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Politique Publié le mardi 31 mars 2009 | Fraternité Matin

Pour tenir la présidentielle, cette année/ Ado : “Il va falloir arrêter l`enrolement...” Le président du Rdr était, hier, l’invité de Fraternité Matin

Le président du Rassemblement des républicains, Alassane Dramane Ouattara, a fait le point sur la situation socio-politique et économique nationale et internationale.

Propos liminaires
Madame la Présidente du Conseil d’Administration, chère sœur,
Monsieur le Directeur Général du Groupe Fraternité Matin, cher frère,
Madame et Messieurs les rédacteurs en Chef,
Chers amis journalistes,
Mon introduction sera brève car j’ai hâte de dialoguer avec vous. Depuis de nombreuses années, l’occasion ne s’était pas présentée. Je pense donc que nous avons beaucoup de choses à nous dire !
Je tiens, tout d’abord, à vous remercier de m’avoir invité. C’est un grand plaisir d’être reçu ce matin par le premier quotidien ivoirien.
Je tiens aussi à vous féliciter. En effet, en m’ouvrant ses colonnes, Fraternité Matin pose un acte républicain. Un acte guidé par deux grands principes qui me sont chers et qui sont le fondement de toute démocratie digne de ce nom : la liberté d’expression et la liberté de la presse.
Permettez-moi d’inviter vos confrères à suivre votre exemple. J’encourage tous les journalistes, qu’ils soient de la presse écrite, des chaînes de télévision et des stations de radio, à ouvrir le débat à toutes les sensibilités politiques. Vous devez proposer à tous les Ivoiriens de découvrir des idées différentes, des opinions contradictoires. Bref, permettre à l’opinion publique de se faire en quelque sorte son «opinion privée» grâce à vous.
La liberté, l’ouverture, l’écoute, le respect de l’autre… sont très importants pour notre pays. En cette année électorale, tous les leaders politiques doivent pouvoir s’exprimer pour apporter leur pierre à la reconstruction de la maison Côte d’Ivoire. Les Ivoiriens attendent de nous un débat apaisé et de qualité; ils ne veulent pas d’invectives; ils ne veulent pas de querelles stériles. Les Ivoiriens veulent des réponses à leurs questions; ils veulent des propositions. Nos compatriotes ont droit à une campagne digne et constructive sur tous les sujets qui nous préoccupent : la paix et l’unité, la santé, l’éducation, l’emploi, la cherté de la vie, la sécurité…
En ce qui me concerne, je m’engage personnellement, à faire progresser le débat sur tous ces points fondamentaux.
Aujourd’hui, je suis donc heureux d’être parmi vous pour répondre à toutes vos questions sur :
Mon évaluation du processus de sortie de crise
Mon analyse de la situation socio-économique
Mon programme et mes ambitions pour la Côte d’Ivoire de demain.
Je suis prêt à vous répondre en toute transparence.
Chers amis, je suis à vous!

Enrôlement et identification

Il faut d’abord reconnaître que la question de l’identification est essentielle. Puisqu’elle a été au cœur du conflit et des difficultés que traverse le pays, il fallait donc se mettre d’accord, à l’issue des différents accords, trouver un modus vivendi pour aller à une identification crédible des populations. Evidement, cela a demandé beaucoup d’efforts, et également, je dirais, beaucoup de ressources. Puisque, vous le savez certainement, le budget alloué à cette opération accompagnée de l’enrôlement des électeurs, est important : plus de soixante milliards. Je crois savoir qu’un avenant est en négociation et que le montant total sera particulièrement élevé. A la date d’aujourd’hui, selon les informations, nous sommes pratiquement à 6 millions d’enrôlés. Et ceci est un chiffre important, puisque la liste électorale de 2000 comportait 5 millions 475 mille personnes, or elle n’avait pas été purgée des doublons et des personnes décédées. Selon les experts, on devait être autour de 4 millions, quatre millions et demi. Donc, si nous sommes aujourd’hui, autour de six millions, nous pouvons dire que nous avons fait un progrès considérable. Et que ce chiffre est crédible, surtout qu’il est appuyé par des personnes physiques qui auront leurs cartes d’électeur et leurs cartes d’identité. Donc, je voudrais dire qu’il n’ y a pas de regret de notre côté, d’avoir voulu entreprendre cette identification. Je crois que c’est une bonne chose. Ce que je regrette, ce sont les reports successifs. Souvenez-vous que déjà après les accords de Marcoussis, on aurait dû entrer dans cette phase, mais il y a eu des difficultés; la première porte d’entrée a été les audiences foraines, elles ont été difficile à mettre en œuvre. Mais néanmoins à l’issue desdites audiences, ce sont près de huit cent mille personnes qui auront des documents. Par la suite, les négociations avec Sagem ont été difficiles. Un système de consensus a été obtenu avec elle, avec l’Oni et l’Ins. Tout ceci permet de garantir la crédibilité du processus. Parce que la sortie d’une crise nécessite que les principales parties ou les principaux partis puissent être soulagés d’avoir une procédure qui n’est en faveur ni d’un camp ni de l’autre. Et le fait que nous ayons toutes ces structures qui sont intéressées par l’enrôlement et l’identification est une bonne chose. Mais évidement, cela est source de retard. Puisque, à chaque instant, il faut les réunir toutes.
Je pense qu’il y a eu des difficultés, il y en a encore. Par exemple, dans beaucoup de villages et même dans certaines villes, beaucoup de nos compatriotes n’ont aucun papier. Quand nous insistions pour que les audiences foraines se fassent sur une longue période, on ne nous a pas compris. Les uns et les autres ont pensé qu’il s’agissait d’une affaire partisane, qui intéressait uniquement certains militants du Rdr, mais en réalité, c’est une bonne partie de la population ivoirienne qui n’a pas de papiers. Aujourd’hui, je crois savoir que tous les partis politiques regrettent que les audiences foraines n’aient pas eu le succès escompté et que certainement, il y ait beaucoup plus de huit cent mille personnes qui n’ont pas eu de papiers. Et ceci est à noter. Alors comment résoudre toutes ces questions? Je crois que ce sera avec le temps. Dans chaque pays, il y a une période pour l’enrôlement électoral. Je sais qu’en France, c’est le dernier trimestre de l’année précédant les élections. Donc pour les dernières élections, c’était en mai 2007. Et l’enrôlement devait se terminer au plus tard, fin décembre. Aux Etats-Unis, c’était novembre 2008. Les élections et l’enrôlement devaient se terminer au plus tard en mars ou en juin 2008. Il faut donc qu’à un moment donné, en Côte d’Ivoire, malgré le caractère exceptionnel de la situation, nous puissions arrêter une période d’enrôlement. Lequel a commencé chez nous le 15 septembre, le 15 mars, cela fera déjà six mois. Il faut par exemple se dire qu’à fin avril, on arrête l’enrôlement et, à partir de là, on prépare les élections. Autrement, on n’aura aucune possibilité de l’arrêter. On ne peut pas attendre d’enrôler le dernier Ivoirien avant d’aller aux élections. Après tout, l’enrôlement continuera à l’occasion des prochaines élections, que ce soit pour les législatives locales ou la présidentielle d’après. Mon souhait serait donc qu’à un moment donné, on arrête, qu’on se dise qu’on a eu le temps nécessaire; plus de six mois, c’est largement suffisant, et qu’à partir de là, nous puissions aller de l’avant.

10 500 centres visités sur 11 000

Sur les 11 000 centres d’enrôlement, à ma connaissance, pratiquement 10 500 ont reçu les visites des opérateurs, notamment Sagem, l’Ins et autres. Il reste à peu près cinq cents centres. Si sur ces 500 centres, chacun avait 200 à 400 personnes, cela fait 200 mille personnes à enrôler. A l’extérieur, selon les chiffres que j’ai lus dans Fraternité Matin, il y a 68 mille personnes, disons qu’il y a trois cent mille personnes au maximum qui doivent encore être enrôlées. Au mieux, nous terminerons avec un chiffre de 6 millions cinq cent mille. Alors, si nous avons à peu près ce chiffre, je pense, pour ma part, que nous pouvons arrêter et aller aux phases suivantes, c’est-à-dire l’arrêt de la liste provisoire, la liste définitive et ainsi de suite jusqu’aux élections avant la fin de cette année. Je crois que cela est possible, c’est une question de volonté. Les Ivoiriens en ont besoin, parce que cette situation a trop duré. Il faut nécessairement des élections pour que nous puissions sortir de la situation actuelle. Pour les autres questions d’actualité, les questions relatives à la réunification, à l’unicité des caisses, le redéploiement de l’administration, je crois que ce dernier point a tout de même connu un franc succès. Puisqu’une bonne partie des fonctionnaires sont déjà sur le terrain, même si effectivement le problème de transfert de pouvoir entre les com’zone et les préfets n’est pas réglé. Nous souhaitons que les deux ex-belligérants trouvent une solution à cette situation, parce que la Côte d’Ivoire ne peut pas attendre que tous les problèmes soient réglés avant d’aller aux élections. Il y a eu des élections en Irak, en Afghanistan, notre pays est apaisé grâce à l’accord de Ouaga depuis mars 2007; deux années d’apaisement suffisent pour aller à des élections. Notre position serait qu’on évite de lier les élections à tout autre processus. Nous considérons que les élections sont importantes, la situation économique du pays s’aggrave et la Côte d’Ivoire ne peut pas attendre. Nous aurons l’occasion de parler du Ppte, mais le fait d’être admis au point de décision ne permet pas d’avoir des décaissements importants et surtout l’allègement de la dette. à un moment donné, si nous n’allons pas aux élections, ce serait comme si nous n’avions pas réussi le Ppte. Ce sont des choses importantes et je souhaite pour ma part que les questions de retrocession de pouvoir entre les com’ zone et les préfets soient réglées. Après tout, notons que l’accord complémentaire 4, les aspects militaires des accords ne concernent que les deux ex-belligérants. Les élections concernent l’ensemble des Ivoiriens et l’ensemble des partis politiques ivoiriens. Nous ne devons pas être empêchés d’aller à des élections, que nous souhaitons, bien sûr, sécurisées. Il est essentiel à un moment donné de dire: le pays est suffisamment pacifié pour que nous allions aux élections. C’est un fait que je tenais à souligner particulièrement.

Maintenant, concernant les situations d’insurrection et de coups d’Etat, ma position est très claire. Je condamne les coups d’Etat. Ils n’arrangent rien dans un pays. Et je crois que nous en souffrons aujourd’hui. Nous subissons toutes les conséquences du coup d’Etat de 1999 et bien sûr de la tentative de coup d’Etat de 2000. Ce n’est pas ainsi qu’un pays peut sortir d’une crise politique. Il est important que les uns et les autres comprennent que même si la démocratie est lente à s’installer, il faut aller nécessairement vers elle. Et la démocratie veut dire le respect des droits de l’homme, la diversité, le pluralisme ; elle veut dire le développement économique équilibré. Toute une série de choses. Et c’est par là que nous pourrons avoir un système démocratique durable, soutenable, comme le disent les anglophones.

Coup d’État de 1999 et septembre 2002

Je suis heureux que M. le directeur général ait posé cette question (relative à son implication dans le coup d’Etat de décembre 1999 et la tentative de coup d’Etat de septembre 2002 qui s’est muée en rébellion armée. Ndlr). Souvenez-vous qu’en 1999, quand il y a eu le coup d’Etat, Mme Henriette Diabaté, Secrétaire général du Rdr, M. Amadou Coulibaly et d’autres personnes étaient tous en prison. Sur les dix membres de la direction du parti, huit étaient en prison. Moi-même, j’étais en France. Je ne pouvais rentrer au pays puisqu’il y avait un mandat d’arrêt contre moi. Il aurait fallu que nous soyons très forts pour que, malgré l’absence du président du parti et l’emprisonnement de la direction du Rdr, nous puissions organiser un coup d’Etat. Les manipulations et intoxications ont trop duré. Surtout après dix ans, on devrait pouvoir apporter les preuves de notre implication dans les coups dont on parle. On devrait pouvoir dire: «Sur la base de telle chose, Alassane Ouattara est responsable de ce coup d’Etat». J’attends qu’on apporte de telles preuves, parce qu’elles n’existent pas. Le mensonge a trop duré. Je ne voudrais pas m’étendre sur ces questions. Je ne voudrais pas m’étendre sur le passé. Mais j’estime que la Côte d’Ivoire a besoin de vérité. Et la vérité est que nous n’avons rien à voir avec ce coup d’Etat; mais tout simplement, comme je le disais avant que la question ne me soit posée, les conditions étaient réunies pour un coup d’Etat. Quand il y a des tensions sociales très graves, quand il y a une détérioration économique très forte, quand les populations estiment qu’il y a un décalage entre le régime en place, entre les leaders et elles… Cela conduit nécessairement à ce genre de situation : insurrection à Madagascar, coup d’Etat ici et là. Il est temps qu’on arrête de chercher des boucs émissaires et qu’on se consacre à faire en sorte que notre pays sorte de la misère, des injustices pour nous garantir un pays véritablement démocratique qui va faire son chemin dans le développement.

En ce qui concerne 2002, j’étais chez moi tranquillement, en train de déjeuner avec ma femme et des amis quand des chars sont venus attaquer ma résidence. Je ne pense pas que je sois un génie. Je ne peux pas organiser un coup d’Etat, m’asseoir chez moi et me comporter comme si de rien n’était. J’aurais au moins pris la précaution de quitter le pays tout de même. Je crois savoir que le général Robert Guéi avait été accusé d’être le cerveau de ce coup d’Etat. Il a été assassiné pour rien. J’apprends dans la presse, ces temps-ci qu’on dit que le général Guéï n’était pas un rebelle et n’avait rien à voir avec le coup d’Etat. Dans quel pays sommes-nous ? Je crois qu’il est temps qu’on arrête d’accuser les gens à tort. Il faut qu’il y ait des commissions d’enquête à un moment donné pour faire la lumière sur toutes ces affaires et qu’on puisse dire publiquement qu’Alassane Ouattara n’avait rien à voir ni avec le coup d’Etat de 1999, ni avec la tentative de coup d’Etat de 2002. Ceci me paraît essentiel. Que des personnes essaient de créer des preuves, nous allons les démonter très facilement. Parce que je suis contre les coups d’Etat. Je n’ai participé à aucun coup d’Etat, par conséquent, je dénie totalement toutes les accusations mensongères qui ont été portées à mon endroit.

État civil

On a commencé toute une série de procédures depuis bientôt deux ans maintenant. A chaque fois, il y a obstruction. Pour les audiences foraines, c’était la même chose. Je ne vais pas entrer dans les détails qui fâchent. Mais en définitive, on a réussi à les faire. Si les audiences foraines avaient suivi leur cours normal, on aurait réglé ce problème. Peut-être qu’on aurait eu beaucoup plus qu’un million de personnes qui n’avaient pas leurs papiers. Mais ça n’a pas été le cas. On se rend compte qu’effectivement, dans certains villages, pas nécessairement dans les zones centre, nord et ouest (Cno), mais dans la zone gouvernementale, il y a beaucoup de gens qui soit n’ont jamais eu de papiers, soit les registres dans lesquels ils figurent ont été détruits. La destruction des registres d’état civil, ce n’est pas seulement dans les zones Cno, mais également dans le sud. Je crois savoir qu’il y a autant de registres détruits dans l’une que dans l’autre zone. Ce travail a commencé. On me dit qu’il y a quelques problèmes entre les ministères, les choses ont donc traîné. On me dit que sur les 255 lieux où la reconstitution devrait se faire, 253 ont pu démarrer dans les délais. Les deux autres ont eu un peu de retard. Mais je crois savoir qu’au 12 ou au 15 mars, tous les centres ont démarré et qu’ils ont un mois pour régler ce problème. Ainsi, au 15 avril, on devait terminer l’opération de reconstitution des registres d’état civil. Nous estimons qu’après cela, on peut encore y consacrer quinze jours, notamment pour les Ivoiriens de l’étranger. A la fin du mois d’ avril, on peut arrêter ladite opération. Il n’y aura donc pas d’exclusion. Mais il faut nécessairement que les gens arrêtent de retarder le processus car cela est mauvais pour la Côte d’Ivoire. Plus nous retardons les échéances, plus nous retardons la capacité du gouvernement à mobiliser des ressources pour nous sortir de la pauvreté. Je considère, pour ma part, que nous pourrons faire des élections à peu près transparentes (je dis à peu près parce que les élections de sortie de crise ne sont jamais des élections à 100% satisfaisantes).

On parle en outre de faux extraits de naissance. Sans doute qu’il y en a. Je considère que ce sont des choses qui arrivent dans tous les pays du monde. J’ai été gouverneur de la Banque centrale, nous avons passé tout notre temps à dénombrer des faussaires sur les billets de dix mille et même sur ceux de cinq mille. Je ne serais donc pas surpris qu’il y ait des faussaires d’actes de naissance. Mais les chiffres que vous citez, sept mille ici, douze mille là, ne sont pas la mer à boire, comparativement aux six millions d’électeurs que compte la Côte d’Ivoire. Nous devons donc retenir l’essentiel qui est que nous voulons un processus qui soit crédible, qui donne suffisamment de garanties qu’il en sortira quelque chose de crédible. Si sur six millions, il y a 1% ou 1/1000 de documents qui sont faux, cela ne doit pas bloquer le processus. D’ailleurs, il y a une procédure pour les rejeter. La question du faux doit donc trouver solution. Je crois qu’il y a des éléments techniques qui doivent nous rassurer et c’est le fait du consensus dans la procédure qui donne cette crédibilité. Je souhaite que la liste électorale soit crédible et qu’elle nous permette d’aller à des élections au cours desquelles la majorité des Ivoiriens élira le Président de la République.

Relations avec les autres leaders

Il est vrai que les questions de sortie de crise ne se résument pas à l’enrôlement. Les contacts humains, la nécessité pour les uns et les autres d’avoir des rapports courtois sont un devoir national. Je ne pense pas que le rôle d’un opposant soit de s’opposer systématiquement à ce que fait le gouvernement. Je suis allé aux obsèques de Mme Bongo au Gabon. Le Président Gbagbo y était également. Nous nous sommes salués, nous nous sommes fait la bise. Et la télévision gabonaise a fait beaucoup des commentaires : «Ah, mais c’est formidable ! A l’occasion des obsèques de Maman Edith Bongo, le Président Laurent Gbagbo et son principal adversaire se sont serré la main, se sont fait la bise, etc.» Laurent Gbagbo est un ami, c’est un frère. Mais il est candidat à l’élection présidentielle. Tout comme moi. Et j’espère le battre; comme lui aussi l’espère. Mais cela n’empêche pas que nous ayons des rapports d’amitié et de grande courtoisie.

Laurent Gbagbo est rentré du Gabon un jeudi soir, moi j’ai regagné Abidjan le vendredi soir. Et j’ai été accueilli par Amadon Gon Coulibaly qui m’a appris l’arrestation du président Anaky Kobena, il était à la Dst (Direction de la surveillance du territoire). J’ai alors appelé le secrétariat du Président Laurent Gbagbo. On m’a dit que le Chef de l’Etat était en audience et qu’il me rappellerait dix minutes plus tard. Ce qu’il a fait effectivement. Alors, je lui ai dit: «Ecoute Laurent, ce que j’apprends n’est pas bon pour le pays. Je souhaite vraiment que tu libères Anaky dès que possible, ce soir, si possible». Il m’a répondu: «Merci. Quand on m’a dit que tu appelais, te connaissant, je savais que c’était pour Anaky». Et le lendemain matin, Anaky a été libéré. C’est pour vous dire de ne pas croire que nous sommes là, en train de nous tuer, des couteaux entre les dents. Henri Konan Bédié, c’est mon allié, donc nous nous parlons. Chaque fois que je voyage, je l’appelle pour le lui dire. Puis, quand je reviens, je l’appelle pour lui dire que je suis de retour. Je reçois d’autres chefs de partis, Wodié, Mabri... Moi, je n’ai pas de problème avec qui que ce soit. Etre en compétition ne veut pas dire que nous sommes des ennemis. Après tout, je n’ai qu’une voix, de même que Laurent Gbagbo, Henri Konan Bédié... C’est vous autres qui allez nous élire. Si je pouvais, je vous appellerais, chacun, tous les jours, pour vous dire: «Votez pour moi». Pour moi, entretenir des relations normales avec les leaders, Laurent Gbagbo, Soro Guillaume, Henri Konan Bédié et tous les autres, est tout à fait normal. Ce sont les relations humaines qui font avancer les choses et qu’il faut nécessairement s’y appuyer.

A propos encore des audiences foraines, je suis toujours surpris de l’argumentaire qui essaie de prouver qu’elles ne sont pas possibles à tel endroit parce qu’il n’ y a pas eu de cantonnement des ex-combattants, etc. Affi N’Guessan est allé à Kong et nous l’y avons bien reçu. Pourquoi n’y accepterait-on pas des officiers d’état civil qui iraient organiser les audiences foraines ? Je ne comprends pas cette logique. Est-ce une manipulation politique pour ne pas faire les audiences foraines ? Aujourd’hui, les gens le regrettent. Hamed Bakayoko était à Oumé et partout ailleurs; Amadou Gon Coulibaly était à Gagnoa, Soubré, etc. Il n’y a pas de difficulté. Le Chef de l’Etat lui-même s’est rendu au nord. Alors, mettons-nous au travail, essayons de régler les problèmes de fond plutôt que de dire chaque fois qu’il y a tel obstacle qui nous empêche de le faire. Alors que si on s’y emploie, si on décide de le faire, on le peut. La preuve est que de 1990 à 1993, nous avons pu faire des choses que tous nos compatriotes disaient impossibles. Il faut avoir la volonté de faire avancer les choses, sinon on trouvera toujours des excuses. Je ne suis pas de ceux qui pensent qu’un obstacle peut m’empêcher d’arriver à faire quelque chose de positif par rapport aux élections, à la gestion socio-économique, à ce dont notre pays a besoin.

Bien sûr, il est tout à fait normal que dans une zone où il est difficile de témoigner librement et en toute sécurité de la parenté de tel ou tel requérant, on ne puisse pas y faire les audiences foraines. Cela nous amène à dire qu’il aurait fallu procéder au transfert de pouvoirs (des commandants de zone aux préfets) depuis longtemps.

Ceci étant, quel est le pourcentage des gens qui n’auront pas eu un accès équitable aux audiences foraines par rapport à la totalité des personnes concernées? C’est tout de même infime. Nous sommes dans une crise. On ne pourra pas régler tous les problèmes de A à Z avant d’aller aux élections. Ma position est la suivante: «Réglons ce que nous pouvons. Soyons sûr que nous avons une masse critique qui nous permette d’aller de l’avant et une fois qu’on aura fait les élections, nous continuera». La preuve est que ces transferts de pouvoirs vont se faire et quand les audiences vont reprendre, j’espère en avril avec les ratissages, dans les localités où elles ont été impossibles, les préfets seront là, avec les pleins pouvoirs et les populations qui n’ont pu se faire enrôler pourront le faire.

Médias d’État

Je sais que mon équipe de communication a souvent saisi le Cnca pour dire que nous considérons qu’il y a un traitement inéquitable au niveau de certains médias. Mais ce sont des questions que je ne suis pas directement, c’est Aly Coulibaly et son équipe qui s’en occupent.

Nous aurions pu soutenir, au niveau par exemple de la télévision, que le traitement qui nous est réservé n’est pas équitable, et que nous considérons que c’est un critère important dans la campagne. Ce sont des questions que nous avons évoquées avec le représentant de l’Onu. Nous lui avons dit qu’autant les choses évoluent positivement au niveau de Fraternité Matin, autant nous avons encore des problèmes avec la télévision et la radio. Nous estimons que cela n’est pas équitable. Nous avons envoyé des messages parlant de l’équilibre de la Nation. Et puis, c’est quand même moi qui ai restructuré et Fraternité Matin et la télévision. Vous aviez une participation française que j’ai rachetée pour que Fraternité Matin appartienne à l’Etat de Côte d’Ivoire à 100%. Les gens oublient que c’est moi qui l’ai fait. C’est moi qui ai procédé à la restructuration de la Rti pour en faire un organe autonome. A la télévision, il y avait Ousmane Sy Savané et à Fraternité Matin, Couassy Blé que j’avais nommé comme directeurs généraux. C’est dire que ce sont des structures que je connais bien. J’avais fait cela parce que je crois en la démocratie. Je ne voulais pas que ce soit les organes d’un parti politique. Je souhaitais qu’ils appartiennent à la nation. Mais s’il y a manipulation de ces organes une fois qu’on arrive au pouvoir, ce n’est pas équitable. Nous payons tout de même des redevances ! Nous avons un problème avec la télévision. Mais comme sur toutes les autres questions, c’est la masse critique qui importe. Ce n’est pas parce qu’il y a un dysfonctionnement qu’on va tout rejeter en bloc. Le pays a besoin de sortir de cette crise. Il ne faut donc pas retarder les élections. Il faut qu’on les aient cette année. Il faut que les Ivoiriens se prononcent cette année et que nous puissions après nous mettre au travail. La Côte d’Ivoire en a besoin, on ne peut pas continuer ainsi.

Bonne élection

D’un, il faut qu’il y ait un recensement électoral suffisamment crédible. De deux, qu’il y ait la sécurisation des élections. Troisièmement, que les électeurs aient la liberté de voter, que les candidats aient la liberté de faire la campagne en toute sécurité et puissent être autorisés à se présenter en fonction de tout ce qui a été arrêté. En plus, que les candidats prennent l’engagement de reconnaître les résultats des élections. Si ces questions sont tranchées d’avance, il n’y a pas de raison qu’il y ait des contestations. A l’allure où vont les choses, je ne vois pas comment un candidat pourrait contester les résultats des prochaines élections. La liste électorale sera consensuelle, j’imagine. Il y a une Commission électorale indépendante qui organise les élections, et a priori, la sécurisation du scrutin sera également de mise. Nous devons donc prendre l’engagement, chacun de nous, de dire : «Quels que soient les résultats, nous les accepterons» parce que le processus a été équitable.

Ado et la base

Si on décide de faire la politique, on la fait en fonction de ses principes et de la base. Ou il y a concordance et le parti vous fait confiance - c’est mon cas. En février, j’ai été reconduit à la tête du Rdr pour cinq ans. Ou on vous débarque. Moi, j’ai toujours eu cette ligne de conduite par rapport à mon parti. Malheureusement, nous n’avons pas été compris. Il y a eu la manipulation, l’intoxication. Mais c’est ma position. Maintenant, si on trouve que je suis trop soft, il y aura un congrès et on me débarquera.

Enrôlement d’Ado
Je pense que vous avez la réponse. Votre directeur général vous a donné la réponse. Vous regardez le quotidien « le Patriote » qui reprend assez souvent ces genres de choses. Ma séance d’enrôlement a eu lieu au lycée Sainte Marie, à Cocody où j’ai toujours voté. Vous savez, l’intox a la peau dure.

Ivoirité

Choi dit que l’ivoirité est finie. Mais quelle était sa définition de l’ivoirité ? Je ne sais pas ce qu’il veut dire quand il déclare que l’ivoirité est finie. Sincèrement, je n’ai pas suivi cette déclaration.

Est-ce parce qu’il estime que 4,5 millions d’Ivoiriens se sont fait enrôler qu’il fait une telle affirmation? Nous estimons qu’on peut arrêter, honnêtement, l’enrôlement à fin avril. Nous considérons que la reconstitution des registres d’état civil détruits ou perdus peut se terminer le 10 avril. Et en ce moment-là, les gens auront 15 jours après pour se faire enrôler. Je note que pour le moment, il y a moins de 100 mille personnes qui sont concernées par la reconstitution des registres d’état civil.

Ce ne sont pas des chiffres impressionnants. Il ne faudrait donc pas qu’on s’accroche à des détails. Je suis d’accord que tout le monde doit pouvoir se faire enrôler. Un ami m’a dit que les registres ont été détruits chez lui, mais puisqu’il avait l’original de son extrait d’acte de naissance, il a pu se faire enrôler. On verra dans beaucoup d’endroits que bien que des registres aient été détruits, les gens se sont fait enrôler. Dans de nombreux endroits, il n’y a pas plus de 5 ou 10 personnes qui sont concernées par la reconstitution des registres d’état civil, pour l’enrôlement, je veux dire. Mais c’est important de reconstituer les registres d’état civil. Nous estimons donc que cela peut se régler d’ici à fin avril. Nous estimons, par ailleurs, qu’il y a des questions budgétaires et de trésorerie qui font qu’on n’a pas encore commencé l’enrôlement à l’étranger. Avec les décaissements du Fonds monétaire, on aura un peu d’argent ici et là. Si l’enrôlement commence, je pense, dès la semaine prochaine à l’étranger, si ce que nous devons à la Sagem est payé, je crois qu’en 10 jours ou dans deux semaines, l’essentiel pourra être fait, à l’étranger. Et le troisième volet sera de faire un grand ratissage, pour une dizaine de jours peut-être sur l’ensemble du territoire.

Tout cela peut se faire d’ici à fin avril 2009. Si nous avons besoin de décaler ces délais d’une semaine ou deux, cela n’est pas grave. On me dit qu’une fois la liste provisoire sortie, et si nous sommes de bonne volonté, quatre mois plus tard, c’est-à-dire fin août, nous pouvons faire les élections. Même en y ajoutant un ou deux mois de plus. Nous devons pouvoir, à mon sens, faire les élections d’ici à fin octobre. Et il n’y aura pas de raison de ne pas faire ces élections avant fin octobre 2009. Parce que quatre mois après la liste provisoire, les élections doivent pouvoir se faire.

Transition politique

Moi, je ne suis pas de l’avis de ceux qui parlent de transition politique. Je préfère le dire franchement. Parce que nous avons fait une transition. L’Accord de Ouaga était pour 10 mois. Si nous faisons les élections en septembre- octobre, nous aurons fait 30 mois. Au lieu de 10 mois de transition, nous en avons fait 30. Voulez-vous qu’on ajoute encore 24 mois à cette période? Quand la transition va-t-elle finir ? La Côte d’Ivoire ne peut pas vivre de transition en transition. Il faut que le pays aille aux élections. Je dis souvent : comment les gens ont-ils pu aller aux élections en Afghanistan, en Irak et que nous ne puissions pas en faire autant? Ma réponse, je le répète: je ne pense pas qu’une autre transition politique soit nécessaire. Je suis contre tout autre transition politique. Allons aux élections cette année et si possible, en septembre- octobre.

Nous avions fait effectivement une réunion du Rhdp parce que nous étions exaspérés par le retard. Et nous avons dit que nous souhaitons que les élections aient lieu, mais nous sommes aussi pragmatiques. Les retards que nous avons constatés ne nous font pas plaisir. Mais ce n’est pas parce qu’au lieu d’avril on fera des élections en septembre que nous allons brûler la baraque. Non, il n’en est pas question. Si les élections peuvent se faire à fin septembre ou début octobre, cela nous convient parfaitement.

Désarmement

Le désarmement à faire avant les élections… La difficulté, c’est qu’on est passé d’un Accord à l’autre. Nous ne faisons pas partie de l’Accord complémentaire 4 de Ouaga, qui concerne les ex-belligérants. C’est le Président Gbagbo et le Premier ministre Soro qui l’ont signé. Ils se sont mis d’accord pour faire le cantonnement des troupes. C’est ce qu’ils appellent désarmement. Ce sont eux qui ont des armées. Nous voulons simplement qu’ils pacifient ce pays, qu’on aille aux élections et que le nouveau Président de la République constate qu’il n’y a plus d’obstacles, puisque la nouvelle armée sort automatiquement de l’Accord 4. Et qu’un mois après les élections, je crois le savoir, les 5.000 éléments des Forces nouvelles intégreront la nouvelle armée. Il y a des détails militaires que j’ai lus dans la presse. Je ne suis pas un militaire. Les ex-belligérants ont dit qu’il faut cantonner les soldats. Et qu’il faut déployer les policiers et les gendarmes, chacun donnant un quota, et que ceux-ci sécurisent les élections, via le Centre de commandement intégré (Cci). Nous ne voulons pas de gens en armes pendant que nous ferons notre campagne. C’est cela le point essentiel et nous souhaitons qu’ils mettent en application cet Accord qu’ils ont signé. Ils n’ont pas eu notre avis avant de le signer. Je considère que c’est une bonne chose. Non seulement que les armes se taisent, mais surtout que ceux qui les ont soient dans les casernes. Aussi bien au niveau des Forces de défense et de sécurité qu’au niveau des Forces nouvelles. Ceci est indispensable et j’espère qu’aujourd’hui (hier), la réunion que le Chef de l’Etat aura avec les Forces nouvelles permettra de dire qu’ils se sont mis d’accord et qu’ils vont régler ces problèmes militaires assez rapidement.

Retrait du gouvernement

Je crois savoir que c’est un mercredi que le président Anaky est passé à la Télévision. Dans la déclaration du Rhdp, on me fait savoir qu’il a dit que chaque peuple prend son destin en main. Et certains me disent qu’il n’a pas fait, de manière explicite, référence à la situation de Madagascar pour appeler à l’insurrection. Quoi qu’il en soit, je vous ai dit que je ne suis pas pour l’insurrection, pour les coups d’Etat. J’estime que Madagascar est dans une impasse. Et d’ailleurs Marc Ravalomanana reprend du poil de la bête. Il va représenter Madagascar (Ndlr: au sommet de la Sadec). L’autre, Rajoelina, est à Tananarive. L’armée le soutient. Dans quel pays sommes-nous? Une situation pareille n’est pas possible. Moi, je trouve qu’elle est condamnable. Je dis et je le dirai publiquement.

Il n’est pas question pour nous d’envisager un retrait du gouvernement. Nous n’avons pas été contactés par Anaky. Si nous décidons qu’il y a des raisons fondamentales de retirer nos ministres du gouvernement, bien entendu, les organes du parti en décideraient et nous nous concerterons avec nos collègues du Rhdp. Le président Anaky ne nous a pas consultés. Il a pris sa décision concernant son parti. Et par conséquent, nous ne sommes pas concernés par cette décision. Mais nous tenons beaucoup au Code de bonne conduite. Je crois que je fais tout pour me conformer à cela. Et je voudrais que les autres en fassent autant.

Nouvelle Constitution

En réalité, il y a déjà une modification de la Constitution qui a été votée par l’Assemblée nationale quand celle-ci était de plein exercice. Avec plus de 80% des députés. Modifiant notamment l’article 35. Normalement, une ordonnance aurait suffi pour mettre cette nouvelle Constitution en vigueur. Les juristes du Président lui disent que c’est mieux d’organiser un référendum. C’est leur position. Mais après tout, c’était possible de procéder à cette modification qui est déjà acquise de par le vote de l’Assemblée nationale. Est-ce qu’au-delà il faut une nouvelle Constitution? Le président Wodié pense qu’il en faut une nouvelle. C’est un éminent constitutionnaliste. Et je crois que nul ne peut rester sourd à ses propositions. C’est quelqu’un que je respecte particulièrement et qui, sans doute, devra jouer un rôle important dans l’avenir de la Constitution; peut-être de la troisième République, le moment venu.

Mais si tout le monde est d’accord que nous avons des problèmes à régler au-delà de l’article 35, alors pourquoi pas une nouvelle Constitution? Je ne suis pas fermé à une telle idée, je pense qu’il faut toujours améliorer les choses. La Constitution, c’est un texte tellement important qu’on ne peut pas rester dans un malaise et avoir une Constitution qui a été manipulée. C’est presque du faux qui a été proposé aux Ivoiriens. C’est quand même un peu honteux. On rédige un document, 48 h après, on le change, on prend les déclarations d’il y a une semaine des leaders politiques, on les sort juste avant le vote. Tout cela me fait honte; et plus encore la manière dont cette Constitution a été imposée aux Ivoiriens. On a voté sur la base d’une Constitution qui n’est pas celle qui est en vigueur. Ce n’est pas la Constitution qui a été approuvée qui est en vigueur. Je crois qu’il faut passer l’éponge et aller de l’avant. Il faut refaire notre pays à partir d’une Constitution qui lui donne la stabilité; et qui fasse que les citoyens se conformeraient à elle. C’est important. Parce que si les gens estiment que c’est un document qui garantit leurs droits et devoirs, ils vont s’y soumettre. Mais s’ils ont le sentiment que c’est un faux qui a été manipulé, en ce moment-là, effectivement, cela peut conduire à des situations dramatiques telles que celles que nous vivons. La Côte d’Ivoire n’a plus besoin de cela.
Nous, nous voulons des élections pour septembre-octobre. Une Constitution ne s’improvise pas en quelques mois. Je pense que cela doit se faire, si nous sommes tous d’accord, après les élections. Si les élections n’étaient pas organisées dans six mois, je crois qu’on aurait pu envisager de le faire avant. Il me parait difficile d’envisager une nouvelle Constitution avant les élections.

Paupérisation

La Côte d’Ivoire avait tout de même fait des progrès considérables. Elle avait une espérance de vie de plus de 55 ans, voire 58 ans. En 90, le chômage, c’est vrai, était important, mais il n’atteignait pas le niveau d’aujourd’hui. Beaucoup de jeunes étaient au chômage, mais pas autant qu’aujourd’hui, où le pourcentage de pauvres a atteint presque 50%. Il s’agit d’une détérioration considérable. Je crois que cette situation est préoccupante pour nous tous. Nous voyons au quotidien la pauvreté partout… les difficultés des ménages, la situation de survie pour beaucoup de gens. Vous les relatez chaque fois dans Fraternité Matin. C’est pénible. C’est pénible que le pays d’Houphouet-Boigny en arrive-là, et que nous soyons classés parmi les pays pauvres très endettés. Certes, nous étions très endettés, mais, nous n’étions pas pauvres à ce point. Nous nous sommes appauvris de notre fait. C’est un peu pour cela que je dénonce ce qui se passe ici et par rapport aux insurrections, aux coups d’Etat. Parce qu’en réalité, c’est le résultat de toutes ces crises successives. La Côte d’Ivoire avait à peu près bien réussi, la dévaluation avait été bien préparée. Des ressources considérables avaient été obtenues; jusqu’en 98, ce pays se portait très bien. Nous sommes entrés dans la tourmente politique qui a eu les conséquences que nous avons aujourd’hui.

Initiative Ppte

Le Ppte est un mécanisme que notre équipe a mis en place au Fmi en 1995-1996, avec Michel Camdessus, l’ex-Dg du Fmi. Nous avions constaté que les ressources normales du Fonds étaient trop chères pour les pays pauvres. Et il y avait ce qu’on appelait une facilité concessionnelle avec un taux d’intérêt faible. Mais les montants étaient très faibles. Très rapidement, nous avons estimé que même si ces pays recevaient des ressources du Fonds, le problème de la dette n’était pas réglé. C’est ainsi que nous avons imaginé ce mécanisme, cette facilité des pays pauvres très endettés, et je peux vous dire qu’au départ, certains pays comme la Côte d’Ivoire et le Cameroun n’étaient pas vraiment éligibles à cette initiative. Maintenant nous sommes éligibles et cela nous permet de nous débarrasser de ces dettes. Ce sont tout de même 14 milliards de dollars, c’est-à-dire 7 mille milliards de francs cfa au taux de change d’aujourd’hui. La Banque mondiale devrait adopter le programme de réduction de la pauvreté, le 31 mars (Ndlr : aujourd’hui), et les premiers décaissements vont intervenir. Je suis heureux que nous ayons cette facilité d’effacer notre dette. Mais ce n’est que le point d’entrée, le point de départ d’un processus. Il y aura des décaissements qui sont importants, mais qui ne règlent pas le problème. Ils permettront à la Côte d’Ivoire de renflouer les caisses, de se remettre un peu à flot, d’avoir les ressources que nous avons utilisées pour payer le Fonds, la Banque africaine de développement, la Banque mondiale. Ces ressources nous seront restituées en partie. Mais, je ne suis pas sûr que ce qu’on appelle le flux net, c’est-à-dire entre ce que l’on reçoit et ce qui sort, sera positif. Dans tous les cas, nous serons soulagés. Mais l’allègement de la dette n’interviendra, au mieux, que dans un an, peut-être même dans deux ou trois. Tout dépendra de la gestion qui sera faite au cours des prochaines années. Le plus difficile, en fait, commence. Je crois qu’on devrait essayer d’être très clair avec nos compatriotes; il ne faudrait pas que les gens pensent qu’il y aura de l’argent et qu’on pourra faire ce qu’on voudra, ce n’est pas le cas. Souvenez-vous que le 6 décembre 93, au soir, alors que nous préparions la dévaluation, j’avais été clair et honnête avec mes concitoyens. J’avais dit : écoutez, nous allons entrer dans les difficultés. Parce que la situation économique qui s’est améliorée n’est pas encore satisfaisante. Et j’avais même politiquement pris des contacts avec Laurent Gbagbo et d’autres membres de l’opposition pour qu’ils entrent au gouvernement avant le décès du Président Houphouët, parce que j’estimais, que c’était dans un cadre consensuel, qu’il fallait gérer la dévaluation et ses conséquences. Après, j’ai cru comprendre qu’on me disait que j’avais dit que l’Etat était en banqueroute. Je dis la même chose aujourd’hui. En fait, le Ppte qui sera approuvé demain (Ndlr: aujour-d’hui) par la Banque mondiale après l’accord du Fonds monétaire vendredi, va demander une rigueur importante dans la gestion des fonds publics: le budget, les ressources pétrolières, le cacao, le café, tout cela demandera beaucoup d’effort, de vigilance. L’allègement de la dette ne viendra qu’au bout de ce processus. Nous devons donc comprendre que ce n’est pas encore la fin. Et que nous devrions faire beaucoup d’efforts.

Etait-ce le meilleur choix? On me demande quel est le revers de la médaille? Moi, je crois que c’était le meilleur choix. C’est pour cela que quand les gens me parlent de socialisme, de capitalisme… je dis que tout cela c’est du verbiage politique; parce qu’il n’y a plus vraiment de politique économique, socialiste, capitaliste; le programme du Fonds monétaire international est un programme libéro-social, ou socio-libéral. Il y a des engagements que nous avons pris par rapport à la fonction publique, par rapport au secteur minier, par rapport à l’agriculture, par rapport à la santé, c’est un programme qui sera exécuté par n’importe lequel des trois grands candidats. Si c’est Laurent Gbagbo qui est reconduit; il sera obligé d’appliquer ce programme. Si c’est Bédié ou moi, de toute façon, nous sommes de la tendance, libérale. Par conséquent, il n’y a pas de revers de la médaille, c’est tout simplement la rigueur. Et l’on n’aurait jamais dû quitter cette rigueur parce que c’est aussi cela la conséquence de ce que nous vivons actuellement.

La crise financière :

Je crois que vous avez déjà reçu les représentants de la Banque mondiale qui vous ont parlé longuement de ces questions. Je pense que les pays africains ont pris la mesure des difficultés à venir. C’est vrai que nous ne sommes pas les mieux intégrés dans la mondialisation, mais nous sommes très affectés par les conséquences de la mondialisation. Parce que les matières premières subissent une récession dans les pays occidentaux, les gens essayeront de faire des économies sur les dépenses des ménages. C’est-à-dire que les prix du café, du cacao et du textile vont baisser, de manière importante dans les six mois à venir. Les prix des capitaux, les investissements directs avec les difficultés des banques, les banques maisons mères vont peut-être peser sur les porte-feuilles et sur la situation de leurs filiales à l’étranger. Pour se renflouer. Ou même pour demander qu’il y ait des mesures de dégraissage. Pour que les bénéfices obtenus soient transféres à la maison mère. Les crédits à l’exportation seront contrôlés. La seule chance que nous avons, c’est que nous n’avons pas beaucoup d’Ivoiriens à l’étranger, et le transfert de ces Ivoiriens à l’étranger, ne va pas trop peser sur notre économie contrairement à des pays comme le Mali ou le Sénégal qui ont des millions de compatriotes à l’étranger. Nous avons besoin de cohésion nationale pour résister aux effets de la crise. Je n’insisterai pas là-dessus puisque les responsables de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international vous en ont parlé déjà.

Propos recueillis par
Paulin N. Zobo
Pascal Soro
Emmanuel Kouassi
Christian Dallet
Marie Adèle Djidjé
Ya David
Marie-Chantal Obindé
Coordination:
Agnès Kraidy
Abel Doualy

Le mot du Directeur général/ “Fraternité Matin au service de la cohésion nationale”

Excellence,
Monsieur le Président du RDR

Au nom du Conseil d’administration présidé par Mme Viviane Zunon Kipré,
Au nom de la Direction générale, des rédactions et des services du groupe Fraternité Matin, nous sommes heureux de vous recevoir à notre tribune d’échanges baptisée l’Invité de la Rédaction.
Fraternité Matin s’honore d’être aujourd’hui un journal d’équilibre et d’ouverture au service de toutes les sensibilités, de tous les courants de pensée, de tous les partis politiques, de toutes les confessions religieuses. Média d’Etat, nous avons une claire conscience de notre mission : aider au renforcement et à la consolidation de la démocratie, soutenir les efforts de paix et tous ceux qui s’y engagent résolument ; raffermir la fraternité séculaire entre les Ivoiriens, malgré la parenthèse de cette crise que nous déplorons tous.

A cette tribune, nous avons déjà reçu :

Mmes Ehivet Simone Gbagbo (Paroles d’honneur), Victorine Wodié (Commission nationale des droits de l’homme), Danièle Boni (URD).
Messieurs Pascal Affi N’guessan (Président du FPI), Danon Djédjé (Ministre de la Réconciliation Nationale), Mel Eg Théodore (Ministre de la Ville et de la salubrité urbaine), Dacoury Tabley Louis (Ministre de la Solidarité et des Victimes de guerre), Blé Goudé (Président du COJEP), Koné Yayoro (Président du RJR) et Kouadio Konan Bertin (Président de la JPDCI), Joël N’guessan (Ministre des Droits de l’Homme), Laurent Dona Fologo (Président du RPP), Soro Guillaume (Premier Ministre) …

Nous avons également réalisé des interviews de Mmes Dominique Ouattara et Henriette Konan Bédié. Au plan international, on pourrait ajouter les ambassadeurs de France, des Etats-Unis, le représentant de la Banque Mondiale, le Directeur des Droits de l’Homme à l’Onuci…

La liste n’est pas exhaustive, mais elle montre clairement que nous sommes ouverts à tout le monde et à tous les sujets d’intérêt national. Nous voulons profiter de votre passage pour réaffirmer que Fraternité Matin est au service de tous. Ce sont les recommandations que le Ministre Savané et le Président Laurent Gbagbo nous ont toujours faites : mettre Fraternité Matin au service de la cohésion nationale, de l’unité nationale et de la paix.

Nous attendons que ceux qui font facilement le procès des médias d’Etat, acceptent nos invitations. Monsieur le Président du RDR, merci d’être venu. Nous souhaitons des échanges francs et corrects avec les journalistes.

Jean Baptiste AKROU
Directeur Général de Fraternité Matin




Une minute de silence

Avant d’entrer dans le vif du sujet, le président du RDR a demandé une minute de silence à la mémoire des victimes du drame survenu dimanche au stade Félix Houphouet-Boigny. Il a expliqué que ce drame, le premier du genre dans l’histoire du football en Côte d’Ivoire, a failli l’amener à reporter le rendez-vous d’hier. Question pour lui de traduire la douleur qu’il ressent.
Mais, vu que cette rencontre a déjà fait l’objet de plusieurs reports, il a tenu finalement à honorer l’engagement pris avec Fraternité Matin.
Ce fut, dans l’ensemble, une belle occasion d’échanges francs suivie d’une visite des différents compartiments de l’entreprise ; cette maison que M. Ouattara a rappelé avoir restructurée lorsqu’il était Premier ministre pour en faire un journal ouvert à tous les Ivoiriens.

C’est pourquoi, il a exprimé sa satisfaction de voir le plus ancien groupe de presse de Côte d’Ivoire jouer à fond ce rôle de creuset de toutes les sensibilités.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, le président du RDR a demandé une minute de silence à la mémoire des victimes du drame survenu dimanche au stade Félix Houphouet-Boigny. Il a expliqué que ce drame, le premier du genre dans l’histoire du football en Côte d’Ivoire, a failli l’amener à reporter le rendez-vous d’hier. Question pour lui de traduire la douleur qu’il ressent.
Mais, vu que cette rencontre a déjà fait l’objet de plusieurs reports, il a tenu finalement à honorer l’engagement pris avec Fraternité Matin.
Ce fut, dans l’ensemble, une belle occasion d’échanges francs suivie d’une visite des différents compartiments de l’entreprise ; cette maison que M. Ouattara a rappelé avoir restructurée lorsqu’il était Premier ministre pour en faire un journal ouvert à tous les Ivoiriens.

C’est pourquoi, il a exprimé sa satisfaction de voir le plus ancien groupe de presse de Côte d’Ivoire jouer à fond ce rôle de creuset de toutes les sensibilités.

A. Doualy
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