe ? Ils viennent en Afrique (Ndlr, Européens) en tant qu’experts – ou que sais-je – au développement. Ils prennent en photos nos enfants, ils filment des images qui pouvaient être présentées positivement mais sont présentées sous l’angle le plus négatif possible. Si on a des images aussi négatives et que nous avons la possibilité d’opposer à celles-ci des images positives, je pense que, ce n’est pas grand-chose mais c’est une petite contribution. Quant aux enfants d’ici (Ndlr, Afrique), c’est de s’organiser. Car tout ce que nous pouvons faire, c’est de créer la plate-forme. Cet aspect de créativité qui est de faire des films, ce n’est pas notre domaine. Il existe des gens pour cela. Nous avons des capacités de gestion et d’organisation. Quelque chose est mise en place pour qu’ils viennent les produire. C’est l’idée. Nous n’abandonnons pas l’Afrique. Mais étant en Europe, nous pouvons les confronter.
Doit-on comprendre qu’avec vous et bien d’autres, les Africains ont décidé de soigner l’image de l’Afrique ?
Cela est assez complexe parce que nous avions trouvé des structures qui étaient déjà établies et qui essaient d’apporter leur contribution. Toute contribution est la bienvenue si elle peut nous aider à tirer conséquence de ce qu’on a comme expérience pour poser des bases nouvelles. C’est notre philosophie. Malheureusement, ces structures trouvées sur place (en Europe) ont tendance à être instrumentalisées pour dénigrer – un peu – l’Afrique. Souvent, au détriment des personnes qui sont dans ces structures. Parce qu’il y a des implications assez subtiles que ceux-ci ne comprennent pas vraiment. C’est un peu dommage qu’on soit dispersé ! A la longue, l’idée qu’on a c’est former, même avec eux, une association culturelle africaine où les lignes directrices se développent et se discutent. En créant notre structure, nous montrons ce dont nous sommes capables et on décide ce qu’on peut faire.
Qu’est-ce qui motive au Fespaco votre présence et quelles sont vos attentes ?
Dans un premier temps, je me réjouis de venir au Fespaco parce qu’auparavant, je n’ai pas eu l’occasion de le faire. Je me réjouis dans la mesure où j’y viens avec, dans ma besace, tout ce qu’il y a pour des frères ; pour la plupart des jeunes qui n’ont pas la possibilité, l’ouverture vers l’Europe. Après avoir organisé la première édition d’Afrikamera qui avait été précédée par une avant-première, et vu l’engouement du public, nous nous sommes dit, avec le peu d’argent qu’on a eu, on investit en payant, nous-mêmes, le billet d’avion et le logement pour venir prendre contact avec les gens sur place (Ndlr, Ouagadougou) et leur donner la possibilité de venir (Ndlr, Europe).
Comment est donc structuré Afrikamera ?
Il y a un appel au film. Dès que ces films nous parviennent et, avec nos partenaires, on s’arrange à ce que ce réalisateur – s’il est sélectionné – vienne à Berlin présenter son film, discuter et présenter son point de vue. Nous sommes ici (Ndlr, Fespaco) pour aider les frères qui y sont. Il s’agit pour nous d’inviter à produire la qualité pour qu’à notre niveau nous puissions porter vers l’Europe les belles productions que nous avons pu voir. Leur donner la possibilité de venir défendre leurs idées. C’est la raison pour laquelle nous sommes ici.
Quelles sont les conditions pour que ceux-là que vous invitez puissent effectuer en Allemagne le déplacement et animer le festival ?
Si le film est retenu, nous le prenons en charge (Ndlr, le réalisateur). Nous prenons en charge son séjour, l’hébergement et associons les mesures d’accompagnement étant donné qu’il ne peut pas entrer en possession de ses fonds à partir d’un seul festival. Cela va permettre d’amortir les frais qu’il a engagés.
Que faire pour qu’Afrikamera gagne en notoriété sous les tropiques ?
C’est d’utiliser les plates-formes telles que le Fespaco. Là, nous avons pu rencontrer le responsable du film de Kenya, celui de Duban, en Afrique du sud - que nous connaissons depuis Berlin. Nous avons fait passer à celui du Kenya de nous aider à toucher les autres festivals environnants. Ayouf du Maroc qui présente au Fespaco un film nous a dit qu’il pourrait établir des contacts avec nous au niveau du Maroc. Nous allons créer un networking pour que cela porte vers l’extérieur de sorte à avoir les échos en Europe. On part de l’Allemagne, on va chercher, on revient pour pouvoir défendre.
Vous relevez une dispersion des intelligences entre Africains au niveau de l’Europe. Quand l’Association sera-t-elle créée si elle ne l’est pas encore et où sera-t-elle basée ?
Elle est créée depuis 2007 et a un statut légal reconnu par les autorités allemandes. C’est en nous mettant ensemble qu’on peut parvenir à de meilleures choses. Mais, ce n’est pas parce que je mets sur place un festival que je suis le meilleur ! Ce n’est pas une façon assez intelligente de procéder car, en toute chose, on a besoin de partenaires. On a besoin d’un plus petit ou d’un plus grand que soi. J’espère pouvoir travailler avec tous ceux qui sont dans le domaine pour qu’enfin, on puisse réfléchir à d’autres choses que de rester à se justifier. On peut créer des structures, des plates-formes pour véhiculer des idées mais il faut regarder de l’avant.
Quelle est sa dénomination ?
L’Association s’appelle « toucouleur » et a été enregistrée officiellement, en Allemagne, cette année (Ndlr, 2009). Depuis 2007 que nous avons soumis les dossiers, c’est cette année que nous avons été reconnus. Voilà, nous travaillons et essayons de rentrer en contact avec tous ceux qui peuvent collaborer.
En étant au Fespaco, il y a ce que vous avez vu et constaté. Le Fespaco a 40 ans d’existence. En tant que promoteur d’un festival, quelle est votre appréciation de l’édition-ci dont on se plaint beaucoup de l’organisation ?
C’est d’abord difficile de juger dans la mesure où j’y suis pour la première fois. L’autre aspect, quand vous avez 300 films, il n’est pas tout à fait évident de pouvoir les organiser. On me dira que le Fespaco fait 40 ans ! Mais, ce qu’il ne faut pas oublier, c’est qu’il y a un nouveau délégué général (Ndlr, Michel Ouédraogo). Alors, le temps que lui-même ne rentre dans le Fespaco et avoir une visibilité, je trouve que ce n’est pas facile. De l’autre côté, il serait aussi facile d’argumenter qu’il vient d’arriver et que ce n’est pas bien fait. Il y a des choses minimales qu’on aurait dû mesurer et qu’on doit assurer. Je suis un peu surpris mais, je me dis que la 22è édition sera beaucoup organisée que celle-ci.
Quel est pour vous le regard sur un festival qui a, en face, des salles vides de son public ?
Si on jette un regard sur cet aspect, on est en train de se diriger vers la mort du cinéma africain. Ce en quoi je ne crois pas. Parce qu’avant tout, c’est un élément culturel très important. Cela peut arriver si on ne prend pas le temps d’inculquer à nos populations cette culture du cinéma. Si on ne le prend pas suffisamment au sérieux, il va arriver dans les années à venir que le cinéma ne soit plus existant ; comme on le voit d’ailleurs dans certains pays où les salles de cinéma n’existent plus. C’est en même temps bon et mauvais. Bon, parce que cela donne la possibilité à nos télévisions locales de se prendre en main que de nous montrer des films du Brésil, de l’Argentine. Je ne sais pas ce que ces films apportent à l’enfant africain. Quelle est la culture, le contenu, qu’on veut lui donner à travers ces films ? Apprendre à devenir comme l’Européen ? Apprendre à devenir fier de sa culture, pour pouvoir communiquer avec d’autres cultures ? Je ne sais pas ! En ce qui concerne le Fespaco, je vois qu’il y a des jeunes pousses qui font de très bons films. Il y a des initiatives qui se créent. En l’occurrence, Gaston Kaboré qui est très connu et qui a mis sur pied ici (Ndlr, Ouagadougou) une école de cinéma que nous avons visitée. Ce qui donne la possibilité de former des jeunes à la culture pour que, eux aussi, portent l’information et puissent éduquer nos populations. Nous avons besoin d’éducation – à part l’école – culturelle. Il faut que l’Africain soit fier, debout dans sa culture, et pouvoir porter sa gloire. Le Fespaco va se maintenir, si on travaille sur ce point. S’il s’agit de films qu’il faut réaliser, les montrer, faire venir des gens qui se retrouvent, se saluent et rient, sans aucun message en dessous, sans formation du peuple, je suis sûr qu’on va vers la mort du cinéma. En cela, j’ai confiance en nos autorités. J’espère qu’elles vont se réveiller à temps pour pouvoir sauver l’Africain. Même si je ne vais pas le voir (Ndlr, ce réveil), je suis sûr que l’Afrique va se relever.
… La vie est cyclique. Aujourd’hui, qui parle de la Grèce, où est-elle en terme de développement ou d’innovation technologique ? La Grèce a disparu. C’est comme l’Egypte pharaonique. De très grandes civilisations sur de longs siècles. On a vu au Mexique le Royaume Perse. C’est aujourd’hui le tour des Occidentaux. Ça tourne. Ça va revenir. On parle des pays émergents : Brésil, Chine. L’Afrique aura son tour. Nous y travaillons.
Avec Afrikamera…
Avec Afrikamera, c’est la contribution que nous pouvons apporter. On a des jeunes frères bien placés, même des Ivoiriens, à Berlin qui travaillent dans les plus grandes entreprises allemandes. C’est, peut-être, parce qu’on n’a pas encore sur place ces structures chez nous. Ce dont je suis sûr, dès qu’il y aura une petite volonté de mettre en place – ne serait-ce que des infrastructures rudimentaires – des gens sont prêts à retourner (Ndlr, en Afrique) pour apporter leur contribution. Pour le moment, ce que nous savons et pouvons faire, c’est la culture. Ayant eu une formation en Sciences de l’information et des bibliothèques, si je retourne, c’est construire – peut-être – une petite bibliothèque où des jeunes frères et sœurs, qui n’ont pas cette possibilité, puissent consulter sur place des livre. Cela est en projet et me tient à cœur. Je ne veux pas d’aides. C’est commencer petit à petit. Il faut éduquer nos peuples. C’est la base. Pouvoir se défendre au cours d’un débat et connaître son histoire. Leur histoire (Ndlr, les Européens), ils l’ont écrite comme cela les arrange. Pour celui qui connaît son histoire sait qu’un Pytagore n’aurait pas été le père des mathématiques si, avant sa naissance, il n’y avait pas les pyramides, en Egypte. Nous parlons tout le temps plutôt que d’agir pendant que les autres avancent et se développent. Etant donné que nous sommes dans le domaine de la promotion, que ceux qui sont meilleurs dans tel autre domaine laissent de côté les débats d’Africains-Européens et travaillent. Ainsi compartimenté, dans dix ou quinze ans, je suis sûr - on ne sera pas égaux en terme de développement – qu’on aura récupéré nos valeurs pour pouvoir avancer et avancer.
Réalisée à Ouagadougou par Koné Saydoo