Au-delà des échanges entre autorités et syndicats et de l'ambiance festive qui marqueront le 1er mai, de nombreux travailleurs marqués par les difficultés sociales et pris dans la tenaille des petits emplois, vivront cette commémoration de la “victoire syndicale de Chicago” comme des forçats et des oubliés pour compte.
Ils sont apprentis couturiers, apprentis de gbakas, mécaniciens, cireurs de chaussures, etc. Bien que souvent plus dévoués et plus occupés que leurs ainés, ils sont très peu cités lors de la Fête du travail. Le 1er mai ne les connait pas, eux non plus ne connaissent pas cette Journée historique de la “victoire syndicale de Chicago”. Au Plateau Dokui, ce mercredi matin, le jeune Ange au sourire angélique, court entre les carcasses de voitures pour aider ses patrons. Malgré ses 14 ans il a la taille d'un gamin de 10 ans. Ange est apprenti mécanicien depuis plus d'un an. Il n'a qu'un jour de repos dans la semaine : le dimanche. Pas question pour lui de rester à la maison en dehors de ce seul jour, sauf en cas de maladie. « Nous travaillons même les jours fériés », révèle-t-il. Il pourrait donc travailler le 1er mai. Il n'a jamais célébré la Fête du travail. Du patron jusqu'aux apprentis tout le monde, dans ce garage, est à pied d'œuvre six jours sur sept. La Fête du travail, c'est pour les fonctionnaires », estime le petit. Tout comme lui, la plupart des travailleurs de son âge ignorent le sens de cette fête. Liés à leurs patrons par la rigueur de la tâche, ils travaillent au même rythme que ces derniers. A Abobo ''Bromalah'', Mory B, 10 ans, est apprenti couturier depuis deux ans. Il n'avait que 8 ans quand il a débuté. N'ayant pas les moyens de le scolariser, ses parents lui ont proposé la voie du secteur informel. Tout comme son frère ainé qui est mécanicien. Tous les jours, il arrive de bonne heure au boulot pour balayer l'atelier et faire les petites commissions de son patron. Pour le moment, il se limite à observer le déroulement du travail. Théoriquement, il sait, dit-il, comment coudre un pantalon. Pour la pratique, rendez-vous dans quelques années. Son chef ne lui donne pas encore ce privilège. « Je mets les boutons sur les chemises, je repasse souvent les habits déjà cousus, et je fais les commissions de mon patron », précise-t-il. Il ne manque pas de prendre des coupes en cas de maladresse ou d'indolence. Son salaire, ce sont les piécettes qui lui sont remises pour ses repas. La Fête du travail n'a jamais existé pour lui, puisqu'il ne la connait pas. Il sait par contre qu'il existe des jours fériés, même si son patron n'en tient pas compte. « Nous travaillons même le 31 décembre », tranche le garçon. Pour lui, ce n'est pas le 1er mai qui arrêtera le boulot dans cet atelier. Après avoir écouté nos explications sur le sens de cette journée, le garçon a estimé qu'un répit leur devait être accordé ce jour de grande victoire historique dans la lutte sociale pour se détendre. Ladji M., apprenti menuisier à Adjamé 220 logements connait la Fête du travail de nom. Il a 13 ans et a arrêté l'école en classe de Ce2. Son patron qui a un niveau plus élevé connaît bien la fête des travailleurs, mais il a expliqué à ses employés qu'elle ne les concerne pas. Un jour de repos pour ce dernier équivaut à de l'argent jeté par la fenêtre. « L'Etat paye les jours fériés, alors que les artisans n'ont pas cet avantage », souligne patron. Selon lui, habituer les « enfants » aux jours fériés, équivaut à les rendre fainéants. Parmi les enfants travailleurs beaucoup mènent leurs activités à leur propre compte. Au rond point de la gare d'Abobo, il n'y a pas meilleur spectacle que celui offert par ces dizaines de petits cireurs de chaussures dont l'âge varie entre 8 et 17 ans.
''On ne nous considère pas comme des travailleurs''
Ils arrivent sur ce site tous les jours de la semaine, très tôt, pour proposer leurs services aux passants : laver cirer ou réparer les chaussures. Parmi eux, Seydou, 10 ans. Il est élève au collège Djessou de PK 18. Il travaille le mercredi, samedi et dimanche. Ces jours-là, il n'a pas cours. Au lieu de reviser ses leçons il vient se « chercher.» A la fin de la journée, il peut rentrer avec 1.500 Fcfa. Déjà à son âge, il a une philosophie bien particulière du repos du 1er mai. « Mes parents ne me donnent pas d'argent de poche. Je suis obligé de consacrer les jours sans classe à cette activité lucrative », explique-t-il. Ce sera sa façon de fêter le 1er mai. C'est pareil pour d'autres nombreux gamins qui l'entourent. « Vieux père, laver, cirer ! », scandent-ils. Quelques passants s'arrêtent pour se faire briller les pompes. Chaka, 9 ans, est dans cette activité grâce à son frère commerçant au marché d'Abobo. Il n'est pas allé à l'école parce que ses parents n'en ont pas eu les moyens. « C'est mon grand frère qui a payé le cirage pour moi », affirme-t-il. Chaque jour, il lui rapporte sa recette pour la garder soigneusement dans une caisse. Cet argent servira, dit-il, à lui payer son voyage pour le Maroc, où il souhaite rejoindre sa tante. Il travaille donc sans relâche pour remplir sa caisse. Son frère, dit-il, ne lui a jamais conseillé de repos les jours fériés. Le garçon murmure qu'il aimerait bien se reposer s'il le pouvait », se plaint Hamed, un autre cireur. Pour Fofana Béko, chauffeur de gbaka, les patrons ne doivent pas être accusés si ces garçons ne se reposent pas le jour de la « prise d'une bataille », mais, le système. « Mon apprenti est en jambe chaque fois que je travaille. Et puisqu'il n'y a pas de jour de repos dans notre travail, il travaille tant que c'est sont tour », explique-t-il. Certains mini cars ont deux apprentis qui fonctionnent par alternance. Cependant personne n'aime se reposer car le gain est quotidien. Il faudrait peut-être que l'on mette en place un programme pour prendre en compte le secteur informel dans la célébration de la Fête du travail. Outre les garçons, il y a également des gamines travailleuses. Dans les gares routières, on les retrouve dans la vente de « kleenex ». Leur âge varie entre 8 et 18 ans. Elles exercent pour des structures commerciales qui les payent par commission. Soucieuses de se faire le plus d'argent possible, elles n'ont pas de jour libre. Les fériés, disent-elles, ne sont pas des jours de repos pour elles. Fatou, 9 ans, n'a jamais su ce qu'est la Fête du travail. Elle travaille sous injonction de ses employeurs qui n'accepteront pas, selon elle, qu'elle se repose ce « jour de férié mondial”. Il faut qu'elle soit malade pour avoir une excuse valable. Le plus souvent, trop jeunes pour travailler, ces agents économiques sont surexploités au mépris des lois sur la protection des enfants. Le 1er mai, jour par excellence des revendications sociales serait l'occasion appropriée pour se pencher sur leur cas.
Raphaël Tanoh
Ils sont apprentis couturiers, apprentis de gbakas, mécaniciens, cireurs de chaussures, etc. Bien que souvent plus dévoués et plus occupés que leurs ainés, ils sont très peu cités lors de la Fête du travail. Le 1er mai ne les connait pas, eux non plus ne connaissent pas cette Journée historique de la “victoire syndicale de Chicago”. Au Plateau Dokui, ce mercredi matin, le jeune Ange au sourire angélique, court entre les carcasses de voitures pour aider ses patrons. Malgré ses 14 ans il a la taille d'un gamin de 10 ans. Ange est apprenti mécanicien depuis plus d'un an. Il n'a qu'un jour de repos dans la semaine : le dimanche. Pas question pour lui de rester à la maison en dehors de ce seul jour, sauf en cas de maladie. « Nous travaillons même les jours fériés », révèle-t-il. Il pourrait donc travailler le 1er mai. Il n'a jamais célébré la Fête du travail. Du patron jusqu'aux apprentis tout le monde, dans ce garage, est à pied d'œuvre six jours sur sept. La Fête du travail, c'est pour les fonctionnaires », estime le petit. Tout comme lui, la plupart des travailleurs de son âge ignorent le sens de cette fête. Liés à leurs patrons par la rigueur de la tâche, ils travaillent au même rythme que ces derniers. A Abobo ''Bromalah'', Mory B, 10 ans, est apprenti couturier depuis deux ans. Il n'avait que 8 ans quand il a débuté. N'ayant pas les moyens de le scolariser, ses parents lui ont proposé la voie du secteur informel. Tout comme son frère ainé qui est mécanicien. Tous les jours, il arrive de bonne heure au boulot pour balayer l'atelier et faire les petites commissions de son patron. Pour le moment, il se limite à observer le déroulement du travail. Théoriquement, il sait, dit-il, comment coudre un pantalon. Pour la pratique, rendez-vous dans quelques années. Son chef ne lui donne pas encore ce privilège. « Je mets les boutons sur les chemises, je repasse souvent les habits déjà cousus, et je fais les commissions de mon patron », précise-t-il. Il ne manque pas de prendre des coupes en cas de maladresse ou d'indolence. Son salaire, ce sont les piécettes qui lui sont remises pour ses repas. La Fête du travail n'a jamais existé pour lui, puisqu'il ne la connait pas. Il sait par contre qu'il existe des jours fériés, même si son patron n'en tient pas compte. « Nous travaillons même le 31 décembre », tranche le garçon. Pour lui, ce n'est pas le 1er mai qui arrêtera le boulot dans cet atelier. Après avoir écouté nos explications sur le sens de cette journée, le garçon a estimé qu'un répit leur devait être accordé ce jour de grande victoire historique dans la lutte sociale pour se détendre. Ladji M., apprenti menuisier à Adjamé 220 logements connait la Fête du travail de nom. Il a 13 ans et a arrêté l'école en classe de Ce2. Son patron qui a un niveau plus élevé connaît bien la fête des travailleurs, mais il a expliqué à ses employés qu'elle ne les concerne pas. Un jour de repos pour ce dernier équivaut à de l'argent jeté par la fenêtre. « L'Etat paye les jours fériés, alors que les artisans n'ont pas cet avantage », souligne patron. Selon lui, habituer les « enfants » aux jours fériés, équivaut à les rendre fainéants. Parmi les enfants travailleurs beaucoup mènent leurs activités à leur propre compte. Au rond point de la gare d'Abobo, il n'y a pas meilleur spectacle que celui offert par ces dizaines de petits cireurs de chaussures dont l'âge varie entre 8 et 17 ans.
''On ne nous considère pas comme des travailleurs''
Ils arrivent sur ce site tous les jours de la semaine, très tôt, pour proposer leurs services aux passants : laver cirer ou réparer les chaussures. Parmi eux, Seydou, 10 ans. Il est élève au collège Djessou de PK 18. Il travaille le mercredi, samedi et dimanche. Ces jours-là, il n'a pas cours. Au lieu de reviser ses leçons il vient se « chercher.» A la fin de la journée, il peut rentrer avec 1.500 Fcfa. Déjà à son âge, il a une philosophie bien particulière du repos du 1er mai. « Mes parents ne me donnent pas d'argent de poche. Je suis obligé de consacrer les jours sans classe à cette activité lucrative », explique-t-il. Ce sera sa façon de fêter le 1er mai. C'est pareil pour d'autres nombreux gamins qui l'entourent. « Vieux père, laver, cirer ! », scandent-ils. Quelques passants s'arrêtent pour se faire briller les pompes. Chaka, 9 ans, est dans cette activité grâce à son frère commerçant au marché d'Abobo. Il n'est pas allé à l'école parce que ses parents n'en ont pas eu les moyens. « C'est mon grand frère qui a payé le cirage pour moi », affirme-t-il. Chaque jour, il lui rapporte sa recette pour la garder soigneusement dans une caisse. Cet argent servira, dit-il, à lui payer son voyage pour le Maroc, où il souhaite rejoindre sa tante. Il travaille donc sans relâche pour remplir sa caisse. Son frère, dit-il, ne lui a jamais conseillé de repos les jours fériés. Le garçon murmure qu'il aimerait bien se reposer s'il le pouvait », se plaint Hamed, un autre cireur. Pour Fofana Béko, chauffeur de gbaka, les patrons ne doivent pas être accusés si ces garçons ne se reposent pas le jour de la « prise d'une bataille », mais, le système. « Mon apprenti est en jambe chaque fois que je travaille. Et puisqu'il n'y a pas de jour de repos dans notre travail, il travaille tant que c'est sont tour », explique-t-il. Certains mini cars ont deux apprentis qui fonctionnent par alternance. Cependant personne n'aime se reposer car le gain est quotidien. Il faudrait peut-être que l'on mette en place un programme pour prendre en compte le secteur informel dans la célébration de la Fête du travail. Outre les garçons, il y a également des gamines travailleuses. Dans les gares routières, on les retrouve dans la vente de « kleenex ». Leur âge varie entre 8 et 18 ans. Elles exercent pour des structures commerciales qui les payent par commission. Soucieuses de se faire le plus d'argent possible, elles n'ont pas de jour libre. Les fériés, disent-elles, ne sont pas des jours de repos pour elles. Fatou, 9 ans, n'a jamais su ce qu'est la Fête du travail. Elle travaille sous injonction de ses employeurs qui n'accepteront pas, selon elle, qu'elle se repose ce « jour de férié mondial”. Il faut qu'elle soit malade pour avoir une excuse valable. Le plus souvent, trop jeunes pour travailler, ces agents économiques sont surexploités au mépris des lois sur la protection des enfants. Le 1er mai, jour par excellence des revendications sociales serait l'occasion appropriée pour se pencher sur leur cas.
Raphaël Tanoh