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Société Publié le mardi 15 septembre 2009 | Nord-Sud

Salif N’Diaye (Secrétaire général de l’UDPCI) : “Nos solutions pour sauver l’école”

Dans la seconde partie de son interview qui s’inscrit dans le cadre de notre dossier sur l’école entamé jeudi, le Secrétaire général de l’union pour la démocratie et pour la paix (Udpci), s’est prononcé sur les causes des résultats scolaires catastrophiques. Le Pr Salif N’Diaye présente les solutions de son parti.


Que proposez-vous au-delà de la formation des enseignants ?

C’est un principe que nous allons vulgariser : le tutorat à l’école. A la faculté de sciences par exemple, on peut désigner un enseignant comme le tuteur d’un groupe restreint d’étudiants. Le mathématicien peut être le tuteur de l’étudiant en biologie. C’est une proximité qui sort du cadre normal. C’est un enseignant qui viendra vous voir dans votre chambre. Pour vous demander quelles sont les difficultés qui sont les vôtres. Cela permettra une meilleure compréhension des choses. La seconde proposition qui est la nôtre, c’est qu’il faut vraiment mettre le paquet sur le corpus des enseignants. Aujourd’hui, on n’a pas suffisamment d’enseignants. Il faut absolument donner un coup de fouet à ce secteur.


En recrutant ?

En recrutant ! C’est un effort qui est demandé au gouvernement, à l’Etat, à la Nation. L’école est le socle de tout ce qui pourrait être le rêve du développement d’un pays, d’une nation. C’est le creuset, c’est la base de tout. Il vaut mieux y investir de manière massive parce que l’école est un investissement. Plus on forme un socle solide, mieux le pays pourra rayonner sur tous les plans. L’école est un sanctuaire. On dit que l’école est politisée et c’est vrai. Regardez tous les pays qui sont aujourd’hui en guerre, on vous dira rarement qu’on est venu bombarder l’école, quels que soient les protagonistes. Ici, pour l’idéologie, on peut sacrifier l’école. Et je sais de quoi je parle. J’ai géré l’Education nationale en 1990. Ce sont les maîtres qui créaient tous les blocages, qui utilisaient les enfants. Les maîtres à l’université étaient responsables d’une idéologie, d’un parti. Ils donnaient des mots d’ordre aux étudiants. Boycottez, bloquez, n’allez pas, refusez…


Qu’en est-il aujourd’hui ?

Ce sont eux qui ont créé les manipulations d’aujourd’hui. Lorsque vous regardez de 1990 à aujourd’hui, ceux-là qui étaient des militants de leurs maîtres, sont aujourd’hui des maîtres dans beaucoup de lycées et collèges, avec la mentalité qui leur a été inculquée. Avec la manière qui leur a été donnée de voir l’évolution du monde. Avec en prime la violence, chaque fois qu’on n’a pas gain de cause. Voilà des gens qui n’ont pas reçu la formation idoine parce qu’ils comptaient sur le professeur qui était leur leader. Je crois qu’il y a une licence en anglais célébrissime. Lorsqu’on a montré à ces jeunes comment réussir sans rien faire et qu’aujourd’hui, avec la boulimie, nos responsables se disent qu’après tout, on peut ne rien faire et devenir milliardaire, ils deviennent des modèles.


Comment l’Udpci entend procéder pour éviter les grèves qu’on connaît aujourd’hui ?
Nous sommes houphouëtistes d’essence et de philosophie : le dialogue, toujours le dialogue. Vous avez dû entendre parler d’un syndicat très célèbre des années 1990, le Synares. On discutait avec lui. Lorsque le ministre et son équipe expliquaient par A+B qu’ils avaient tort de faire ceci, en voilà les conséquences, ils refusaient parce que leur problème c’était de bloquer l’école. Le ministre prenait ses responsabilités. Il sanctionnait. Il n’y a plus de sanctions aujourd’hui.


Des grévistes ont subi des ponctions salariales ces dernières années…
Ce n’est pas une sanction cela.


Soustraire de l’argent à quelqu’un n’est pas une sanction ?

Vous exercez peut-être dans le privé. Moi je suis à la retraite mais je paye encore des impôts. Est-ce qu’on me sanctionne ?


De quelle sanction parlez-vous alors ?

Vous êtes fonctionnaire, vous avez des avancements. Vos supérieurs vous notent. J’ai dit à des syndicalistes enseignants, allez reprendre vos cours parce qu’il y va de l’intérêt du pays, des enfants. Si je me rends compte que dans la semaine vous devez faire 20 heures de cours et que vous n’en faites que 4, mais je vous sanctionne. Vous êtes payé indûment.


La grève n’est-elle pas un droit du travailleur ?

La grève est un droit. Mais, comme les syndicalistes le diront, toute grève doit savoir s’arrêter.

On a souvent le sentiment que les syndicats n’ont d’autres choix que d’aller à la grève, dans la mesure où ils n’ont pas d’oreille attentive chez ceux qui doivent résoudre leurs problèmes…
Vous avez tout à fait raison de remarquer cela. Depuis que les refondateurs nous gouvernent, il n’y a plus d’Etat, il n’y a plus de règles. Ceux qu’on augmente, on les augmente et on cache leur salaire. Parce que si on le sait, tout le monde rentrerait en grève. Le caporal est mieux payé que le professeur de l’université. Est-ce normal ? Pendant que ce sont les enseignants, les médecins, si vous remarquez, qui font l’essence de notre vie nationale, mais qui sont les plus lésés. Je comprends tout à fait les grèves de ces corporations-là. Mais c’est par le dialogue et la concertation qu’on doit le faire. Il faut qu’au niveau de l’Etat, on ait des responsables. On est géré par des incompétents, des gens qui n’ont pas de projection. Ils se disent, faisons les choses vite, vite, vite, bouffons vite vite vite, parce qu’ils ne savent pas jusqu’à quand ils vont rester. Dans ce contexte, vous ne pouvez pas avoir une saine politique en matière d’éducation. Surtout que ceux qui veulent bouffer vite vite vite, pour trois quart, ce sont les enseignants en rupture de ban avec l’école.


L’Udpci va-t-il procéder autrement ?

D’abord, il faut des gens compétents. On ne remplit pas l’école parce qu’il faut la remplir. Ce que nous disons pour l’école est valable dans d’autres secteurs. J’ai été ambassadeur. La diplomatie est devenue une affaire de famille. Quelqu’un qui n’a jamais suivi un cours de diplomatie, se retrouve dans une ambassade aux Etats-Unis, à l’Onu ou en Suisse. A l’école, c’est le militantisme. Quand ils sont arrivés au pouvoir, j’étais à l’ambassade de Paris. Mon patron, le ministre des Affaires étrangères m’a dit : désormais, je met­­trai des ambassadeurs militants. J’ai répondu : ce sera la catastrophe !


Et c’est la catastrophe ?

Ce ne pouvait être que la catastrophe partout.

Les effectifs pléthoriques ne permettent pas de dispenser les cours. Quelle solution proposez-vous à ce niveau ? Comment construire suffisamment de salles de cours ?
J’ai eu à dire qu’il fallait rattraper ce retard par une volonté politique.


Quel est le pourcentage du budget que l’Udpci consacrerait à l’école ?

Je ne sais pas ce qu’il en est aujourd’hui. Mais à l’époque, 43% du budget de l’Etat était consacré à l’éducation. Actuellement, on a moins de 1% pour la recherche. Comme on l’a fait au niveau de l’enseignement primaire et dans une certaine mesure au niveau de l’enseignement technique, on peut faire appel, à côté de l’Etat, à des fondateurs d’établissements privés. L’engorgement était tel qu’après la classe de Cm2, l’Etat ne pouvait pas accueillir tous les enfants. Tous les enseignants vacataires avaient le même profil que ceux du public. Et pour mieux faire les choses, les pionniers ont créé leurs établissements, c’est l’Etat qui leur envoyaient des enseignants pour garantir la formation qui y était donnée. C’est l’Etat qui les obligeait à suivre le programme du secteur public. L’Etat leur envoyait des inspections et il y avait des sanctions. Lorsque vous ne respectiez pas les cahiers de charges, on fermait votre établissement. Cette méthode pourrait être envisagée jusqu’au niveau du supérieur. Aujourd’hui, il y a une prolifération d’établissements dits supérieurs. Les propriétaires sont les tenants du pouvoir pour une grande part. Des établissements avec des programmes de master. Qui leur a donné les programmes de master à développer dans leur établissement ? Qui contrôle cela ? Qui leur envoie des enseignants ? Comme ils sont au pouvoir, on affecte deux ou trois enseignants que l’Etat prend en charge. Si ces établissements peuvent accueillir des élèves boursiers, on leur envoie 200 élèves et les bourses sont payées. Les fondateurs sont assis. L’Etat paye les enseignants et envoie des élèves boursiers. On ne contrôle pas le programme qui est dispensé dans ces établissements. C’est grave.


Allez-vous corriger cela ?

Absolument ! Lorsque l’Etat va faire l’effort d’investissement, il faut qu’il y ait un contrôle !


D’ici-là, que faites-vous concrètement aujourd’hui en tant que parti citoyen pour contribuer au changement ?

C’est la faiblesse de la démocratie dans notre pays. En principe, l’opposition, la presse constituent un contre-pouvoir. La critique de ce qui est fait permet au gouvernement de réajuster les choses. Mais, quand vous critiquez, on personnalise. Il est contre nous, il est envieux. Ce n’est pas vrai. Si ce que nous proposons est contre leurs intérêts, ils ne vont pas l’appliquer. Qu’on nous dise clairement comment fonctionne le prix du baril du pétrole, comment ils contrôlent l’essence à la pompe. On doit nous l’expliquer clairement. Lorsqu’il y a des baisses au niveau international, on attend quelques semaines avant de les répercuter à la pompe, mais dès qu’il y a une hausse, en 24 heures, elle intervient à la pompe. Quelle arnaque cela constitue ! Et c’est la même chose au niveau de l’éducation. Les fondateurs crient plus que les syndicalistes. Il y en a qui empochent depuis trois ans l’argent prévu pour le fonctionnement.


Voulez-vous dire que l’argent de l’école va dans des poches et non dans des investissements ?

Mais oui. On va demander aux gens nantis d’amorcer la construction de véritables universités, c’est possible. L’Etat va les aider en y affectant des étudiants et cela fera des succès. Les établissements locaux en technologie sont au-dessus du lot.

Pensez-vous parvenir ainsi à plus de rigueur dans la gestion ?
Bien sûr! Aujourd’hui, des assistants ont été bombardés directeurs dans les gran­des écoles de Yamoussoukro. Que voulez-vous qu’ils fassent ? Le mérite est aux antipodes des préoccupations. Quand vous êtes méritant, vous êtes le premier qu’on écrase. Je suis désolé de voir l’école dans cet état.


Interview réalisée par Cissé Sindou
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