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Sport Publié le vendredi 10 avril 2009 | Le Quotidien d’Abidjan

Qui en veut au bon Jacques ?

De l'avis du «Fanion», un journal qui serait financé par le patron de la Fédération ivoirienne de football lui-même, Jacques Anouma ferait face à un grand complot. En fait, un complot en deux puisque derrière les déclarations «glaçantes» du Procureur de la République qui explique qu'il ne faut pas orienter l'enquête vers un corps précis, se dissimulerait une autre menace visant à faire main basse sur le fauteuil de Jacques Anouma à la Fédération ivoirienne de football.
Absent, dit-on, du pays, le président du Séwé sport de San-Pedro qui fut jadis le challenger direct de Jacques Anouma et dont l'ambition de diriger la Fédération serait restée intacte, constituerait la tête pensante du grand complot qui se prépare à la FIF et pour lequel le rédacteur en chef du «Fanion» est monté, lui-même, en première ligne.
D'ailleurs, la série se poursuit aujourd'hui. Après avoir donné hier la parole à des figures inconnues pour clouer au pilori les Forces de l'ordre et dédouaner le locataire de la maison de verre, «Fanion» remet le couvert ce matin. Et même, s'il a déjà livré à la vindicte un certain nombre de dirigeants 24 heures plus tôt, c'est finalement dans l'édition d'aujourd'hui qu'il conduira à la guillotine le quarteron de félons qui n'ont pas le courage d'en découdre à la lumière.
On connaîtra ainsi l'ensemble «des dirigeants de clubs impliqués», «le QG des comploteurs» et «les connexions à la FIF». Bref, une méthode qui emprunte tout au maccartisme des années de terreur aux Etats-Unis où la soi-disante lutte contre le communisme a sacrifié des carrières et des vies. Ces jours-ci, il va donc falloir montrer pattes blanches à la FIF et faire un peu de délation, car c'est généralement la meilleure façon d'échapper aux règlements de compte.
Cela dit, les victimes potentielles ne seront pas à rechercher uniquement parmi les dirigeants dont on saura le sort qui leur a été réservé. Depuis hier, le Procureur de la République paie au prix cher ses déclarations et notamment celles à travers lesquelles il explique qu'en tant que personne morale, la FIF est responsable de la mauvaise organisation du match. Qu'en plus, il ne fallait pas orienter l'enquête vers un corps précis et notamment les Forces de Défense et de Sécurité, accusées dès le premier soir par M. Anzouan, le président du comité d'organisation de la rencontre.
Pour «Le Nouveau Réveil» qui fait de ce drame le principal élément d'une guerre idéologique sans merci contre le régime, le Procureur de la République a montré «un parti-pris flagrant et gênant» pour avoir dit pendant sa conférence de presse qu'il n'a pas «beaucoup» apprécié le fait que sur le champ, les gens aient indexé les agents des FDS». A elle seule, cette phrase jetterait «le voile sur cette enquête» qui ne fait que commencer et pour laquelle le Procureur a assuré que tous ceux dont l'audition ou le témoignage aidera à découvrir la vérité seront appelés.
Hier encore, M. Tchimou tentait une fois de plus de calmer le jeu, réexpliquant que l'objectif de la conférence de presse était «d'informer l'opinion que l'enquête est ouverte afin d'inviter victimes, témoins et tout sachant à se rendre à la Police ou à la brigade concernées pour dire leur part de vérité». Le but du jeu étant que «Le Procureur soit utilement instruit par leurs témoignages pour mieux mener son enquête».
Mais la synchronisation des accusations contre les Forces de Défense et de Sécurité semble obéir à une véritable stratégie. La Fédération ivoirienne de football la tient depuis le jour du drame comme un bouclier contre toutes les autres pistes et singulièrement contre l'hypothèse des billets parallèles. Selon les estimations de l'Agence France Presse (AFP), il y avait pourtant 50 000 personnes dans ce stade Houphouët-Boigny dont la capacité maximale est de 34 000 places.
D'ailleurs même si les Forces de Défense et de Sécurité ont fait entrer leurs corrupteurs, on ne peut valablement conclure que la surpopulation dans le stade fut de leur seul fait. La FIF ne pourrait pas non plus arguer que cette surpopulation lui a échappé, d'autant plus que de l'aveu de certains supporters présents dans le stade ce jour-là, le commissaire au match de cette rencontre avait manifesté de réelles réticences à autoriser son déroulement. Ce que ne cachent d'ailleurs pas certains proches d'Anouma qui ont reconnu que le risque aurait été plus grand de reporter le match. Et que pour cette raison, ils ont sensibilisé le Béninois à lever son véto.
En tout état de cause, seule l'enquête peut démêler l'enchevêtrement des faits. Car même les tirs de gaz lacrymogène, s'ils sont la cause réelle de la mort des 19 supporters, ont certainement eu lieu dans un contexte global de sécurité aux abords du stade Houphouët-Boigny. Au point qu'on ne peut pas, en un tour de main, dire que les FDS sont les seuls coupables. Mais encore une fois, c'est au bout de l'enquête qu'on le saura. A quoi répond donc les ballets incessants de Yako au président Anouma plus d'une semaine après le drame et pourquoi la FIF se précipite-t-elle à rendre les policiers et les gendarmes présents ce jour-là au stade seuls responsables des manquements dont doit répondre en priorité la Fédération qui organisait ce match ?
Joseph Titi
joseph.titi@yahoo.fr
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