Charles Blé Goudé s’apprête à mettre sur le marché son prochain livre, le deuxième du genre, qui a pour titre “D’un stade à un autre’’. Récemment, une délégation de l’ONU en mission en Côte d’Ivoire, a intimé l’ordre à Fraternité Matin, éditeur du premier livre de Blé Goudé, de ne pas publier le livre attendu mais mieux, de ne plus verser les redevances relatives à l’exploitation du premier ouvrage. En clair, l’auteur Blé Goudé ne doit plus bénéficier de ses droits d’auteurs et ses droits d’opinion. Motif évoqué par les agents de la maison de verre, l’auteur est sous sanctions de leur maison, lesquelles sanctions sont : “Interdiction de sortir du territoire national, gel des avoirs à l’étranger”.
Alors, première question : le fait qu’on soit sous sanctions de l’ONU, enlève-t-il le droit à un individu d’imaginer, de réfléchir et de créer ? Blé Goudé n’a-t-il pas le droit de relater les faits socio-politiques vécus par les communautés ivoiriennes ?
L’organisation mondiale de la propriété intellectuelle, une organisation de l’ONU, est la cheville ouvrière de toutes les conventions portant protection des œuvres de l’esprit (la convention de Berne de 1886 relative aux droits d’auteurs, celle de Rome de 1961 relative aux droits voisins, la convention de Paris relative à la propriété industrielle…) dans sa charte encore moins dans les conventions, n’indique nulle part l’expropriation des droits à un auteur au motif qu’il est sous le coup “d’une interdiction de sortir du territoire, du gel de ses avoirs à l’étranger”.
Faut-il rappeler que lors de la signature de ces conventions, il est laissé libre choix à tout pays-partie d’indiquer l’étendue du droit d’auteur en tenant compte de ses réalités historiques, sociologiques… sociétales ?
La Côte d’Ivoire, l’un des pays signataires de ces conventions, n’a mentionné nulle part qu’un de ses ressortissants devrait perdre ses droits pour tel ou tel autre motif. Le seul cas de figure où un auteur peut perdre ses droits en matière de propriété intellectuelle, c’est quand il s’agit d’un plagiat (reprise d’une création préexistante par un auteur).
Pour en arriver là, il y a une procédure qui est celle-ci : l’auteur qui est objet de plagiat, saisit la commission d’identification des œuvres littéraires, cinématographi-
que…musicales ou alors ladite commission composée de spécialistes s’autosaisit. Elle convoque le plagiaire et le plagié au siège de la structure de gestion collective des droits d’auteurs ou des droits voisins pour les entendre afin de trouver un terrain d’entente. Au cas où chaque partie resterait sur sa position, le dossier est transmis au Conseil d’Administration de la structure pour concilier les deux parties. Si la conciliation échoue, le plagié peut porter plainte par devant le tribunal de première instance comme l’indique notre loi pour trancher, en tenant compte bien entendu des éléments techniques fournis par la commission susmentionnée. Une fois le jugement rendu, le plagiaire est déchu de ses droits au profit du plagié.
Blé Goudé dont il est question ici, n’est pas sous la toge d’un quelconque plagiaire jusqu’à preuve du contraire. Aucune commission d’identification des œuvres littéraires, ne l’a encore convoqué pour lui signifier le forfait qu’il aurait commis en la matière. D’où vient-il qu’il ne doit plus publier, bénéficier de ses droits d’édition et ses droits d’opinion ? Nul ne peut l’empêcher de bénéficier des redevances relatives à l’exploitation de ses livres, œuvre de son esprit dont il possède les droits moraux et patrimoniaux.
En dehors de ce qui précède, pour quelque raison que ce soit, Blé Goudé peut-il être déchu de ses droits de penser, de réfléchir, même s’il est sous sanctions de l’ONU ? La réponse est non car la déclaration universelle des droits de l’homme soutient clairement en son article 19 que : tout individu a la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen que ce soit. Est-ce que Blé Goudé, le fait d’être sous sanctions de l’ONU, n’a pas le droit d’écrire, de penser, de réfléchir… d’émettre des opinions ? A-t-il commis un crime de sang, un crime économique ? Même dans ces cas de figure, nul ne peut l’empêcher d’écrire, de chanter, de déclamer, de s’exprimer. Souvenons-nous, lorsque Salman Rushdi a écrit ses fameux versets sataniques pourfendant la religion musulmane et qu’une fatwa a été lancée contre lui, il a trouvé refuge dans un pays, en l’occurrence la Grande Bretagne, membre influent de l’ONU où il continue d’écrire. Nul n’a jamais manifesté la moindre idée de supprimer ses droits d’éditions, ses droits d’auteurs. Ses livres se vendent comme de petits pains et il est devenu le chouchou de toute l’Europe.
En milieu des années 70, Jacques Mesrine, considéré en France comme l’ennemi public n° 1 pour avoir tué, volé, violé, une fois sous les verrous, a écrit un livre intitulé ‘’Mon destin’’. Dans ce livre, il raconte comment pour une fille, il enleva à la Porte de Clignancourt (Paris), un individu qu’il égorgea dans sa résidence en buvant du bon vin. Pour décrire sa cruauté dans toute sa plénitude, il a mentionné que le sang qui giclait, lui apporta une paix intérieure aux dimensions démesurées. En plus de crime de sang, Mesrine n’a pas épargné le plus grand propriétaire immobilier de France en la personne de M. Le Lièvre. Personne n’a supprimé ses droits d’éditions, ses droits d’auteurs et pour certains, il fut un héros. Ces exemples sont légion.
Alors pourquoi veut-on empêcher Blé Goudé de parler, d’écrire, de penser, d’émettre ses opinions en tant qu’individu, citoyen qui a suivi de bout en bout les événements socio-politiques de son pays? En agissant de la sorte, l’ONU veut créer dans le domaine de la propriété intellectuelle, un précédent jurisprudentiel en la matière.
Tous les médias relaient depuis un moment les déclarations de Blé Goudé appelant les Ivoiriens à l’apaisement, au pardon, à l’oubli. Si donc ce dernier n’a plus le droit d’écrire, de parler, de penser, comment peut-il amener les uns et les autres à se réconcilier ?
Ce livre à paraître “D’un stade à un autre”, dont le titre évoque les étapes franchies par les Ivoiriens pour arriver à la paix, doit être considéré comme un hymne à la paix. Même si le premier stade constitue un lieu de démonstration de la musculature, le deuxième est une étape décisive dans le processus de paix en Côte d’Ivoire. Qui pouvait imaginer que d’un petit stade de football au cœur de la Côte d’Ivoire, pouvait jaillir une flamme pour illuminer des milliers de cœurs d’Ivoiriens ? Blé Goudé est l’un des Ivoiriens les mieux placés pour raconter l’histoire des deux stades afin de nous faire sentir le parfum de sueur qui se dégage des corps des sportifs.
En choisissant ce titre “D’un stade à l’autre”, l’auteur fait un clin d’œil au sport et à la politique dont la fonction sociale permet à des gens de différentes obédiences (politiques, philosophiques, religieuses) à un moment donné de la vie, de regarder dans la même direction. C’est dans ces conditions que naît dans les esprits, la paix, un des fondements des Nations unies. Le livre de Blé Goudé est un appel que l’ONU qui lutte pour l’instauration de la paix, des droits humains, des droits de l’homme, doit comprendre avec le cœur et l’esprit. C’est une mélodie qui invite à la vraie réconciliation. L’ONU se doit de chanter cette mélodie, la soutenir, à moins que… !
Valen Guédé: valen_guede@yahoo.fr Musicologue Ex-PCA du BURIDA (Société de gestion collective des droits d’auteurs)
Alors, première question : le fait qu’on soit sous sanctions de l’ONU, enlève-t-il le droit à un individu d’imaginer, de réfléchir et de créer ? Blé Goudé n’a-t-il pas le droit de relater les faits socio-politiques vécus par les communautés ivoiriennes ?
L’organisation mondiale de la propriété intellectuelle, une organisation de l’ONU, est la cheville ouvrière de toutes les conventions portant protection des œuvres de l’esprit (la convention de Berne de 1886 relative aux droits d’auteurs, celle de Rome de 1961 relative aux droits voisins, la convention de Paris relative à la propriété industrielle…) dans sa charte encore moins dans les conventions, n’indique nulle part l’expropriation des droits à un auteur au motif qu’il est sous le coup “d’une interdiction de sortir du territoire, du gel de ses avoirs à l’étranger”.
Faut-il rappeler que lors de la signature de ces conventions, il est laissé libre choix à tout pays-partie d’indiquer l’étendue du droit d’auteur en tenant compte de ses réalités historiques, sociologiques… sociétales ?
La Côte d’Ivoire, l’un des pays signataires de ces conventions, n’a mentionné nulle part qu’un de ses ressortissants devrait perdre ses droits pour tel ou tel autre motif. Le seul cas de figure où un auteur peut perdre ses droits en matière de propriété intellectuelle, c’est quand il s’agit d’un plagiat (reprise d’une création préexistante par un auteur).
Pour en arriver là, il y a une procédure qui est celle-ci : l’auteur qui est objet de plagiat, saisit la commission d’identification des œuvres littéraires, cinématographi-
que…musicales ou alors ladite commission composée de spécialistes s’autosaisit. Elle convoque le plagiaire et le plagié au siège de la structure de gestion collective des droits d’auteurs ou des droits voisins pour les entendre afin de trouver un terrain d’entente. Au cas où chaque partie resterait sur sa position, le dossier est transmis au Conseil d’Administration de la structure pour concilier les deux parties. Si la conciliation échoue, le plagié peut porter plainte par devant le tribunal de première instance comme l’indique notre loi pour trancher, en tenant compte bien entendu des éléments techniques fournis par la commission susmentionnée. Une fois le jugement rendu, le plagiaire est déchu de ses droits au profit du plagié.
Blé Goudé dont il est question ici, n’est pas sous la toge d’un quelconque plagiaire jusqu’à preuve du contraire. Aucune commission d’identification des œuvres littéraires, ne l’a encore convoqué pour lui signifier le forfait qu’il aurait commis en la matière. D’où vient-il qu’il ne doit plus publier, bénéficier de ses droits d’édition et ses droits d’opinion ? Nul ne peut l’empêcher de bénéficier des redevances relatives à l’exploitation de ses livres, œuvre de son esprit dont il possède les droits moraux et patrimoniaux.
En dehors de ce qui précède, pour quelque raison que ce soit, Blé Goudé peut-il être déchu de ses droits de penser, de réfléchir, même s’il est sous sanctions de l’ONU ? La réponse est non car la déclaration universelle des droits de l’homme soutient clairement en son article 19 que : tout individu a la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen que ce soit. Est-ce que Blé Goudé, le fait d’être sous sanctions de l’ONU, n’a pas le droit d’écrire, de penser, de réfléchir… d’émettre des opinions ? A-t-il commis un crime de sang, un crime économique ? Même dans ces cas de figure, nul ne peut l’empêcher d’écrire, de chanter, de déclamer, de s’exprimer. Souvenons-nous, lorsque Salman Rushdi a écrit ses fameux versets sataniques pourfendant la religion musulmane et qu’une fatwa a été lancée contre lui, il a trouvé refuge dans un pays, en l’occurrence la Grande Bretagne, membre influent de l’ONU où il continue d’écrire. Nul n’a jamais manifesté la moindre idée de supprimer ses droits d’éditions, ses droits d’auteurs. Ses livres se vendent comme de petits pains et il est devenu le chouchou de toute l’Europe.
En milieu des années 70, Jacques Mesrine, considéré en France comme l’ennemi public n° 1 pour avoir tué, volé, violé, une fois sous les verrous, a écrit un livre intitulé ‘’Mon destin’’. Dans ce livre, il raconte comment pour une fille, il enleva à la Porte de Clignancourt (Paris), un individu qu’il égorgea dans sa résidence en buvant du bon vin. Pour décrire sa cruauté dans toute sa plénitude, il a mentionné que le sang qui giclait, lui apporta une paix intérieure aux dimensions démesurées. En plus de crime de sang, Mesrine n’a pas épargné le plus grand propriétaire immobilier de France en la personne de M. Le Lièvre. Personne n’a supprimé ses droits d’éditions, ses droits d’auteurs et pour certains, il fut un héros. Ces exemples sont légion.
Alors pourquoi veut-on empêcher Blé Goudé de parler, d’écrire, de penser, d’émettre ses opinions en tant qu’individu, citoyen qui a suivi de bout en bout les événements socio-politiques de son pays? En agissant de la sorte, l’ONU veut créer dans le domaine de la propriété intellectuelle, un précédent jurisprudentiel en la matière.
Tous les médias relaient depuis un moment les déclarations de Blé Goudé appelant les Ivoiriens à l’apaisement, au pardon, à l’oubli. Si donc ce dernier n’a plus le droit d’écrire, de parler, de penser, comment peut-il amener les uns et les autres à se réconcilier ?
Ce livre à paraître “D’un stade à un autre”, dont le titre évoque les étapes franchies par les Ivoiriens pour arriver à la paix, doit être considéré comme un hymne à la paix. Même si le premier stade constitue un lieu de démonstration de la musculature, le deuxième est une étape décisive dans le processus de paix en Côte d’Ivoire. Qui pouvait imaginer que d’un petit stade de football au cœur de la Côte d’Ivoire, pouvait jaillir une flamme pour illuminer des milliers de cœurs d’Ivoiriens ? Blé Goudé est l’un des Ivoiriens les mieux placés pour raconter l’histoire des deux stades afin de nous faire sentir le parfum de sueur qui se dégage des corps des sportifs.
En choisissant ce titre “D’un stade à l’autre”, l’auteur fait un clin d’œil au sport et à la politique dont la fonction sociale permet à des gens de différentes obédiences (politiques, philosophiques, religieuses) à un moment donné de la vie, de regarder dans la même direction. C’est dans ces conditions que naît dans les esprits, la paix, un des fondements des Nations unies. Le livre de Blé Goudé est un appel que l’ONU qui lutte pour l’instauration de la paix, des droits humains, des droits de l’homme, doit comprendre avec le cœur et l’esprit. C’est une mélodie qui invite à la vraie réconciliation. L’ONU se doit de chanter cette mélodie, la soutenir, à moins que… !
Valen Guédé: valen_guede@yahoo.fr Musicologue Ex-PCA du BURIDA (Société de gestion collective des droits d’auteurs)