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Société Publié le lundi 30 mars 2009 | People Mag

FOCUS – Enquêtes - Dossiers : Y a-t-il une police des mœurs en Côte d’Ivoire ?

Aucune commune n’est épargnée par ce phénomène déplorable qui se déroule sous les yeux de tous. La seule différence se situe au niveau des tarifs qui se trouvent généralement liés au cadre social de l’exercice. Les prix appliqués par les jeunes filles de Yopougon, Adjamé ou Abobo sont loin d’égaler ceux pratiqués aux abords de l’hôtel Ivoire ou en Zone 4. Dans cet univers du sexe, les bars climatisés détiennent de plus en plus la palme d’or de la débauche. "Puis-je vous tenir compagnie ?", c’est la prière qui vous est formulée après votre installation dans l’un des salons non éclairés, par une jeune danseuse presque à poils. Une fois cette demande satisfaite, le spectacle peut commencer et la voie du paradis vous est accordée avec seulement la somme de 5.000 frs. Lors de la dernière saint Valentin, au moment où différents couples s’apprêtaient à célébrer l’amour, notre équipe de reportage a choisi d’effectuer une virée nocturne au “D… bar” de la Riviera golf.” Les services ici sont parfaits’’, nous rassure une dame d’une forte corpulence, qui semble occuper un poste important dans ce lieu où sexe, alcool et cigarette font bon ménage. Selon les renseignements obtenus, cette grosse femme serait responsable des danseuses, les strip-teaseuses. « En réalité, nous ne sommes pas des strip-teaseuses parce qu’à l’origine, le strip-tease est un spectacle de cabaret au cours duquel une femme ou un homme se déshabille progressivement, en musique. C’est un métier noble qui met en avant la beauté de la femme. Ce que nous faisons ici, c’est la prostitution », nous jette à la figure Félicité qui a décidé de partager un pot avec nous. Parfois, on se demande si ces jeunes filles, pour la plupart âgées de moins de 25 ans, sont en possession de toutes leurs facultés. La cigarette à la bouche et les seins dehors, le piercing au nez et au nombril, ici, tout est garanti pour le plaisir des yeux. Pour notre interlocutrice, Félicité, le moment tant attendu commence à partir d’une heure du matin. A ce moment, les filles se mettent toutes nues et exécutent des exhibitions sexuelles de sorte à susciter une excitation chez le client encore réticent. Alice nous a été présentée comme la plus perverse parce qu’elle n’attend toujours pas cette heure-là pour se déshabiller totalement. Investie d’un postérieur quelque peu exagéré pour sa petite forme, Alice dit avoir choisi ce métier pour vivre et échapper à la mendicité. "Je vivais avec une amie qui m’a mise dehors. Je ne savais pas où aller. Pendant neuf jours, je passais la nuit dans les maquis quand j’ai eu la chance de décrocher ce poste après un casting ", révèle-t-elle. Continuant notre randonnée, c’est un bar d’Adjamé qui nous accueille. Ici, nous sommes loin du luxe de Cocody. Le Cotonnier bar n’est pas climatisé mais il a la réputation d’avoir des chambres à l’intérieur, tenues par des jeunes filles de nationalité nigériane et ghanéenne. Conforte, une jeune dame visiblement dépigmentée par les nombreuses concoctions chimiques, avait l’air de s’intéresser à nous. Le bar était composé de bancs placés autour de la large piste de danse. “Ici-là, tu donnes 2000 seulement, tu fais un coup. Nous, on n’est pas chère oh ” annonce solennellement la dame du nom de Conforte, dans un français articulé difficilement. Une fois à l’intérieur de ce bâtiment à l’allure morose et vieillissante, une impression d’insécurité vous traverse l’esprit. A ce sujet, la jeune Ghanéenne répond que la sécurité est garantie. Mais les renseignements pris le lendemain matin nous annoncent qu’il ne se passe de jour sans qu’il n’y ait un vol ou une agression dans ce bar, avec certainement la complicité de ces jeunes dames. Contrairement aux jeunes filles de la Riviera, ici, elles sont correctement habillées. La plupart d’entre elles portaient une longue jupe surplombée d’une camisole pagne. Au milieu de ces sons high-life, nous nous sommes fait passer pour des clients venus juste consommer une bière et repartir. Parce qu’il faut vraiment être désespéré et ne pas craindre la mort pour “aller” avec ces femmes rongées par l’alcool et la cigarette. “Policier fatigue nous trop”, fait remarquer notre interlocutrice, lorsqu’une deuxième bouteille de bière lui a été offerte. Cette information lancée de façon brutale, aiguisa subitement notre curiosité. Nous avons voulu en savoir un peu plus sur l’attitude de la police des mœurs vis-à-vis de cette activité proscrite par la loi. Conforte reconnaît avoir été, à plusieurs reprises, conduite à la préfecture de police au Plateau pour, dit-elle, pratique de prostitution. Selon elle, ce n’est pas normal parce qu’elle exerce dans un vase clos, ce qui est contraire à la prostitution de rue. Assis dans l’angle droit du bar anglophone, nous assistons aux défilés des clients conduits par les filles de joie de l’autre côté des lieux, pour une brève partie de jambes en l’air. Le propriétaire du coin, continue-t-elle, est un riche Nigérian qui ne met jamais les pieds au bar. Des personnes désignées se changeraient de la gestion. Cette forme de prostitution sous- régionale ressemble bien à celle pratiquée ici en Côte d’Ivoire par 200 jeunes filles marocaines déversées sur les bords de la lagune Ebrié en 2004. Une affaire qui, en son temps, a mis en branle les autorités royales. Conforte semblait bien informée dans sa position d’ancienne. Elle savait que les filles venaient directement du pays et qu’une journée rap portait, hormis la boisson, près de 100.000 frs au propriétaire. Yopougon, rue des princes, les noctambules continuent d’affluer malgré l’heure très avancée. « Rappelle-toi qu’il s’agit du jour de la Saint-Valentin », lance mon compagnon. Au “S”bar, une jeune fille presque rouquine et sa collègue, Mimi, acceptent de répondre à nos interrogations. Mais, afin de ne pas attirer l’attention de la patronne sur elles, les jeunes demoiselles nous invitent à acheter assez de boisson. Leur exigence est rapidement exécutée. « Moi, je suis danseuse, ma camarade Mimi, elle, est serveuse. Les serveuses ne font pas l’amour dans le bar. Mise à part celle-là (elle pointe du doigt une jeune fille, d’à peine 17 ans). Je fais ça à cause de ma mère. Mon père l’a abandonnée au profit d’une autre femme. Aujourd’hui, à cause de moi, elle ne regrette rien. Elle a tout ce qu’elle désire », se justifie la rouquine qui refuse cependant d’être taxée de prostituée. Ses explications montrent qu’elle s’en sort au petit matin avec la coquette somme de 30.000 frs. Ici, le salon privé qui peut recevoir une dizaine de personnes est le lieu approprié pour faire l’amour. Personne ne s’occupe de son voisin. La rouquine qui a décidé de garder l’anonymat révèle que ses gains peuvent parfois atteindre les 70.000 en une seule nuit. Pour ce faire, il faudra qu’elle effectue plusieurs déplacements qui l’amènent à accompagner le client au lieu de son choix, le déplacement étant négocié à 15.000 ou 20.000 frs. Quant à Mireille, ses gains s’élèvent à 2000 par jour et 300 frs pour chaque bouteille qui lui est offerte par le client qu’elle installe. Pour Mimi, elle a accepté de faire ce métier de serveuse pour assurer ses cours d’ingénieur. Titulaire d’un BTS en gestion commercial depuis 3 ans, elle est sur le carreau, faute de moyen. Elle se dit incapable de se mettre nue en public comme le fait sa collègue, encore moins s’adonner à des rapports sexuels avec autant de personnes Pendant qu’elle intervenait, sa camarade lui lançait quelques phrases. « Elle, c’est notre intello maison, notre pasteur (est-ce que ça se dit pour les femmes ?’’, demande t-elle. Au bout d’une demie heure de circulation, nous voilà à la rue Paul Langevin de Zone 4. Nous sommes accueillis à l’entrée du ‘T’ bar par une douce musique Zouk dont les vibrations sonores sont expressément choisies pour exciter le client. Le spectacle dans cet endroit est alarmant. Composé de deux salons VIP, le ‘T’ bar est réputé pour sa grande perversité. Le décor est toujours le même. La différence se situe au niveau du traitement du personnel. Pierrette qui dit s’adonner à ce métier par pur plaisir, se réserve d’abord de parler de ses gains. Mais au bout d’une quinzaine de minutes de discussion, elle révèle que des millions de francs circulent dans ce bar où des individus de tout acabit se retrouvent pour diverses raisons. Strip-teaseuse, elle justifie sa présence dans le lieu par le désir de séduction. « J’aime séduire les hommes. J’aime me savoir aimée. C’est une grande satisfaction pour moi quand un garçon porte son choix sur moi parmi tant de filles » révèle –t-elle. Et pourtant, elle n’est pas belle mais elle est réputée, selon les témoignages, pour ses jeux de reins ensorcelants. Le prix de la boisson dans ce bar varie selon l’endroit où vous êtes installés. Aux VIP, les prix sont plus élevés. C’est pourquoi, ils ne sont pas aussi fréquentés que l’espace ordinaire. Faut-il se plaindre de ces jeunes filles dont la situation sociale désespérée est exploitée par certains mécènes pour s’enrichir ? Sont-elles suffisamment protégées pour s’adonner à un métier qui les expose à des risques énormes ? Existe-t-il une législation relative à la régulation de ce secteur de plus en plus en vogue ? Ces questions relancent le débat sur la fiabilité de la police des meurs qui, quand elle n’est pas contrariée dans son élan par les protecteurs de ces lieux, se contente, hélas, de rançonner ces prostituées et fermer l’œil sur leur activité.

Léon Saki
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