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Politique Publié le jeudi 30 juillet 2009 |

Interview / Francis Wodié à propos des routes : "Tout paraît à l’abandon... Au PIT, nous avons un programme"

Acturoutes.info - Le président du Parti ivoirien des travailleurs (PIT) dénonce l’état des routes qu’il juge anormal. A Acturoutes.info, Francis Wodié confie que « la dégradation des routes est le signe de la dégradation du pays lui-même ». En se portant candidat à la présidence de la république de Côte d’Ivoire, M. Wodié veut donc montrer qu’« il y a quelque chose à faire » pour les routes. Mais au PIT, « les routes s’insèrent dans le programme général des communications », précise-t-il. Interview exclusive.


Professeur Francis Wodié, vous êtes homme politique, juriste et constitutionnaliste de renommée internationale, et vous êtes candidat à la prochaine élection présidentielle. Les routes occupent-elles une place dans ce que vous voulez faire pour la Côte d’Ivoire ?

Bien sûr. Les routes sont un facteur d’aménagement du territoire…Un facteur de la construction du pays. Il faut des routes pour aller d’une région à une autre. Il faut des routes pour atteindre des objectifs, qu’ils soient économiques ou politiques. Les routes, en tant que telles ne font pas l’objet d’un examen particulier. Les routes s’insèrent dans le programme général des communications du PIT qui sont terrestres, ferroviaires, maritimes et fluviales, de manière que la Côte d’Ivoire soit un tout ouvert où les populations peuvent communiquer entre elles. Un pays où les biens peuvent circuler librement pour constituer un marché national, un marché intérieur. De ce point de vue, les routes sont importantes. Aujourd’hui, plus que jamais, je me rends compte que les routes et les rues sont dans un état de délabrement préoccupant. Devant mon domicile, il y a des nids de poule partout. On ne peut circuler qu’en véhicule tout terrain. Ce qui n’est pas normal. Nous pensons qu’il y a quelque chose à faire, mais la dégradation des routes est le signe de la dégradation du pays lui-même.

L’intérêt des routes, vous ne l’affirmez pas souvent. Est-ce vraiment secondaire pour vous ou pensez-vous que ce n’est pas le genre de sujets qui vendent le mieux un leader politique en quête du pouvoir d’Etat ?

La conception traditionnelle ou classique que nous avons de la politique ne nous incline pas spécialement vers les routes. Bien sûr, nous concevons la route comme indispensable. Avoir des routes comme moyens de communication reste quelque chose d’extrêmement important. Consacrer un chapitre entier à la route, non ! La route reste un moyen pour aller vers des objectifs, pour atteindre certains buts. Ce sont davantage les buts que nous privilégions, par rapport aux moyens. Mais nous reconnaissons qu’il faut qu’il y ait une relation entre le but et les moyens. Et ici, la route c’est pour arriver au but qui est le développement politique, économique et social.

Est-ce à dire que le PIT veut arriver au pouvoir avant de penser aux routes ?

Non, nous y pensons déjà. Nous déplorons avec les Ivoiriens l’état des routes, l’état des rues. Quand on se rend à quelques 30 ou 50 km d’Abidjan, on se rend compte que les routes sont dégradées. On se rend compte que les routes sont occupées par des usagers qui ne devraient pas y être. Les rues servent parfois de marché, et cela décrit le désordre qui règne dans le pays. Il y a donc des dispositions à prendre, dans le sens de l’organisation du territoire national. L’organisation du territoire national suppose des routes pour accéder à un point, pour aller d’un point à un autre. C’est donc une politique globale qu’il faut considérer. Aujourd’hui, quand nous nous rendons dans les quartiers d’Abidjan, il y a des travaux en cours de réalisation, ou des travaux réalisés, tout paraît à l’abandon. Les objets qu’on a utilisés traînent dans la rue, les rues qu’on a creusées ne sont pas remises à leur place. Cela montre qu’il n’y a pas de contrôle et d’organisation dans la gestion des routes. Nos routes se dégradent de plus en plus. On se demande alors quelle est la meilleure manière de tracer et d’entretenir les routes. Faut-il en arriver à des routes à péage ? Certains y pensent. Faut-il que l’Etat prenne des dispositions particulières pour non seulement ouvrir des routes mais surtout les entretenir. Nous avions un réseau relativement développé il y a quelque temps, mais ce réseau se dégrade de plus en plus.

Certains de vos adversaires à la course à la présidentielle ont déjà annoncé des milliards pour la réhabilitation des routes. Le PIT a-t-il aussi des chiffres à donner ? Quel est votre plan réel pour les routes ?

Comme je vous l’ai indiqué, au PIT, nous avons un programme général concernant les moyens de communication, et les routes ont un rôle important. Mais les autres moyens ne sont pas moins importants. Par exemple, nous avions déjà en 2000, proposé le port sec. C’est une idée qui a été reprise par certains…Le port sec serait installé à Bouaké. Ce qui aurait permis de désengorger Abidjan, et les routes qui mènent d’Abidjan à l’intérieur du pays. De sorte que les poids lourds et autres ne viendraient pas jusqu’à Abidjan pour dégrader les voies comme on le constate. Et on relierait Abidjan à Bouaké par la voie ferrée, pour le transport des objets lourds. Les poids lourds resteraient donc à Bouaké, et iraient dans les autres villes et à l’extérieur du pays, en particulier au Mali et au Burkina Faso. En appliquant une telle mesure, on voit qu’il y a un lien entre les divers moyens, le train et le véhicule.

Avez-vous abandonné cette idée ?

Pas du tout. Nous avons pensé à cette idée qui concerne le système routier. Mais nous ne pouvons pas à l’heure actuelle, de manière responsable, affirmer des chiffres parce que nous n’avons pas l’état de la situation. Il faut, une fois que nous avons pensé le système, que nous soyons en possession des dossiers selon lesquels et selon les priorités retenues, nous pouvons dégager les coûts et recueillir les moyens financiers indispensables à la réalisation des opérations.

Vous l’avez dit tout à l’heure, les routes ivoiriennes sont parmi les plus meurtrières. Est-ce parce que les mesures gouvernementales sont insuffisantes ou est-ce que les Ivoiriens sont trop imprudents ?

Je pense qu’il y a trois facteurs qui expliquent les accidents de la circulation. Il y a l’état des routes, il y a l’état des véhicules et il y a l’état du conducteur. Nos routes comportent de nombreux nids de poule et sont souvent sources d’accidents. En rentrant de la convention du PIT (novembre 2008, NDLR), nous avons vu qu’un véhicule a voulu éviter un nid de poule, il y a eu un accident et il y a même eu un mort sur place. Il y a un problème général d’entretien des routes. Il y a un problème général d’entretien chez nous. Entretien de nous-même en tant que personne physique, mais aussi entretien de tout le pays. Pour les raisons de moyens, on privilégie de plus en plus des véhicules d’occasion. Les véhicules d’occasion, outre le fait qu’ils répandent la pollution, ne sont pas sûrs. C’est là aussi un facteur d’accident. Il y a enfin les conducteurs eux-mêmes, qui sont imprudents. Ils ne respectent pas le code de la route. On a le sentiment qu’il n’y a pas de contrôle. Lorsqu’il y a les points de sécurité, les barrages comme on les appelle, il se crée automatiquement un marché. Les vendeurs pullulent ici et là, les agents de sécurité s’oublient. Ça devient un lieu d’insécurité aggravée. Il faut donc revenir aux normes. Faire en sorte que les agents jouent leur rôle de sécurité au lieu de penser à rançonner les conducteurs. Il faut prendre des dispositions pour dissuader ceux qui violent le code de la route, brûlent les feux et provoquent des accidents. Il faut prendre des mesures sévères pour réduire les accidents.

Vous avez parlé de trois facteurs mais certains pensent aussi qu’il y a des génies à certains endroits qui provoquent les accidents. Cela vous fait sourire ?...

Ça nous fait sourire mais ça nous montre également que nous restons là dans l’Afrique profonde. Il faut en sortir pour prendre des dispositions pratiques, rationnelles, à ces trois niveaux là.

Monsieur le président, peut-on encore sauver le carrefour de l’Indenié, non loin de vos bureaux, qui devient un bourbier à chaque pluie ?

Je pense qu’il y a des travaux de base qu’il faut entreprendre, parce que les canalisations sont bouchées, les eaux usées ne circulent pas. Au lieu de faire des travaux en surface, à des fins esthétiques, il faut prendre des dispositions de base qui vont permettre de régler les problèmes en profondeur. Ainsi, tout ce qui vient en surface sera préservé. Il faut ajouter à cela le fait que la lagune qui est à deux pas est extrêmement polluée et est en train de se fermer. Et les travaux se réalisent pour boucher la lagune et pour construire, dans l’indifférence générale. Moi, j’en ai parlé au ministère dont nous avons la charge (le ministère de l’environnement, NDLR). J’ai dit : « on ne peut pas rester indifférent à une telle situation. La lagune se bouche, elle devient un lieu de pollution qui empoisonne la vie des gens. Il faut prendre des mesures. On nous a rétorqué que désormais, ce n’est pas le ministère de l’environnement qui s’occupe de ces questions. C’est le ministère de la ville et de la salubrité…Les études d’impact ne sont pas pris en compte et selon les rapports qu’on a avec le pouvoir, on passe outre les dispositions d’interdiction pour créer des bâtiments ici, des canalisations là, avec des risques accrus d’explosion, comme cela se produit très souvent au Nigeria. Il faut vraiment se montrer ferme et prendre ces mesures d’impact en considération. Les accidents ne sont pas seulement des accidents de la circulation, ça peut être lié aux travaux qui sont effectués avec des explosions possibles. Le tout doit être ordonné, conçu dans un plan général.

Qu’est-ce que vos experts proposent concrètement par rapport au carrefour de l’Indenié ?

Comme je l’ai dit tout à l’heure, il y a un problème de base qui est un problème d’écoulement des eaux usées. Les canaux sont bouchés. Il y a deux formules, ou bien on ouvre ces canaux, de manière à permettre la circulation des eaux, en évitant bien sûr que les gens jettent n’importe quoi dans les canalisations, ou alors on essaie d’assécher certaines zones. En les asséchant, on les met à l’abri des marécages et de la pollution, et alors on aura réglé en partie le problème. Le tout, c’est de prendre des mesures qui ne seront pas de surface pour une question d’esthétique. C’est beau à voir mais quant il pleut, on se rend compte des désagréments, comme s’il y avait eu une certaine improvisation.

Monsieur le président, pensez-vous que la naissance d’une compagnie de type Air Afrique est encore nécessaire pour un pays comme la Côte d’Ivoire ?

Je le pense parce que les compagnies nationales peinent à réaliser leur mission. Elles n’ont pas de flottes, elles n’ont pas de moyens, elles n’ont pas toujours des pilotes. La gestion de tels moyens de communication coûte excessivement cher. Il n’est pas toujours dans le pouvoir d’un seul Etat, compte tenu des priorités, de prendre en charge les besoins qui en découlent. Nous pensons donc que, pour cela et pour des raisons liées à l’intégration régionale africaine, il y a lieu de penser à une compagnie régionale africaine, en tirant les leçons d’Air Afrique.

Il y a quelques années l’idée d’une nouvelle Air Afrique était très en vogue, et puis on ne voit plus rien venir. Qu’est-ce qui coince selon vous ?

Il faut reconnaître d’abord la nécessité d’une compagnie inter-régionale ou régionale. Une fois cela aura été fait dans les Etats, il importe de prendre des dispositions en tirant les leçons de la gestion d’Air Afrique. La volonté politique doit accompagner la mise en œuvre de telles dispositions. Or au lieu de créer les conditions et de s’en donner les moyens, les Etats tendent vers la création de compagnies nationales, qui finissent par disparaître parce que les problèmes sont nombreux, les moyens sont rares, la volonté politique n’existe pas. Ces compagnies là ferment en ayant laissé des déficits importants…La Côte d’Ivoire a créé Air Ivoire qui peine, avec des retards qui s’accumulent ici et là, avec l’absence de flotte qui oblige à louer ici et là. Ce n’est pas de cette manière là qu’on pourra régler le problème important de communication entre Etats africains.

Le statut de pays sous-développé de la Côte d’Ivoire justifie-t-il le fait qu’on n’utilise pas beaucoup le train ici pour les voyages ?

D’abord, comme l’a dit quelqu’un, le sous-développement est une affaire de gestion des ressources, économiques et humaines, de gestion du temps. Le statut de sous-développement devrait nous amener à trouver le moyen d’en sortir. Tout à l’heure, je le disais que le port sec devait être construit à Bouaké mais Abidjan aurait été lié à Bouaké par la voie ferrée. Ce qui signifie que nous allons développer la voie ferroviaire. Et dans notre programme à nous, nous disons qu’il faut traverser la Côte d’Ivoire aux quatre coins. Il y aura une voie conduisant du sud au Nord et une autre de l’Est à l’ouest. Cela permettra d’abord de desservir avec plus de sécurité les différentes régions de Côte d’Ivoire, et ensuite cela évitera de dégrader les routes. Enfin, l’harmonisation entre les routes terrestres et les routes ferroviaires permettra de réaliser l’intégration nationale qui conditionne l’intégration sous-régionale ou régionale.

Lors de la dernière élection présidentielle, un des candidats disait qu’il faut faire un métro aérien. Pensez-vous qu’Abidjan peut se doter d’un métro aujourd’hui ?

Quand j’étais au gouvernement (jusqu’au 24 décembre 1999), il avait déjà le projet du train aérien qui devait relier Yopougon au Plateau, Abobo au Plateau et Treichville à Koumassi. Le projet était à l’étude et il paraissait avancé. Malheureusement, il n’a pas pu voir le jour. Il faut retenir de toutes ces propositions l’idée qu’il y a lieu de décongestionner la circulation à Abidjan. Il faut souligner que cette situation reste préoccupante. Abidjan est fort embouteillée. Les administrateurs et les administrés n’arrivent pas à l’heure. Il faut décongestionner d’une manière ou d’une autre. Moi-même, j’ai pensé dans l’attente de la réalisation de certains de ces projets, à l’organisation de la circulation en ne faisant que des sens uniques. Le matin, dans un sens à une forte circulation. On dégage les deux voies pour permettre de circuler librement. Et puis l’après-midi, on essaie autre chose. Mais ce sont des solutions d’attente.

Monsieur le président, quels sont vos moyens et qui sont les hommes que vous et le PIT comptez utiliser pour mettre en œuvre toutes les idées dont vous venez de parler ?

Les moyens sont ceux de la Côte d’Ivoire. Les hommes, ce sont les Ivoiriens d’abord. Il ne faut pas s’attendre à voir l’extérieur prendre en charge notre pays et prendre en charge nos problèmes. Nous avons des ressources humaines, nous avons des ressources financières qui sont mal organisées et mal utilisées. Il y a des détournements. Une bonne planification et organisation, une bonne gestion, au sens d’une gestion rigoureuse et honnête doit nous permettre de régler l’essentiel de nos problèmes, sans avoir à regarder l’extérieur, et sans avoir à tendre la main. C’est ce que nous, nous préconisons. Il faut qu’il y ait comme un développement endogène, en comptant sur nos propres ressources, en les dégageant, en les utilisant rationnellement et en luttant contre les détournement et la corruption.

Interview réalisée par Barthélemy KOUAME
barthelek@acturoutes.info
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