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Économie Publié le samedi 18 avril 2009 | Nord-Sud

Lassane Fofana (SG du Syndicat des producteurs d`anacarde de Côte d`Ivoire) : "L`Etat ne joue plus son rôle dans la filière"

Le leader des producteurs de l’anacarde, Lassane Fofana, se plaint du désordre qui sévit dans la filière au point où les paysans sont délaissés.


•Malgré une légère hausse des prix pour l'ouverture de la campagne, la sérénité n'est pas de mise dans la filière cajou où de nombreux acteurs ruminent leur mécontentement. Quel commentaire faites-vous de la situation ?

Effectivement les producteurs ne sont pas contents de ces nouveaux prix qui ont été fixés par l'interprofession ou Intercajou. Nous leur avons même adressé un courrier pour leur signifier notre désaccord quant à l'application des nouveaux prix. Aujourd'hui l'interprofession annonce un prix bord champ de 180 Fcfa alors que le premier prix de 150 Fcfa le kilo n'est pas respecté. Avec les prix entrée en magasin intérieur et prix magasin portuaire fixés respectivement à 205 et 240 Fcfra le kilo. Quand vous vous rendez à Dabakala, Ferké ou Korhogo, les prix diffèrent d'une zone à une autre. Cela n'est pas normal. Nous avons demandé dans notre correspondance à Intercajou de faire en sorte que les prix connaissent une hausse considérable pour permettre aux paysans d'accroître leurs revenus qui restent très insignifiants au regard des nombreuses charges auxquelles ils doivent faire face. Les producteurs font appel à des manœuvres pour nettoyer et mettre en valeur leurs surfaces. En plus, il faut entretenir la plantation et trouver toujours de la main d'œuvre pour la récolte. Cela se fait dans les villages, il faut donc transporter le produit hors des plantations pour le commercialiser. Les paysans sont souvent endettés parce qu'ils n'arrivent pas à honorer leurs engagements vis-à-vis de leurs financiers et restent devoir à leurs employés. Les coopératives de la filière ne sont pas financées. Toute chose qui n'est pas de nature à faciliter le travail.


•Selon vous, les prix doivent être à quel niveau minimum pour espérer faire des gains sur la production?

Avant la crise, le produit était bien acheté. Il était vendu à 400 voire 500 Fcfa le kilogramme. Mais avec la situation que nous connaissons, les choses ont chuté de façon drastique. Quand vous allez en Gambie, ils ont un prix unique de 600 Fcfa par kilo. Pourtant la Côte d'Ivoire qui est le premier producteur africain de cajou (plus de 300.000 tonnes) et deuxième mondial, n'arrive même pas à atteindre la moitié du prix pratiqué en Gambie (300 Fcfa). Nous ne comprenons pas toutes ces choses-là. C'est pourquoi nous avons demandé à Intercajou de prendre ses responsabilités avant qu'il ne soit trop tard parce que nos produits se paient très mal. Parce que si rien n'est fait nous allons suspendre, à la fin du mois, la commercialisation de la noix de cajou.


•De quels moyens disposez-vous pour le faire ?

Nous couvrons aujourd'hui toutes les zones de production. Les organes étatiques ont démissionné. Il faut qu'ils se mettent au travail pour sauver les paysans et la filière.


•Le non respect des prix bord champ est-il le signe qu'au niveau de la commercialisation, la filière s'effondre dans l'anarchie ?

Il faut le dire sans faux-fuyants, la filière vit dans une certaine léthargie à cause de son inorganisation. L'Etat a mis en place l'Interprofession pour mettre de l'ordre dans la filière. Malheureusement, cette structure ne joue pas efficacement son rôle. Il y a également l'Autorité de régulation du coton et de l'anacarde (Areca) qui semble être impuissante devant les pratiques des acheteurs véreux qui restent portant agréés. A côté de cela, il y a le comité de suivi dont nous ne voyons pas le rôle ni sa mission. Naturellement, dans ces conditions le producteur ne peut espérer mieux puisque il y a un flou autour de la gestion de leur filière. Or tous ces organes font des prélèvements sur la production qui ne nous profitent pas. Il faut mettre fin à cela de sorte que les paysans puissent vivre décemment de leurs activités. Nous estimons d'ailleurs que le président de Intercajou a les mains liées. Parce qu'il y a trois collèges qui gèrent cette structure : les producteurs, les exportateurs et les transformateurs. Les deux derniers sont généralement des puissances financières qui phagocytent les producteurs qui en réalité, n'ont pas leur mot à dire. La misère fait rage aujourd'hui dans le rang des paysans qui n'arrivent plus à se nourrir, à se soigner ni à assurer l'éducation de leurs enfants. Sans compter les tracasseries routières au moment du transport du produit.


•Une telle pratique n'entame-t-elle pas la compétitivité de la filière quand on sait que vous devez faire face à des opérateurs Indiens qui semblent-ils, viennent proposer des prix dérisoires pour l'exportation de la noix?

Certes l'Inde est le premier producteur mondial de noix de cajou, mais il ne produit pas la qualité. C'est pourquoi il y a une ruée vers le cajou ivoirien qui est de très bonne qualité. Donc les Indiens viennent payer notre cajou pour y faire plus tard un mélange avec leur production locale avant de le commercialiser sur le marché américain. Quand ils viennent ils se fixent un quota et la conséquence, de nombreux producteurs n'arrivent plus à écouler leur récolte. D'ailleurs de nombreux producteurs qui sont venus du Nord avec leur production sont restés bloqués au port plusieurs jours. Une fois que les Indiens atteignent leur quota, on vous propose par la suite des prix insignifiants (60 Fcfa le kilo) pour prendre votre produit. Dès qu'un Indien vous refuse, vous ne pouvez plus écouler votre produit.


•Justement vous parlez beaucoup de transformation. Qu'est-ce qu'il faut pour y arriver ?

C'est une préoccupation majeure pour nous. Mais notre première difficulté à ce niveau, c'est que nous n'avons qu'un seul marché. Donc c'est pour cela que les dirigeants du pays doivent soutenir la filière afin qu'elle s'ouvre à d'autres marchés. Si nous arrivons à le faire, nous pouvons attirer des investisseurs pour arriver à la mise en place des unités de transformation, source de création d'emploi et de richesses. Aujourd'hui dans les grandes surfaces, l'anacarde décortiqué vaut au moins 1.500 Fcfa le gramme. Or le kilo bord champ est souvent inférieur à 100 Fcfa. Il y a que l'Etat doit également alléger les conditions fiscales pour inciter les investissements et les densifier. Aujourd'hui il y a une unité de décorticage à Bondoukou installée par les privés. Nous pensons que ce sont des choses à encourager pour arriver à la grande transformation. Beaucoup d'Ivoiriens ne connaissent pas la noix de cajou qui contient un liquide qui est utilisé comme fluide pour les systèmes de freinage des avions. Donc cette culture est importante pour le développement. C'est pourquoi, l'Etat à travers ses organes doit jouer un rôle moteur.


Interview réalisée par Cissé Cheick Ely
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