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Société Publié le mercredi 15 avril 2009 | Le Patriote

Reportage: Malgré les progrès de la science - Les plantes s’imposent

Des siècles de progrès n’ont pas pu la ranger aux oubliettes. La médecine moderne avance, mais celle dite traditionnelle continue d’avoir la confiance des populations de la planète. Aujourd’hui, plus que jamais, cette science s’impose en Côte d’Ivoire comme un partenaire sérieux de la médecine moderne. Nous avons fait une incursion dans cet univers des plantes qui guérissent.

Ces commerçants n’ont pas cherché loin. Ils l’ont tout bonnement baptisé le marché des médicaments. Des feuilles sèches ou encore fraîches, des écorces d’arbres, des poudres d’écorces de différentes couleurs, des calebasses, des canaris, des peaux d’animaux, des plumes d’oiseaux, des savons de couleur noirâtre, et bien d’autres éléments, constituent les principaux produits de ce marché en plein air, situé à la gare routière d’Abobo, non loin de la mairie. Le marché des médicaments traditionnels d’Abobo, « ou fla lôgo » comme on l’appel en langue malinké, s’est créé de toutes pièces, sans aucune réglementation. Selon ces commerçants, la gare routière, de par son affluence, est le site idéal où leur commerce peut prospérer. Surtout que les camions transportant les plantes et autres canaris de l’intérieur du pays jusqu’à la capitale économique, déchargent à cet endroit. De fait, les étals des commerçants sont alignés en file indienne de gauche à droite.

Une réputation bien intacte

Si bien que l’espace au milieu, sert de gare aux camions transportant la marchandise et à certains wôrô-wôrô et gbaka (véhicules de transport en commun) reliant le centre de la commune à des quartiers périphériques. Toute chose qui crée un désordre indescriptible dans le marché. A cela s’ajoutent les klaxons discontinus de ces véhicules, champions des bruits à Abidjan. C’est dans cette ambiance surchauffée que nous rencontrons le lundi 23 mars aux environs de 11 h, dame Adja, commerçante au marché des médicaments. Après avoir pris connaissance du motif de notre visite, elle nous fait patienter quelques minutes, juste le temps pour elle de s’occuper d’une cliente. Cette dernière partie, elle se prête volontiers à nos questions. Nous apprenons alors qu’elle commercialise les plantes médicinales dans ce marché depuis plus de 10 ans. Ces plantes, poursuit-elle, viennent du nord et du centre de la Côte d’Ivoire. Plus particulièrement des villes de Dabakala, Korhogo et Katiola. «C’est soit ma mère ou moi-même qui vais chercher les médicaments à Dabakala. Il y a des personnes qui viennent également nous proposer les médicaments. Nous vendons en gros comme en détail », commente t-elle. Quelles sortes de maladies soignent ses plantes, la commerçante avoue qu’elle ne connaît pas toutes les vertus curatives des feuilles d’arbres et autres poudres qu’elle commercialise. « Si quelqu’un vient nous expliquer sa maladie, on peut lui conseiller des feuilles et des poudres que nous connaissons. Mais d’un guérisseur à un autre, une même plante peut traiter différentes maladies. Donc le plus souvent, quand le client arrive, il nous dit le nom de la plante qu’il cherche et nous la lui vendons. Le plus souvent ce sont les guérisseurs eux-mêmes qui viennent commander les feuilles dont ils ont besoin », confie t-elle.
Comparé à un autre marché de médicaments traditionnels de la même commune, cette fois-ci au quartier « derrière les rails », celui de la gare routière ne représente pas grand-chose en terme de volume de marchandise et d’espace occupé. Là, également, on se contente de vendre les feuilles d’arbres en gros ou en détails selon les besoins des clients. Mme Madongui est une habituée de ce marché. Elle est une guérisseuse traditionnelle. Elle vient se ravitailler dans ‘’cette pharmacie géante’’ à ciel ouvert. Son cabinet se trouve à Adjamé 220 logements. Sa notoriété dépasse les frontières de la commune. Ses voisins et ses enfants l’ont surnommée «docteur chinois». Ses clients, affirme t-elle, viennent de partout. «Je reçois des malades venant de Yopougon, Angré, Cocody Riviera, Marcory etc. Ce sont des gens de classe moyenne comme de la haute société», révèle t-elle. Les maladies qu’elle soigne ? La guérisseuse cite pêle-mêle, les maladies infantiles, les maladies liées à la grossesse, le paludisme, les hémorroïdes, les troubles des menstrues chez les femmes, la fièvre typhoïde, l’ulcère, la stérilité chez les femmes, le diabète.... Comment sait-elle que telle plante guérit telle maladie et non telle autre ? La dame explique qu’elle a acquis sa science auprès de sa mère, au village. Une cliente qui écoute notre entretien n’hésite pas à témoigner sur la véracité des propos tenus par la tradipraticienne. « J’avais des problèmes pour avoir un enfant. Une amie m’a conseillé de venir consulter cette dame. Elle a mis un canari pour moi (mélange des feuilles de diverses plantes dans un canari. On fait bouillir le mélange. Le plus souvent on se lave avec le liquide obtenu et on en boit également). J’ai suivi son traitement et Dieu merci, j’ai eu mon premier bébé. Depuis, bien que j’emmène la petite à l’hôpital, je viens ici régulièrement (chez la tradipraticienne) pour la faire suivre. Avec sa réputation, la tradipraticienne affirme qu’elle est tout le temps assaillie par les patients. « Souvent on vient me réveiller tardivement dans la nuit. Les gens préfèrent venir chez moi que d’aller à l’hôpital, car ils ont la certitude d’avoir le remède à leur mal, sans débourser trop d’argent. Ce dont ils ne sont pas sûrs en allant à l’hôpital », commente t-elle.
Malgré les avancées de la médecine moderne, la médecine traditionnelle reste prisée par les populations dans le monde. Les progrès jusque là réalisés par les scientifiques du monde entier, n’ont pu entamer sa réputation. D’après, l’Organisation Mondiale de la santé (OMS), plus de 80% des populations de la planète ont recours aux plantes pour se soigner. Le 31 août de chaque année, l’OMS célèbre la journée mondiale de la médecine traditionnelle. En Côte d’Ivoire, on estime que 85% de la population a recours à la médecine traditionnelle, soit en premier ou deuxième intention. L’Etat ivoirien, qui veut promouvoir d’avantage cette médecine, a mis en place depuis 2001 le Programme national de la médecine traditionnelle. Lequel est logé au ministère de la Santé et de l’Hygiène publique. Selon son directeur coordonnateur, le Dr Kroua Ehoulé, il a pour objectif d’améliorer la couverture sanitaire par la médecine traditionnelle. Mais aussi d’organiser le secteur et de faire sa promotion. Le Dr Ehoulé se félicite de la mise sur pied de ce programme. « Désormais, nous pouvons localiser géographiquement et suivre les tradipraticiens. Nous avons pour le moment recenser 8500 tradipraticiens avec lesquels nous travaillons », note t-il. L’expression ‘’tradipraticien’’, affirme t-il, a beaucoup évolué dans son utilisation. « Au départ c’étaient des guérisseurs, une expression péjorative. Aujourd’hui on ne parle plus de tradipraticiens, mais de praticiens de la médecine traditionnelle, pour inclure toutes les spécialités. Ce sont des acteurs reconnus comme tels par leurs communautés. Ils ont suivi des stages auprès des maîtres. Ils savent poser un diagnostic et donner des soins avec des méthodes traditionnelles naturelles », explique t-il. L’échec de la médecine moderne dans le traitement de certaines pathologies, estiment certaines personnes, a largement contribué à l’essor des tradipraticiens. Convaincu que l’avenir de la médecine appartient aux plantes, le Dr Ehoulé invite le gouvernement et les partenaires du ministère de la Santé à accorder plus de place à la nature dans leur stratégie de lutte contre les maladies.


Dao Maïmouna
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