Longtemps souterraine, la bataille pour la succession d’Alassane Dramane Ouattara à la tête du RDR remonte progressivement à la surface. La récente crise entre Cissé Bacongo et Amadou Gon Coulibaly constitue une manifestation, grandeur nature, de cette bataille. Au Rassemblement des républicains(RDR), les premiers responsables et les militants bien informés le savent : Alassane Dramane Ouattara, le président du parti créé par feu Djéni Kobenan , le 27 septembre 1994, envisage de quitter la tête du mouvement après l’élection présidentielle prévue pour le 29 novembre prochain. D’où sa volonté farouche d’être élu président de la République de Côte d’Ivoire afin de partir en beauté. Au cas où il ne serait pas élu pour présider aux destinées du pays, sa décision demeure inchangée. «Ouattara n’est plus déterminé à demeurer à la tête du parti encore de nombreuses années», soutient une source informée proche du RDR. Qui ajoute, par ailleurs, que l’actuel leader des «Républicains» voudrait prendre du repos, se consacrer à ses activités de Conseil ainsi que de lobbying entre le FMI et des pays africains. Il possède un Cabinet-Conseil à ce propos à Libreville qui «conseillait» Omar Bongo Ondimba. Il y a aussi que la santé de Ouattara ne pourra plus lui permettre de poursuivre une «intense» activité politique. Sans oublier, poursuit la source, l’essoufflement «économique» qui gagne de plus en plus son épouse, Dominique Nouvian Ouattara. Elle aurait déboursé beaucoup d’argent pour appuyer les activités politiques de son époux. 3 candidats se dévoilent Qui sera alors le successeur d’Alassane Dramane Ouattara ? Les ambitions ne manquent pas . Trois membres de la direction du parti ont déjà affiché leurs intentions. Dans divers cercles du parti, l’on en parle. Chez les jeunes et les femmes, surtout. Il s’agit d’Amadou Gon Coulibaly, Secrétaire général délégué du RDR ; Hamed Bakayoko, Secrétaire national chargé des Finances et Cissé Bacongo, Secrétaire national chargé des affaires juridiques et institutionnelles. Ces trois cadres du RDR font partie de ceux qu’on pourrait appeler «les sofas» de Ouattara. Ce sont les «guerriers» du chef. Ils sont prêts à tout pour le «triomphe» de ce dernier. Ouattara qui en est conscient, les a tous récompensés en proposant leurs noms au Chef de l’Etat, Laurent Gbagbo, pour qu’ils soient nommés ministres. D’emblée pour ne pas faire de jaloux. Même si, poursuit la source, Dramane Ouattara entretient différent degré de rapports avec les trois adversaires. Il considère Hamed Bakayoko comme son «fils». L’actuel ministre des Télécommunications est un pur produit de «l’usine» du couple Alassane et Dominique Ouattara. De la presse au poste de ministre en passant par des business dont la nature n’est pas toujours catholique, Hamed Bakayoko doit tout à Ouattara. D’ailleurs, il ne s’en cache pas. «Je suis l’exemple de ce que le président Ouattara peut faire d’un jeune», a-t-il dit au cours d’un meeting à Yopougon-Ficgayo, le samedi 9 mai 2009, devant quelques milliers de jeunes qu’il a contribués, à coups de millions de FCFA à «mobiliser» pour cette rencontre avec Alassane Ouattara. Cet acte de Hamed Bakayoko sonnait comme un renvoi de l’ascenseur au bienfaiteur. Mais également une occasion de marquer des points auprès de Ouattara dans la perspective de la nouvelle ère. S’il n’était pas aux premières loges dans le comité d’organisation de ce meeting à Yopougon, Cissé Bacongo n’a pas voulu rater ce rendez-vous avec les jeunes. Il a apporté «sa contribution» à travers karamoko Yayoro, le président de la jeunesse du RDR. Qui figure, fait notable, au nombre de ses soutiens. Il a d’ailleurs nommé Karamoko Yayoro , Conseiller technique au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Yayoro n’apparaît cependant pas comme «l’homme» d’un camp exclusif. Bien qu’il soit au cabinet ministériel dirigé par Cissé Bacongo, il n’a pas rompu les amarres avec Hamed Bakayoko. Même si les choses apparaissent moins enthousiastes avec Amadou Gon Coulibaly. Au niveau des femmes, le ministre Gon Coulibaly serait en pôle position. Le choix de Mme Touré Aya Virginie, présidente du Rassemblement des femmes républicaines (RFR), et ses camarades est majoritairement en faveur de Gon Coulibaly, précise une source bien informée. C’est donc sans surprise que l’on retrouve Mme Elisabeth Jouhair Mobio, membre influente du RFR, aux côtés de Gon Coulibaly dans «la guerre» ouverte de celui-ci contre Cissé Bacongo. Conflit ouvert entre Bacongo et Gon Coulibaly «Je ne suis pas d’accord parce que je considère que c’est un mépris, un manque de considération à mon égard que je ne pourrai jamais accepter. Je le lui ai déjà dit. Il m’a appelé hier, je ne l’ai pas pris et je ne vais pas le prendre. Il faut qu’il comprenne que dans ce parti, chacun a donné du sien. Il faut qu’on se respecte. Si c’est le fonctionnement de la direction de campagne d’Abidjan-Sud qui le dérange qu’il le dise. S’il pense aussi que nous avons d’autres motivations que faire élire Alassane Dramane Ouattara, qu’il le dise publiquement. Il faut qu’il dise ce qu’il reproche à Bacongo, comme ça on saura comment régler le problème». C’est un Ibrahim Cissé Bacongo amer, quasiment hors de lui, qui s’est adressé à la presse, le lundi 3 août dernier, pour dénoncer publiquement l’attitude d’Amadou Gon Coulibaly. Cissé Bacongo qui a brandi le spectre de la démission de la tête de la direction de campagne RDR d’Abidjan-Sud avant de se raviser sur intervention d’Alassane Ouattara, reproche à Gon Coulibaly, directeur national de campagne de Ouattara, d’avoir organisé le dimanche 2 août 2009, un meeting à la place Incha’Allah d’Abidjan-Koumassi, sans l’aviser. Alors que la commune de Koumassi est dans la sphère de la direction de campagne Abidjan-Sud. Face aux journalistes, Bacongo a fait allusion, en des termes voilés, à la guéguerre de leadership qui prévaut entre Gon Coulibaly. Avant d’attaquer frontalement Gon Coulibaly : «Il faut qu’il comprenne que dans ce parti, chacun a donné du sien». En effet, de sources concordantes, le ministre Amadou Gon Coulibaly estime qu’il a sué «sang et eau» pour la vie du RDR. Au point d’avoir même hypothéqué son état de santé (il traîne une maladie depuis quelques années). Alors pour lui, il apparaît comme un successeur «naturel» de Ouattara. Une vision qui n’est pas forcément loin de celle du président du RDR. Qui l’a nommé secrétaire général délégué (pour suppléer Henriette Dagri Diabaté) puis directeur national de campagne. «Amadou Gon se comporte comme un manitou au sein du parti. Cela ne plaît pas à beaucoup de cadres. Bacongo a dit haut ce que d’autres pensent bas», soutient un militant du RDR. Tout en crachant «ses» vérités, Cissé Bacongo a saisi l’incident du meeting de Koumassi pour démontrer à l’opinion et aux militants du RDR qu’il n’existe pas «d’héritier naturel de Ouattara». Et Que la bataille pour la succession est ouverte.
Didier Depry ddepry@hotmail.com
Didier Depry ddepry@hotmail.com