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Région Publié le lundi 29 juin 2009 | Notre Voie

Pr. Urbain Amoa, promoteur du Festival de la route des reines et des rois (Festi-Rois) : “Les rois et chefs africains sont pris très au sérieux, leur avis compte”

Notre Voie : L’édition 2008 du Festival de la route des reines et des rois a connu une innovation de taille. Une caravane est partie d’Abidjan jusqu’à Bouna ? Quelle motivation et quel bilan ?
Urbain Amoa : Les éditions du Festival de la routes des reines et des rois, précédant celle de l’année dernière nous ont conduits à Grand-Bassam et à Tiassalé. Par la suite, nous nous sommes orientés vers la formule caravane, avec l’édition de l’année dernière. Cette nouvelle formule de caravane est partie d’Abidjan à Bouna, l’an passé. Nous avons opté pour cette approche, parce que notre ambition a toujours été d’interroger en peu de temps et en peu d’espace, le maximum de civilisations, de pratiques de la chefferie et de la royauté. C’est très couteux de déplacer un roi ou un chef, à plus forte raison, plusieurs. Dans sa suite, il y a deux ou trois personnes. Nous avons donc estimé qu’il était bon qu’on porte le festival en leur lieu de résidence. Et en même temps, découvrir leur cadre de vie et leur mode d’intervention. Notamment dans les rituels d’accueil qu’on appelle les nouvelles. Cela nous a permis d’avoir une bonne base de données. Etant donné qu’à chaque étape, nous avons eu des expositions de pièces antiques, des danses et diverses autres réalités. Cette nouvelle expérience de festival itinérante a été dense et très riche. Enfin de compte, faire en sorte de souder la nation ivoirienne à travers une manifestation culturelle de grande envergure, telle était une de nos nobles ambitions. Bilan positif et surtout bonne perspective. Donc action à renouveler.

N.V. : Quelle a été la réaction des populations dans les localités que la caravane a sillonnées ?
U.A.: Il y a eu une totale adhésion. D’abord, au niveau des rois et chefs. Mais en plus de ces têtes couronnées locales, plusieurs autres sont venus des pays comme le Cameroun, le Togo, le Bénin… Ensuite, au niveau de la jeunesse, il y a eu la présence massive des scouts, des étudiants venus du Ghana et du Nigeria. On a par ailleurs enregistré la sortie massive des populations, des danses traditionnelles et de toutes les communautés des villes traversées par la caravane.

N.V. : Naturellement donc, la 7e édition remet le couvert de la formule caravane. Mais elle prend un autre itinéraire qui part d’Abidjan à Kong. Pourquoi le choix de cette destination ?
U.A. : L’année passée, le festival était sur la route de l’Est. Cette année nous sommes sur la route du nord. L’année prochaine, ce sera la route de l’ouest. Maintenant, nous allons d’Abidjan à Kong en passant par Songon, Dabou, Toumodi… Pourquoi le nord et principalement Kong ? Au plus fort de la crise ivoirienne, l’une de nos ambitions, c’était et c’est toujours de faire de ce festival, un instrument au service de la paix. Donc, notre objectif, c’était de pouvoir traverser les villes de l’autre côté du pays. Chose pas du tout facile. Autrement, nous serions au nord dès les premiers moments. En ce qui concerne Kong, c’est une ville universitaire de haut niveau de connaissances. C’est donc un symbole pour la royauté. C’est encore un symbole de ville historique et de la connaissance... Pour y aller et la célébrer, on a jugé utile de partir d’autres localités qui ne restent pas moins des symboles : Songon, Dabou, Sikensi… Dans ces localités-là, nous aurons à interroger les civilisations Ebrié, Adioukrou, Abidji … A chacune de ces étapes, on va susciter la pose de première pierre des cours ou des palais royaux, sièges de la chefferie. L’année passée, certains chefs nous ont accueillis dans leurs domiciles. Mais d’autres l’ont fait sur la place publique. Or, l’accueil sur la place publique ne rend pas à la royauté toute sa puissance. Raison pour laquelle nous suscitons ces poses de premières pierres pour qu’au finish, toutes les cérémonies liées à la chefferie se passent là. La caravane de la 7e édition du Festi-Rois prend aussi en compte tout ce qui été fait l’année dernière : expositions de pièces antiques, danses traditionnelles, démonstration de puissances mystiques…

N.V. : Le parrain de la présente édition, c’est M. Allassane Dramane Ouattara, président du RDR. Ce choix n’est-il pas un signe de politisation d’un événement culturel ?
U.A. : Dès qu’un citoyen ivoirien s’engage à soutenir un tel événement, nous ne pouvons que saluer son initiative. Depuis le début de cet événement, on a toujours écrit à la présidence de la République. Jamais on n’a eu d’appui… sauf ceux des conseils généraux comme Tiassalé, des structures comme le PSIC. Mais on n’a jamais été reçu en tant que tel pour parler de ce festival qui devient aujourd’hui mondial. Pour la présente édition, des dispositions ont été prises en vue de rencontrer M. Bédié, président du PDCI. Sa réaction : “Ecrivez-nous”. En rencontrant Dr. Allasane Ouattara (c’est la première fois), il a été tout de suite enthousiasmé et a fait suivre le dossier par Mme Henriette Diabaté, imprégnée des questions de la culture. Je vous assure que tant avec M. Allassane qu’avec Mme Diabaté, l’accueil a été favorable. Je suis loin de calculer les questions politiques. Je suis un universitaire. Et en tant que tel, je dispose de ma liberté intellectuelle. Je crois qu’il faut faire la part des choses. Il s’agit ici du docteur Allassane Ouattara en tant que citoyen. Il ne s’agit pas de l’homme politique. Je suis tranquille dans l’esprit parce qu’on n’a pas d’inquiétudes particulières. D’ailleurs, nous le félicitons d’avoir compris ce que les autres n’ont pas encore compris.

N.V. : N’avez-vous pas peur que l’événement soit récupéré politiquement ou qu’il glisse subtilement sur le terrain politique ?
U.A. : Je crois qu’il faut être à l’aise. Le festival pourrait être récupéré syndicalement alors ! L’une des choses qui doit nous habiter, c’est d’être objectif. Un monsieur, un chef de parti, un intellectuel décide honnêtement de parrainer un événement. Pourquoi voulez-vous que nous ayons des appréhensions ? C’est un homme comme tout autre. Nous n’avons aucune gêne. Parce que la vision que nous avons demeure et reste profondément culturelle…

N.V. : On pourrait vous taxer d’allassaniste ?
U.A. : Si vous voulez que je sois allassaniste, d’autres le sont qui n’en sont pas morts ! Je suis un homme libre. Le jour que je déciderai d’être allassaniste, ou membre du RDR, je le dirai ouvertement et publiquement. Je ne m’en cacherai pas ! Pour l’heure, je suis au Festival de la route des reines et des rois, une création de l’Université Charles Louis de... Montesquieu qui prend une destination sur Kong, ville d’origine de Dr Allassane Ouattara. Il donne son appui à un projet de ce type, je l’encourage et le félicite.

N.V. : En fin de compte, dans quel rôle vous sentez-vous le mieux ? Le politique ou le culturel ?
U.A. : Je suis fondamentalement universitaire, culturel, mais si je me rends compte que le politique ne fait pas triompher la vision que j’ai, et si je m’en donne les moyens, alors, je deviens politique. C’est l’Afrique qui dit “quand le rythme du tam-tam change, il faut changer le pas de danse”. Pour l’heure, pour l’opération Kong, je me voudrais essentiellement universitaire et culturel.

N.V. : De plus en plus, votre éventuelle candidature aux élections présidentielles fait grand bruit. Seriez-vous candidat aux élections de novembre 2009?
U.A. : J’ai été président de la Fédération des mouvements de jeunesse de Côte d’Ivoire. J’ai été président de l’Association des professeurs de français d’Afrique. J’ai été vice-président de l’Association mondiale des professeurs de français. Je suis aujourd’hui fondateur et recteur d’université. A chaque étape de ma vie, quand j’ai pris des engagements, je les ai annoncés. Ne vous en faites pas, si la société nous offre les personnes qu’il faut pour la diriger, sans que nous soyons tous obligés d’être sur le terrain politique, je n’y serai pas. Mais si la société tout entière estime qu’il y a une sorte d’otage orchestrée par deux, trois ou quatre personnes, alors le moment venu, je me déterminerai. Je lis avec beaucoup d’attention tous les commentaires faits autour de mon éventuelle candidature à la présidence. Dieu en décidera !

N.V. : Revenons sur le terrain culturel. La 7e édition du Festi-rois prend la route du nord. Que se passera-t-il sur le parcours ?
U.A. : Cette année, la route du Festival part du sud au nord en passant par le centre. A Yamoussoukro, l’une de nos ambitions, c’est de faire le parcours “Houphouët Boigny, chef de village, chef de canton et président de la République”. Comment a-t-il concilié tout cela ? Qu’est-ce qui a prédominé en certaines circonstances ? A Sakassou, nous irons à Ndranouan, pour voir les reliques de la reine Abra Pokou, ancêtre du peuple Baoulé. A Kong, nous célébrerons la fête de l’indépendance. Là, nous aurons un colloque sur le thème : “Du village sénoufo à l’univers dioula. De l’apogée au déclin de Kong”.

N.V. : Vous êtes adepte de la revalorisation de la royauté et de la chefferie traditionnelle. Quelle est aujourd’hui l’état de vos recher-ches ? Ne pensez-vous pas que vous prêchez dans le désert ?
U.A. : Autant les chefs et les rois étaient banalisés et utilisés comme garniture, il y a quelque temps, autant à toutes les grandes rencontres d’aujourd’hui, les rois et chefs sont pris en compte. Actuellement, ils sont pris très au sérieux. Leur avis commence à compter. Bien évidemment, à l’intérieur, il y a encore quelques petits réglages à faire. Mais la satisfaction, c’est qu’ici comme ailleurs, les rois commencent à être bien écoutés. C’est justement là où le politique intervient. Depuis que l’actuel président de l’Union africaine, Kadhafi, a commencé à s’intéresser à la chefferie, le regard de bon nombre de personnes commence à changer positivement. Je suis convaincu qu’il suffit qu’un Etat se donne les moyens pour installer une Chambre des rois et des chefs traditionnels pour que nous allions jusqu’à l’Union africaine avec la Chambre africaine des rois.

N.V. : Mais il reste qu’en Côte d’Ivoire, la chefferie est régie par un texte colonial qui date de 1934. C’est Paradoxal ?
U.A. : Un texte de 1934 n’est pas un vieux texte. Il est du XXe siècle quand même ! Ce n’est pas le fait qu’il date de 1934 qui pose problème. La loi 60-315 de 1960 qui régit les associations ivoiriennes, prend son fondement dans la loi de 1901 en France. C’est plutôt le contenu du texte de 1934 qui est en cause. Dans ce texte, les rois et chefs sont perçus comme des auxiliaires de l’administration. En réalité, ils sont des délégataires d’une partie de l’administration. Ce qui est attendu en fait, c’est une révision valorisante du texte. Ce qui veut dire que ce n’est pas son ancienneté qui importe. Mais le fond. Il faut donc amener les rois et chefs à comprendre que le fait que ce soit un vieux texte n’est pas un argument scientifique. C’est son contenu qui est à revisiter. De façon à pouvoir introduire des arguments valorisants pour l’actualiser. En lançant le festival, l’idée est de mettre à la disposition du législateur beaucoup de textes pour qu’il puisse s’en inspirer pour légiférer. Ainsi, nous aurons à produire une encyclopédie des royaumes d’Afrique en dix tomes, un dictionnaire onomastique des rois et chefs. Autant de données que nous allons mettre à la disposition du collège universitaire pour que le sociologue, le littéraire, le juriste puisse en disposer comme matière première scientifique sur lequel il pourra travailler.

N.V. : La 7e édition du festival est dans sa phase préparatoire. Quelles sont vos attentes ?
U.A. : Cette fois-ci je crie haut et fort. J’ai besoin de moyens pour réaliser ce festival... Annonceurs, collectivités décentralisées (mairies, conseils généraux), chercheurs d’Afrique, tous ceux qui disposent de petits moyens, aidez-nous à réussir cette édition. Cadres, enfants, tout le monde, vous devez venir à ce festival pour vous imprégner des valeurs africaines, notre âme.

Réalisée à Abidjan par Sérikpa Benson
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