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Société Publié le lundi 3 août 2009 | Nord-Sud

Cheick Chérif Ousmane Aidara (Prédicateur musulman) : “Le terrorisme n’est pas islamique”

Ils sont peu les musulmans d’Afrique de l’Ouest qui ne connaissent pas Cheick Chérif Ousmane Madane Aidara. Le célèbre prédicateur musulman, d’origine malienne, est aussi connu dans d’autres régions du monde. A la faveur de la visite qu’il effectue en Côte d’Ivoire, le guide du mouvement Ançar dine’’ (Soutien à l’islam) a accepté de nous accorder une interview.



Où trouver Aidara ?

Ne voit pas Cheick Chérif Aidara qui le veut. Pas qu’il n’est pas accessible, mais il est très sollicité. Depuis son arrivée à Abidjan, sa résidence (dont nous tairons la localisation) ne désemplit pas. Hommes, fem­mes, vieux et jeu­nes, tous veulent le voir, lui serrer la main, lui demander des prières. Pour réaliser cette interview qui ne pouvait durer qu’une dizaine de minutes, nous avons dû attendre notre tour, samedi, de 8h à 15h. La démarche a commencé lundi auprès de l’imam Diarrassouba, un de ses pro­ches qui officie à Abobo. Celui-ci nous met en contact avec le président national du mouvement Ançar Dine. Ce dernier est prêt à nous introduire auprès du Cheick, mais il faut attendre samedi parce que toute la semaine, le guide devait se rendre à Grand-Lahou, Abengourou, Bongouanou. Rentré tard dans la nuit du vendredi, il était attendu le lendemain matin à la radio Al Bayane pour une émission. C’est à son retour qu’il nous a reçus, mon collègue Ibrahim Diarra, photographe, et moi. C’était à quelques minutes du prêche qu’il devait animer à Marcory, avant de s’en aller pour le pays profond. Quelle chance !


Vous n’étiez pas arrivé en Côte d’Ivoire depuis 9 ans. Pourquoi ?
Je suis déjà venu trois ou quatre fois dans ce pays. Si je n’y suis pas revenu pendant tous ce temps, c’est en raison de mon calendrier très chargé. Je voyage beaucoup et mes déplacements ne sont pas faciles en raison du très grand nombre de personnes à rencontrer. Mes frères de Côte d’Ivoire m’ont demandé récemment de leur rendre visite quelque soit mon programme. Ils m’ont demandé de venir prier pour la Côte d’Ivoire et les Ivoiriens et nous adresser aux musulmans. La seule raison de mon absence prolongée, c’est le problème de calendrier.


N’est-ce pas à cause de la crise que traversait le pays ?

La crise ne peut pas m’empêcher de venir en Côte d’Ivoire parce que c’est aussi mon pays. S’il a difficultés, nous ne pouvons qu’appeler Dieu à son secours. Toute souffrance pour la Côte d’Ivoire est une souffrance pour toute l’Afrique de L’Ouest. A chaque célébration du Maoulid, et à chacune de nos rencontres, nous prions pour la paix et le bonheur en Côte d’Ivoire.


Quel message spécial avez-vous pour les Ivoiriens ?

Qu’ils soient musulmans ou non, tous les Ivoiriens doivent savoir que ce pays est leur demeure commune. Il y a des musulmans, des chrétiens et des pratiquants d’autres religions en Côte d’Ivoire. Malgré leurs différences, ils doivent préserver l’entente. Lorsqu’il n’y a pas d’entente dans un pays, même s’il est riche, cette richesse se détruit. Cela n’est dans l’intérêt de personne. Nous appelons le peuple au pardon et à la cohésion. Qu’il oublie le passé pour se tourner vers le bonheur des générations futures. Ceux qui ne sont pas ivoiriens doivent être dans la même dynamique. Nous devons tous nous associer pour la paix et l’unité en Côte d’Ivoire.


Vous avez été connu comme un prédicateur très virulent dans ses propos. Aujourd’hui, vous prêchez avec un ton apaisé. Pourquoi ?

L’homme doit changer en fonction du temps. Nous avons haussé le ton temps à une période où cela nous semblait être la solution. Mais, aujourd’hui, nous constatons qu’il convient plus d’être doux pour orienter ceux qui nous écoutent et leur permettre d’avoir des enseignements. Cela permet aussi aux prédicateurs qui veulent emprunter la même voie que nous d’avoir le ton qu’il faut pour instruire les fidèles.


Pourquoi n’avez-vous pas commencé vous-même par cette voie ?

Nous nous mettions en colère parce que beaucoup de prédicateurs n’avaient pas compris le sens de notre combat. Ils nous combattaient et tenaient publiquement des propos méchants à notre endroit. En voulant leur répondre, il nous nous est arrivé de nous énerver et d’être dur dans nos déclarations. Mais aujourd’hui, que tu nous injuries ou que tu t’attaques à nous physiquement, nous efforçons de rester calme afin de pouvoir guider les fidèles.


Avec quel ton prêchait le prophète Mohamed ?

Au temps du prophète, il y avait deux manières d’appeler à la foi. Quand tu t’adresses aux personnes compréhensives, tu leur parles avec modération, avec sagesse, et elles comprennent. Par contre, il y a d’autres personnes qui ne comprennent jamais, tant que tu ne leur parles pas avec une certaine énergie. Dans le coran, Dieu révèle au prophète Mohamed qu’il a tenu aux hypocrites des propos que ceux-ci n’oublieront jamais. Le message est fonction de celui qu’on a en face.


Vous avez été beaucoup combattu à cause du ‘’bayah’’, (terme arabe qui traduit un engament dans lequel le fidèle jure devant un autre musulman de rester droit jusqu’à la mort.) Continuez-vous à demander ce serment ?

Notre message n’a pas changé, c’est la manière de le communiquer qui a changé. Ce que nous avons toujours recherché est le bonheur dans le monde. Qu’il y ait moins de vols, de fornications, beaucoup d’entraide et de solidarité. C’est ce que nous avons toujours recherché. Et, si Dieu le veut, c’est avec ce principe que nous mourrons.


Le musulman qui n’a pas fait le bayah peut-il accéder au paradis ?

Le paradis appartient à Dieu. Un être humain ne peut affirmer que quelqu’un ne peut pas y accéder parce qu’il n’a pas fait le bayah. Mais, nous sommes convaincu que le musulman qui ne le fait pas ne respecte pas une recommandation du prophète Mohamed.


Existe-il des possibilités de rachat pour celui qui fait le bayah et à qui il arrive de violer un de ses engagements ?

Si l’on est dans un milieu où la charia est appliquée, celui qui commet une faute est puni selon cette loi. Si vous avez volé, votre bras est amputé. Si vous commettez la fornication alors que vous avez déjà contracté un mariage, vous êtes tué. Au cas où la charria ne peut pas être appliquée, le prophète dit que ton sort dépend de ce que Dieu aura décidé. Il peut te pardonner s’il le veut. Il peut aussi te châtier s’il le veut. Certains font le bayah et il leur arrive de trébucher. Tu peux implorer le pardon de Dieu et te relever.


Depuis votre arrivée à Abidjan, on remarque la présence de votre effigie sur des murs. Il y en a même sur des véhicules qui circulent dans la ville. Certains musulmans estiment que c’est excès de publicité pour l’homme de Dieu que vous êtes. Quelle est votre réponse ?

Chacun a sa façon d’appréhender les choses. Il y a autant d’hommes que de manières d’apprécier ce qui se passe. Certaines personnes peuvent trouver que la présence de mon image partout est une mauvaise chose. D’autres peuvent dire le contraire. Nous prenons acte de leur point de vue. Personnellement, je n’y vois aucun mal. Je pense que ces affiches peuvent accroître chez certaines personnes l’amour qu’elles ont pour l’islam. Elles peuvent permettre à beaucoup de savoir que je suis là, et de venir me rencontrer.


Vous êtes aujourd’hui le guide d’un grand mouvement appelé ‘’Ançar dine’’. Un mouvement qui ne semble exister que pour vous et par vous ? Avez-vous déjà pensé à préparer un successeur qui aura la même influence le jour où vous ne serez plus de ce monde ?

L’aura vient de Dieu. On peut préparer quelqu’un pour une tâche matérielle. Mais, se soumettre à la volonté de Dieu et travailler pour lui est un don divin. Cela peut s’acquérir à travers les études islamiques. Et j’ai orienté mes enfants sur cette voie. En outre, beaucoup de prédicateurs de l’association Ançar dine peuvent assurer la pérennité de notre mouvement que je sois vivant ou non.


Pourquoi aucun d’entre eux n’émerge à vos côtés ? Vous êtes le seul connu…

Beaucoup d’autres sont connus. Si nous sommes aujourd’hui en Côte d’Ivoire, c’est grâce à ces hommes qui sensibilisent et mobilisent les gens sur le chemin de Dieu. Cela montre qu’Aidara joue un rôle, et ceux qui sont avec lui joue également les leurs.


Le terrorisme musulman est une réalité dans le monde. Il gagne du terrain en Afrique et touche aujourd’hui le nord de votre pays. Que pensez-vous de cette pratique ?

Cette pratique a des enjeux politiques ou des enjeux religieux. Concernant la réligion, je dirai qu’il n’y a pas de terrorisme sur la voie de Dieu. L’islam l’a interdit. Une femme est allée en enfer parce qu’elle a ligoté un chat et l’a privé de nourriture jusqu’à ce qu’il meure. Elle aurait pu ne pas lui donner à manger, mais le laisser libre de ses mouvements. Pour n’avoir pas fait cela, toutes ses bonnes œuvres ont été réduites à néant. En se référant à ce seul fait, on s’aperçoit qu’un musulman ne n’a pas le droit d’ôter la vie en dehors du cadre de la charia. Nous sommes contre le terrorisme et nous pensons qu’il ne fait partie de l’islam.


Interview réalisée par Cissé Sindou
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