Dans ce dernier volet de l’interview, le président du Fpi clarifie les rôles dévolus aux structures du parti et répond aux attaques de l’opposition.
M. le président du Fpi, quel type de relations entretiennent les fédérations du Fpi et les directions départementales de campagne?
Je voudrais rappeler que les fédérations sont intégrées dans les directions de campagne pour plus d’éfficacité. Si le parti lui-même n’est pas bien organisé sur le terrain, bien implanté, ne dispose pas d’un réseau de sections, de bases, suffisamment fort. Et c’est justement pour cela d’ailleurs que les Ddc, dans certaines régions, se sont d’abord, impliqués dans l’installation du parti. Là où le parti n’a pas un maillage et ne contrôle pas l’ensemble du département, la première tâche du Ddc a été d’aider la fédération à installer, partout, des comités de base, des sections et à faire en sorte qu’on ait des réseaux. Parce que c’est sur ces réseaux que la Ddc peut s’appuyer pour mener sa campagne. C’est donc un travail complémentaire, mais pour le moment, nous mettons en avant la Ddc parce que nous sommes dans un contexte électoral. Demain, les fédérations vont retrouver la plénitude de leurs prérogatives. De toutes les façons, ce mécanisme n’est pas immuable. Il peut arriver que d’ici la sur-prochaine élection, un nouveau mécanisme soit mis en place qui tire profit du fait que le parti s’est maintenant bien implanté, dispose sur l’ensemble du territoire d’hommes et de femmes véritablement capables de cerner tout l’électorat de la fédération et qu’il n’est pas forcément utile de créer une structure englobante comme la Ddc.
Vous avez passé, l’année dernière, 45 jours dans le nord mais vous n’êtes pas encore allé à l’ouest. Le Chef de l’Etat a également reporté à plusieurs reprises sa tournée dans cette région. Que devons-nous comprendre?
Dans le schéma que nous avions élaboré avec le Chef de l’Etat, le parti faisait le ratissage. C’est-à-dire que le Président allait d’abord pour dégager les obstacles, faire le gros œuvre et après, le parti venait faire le travail de nivellement. Etant entendu que le voyage du Président a été plusieurs reporté du fait d’un certain nombre de choses, nous avons été, nous aussi, un peu retardé dans notre projet d’aller à l’Ouest. D’ailleurs, à un moment donné, nous nous sommes demandé s’il ne fallait pas inverser ce schéma, étant donné que le déplacement du Président de la République exige des préparatifs plus poussés, plus lourds. Néanmoins, sur le terrain, nous avons envoyé des équipes composées de cadres locaux. Au niveau du secrétariat général chargé des départements de l’ouest, des missions ont été menées et le travail continue, surtout à l’occasion de l’identification. Nous sommes présents à l’ouest à travers les fédérations, les directions départementales de campagne. Le président du parti ne s’y est pas encore rendu parce que nous étions dans l’attente de la visite du Président de la République.
Avant même la visite du Président de la République, la région de l’ouest est polarisée sur l’affaire «feu général Robert Guéi». Avez-vous transmis un message à vos représentants sur cette question?
Nos cadres, originaires de cette région, les connaissent mieux ainsi que les préoccupations des populations par rapport à cette question. Ils sont mieux armés pour les apaiser. Dernièrement, le Président a envoyé une mission dans la région et qui a été un succès contrairement à ce qui a été annoncé par certains journaux. Aujourd’hui, je pourrais dire que les choses ont été aplanies et il n’y a véritablement pas de crispation au sujet de feu le général Guéi.
Au niveau du Cnrd qui regroupe plus de 28 structures, des tensions se font également jour entre le Fpi, le Rpp, l’Urd…. Comment comptez-vous gérer ces situations, pour éviter qu’elles desservent le candidat Laurent Gbagbo?
Là aussi, c’est le même problème. Il faut compter sur le sens de la responsabilité, la maturité politique des différents acteurs qui sont impliqués dans la campagne du Président. En ce qui nous concerne, nous sommes rassuré parce que nous sommes convaincu que tous les acteurs souhaitent la victoire du Président Gbagbo et comprennent que c’est dans notre intérêt qu’il gagne. A partir de ce moment, ces structures sont donc prêtes à faire tous les efforts pour aplanir les divergences avec les autres de manière à ce que nous puissions mettre de son côté toutes les chances de victoire. Nous avons conscience que c’est notre union qui lui assura la victoire et qu’il faut donc avoir la capacité de dominer les frustrations, les insatisfactions personnelles pour privilégier le travail en commun, la synergie. Après la victoire du Président, si nous devons aller aux compétitions locales ensemble, face à face ou côte à côte, ce sera un autre débat que nous pourrons mener plus sereinement. Mais au moins, cela pourra se faire en étant assuré que nous avons la victoire au niveau de la Présidentielle et que nous avons une bonne base pour mener cette deuxième phase du combat électoral.
Vos partenaires vous reprochent de vouloir diriger toutes les coordinations du Cnrd dans les régions. Qu’en est-il?
C’est une revendication légitime. Mais nous pouvons discuter et trouver un terrain d’entente. On ne peut vouloir que tout le monde se taise et que telle personne soit investie de façon arbitraire sans tenir compte des réalités locales. Nous le revendiquons, nous considérons que de toutes les organisations politiques et de toutes celles qui soutiennent le Président Gbagbo, nous sommes la mieux implantée du fait surtout de notre ancienneté. Même si nous ne sommes pas un vieux parti, par rapport à la mouvance présidentielle, nous étions la plus vieille organisation puisque nous sommes sur le terrain bien avant 1990 et particulièrement depuis 1990. Nous avons la plus grande expérience électorale voire politique parce le combat que nous avons mené dans la clandestinité, puis de 1990 à 2000, dans l’opposition, a forgé une armature au parti, une culture de lutte. Tout cela a beaucoup joué, d’abord dans la victoire du Président Gbagbo en 2000, mais aussi dans la résistance à la déstabilisation de 2002. Sur la base de tous ces éléments, nous considérons que naturellement, nous devrions assurer le leadership de la campagne dans les différentes régions. Nous pensons, en relation avec toutes les organisations, qu’il faut donner la place à elle qui peut ratisser large, qui a un réseau plus dense dans chaque département, qui a une expérience et qui est aussi l’émanation du Président Gbagbo. C’est quand même le Fpi qui est dépositaire de la pensée politique du Président Gbagbo, donc de son projet de société et de son programme électoral. Pour toutes ces raisons, nous pensons que si nous voulons être efficaces, il serait bien que nous mettions en avant les responsables locaux et même nationaux du Fpi.
Il est évident qu’à l’heure actuelle, il y a des régions où nous pouvons pas être leader au plan électoral. Dans ce cas, nous sommes prêts à mettre en avant les dirigeants des organisations qui disposent d’un électorat plus dense, d’une présence plus forte que le Fpi.
Quels sont vos points faibles par rapport au maillage du territoire national ?
Historiquement, nous avons particulièrement eu des difficultés dans le pays baoulé, qui constituait jusqu’à ces derniers temps, le bastion du Pdci. Pour des raisons évidentes de proximité avec les différents Présidents de la République jusqu’en 1999. Mais bien avant 1900, nous avons fait un travail patient de pénétration. Il a été accéléré depuis 2000, puis intensifié deux ans après. Nous avons pu bénéficier, depuis 2002, des errements du Pdci vis-à-vis de la rébellion en plus de l’engagement du Président Gbagbo en termes de développement dans ces régions. Ces deux éléments, mis ensemble, nous ont permis de faire de réelles percées dans le pays baoulé. Nous pouvons donc dire que nous revendiquons une présence effective partout. Reste maintenant les résultats électoraux qui vont évaluer le degré de pénétration.
Nous étions également présent dans le nord en 1990 et jusqu’en 1994. La naissance du Rdr nous a fait reculer, et les résultats électoraux de 2001 et 2002 montrent que nous avons été évincé au profit de ce parti. Je crois aussi que c’est une situation qui est en train de s’inverser avec tout ce qui s’est passé depuis septembre 2002. Les raisons, les conséquences sociales de la rébellion dans ces régions et que les populations imputent naturellement au parti auquel elles ont fait confiance et qui se retrouve pratiquement dans les thèses développées par cette dernière. Le nord ayant gravement souffert de cette situation, nous pensons qu’il y a un challenge à relever, et toutes les missions et actions que nous menons maintenant sont orientées vers sa reconquête. Je suis donc persuadé que nous avons fait des percées. Jusqu’à quel niveau allons-nous parvenir? Les élections nous situeront.
Vos adversaires politiques ont l’habitude de dire que le Chef de l’Etat et le Fpi ne veulent pas aller aux élections, raison pour laquelle ils usent du dilatoire. Comment percevez-vous ces accusations?
Oh! C’est un argument politicien. C’est une façon de nous neutraliser et de nous désarmer pour que nous ne nous prononcions pas sur les dérives et les insuffisances du processus de sortie de crise. Il ne faut donc pas se laisser complexer par l’accusation de ne pas vouloir aller aux élections. C’est une fausse accusation, un argument fallacieux, c’est une façon de vouloir complexer le Fpi de manière à ce qu’il reste silencieux, dans son coin, selon le souhait des autres partis politiques. Tout le monde sait que nous avons plus intérêt à ce qu’on aille aux élections parce que c’est à nous que la situation actuelle porte préjudice, puisque nous sommes du pouvoir. Dans l’opinion des Ivoiriens, c’est le Fpi qui a été élu en 2000 et c’est lui qui a des comptes à rendre à l’occasion des prochaines élections. Mais dans la réalité, le Fpi n’est pas au pouvoir et ne le gère pas puisque ce pouvoir est partagé et que le Fpi n’a que la portion congrue. Il n’a pas la direction du gouvernement, il subit un certain nombre de situations créées par le gouvernement. Le Fpi n’a pas la possibilité de mettre en œuvre son programme, nous sommes condamnés à soutenir un programme de sortie de crise. Nous n’avons pas été élus pour mener un programme de sortie de crise, mais pour refonder la Côte d’Ivoire, mettre en œuvre la décentralisation, créer l’Assurance maladie universelle et créer des emplois pour les jeunes. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas faire cela tout simplement parce que nous sommes dans une situation de crise, où nous sommes obligés de partager le pouvoir et de soutenir des gens qui ne partagent pas la même vision et le même projet que nous. Nous avons donc intérêt qu’il soit mis fin à cette situation, le plus rapidement possible. Et comme nous sommes convaincus que nous allons gagner les élections, nous allons pouvoir mettre en place un vrai gouvernement et conduire notre politique de refondation. Tous les efforts et les concessions que nous avons faits depuis Marcoussis jusqu’à ce jour ne visent qu’une seule chose, accélérer le processus de sortie de crise pour qu’on aille aux élections.
A titre personnel, après Marcoussis en 2003, si je me suis replié sur le parti au lieu de continuer à exercer une fonction gouvernementale ou administrative, c’est parce que j’avais compris qu’avec cette rébellion et la partition du pays, la mise en œuvre du programme de refondation était compromise. Et qu’il fallait considérer tout ce qui va se passer après Marcoussis comme une phase de transition vers la tenue de nouvelles élections. Il fallait donc se replier sur le parti pour déjà commencer à préparer les futures élections et fonder une nouvelle légitimité. Nous nous sommes dit que, de 2003, en nous disant, de 2003 à 2005, il faut rebâtir le parti, réinvestir le terrain et préparer les élections. Cela veut dire que nous sommes dans une logique d’élections dès l’ouverture des premiers moments de la transition par les différents accords de paix. Si nous n’avons pas posé d’obstacle particulier à la mise en place d’un gouvernement d’ouverture, de réconciliation nationale, de transition, c’est justement parce que nous pensions qu’il ne servait à rien de tergiverser et d’aller à la sortie de crise. Tout le monde disait qu’il n’y avait pas d’issue militaire : des forces étrangères lourdement armées étaient disposées sur le territoire. Au plan militaire, la situation était bloquée, l’issue d’un règlement militaire qui aurait pu être rapide n’était pas évidente. Je dirais même qu’elle était exclue. A partir de ce moment, il ne servait à rien de traîner, de faire du dilatoire. En plus, le Fpi est un parti des élections. Nous sommes arrivés au pouvoir par les élections ; nous nous y maintiendrons par les élections. Et nous ne pourrons partir que par les élections.
En novembre 2007, le Fpi a organisé un séminaire de réactualisation de son programme de gouvernement. A quand le document final et quelles en sont les innovations majeures?
Evidemment, nous avons l’obligation de terminer ces réflexions bien avant les élections. Parce que le programme électoral de notre candidat va s’appuyer largement sur la nouvelle vision que nous avons de la Côte d’Ivoire. J’espère que nous pourrons terminer tout cela d’ici à fin août/début septembre. Nous avons déjà fait deux séminaires ; il nous reste un important sur l’économie que nous n’avons pas encore organisé. Pour le moment, nous sommes en train de travailler sur la finalisation des documents issus des deux séminaires. Les recommandations, suggestions complémentaires qui ont été faites doivent être intégrées dans les réflexions par les responsables. Ainsi, après le séminaire sur l’économie, nous pourrons avoir un programme actualisé du Fpi pour la Côte d’Ivoire.
Dans le cadre de la coopération avec des partis frères, vous êtes souvent allé en Europe. Récemment, vous avez pris part au forum des partis progressistes. Que tirez-vous de cette mission?
Il faut retenir que le Fpi maintient et amplifie sa présence sur la scène internationale. Sa diplomatie à l’extérieur reste ainsi dynamique. Le Fpi continue de siéger dans les grands forums mondiaux, est connu et sollicité chaque fois qu’il y a des questions d’intérêt international qui sont en débat aussi bien en Europe, en Afrique qu’aux Etats-Unis. Notre parti maintient ses réseaux et les amplifie pour continuer à être une force politique africaine de réputation mondiale. Ça nous a aussi donné l’occasion de continuer la campagne de communication sur la situation en Côte d’Ivoire, aussi bien au niveau des parlementaires, des hommes d’Etat que des élus locaux. Et d’examiner avec certains partis frères comme le parti socialiste français, le parti communiste français, les Verts, de nouveaux axes de coopération pour renforcer nos relations et peut-être travailler ensemble aussi à enrichir la réflexion sur la mondialisation et sur l’avenir du monde.
La perception de la crise ivoirienne par l’extérieur a-t-elle évolué?
Oui ! Je crois que tous ceux qui ont été très critiques, très virulents vis-à-vis du régime du Front populaire ivoirien et le Président Laurent Gbagbo au plus fort de la crise, ont mis beaucoup d’eau dans leur vin. Nous avons rencontré nombre d’entre eux et même eu des échanges. Nous avons bien compris que les gens ont opéré un recul important par rapport à la vision qu’ils avaient de la crise ivoirienne et une meilleure compréhension des fondements de cette crise. C’était important de les rencontrer pour se faire cette opinion et apporter en plus quelques éclaircissements complémentaires pour que dans l’opinion internationale, on rompe avec tous les clichés, les préjugés qui ont alimenté les commentaires pendant longtemps au cours de cette crise.
Interview réalisée par Paulin N. Zobo
M. le président du Fpi, quel type de relations entretiennent les fédérations du Fpi et les directions départementales de campagne?
Je voudrais rappeler que les fédérations sont intégrées dans les directions de campagne pour plus d’éfficacité. Si le parti lui-même n’est pas bien organisé sur le terrain, bien implanté, ne dispose pas d’un réseau de sections, de bases, suffisamment fort. Et c’est justement pour cela d’ailleurs que les Ddc, dans certaines régions, se sont d’abord, impliqués dans l’installation du parti. Là où le parti n’a pas un maillage et ne contrôle pas l’ensemble du département, la première tâche du Ddc a été d’aider la fédération à installer, partout, des comités de base, des sections et à faire en sorte qu’on ait des réseaux. Parce que c’est sur ces réseaux que la Ddc peut s’appuyer pour mener sa campagne. C’est donc un travail complémentaire, mais pour le moment, nous mettons en avant la Ddc parce que nous sommes dans un contexte électoral. Demain, les fédérations vont retrouver la plénitude de leurs prérogatives. De toutes les façons, ce mécanisme n’est pas immuable. Il peut arriver que d’ici la sur-prochaine élection, un nouveau mécanisme soit mis en place qui tire profit du fait que le parti s’est maintenant bien implanté, dispose sur l’ensemble du territoire d’hommes et de femmes véritablement capables de cerner tout l’électorat de la fédération et qu’il n’est pas forcément utile de créer une structure englobante comme la Ddc.
Vous avez passé, l’année dernière, 45 jours dans le nord mais vous n’êtes pas encore allé à l’ouest. Le Chef de l’Etat a également reporté à plusieurs reprises sa tournée dans cette région. Que devons-nous comprendre?
Dans le schéma que nous avions élaboré avec le Chef de l’Etat, le parti faisait le ratissage. C’est-à-dire que le Président allait d’abord pour dégager les obstacles, faire le gros œuvre et après, le parti venait faire le travail de nivellement. Etant entendu que le voyage du Président a été plusieurs reporté du fait d’un certain nombre de choses, nous avons été, nous aussi, un peu retardé dans notre projet d’aller à l’Ouest. D’ailleurs, à un moment donné, nous nous sommes demandé s’il ne fallait pas inverser ce schéma, étant donné que le déplacement du Président de la République exige des préparatifs plus poussés, plus lourds. Néanmoins, sur le terrain, nous avons envoyé des équipes composées de cadres locaux. Au niveau du secrétariat général chargé des départements de l’ouest, des missions ont été menées et le travail continue, surtout à l’occasion de l’identification. Nous sommes présents à l’ouest à travers les fédérations, les directions départementales de campagne. Le président du parti ne s’y est pas encore rendu parce que nous étions dans l’attente de la visite du Président de la République.
Avant même la visite du Président de la République, la région de l’ouest est polarisée sur l’affaire «feu général Robert Guéi». Avez-vous transmis un message à vos représentants sur cette question?
Nos cadres, originaires de cette région, les connaissent mieux ainsi que les préoccupations des populations par rapport à cette question. Ils sont mieux armés pour les apaiser. Dernièrement, le Président a envoyé une mission dans la région et qui a été un succès contrairement à ce qui a été annoncé par certains journaux. Aujourd’hui, je pourrais dire que les choses ont été aplanies et il n’y a véritablement pas de crispation au sujet de feu le général Guéi.
Au niveau du Cnrd qui regroupe plus de 28 structures, des tensions se font également jour entre le Fpi, le Rpp, l’Urd…. Comment comptez-vous gérer ces situations, pour éviter qu’elles desservent le candidat Laurent Gbagbo?
Là aussi, c’est le même problème. Il faut compter sur le sens de la responsabilité, la maturité politique des différents acteurs qui sont impliqués dans la campagne du Président. En ce qui nous concerne, nous sommes rassuré parce que nous sommes convaincu que tous les acteurs souhaitent la victoire du Président Gbagbo et comprennent que c’est dans notre intérêt qu’il gagne. A partir de ce moment, ces structures sont donc prêtes à faire tous les efforts pour aplanir les divergences avec les autres de manière à ce que nous puissions mettre de son côté toutes les chances de victoire. Nous avons conscience que c’est notre union qui lui assura la victoire et qu’il faut donc avoir la capacité de dominer les frustrations, les insatisfactions personnelles pour privilégier le travail en commun, la synergie. Après la victoire du Président, si nous devons aller aux compétitions locales ensemble, face à face ou côte à côte, ce sera un autre débat que nous pourrons mener plus sereinement. Mais au moins, cela pourra se faire en étant assuré que nous avons la victoire au niveau de la Présidentielle et que nous avons une bonne base pour mener cette deuxième phase du combat électoral.
Vos partenaires vous reprochent de vouloir diriger toutes les coordinations du Cnrd dans les régions. Qu’en est-il?
C’est une revendication légitime. Mais nous pouvons discuter et trouver un terrain d’entente. On ne peut vouloir que tout le monde se taise et que telle personne soit investie de façon arbitraire sans tenir compte des réalités locales. Nous le revendiquons, nous considérons que de toutes les organisations politiques et de toutes celles qui soutiennent le Président Gbagbo, nous sommes la mieux implantée du fait surtout de notre ancienneté. Même si nous ne sommes pas un vieux parti, par rapport à la mouvance présidentielle, nous étions la plus vieille organisation puisque nous sommes sur le terrain bien avant 1990 et particulièrement depuis 1990. Nous avons la plus grande expérience électorale voire politique parce le combat que nous avons mené dans la clandestinité, puis de 1990 à 2000, dans l’opposition, a forgé une armature au parti, une culture de lutte. Tout cela a beaucoup joué, d’abord dans la victoire du Président Gbagbo en 2000, mais aussi dans la résistance à la déstabilisation de 2002. Sur la base de tous ces éléments, nous considérons que naturellement, nous devrions assurer le leadership de la campagne dans les différentes régions. Nous pensons, en relation avec toutes les organisations, qu’il faut donner la place à elle qui peut ratisser large, qui a un réseau plus dense dans chaque département, qui a une expérience et qui est aussi l’émanation du Président Gbagbo. C’est quand même le Fpi qui est dépositaire de la pensée politique du Président Gbagbo, donc de son projet de société et de son programme électoral. Pour toutes ces raisons, nous pensons que si nous voulons être efficaces, il serait bien que nous mettions en avant les responsables locaux et même nationaux du Fpi.
Il est évident qu’à l’heure actuelle, il y a des régions où nous pouvons pas être leader au plan électoral. Dans ce cas, nous sommes prêts à mettre en avant les dirigeants des organisations qui disposent d’un électorat plus dense, d’une présence plus forte que le Fpi.
Quels sont vos points faibles par rapport au maillage du territoire national ?
Historiquement, nous avons particulièrement eu des difficultés dans le pays baoulé, qui constituait jusqu’à ces derniers temps, le bastion du Pdci. Pour des raisons évidentes de proximité avec les différents Présidents de la République jusqu’en 1999. Mais bien avant 1900, nous avons fait un travail patient de pénétration. Il a été accéléré depuis 2000, puis intensifié deux ans après. Nous avons pu bénéficier, depuis 2002, des errements du Pdci vis-à-vis de la rébellion en plus de l’engagement du Président Gbagbo en termes de développement dans ces régions. Ces deux éléments, mis ensemble, nous ont permis de faire de réelles percées dans le pays baoulé. Nous pouvons donc dire que nous revendiquons une présence effective partout. Reste maintenant les résultats électoraux qui vont évaluer le degré de pénétration.
Nous étions également présent dans le nord en 1990 et jusqu’en 1994. La naissance du Rdr nous a fait reculer, et les résultats électoraux de 2001 et 2002 montrent que nous avons été évincé au profit de ce parti. Je crois aussi que c’est une situation qui est en train de s’inverser avec tout ce qui s’est passé depuis septembre 2002. Les raisons, les conséquences sociales de la rébellion dans ces régions et que les populations imputent naturellement au parti auquel elles ont fait confiance et qui se retrouve pratiquement dans les thèses développées par cette dernière. Le nord ayant gravement souffert de cette situation, nous pensons qu’il y a un challenge à relever, et toutes les missions et actions que nous menons maintenant sont orientées vers sa reconquête. Je suis donc persuadé que nous avons fait des percées. Jusqu’à quel niveau allons-nous parvenir? Les élections nous situeront.
Vos adversaires politiques ont l’habitude de dire que le Chef de l’Etat et le Fpi ne veulent pas aller aux élections, raison pour laquelle ils usent du dilatoire. Comment percevez-vous ces accusations?
Oh! C’est un argument politicien. C’est une façon de nous neutraliser et de nous désarmer pour que nous ne nous prononcions pas sur les dérives et les insuffisances du processus de sortie de crise. Il ne faut donc pas se laisser complexer par l’accusation de ne pas vouloir aller aux élections. C’est une fausse accusation, un argument fallacieux, c’est une façon de vouloir complexer le Fpi de manière à ce qu’il reste silencieux, dans son coin, selon le souhait des autres partis politiques. Tout le monde sait que nous avons plus intérêt à ce qu’on aille aux élections parce que c’est à nous que la situation actuelle porte préjudice, puisque nous sommes du pouvoir. Dans l’opinion des Ivoiriens, c’est le Fpi qui a été élu en 2000 et c’est lui qui a des comptes à rendre à l’occasion des prochaines élections. Mais dans la réalité, le Fpi n’est pas au pouvoir et ne le gère pas puisque ce pouvoir est partagé et que le Fpi n’a que la portion congrue. Il n’a pas la direction du gouvernement, il subit un certain nombre de situations créées par le gouvernement. Le Fpi n’a pas la possibilité de mettre en œuvre son programme, nous sommes condamnés à soutenir un programme de sortie de crise. Nous n’avons pas été élus pour mener un programme de sortie de crise, mais pour refonder la Côte d’Ivoire, mettre en œuvre la décentralisation, créer l’Assurance maladie universelle et créer des emplois pour les jeunes. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas faire cela tout simplement parce que nous sommes dans une situation de crise, où nous sommes obligés de partager le pouvoir et de soutenir des gens qui ne partagent pas la même vision et le même projet que nous. Nous avons donc intérêt qu’il soit mis fin à cette situation, le plus rapidement possible. Et comme nous sommes convaincus que nous allons gagner les élections, nous allons pouvoir mettre en place un vrai gouvernement et conduire notre politique de refondation. Tous les efforts et les concessions que nous avons faits depuis Marcoussis jusqu’à ce jour ne visent qu’une seule chose, accélérer le processus de sortie de crise pour qu’on aille aux élections.
A titre personnel, après Marcoussis en 2003, si je me suis replié sur le parti au lieu de continuer à exercer une fonction gouvernementale ou administrative, c’est parce que j’avais compris qu’avec cette rébellion et la partition du pays, la mise en œuvre du programme de refondation était compromise. Et qu’il fallait considérer tout ce qui va se passer après Marcoussis comme une phase de transition vers la tenue de nouvelles élections. Il fallait donc se replier sur le parti pour déjà commencer à préparer les futures élections et fonder une nouvelle légitimité. Nous nous sommes dit que, de 2003, en nous disant, de 2003 à 2005, il faut rebâtir le parti, réinvestir le terrain et préparer les élections. Cela veut dire que nous sommes dans une logique d’élections dès l’ouverture des premiers moments de la transition par les différents accords de paix. Si nous n’avons pas posé d’obstacle particulier à la mise en place d’un gouvernement d’ouverture, de réconciliation nationale, de transition, c’est justement parce que nous pensions qu’il ne servait à rien de tergiverser et d’aller à la sortie de crise. Tout le monde disait qu’il n’y avait pas d’issue militaire : des forces étrangères lourdement armées étaient disposées sur le territoire. Au plan militaire, la situation était bloquée, l’issue d’un règlement militaire qui aurait pu être rapide n’était pas évidente. Je dirais même qu’elle était exclue. A partir de ce moment, il ne servait à rien de traîner, de faire du dilatoire. En plus, le Fpi est un parti des élections. Nous sommes arrivés au pouvoir par les élections ; nous nous y maintiendrons par les élections. Et nous ne pourrons partir que par les élections.
En novembre 2007, le Fpi a organisé un séminaire de réactualisation de son programme de gouvernement. A quand le document final et quelles en sont les innovations majeures?
Evidemment, nous avons l’obligation de terminer ces réflexions bien avant les élections. Parce que le programme électoral de notre candidat va s’appuyer largement sur la nouvelle vision que nous avons de la Côte d’Ivoire. J’espère que nous pourrons terminer tout cela d’ici à fin août/début septembre. Nous avons déjà fait deux séminaires ; il nous reste un important sur l’économie que nous n’avons pas encore organisé. Pour le moment, nous sommes en train de travailler sur la finalisation des documents issus des deux séminaires. Les recommandations, suggestions complémentaires qui ont été faites doivent être intégrées dans les réflexions par les responsables. Ainsi, après le séminaire sur l’économie, nous pourrons avoir un programme actualisé du Fpi pour la Côte d’Ivoire.
Dans le cadre de la coopération avec des partis frères, vous êtes souvent allé en Europe. Récemment, vous avez pris part au forum des partis progressistes. Que tirez-vous de cette mission?
Il faut retenir que le Fpi maintient et amplifie sa présence sur la scène internationale. Sa diplomatie à l’extérieur reste ainsi dynamique. Le Fpi continue de siéger dans les grands forums mondiaux, est connu et sollicité chaque fois qu’il y a des questions d’intérêt international qui sont en débat aussi bien en Europe, en Afrique qu’aux Etats-Unis. Notre parti maintient ses réseaux et les amplifie pour continuer à être une force politique africaine de réputation mondiale. Ça nous a aussi donné l’occasion de continuer la campagne de communication sur la situation en Côte d’Ivoire, aussi bien au niveau des parlementaires, des hommes d’Etat que des élus locaux. Et d’examiner avec certains partis frères comme le parti socialiste français, le parti communiste français, les Verts, de nouveaux axes de coopération pour renforcer nos relations et peut-être travailler ensemble aussi à enrichir la réflexion sur la mondialisation et sur l’avenir du monde.
La perception de la crise ivoirienne par l’extérieur a-t-elle évolué?
Oui ! Je crois que tous ceux qui ont été très critiques, très virulents vis-à-vis du régime du Front populaire ivoirien et le Président Laurent Gbagbo au plus fort de la crise, ont mis beaucoup d’eau dans leur vin. Nous avons rencontré nombre d’entre eux et même eu des échanges. Nous avons bien compris que les gens ont opéré un recul important par rapport à la vision qu’ils avaient de la crise ivoirienne et une meilleure compréhension des fondements de cette crise. C’était important de les rencontrer pour se faire cette opinion et apporter en plus quelques éclaircissements complémentaires pour que dans l’opinion internationale, on rompe avec tous les clichés, les préjugés qui ont alimenté les commentaires pendant longtemps au cours de cette crise.
Interview réalisée par Paulin N. Zobo