Campagne électorale : Ouattara dribble Bédié

Deux candidats, deux styles. Lors du lancement de sa campagne samedi, le président du Rassemblement des républicains a choisi de se distinguer de son allié du Parti démocratique de Côte d'Ivoire. A raison.

Il ne fallait surtout pas marcher dans les pas de Henri Konan Bédié. Visiblement, Alassane Ouattara a réussi un exercice qui paraissait périlleux. Tournée après tournée, meeting après meeting, le candidat du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (Pdci) s'est attelé à être le principal pourfendeur du parti au pouvoir et de son candidat. De la région des Lagunes au Zanzan, en passant par celles des Lacs, la Vallée du Bandama, le Sud-Comoé et le Moyen-Comoé, l'ancien chef de l'Etat s'est progressivement bâti un discours acerbe contre Laurent Gbagbo et son parti. Un discours qui se veut d'opposant pur et dur. Difficile de faire plus. Et comme pour bien marquer ce territoire, dans sa parution du week-end, le Nouveau Réveil, journal proche du Pdci, a pris le soin de donner des extraits saignants de ses discours tenus lors d'une récente tournée dans le Moyen-Comoé et le Zanzan. Extraits : « Décennie sanglante », « Sangsues qui boivent le sang des Ivoiriens », « Débarrasser la Côte d'Ivoire des refondateurs et les faire passer devant le Tribunal pénal international ou la Cour internationale de justice pour qu'ils payent pour les crimes qu'ils ont commis », « Regardons ces socialistes manger comme des gloutons », etc. Tomber dans l'escalade des mots, aurait sans doute signifié pour Alassane Ouattara marcher dans les pieds de Henri Konan Bédié et, surtout danser sur le tempo défini par ce dernier. Le marketing recommandant de différencier un produit pour mieux le vendre, le candidat du Rdr s'est fait plus policé. Adoptant volontiers une posture rassurante, surtout qu'il officiait dans le fief présumé du Fpi. D'où l'importance pour lui de se présenter, dès le début de son discours : un homme comme tout le monde, qui a une vie normale, au-delà des clichés véhiculés sur son compte depuis 1993. Certes, il critique. Mais, il veut surtout montrer ce qu'il propose, convaincre qu'il a des « solutions ». A Yopougon, le candidat des républicains s'est offert un bain orange. Cette fois, il a vraiment lancé sa campagne. Car, le 11 mai à Abobo, Alassane Ouattara avait aussi lancé sa campagne.

En campagne toute !

« J'ai dit que je commencerai mes tournées quand nous saurons la date des élections. Et comme nous savons que nous sommes à 6 mois des élections, je commencerai ma campagne à Abobo. Donc à partir de maintenant, nous sommes en campagne. La campagne a commencé. Et nous lançons cette campagne à partir d'Abobo », avait-il lâché, un peu à la surprise générale, lors de l'inauguration de son QG de campagne dans la commune du maire Tounkara Adama. A peine l'effet de surprise passé, que le candidat du Rdr invite l'opinion à le suivre au marché d'Adjamé, le 15 avril. Pour une campagne de proximité, difficile de trouver mieux. A l'évidence, Alassane Ouattara voulait aller vite. Rien à voir avec le candidat qui attendait sereinement de se lancer dans la course au fauteuil, à deux ou trois mois de l'échéance.

Cette année, le premier tour est, il est vrai, plus à portée de main qu'en 2008. Mais, il ne faut surtout pas négliger le fait que les adversaires n'ont pas attendu pour parcourir le pays dans tous les sens, multipliant le contact avec les électeurs.

Trop attendre risquait donc de pénaliser celui qui ne demande qu'un mandat de 5 ans. Car, comme dans le système des vases communicants, la sympathie de la population va plutôt à celui qui est présent à ses côtés, qu'elle voit de près et qui la sent. D'où, l'urgence pour l'ancien Directeur général-adjoint du Fonds monétaire international (Fmi) de descendre dans la vallée.


Kesy B. Jacob