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Politique Publié le samedi 5 septembre 2009 | Nord-Sud

Partis politiques : Les raisons profondes de la désaffection

Désamour, déception ou désillusion. Lequel de ces mots traduit-il le mieux le sentiment de la population vis-à-vis des partis politiques ? Difficile de le dire. L'Enquête sur les aspirations des populations vivant en Côte d'Ivoire (Eapci), réalisée par l'Institut national de la statistique (Ins) et publié le 3 septembre par votre quotidien, édition n°1289, donne des éléments de réponse. Déçus, « deux tiers de la population (66,3%) ne sont pas satisfaits du comportement des partis politiques contre 25,6% ». Désillusionnés, « les insatisfaits se trouvent particulièrement dans la région du Nord-Est (85%) et parmi les personnes instruites de niveau supérieur (84,5%) ». La cessation d'amour est traduite par « 61,8% des enquêtés, qui pensent que le nombre des partis politiques doit être limité d'une centaine à environ cinq. Les raisons de la désaffection graduelle se trouvent dans l'histoire de la politique en Côte d'Ivoire. Il y a eu l'ère du parti unique, celle du multipartisme en 1990 et celle de la crise militaro-politique du 19 septembre 2002. Ces tranches sont marquées du sceau d'un Etat ni impartial, ni démocrate. A tel point qu'un groupe social s'est à tort ou à raison senti discriminé ou exclu. De la répression sanglante du peuple Agni Sanwi des années 1960 en passant par le génocide du Guébié (années 1970), et à la crise de l'ivoirité en 1990, le peuple a toujours pensé que le pouvoir est exercé contre lui. Et que, une fois échu à un parti politique, le pouvoir devient une arme contre des citoyens. Les violentes répressions d'étudiants en mai 1991, d'opposants du Front républicain en février 1992, d'une marche de l'opposition en mars 2004 etc sont autant de constats qui laissent un arrière goût. Ote-toi de là que je m'y mette ! Voilà résumé l'acharnement à la conquête du pouvoir. Les populations ont réalisé que nos hommes politiques ne sont pas sincères. Ils disent qu'on peut servir son pays à tous les niveaux. Pourtant ils font le contraire. Au-delà de la bataille pour le fauteuil présidentiel, on les voit se bouffer le nez pour le contrôle d'une formation politique. Du « miracle ivoirien », à la « refondation » en passant par la « pluie des milliards », la population a un ressentiment. Le politique s'enrichit, le peuple s'appauvrit. Il suffit de voir les biens des candidats, leur train de vie pour s'en rendre compte. C'est le peuple qui donne pourtant le pouvoir. Mais les promesses qui lui sont faites ne sont pas tenues. Ainsi, le bien être est un leurre. En 2008, a par exemple révélé l'Ins, l'indice de pauvreté s'est établi à 48,94%, contre 38,4% en 2002. Un Ivoirien sur deux vit dans l'extrême pauvreté, avec moins de 661 Fcfa par jour. 70% de la population éprouve des difficultés pour se nourrir quand 68 % a du mal à se soigner. Depuis 2000, le pouvoir est partagé par plusieurs partis politiques dans le gouvernement, mais il n'y a pas de changement dans la vie des Ivoiriens. Les ministres dont les partis décriaient la « gabegie » font pire. Ils engrangent l'argent du contribuable et travaillent pour leurs chapelles politiques respectives au détriment de l'Etat. Les partis politiques eux-mêmes utilisent sans contrôle de l'Etat les subventions mises à leur disposition. Finalement, à l’épreuve du pouvoir, les différences entre les partis politiques ne sont plus nettes.

Bidi Ignace
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