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Politique Publié le vendredi 18 septembre 2009 | Le Repère

Bouagba Assi Bardé (pionnier du Fpi en pays Akyé) : “Je regrette d`avoir entraîné mes parents Akyé au Fpi”

Il se présente comme le militant de première heure du Fpi en pays Akyé, l'homme par qui le parti de Laurent Gbagbo a pris pied à Akoupé, à Adzopé, à Alépé etc. Aujourd'hui, Bouagba Assi Bardé que l'on appelait au Fpi le “Winé” ou le génie de la forêt est retourné au Pdci. Et pour cause ! Il s'est senti trahi par le Fpi. Interview d'un homme qui aura tout donné au Fpi et qui a été abandonné par son parti d’hier.
Quand avez-vous commencé à militer au Fpi ?
C’était depuis le 30 avril 1990, quand le président Félix Houphouët Boigny a proclamé le multipartisme en Côte d'Ivoire. Nous, jeunes à l'époque, on aspirait à un grand changement. On voulait la prospérité. Alors on a soutenu le camarade Laurent Gbagbo, en son temps, secrétaire général du Fpi. Je me rappelle que je me suis rendu chez lui à la maison à la riviera et je me suis fait inscrire et j'ai même pris des cartes pour les distribuer à mon entourage. C'est à partir de ce moment là que j'ai commencé à connaître le secrétaire général Laurent Gbagbo. On m'a d'abord confié comme mission : la zone d'Alépé. Dans le temps, c'était une coordination qu'on appelait coordination région Adzopé. J'ai été instituteur à Alépé et à Anyama. Je voulais rester dans ma région pour sensibiliser mes parents. A l'époque, Adzopé était imprenable. Le département était Pdci. Quand je suis arrivé, je propageais les nouvelles du Fpi. Je me suis ensuite retrouvé à Akoupé. Là-bas, personne non plus ne pouvait parler du Fpi. Quand je suis arrivé, j'ai mobilisé des personnes, j'ai formé des bases et j'ai fait élire un bureau que je dirigeais. Nous avons parcouru villages et hameaux pour sensibiliser les parents à adhérer au Fpi. Aucun militant d'Akoupé ne se faisait voir, craignant de perdre son poste de fonctionnaire. J'avais, moi, le courage de m'afficher et quand Gbagbo faisait sa tournée dans le mois de Septembre 1990, j'étais la cheville ouvrière du fpi. C'est moi qui ai fait le discours et ce discours a mobilisé tous les Akyé.
Qu'est ce qui vous poussait à être aussi opiniâtre ?
On jurait sur le fétiche et on nous disait que si on ne respectait pas cet engagement, le fétiche pouvait agir contre nous.
Vous avez donc fait du fétichisme pour implanter le Fpi ?
Ce n'était pas du fétichisme, mais on nous disait : "voilà, faites ceci et gare à celui qui sortira avec les idées, des informations de notre parti pour les livrer à l'adversaire. Le fétiche se chargera de lui".
Cela veut donc dire que vous avez juré sur un fétiche ?
Exactement, et tout le monde était mobilisé. Mais, le Pdci était bien organisé. Cependant, nos parents ont fini par nous écouter. Notre slogan était ceci : si vous choisissez le Fpi et que ce parti gagne, votre café et votre cacao sera payé à 3000F et ça serait la fin de la pauvreté.
Revenons encore au fétiche. Concrètement, de quoi s'agissait-il ? A quelle occasion avez-vous commencé à juré sur le fétiche ?
C'était à Akoupé.
Il y avait un fétiche ? Comment était-il ?
C'était de l'eau qu'on versait comme cela se fait chez les Akan.
Vous avez donc juré sur l'eau ?
Oui et après le Fpi était mobilisé.
Tout cela se faisait en présence du secrétaire général ou avec sa bénédiction ?
Ce n'était pas en sa présence, mais c'est nous qui le représentions. A Agbaou, les populations ont même pris, je me souviens, leur eau sacrée pour le laver pour qu'aucun sort ne l'atteigne.
Ce système pour faire avancer le Fpi était-il utilisé dans d'autres départements ?
C'était à Adzopé et plus précisément à Akoupé. C'est pourquoi, Akoupé a été la première ville à élire un député et un maire Fpi. Ailleurs, c'était soit un maire Fpi, soit un député FPI, mais pas les deux. C'était en 1990 et c'était sous ma conduite. Les deux élus étaient les camarades Molé Molé et Yapo Atsé Benjamin.
Est-ce qu'on peut dire que le Fpi a “gbassé” les Akyé ?
Le président Houphouët était vieux et Gbagbo se présentait comme le jeune loup de la politique nationale. Il promettait et les gens croyaient en lui. Et nous qui étions sur le terrain, on était pour le renouveau. Les choses sont allées très vite à Akoupé parce qu'il y avait de grands planteurs qui sont des intellectuels. C'est la mévente du café et du cacao qui a poussé les Akyé à aller au Fpi, surtout avec la promesse d'achat à 3000F le kg.
En tant qu'intellectuel, vous croyiez vous-même à cette promesse ?
On s'était dit que les parents pouvaient recevoir au moins la moitié du prix d'achat sur le marché international.
Laurent Gbagbo de l'époque et Laurent Gbagbo d'aujourd'hui, quelle analyse faites-vous ?
Le président Gbagbo a changé. A l'époque, il parlait et on croyait à ce qu'il disait. Aujourd'hui, c'est peut-être l'effet du pouvoir. Sinon, ce n'est plus le même Laurent Gbagbo.
Fondamentalement, qu'est ce qui a changé et qu'est-ce qui ne vous plait plus en lui ?
Son entourage. En 1990, quand j'ai installé le Fpi, le député Mollé Mollé, maire Fpi, actuel président du conseil général, j'ai été ensuite muté à Alépé. Dans cette ville également, je n'ai pas baissé les bras. A Akouré, sous-préfecture de Obouako, tout le monde était Pdci, mais j'ai amené tout le monde à militer au Fpi. C'est à Alépé que le FPI m'a abandonné. On ne s'occupait plus de moi. J'ai compris que c'était un isolement. Malgré cela, j'ai participé à la campagne de 1995. J'ai même battu la campagne pour la réélection de Mollé Mollé. Mais, après tout cela, quand ces gens-là me voient, dans la rue, ils ne me considéraient plus. Je ne représentais plus rien. Je suis resté serein. Je n'ai pas couru après eux. Quand ma mère est décédée, j'ai cru bon d'aller informer le maire d'alors, Yapo Atsé Benjamin, qui est aujourd'hui président du conseil général d'Akoupé. D'abord, on m'a fait attendre très longtemps dans la salle d'attente et quand j'ai été reçu, à peine lui ai-je donné la nouvelle, qu'il m'a tendu 30 000 F CFA. Voyez-vous comment on m'a traité ? La manière de me recevoir et de me donner cette somme m'ont frustré. Je ne pense pas que je méritais ce mépris de sa part, moi qui me suis battu pour le Fpi et grâce à qui ces gens-là sont devenus des élus de la République. Je pense qu'il devait compatir d'abord au deuil qui me frappait et m'accompagner. L'argent est secondaire en pareilles circonstances. Et chose plus grave, je ne les ai plus revus. Ils ne sont pas venus aux funérailles de ma mère. Même le député Mollé Mollé ne s’est pas présenté.
Regrettez-vous aujourd'hui d'avoir entraîné vos parents dans cette aventure du Fpi ?
Je regrette (il répète trois fois), parce que ceux qui sont aujourd'hui à la tête du Fpi dans la région ne sont pas ouverts. Ils ne s'ouvrent pas aux autres. Quand on entraîne ses parents dans un parti et que les parents vous élisent, c'est qu'ils vous font confiance. Je ne dis pas qu'il faille venir leur distribuer de l'argent à tout moment ! Mais, je dis qu'ils ont besoin d'attention. Mon père est du village d'Andé, il était un militant de première heure du Pdci-Rda et moi j'ai opté pour le Fpi. Aujourd'hui, je regrette. Mais lorsque j'ai rejoint la maison Pdci, je suis un homme heureux. Celui pour qui je n'ai même pas lutté, à savoir le ministre Patrick Achi, me rend énormément de services.
Peut-on dire que le Fpi a été ingrat à votre endroit ?
Très ingrat ! M Allou Eugène, à l'époque, m'appelait " Winé ". Si on fouille les archives de 1990, on se rendra compte que j'étais un pion essentiel de la formation du Fpi.
Que signifie " Winé " ?
Winé, c'est le génie de la forêt, le puissant des puissants de la région d'Akoupé. J'étais intraitable sur tous les plans en ce qui concerne le Fpi.
Vous avez connu Laurent Gbagbo opposant, vous le voyez aujourd'hui à la tête du pays. Que pensez-vous de sa manière de diriger la Cote d'Ivoire ?
Je crois qu'il faut reconnaître qu'il a été un homme courageux. Mais je dis toujours que ce sont les élus et cadres qui l'entourent qui ternissent sa gestion de l'Etat. C'est un président, lui seul ne peut faire grand-chose. Les autres, en principe, devraient l'aider au mieux. Regardez l'exemple du ministre Patrick Achi du Pdci, partout où il passe, il fait des dons, il construit des églises. Voilà quelqu'un qu'on doit suivre. Mais quand un cadre Fpi vient construire son château et qu'il "s'en fout" des autres, croyez-vous que les gens vont le suivre ?
La Côte d'Ivoire a connu la guerre sous le mandat de Laurent Gbagbo, pensez vous qu'il aurait pu éviter cette guerre qui a fait tant de mal au pays ?
Je crois que dès les premières heures de la crise, il pouvait faire en sorte que cette guerre ne se fasse pas. Il aurait dû négocier
Comme l'avait demandé le président Bédié ?
Oui, il fallait négocier, parce qu'aujourd'hui, c'est avec celui qui a pris les armes qu'il gouverne.
Partout où l'on passe, on se rend compte que les Akyé sont déçus du Fpi, est-ce aussi du sérieux ? Pouvez-vous nous en dire plus ?
C'est vrai, parce que les Akyé se sont battus pour le Fpi. Pour faire front au Pdci à l'époque, il y a de grands planteurs qui cotisaient pour les meetings et pour louer des taxis pour le transport des militants. Allez demander aux cadres Fpi qui roulent carrosse aujourd'hui, combien ils ont investi pour le combat du Fpi. C'était les grands planteurs de la région qui investissaient dans le parti de Laurent Gbagbo. Nous sommes partis de rien pour élire des députés en 1990 et ces députés siègent encore à l'hémicycle. Ils n' arrivent même pas à s'ouvrir pour penser un seul jour aux gens qui ont fait d'eux ce qu'ils sont aujourd'hui. Quand on parle d'un parti, il y a ceux qui posent le jalon, la fondation. Je suis de ceux qui ont posé cette fondation à Akoupé. J'ai été abandonné. J'ai les larmes aux yeux aujourd'hui parce que beaucoup de tous ceux qui ont combattu (des instituteurs, des planteurs) sont morts.
D'où est véritablement partie votre disgrâce d'avec votre parti de l'époque ?
Des ennemis dans le parti ont dit des contre vérités sur moi. Ils ont dit au cours d'une réunion qu'ils m'ont aperçu au plateau, habillé d'un tee-shirt Cnb (cercle national Bédié). Tous ceux qui ont combattu n'ont non plus pas eu gain de cause au Fpi. Ils sont comme moi aujourd'hui C'est ceux qui ne connaissent pas le Fpi et la région qui sont aujourd'hui dans les bonnes grâces.
Déçus, les Akyé retournent à leur premières amours, le Pdci Rda qui est un parti d'opposition. Les Akyé sont ils des éternels opposants ?
Oui, les Akyé sont des opposants et des démocrates parce que l'Akyé dit la vérité. C'est pour cette vérité qu'ils avaient suivi le président Gbagbo. Mais aujourd'hui, ils ne voient pas cette vérité. Regardez la route qui mène à Yakassé-Attobrou. Elle est impraticable. A défaut du bitume, le Fpi aurait pu la recharger pour amoindrir la souffrance des populations. L'Akyé sait qu'il a combattu et si en retour, il ne voit rien, il doit changer. Et c'est l'autre qui est Pdci qui pose des actes sans discrimination de parti, de personnes, de régions. Pensez-vous qu'à travers son action, les Akyé ne vont pas penser au Pdci ? Les Akyé ne vont pas forcement parce que c'est Bédié, le président du Pdci ou Alphonse Djédjé Mady, le secrétaire général, mais si on voit le ministre Patrick Achi, ministre Pdci agir comme il le fait, alors tout le monde ira au Pdci et c'est cet homme que les gens suivent actuellement dans la région. C'est ce monsieur qui impulse aujourd'hui le développement de la région Akyé. Je pense que même si les gens sont de différents partis, ils doivent œuvrer ensemble pour développer la région.
Le président Bédié est en tournée dans le pays Akyé, quel sentiment vous anime, vous, ancien militant Fpi et nouveau militant Pdci ?
Je compare le président Bédié au président Kérékou qui est parti du pouvoir et qui est revenu pour mettre le Bénin sur les rails. Et aujourd'hui, voici le Bénin qui a réussi l'alternance sans problème et qui vit la démocratie. Des gens disent que le président Bédié est vieux Le président Bédié n'est pas vieux. C'est quelqu'un qui a franchi beaucoup d'étapes pour arriver là où il se trouve. Aujourd'hui, il est en contact direct avec le peuple. Donc, c'est quelqu'un qui a un idéal à réaliser avant de quitter la politique.
Comment voyez-vous la victoire du Bédié en pays Akyé et au plan national ?
Ce serait un miracle que le Fpi arrive à combler encore les attentes des Ivoiriens pour ensuite leur demander un autre mandat. Les gens souffrent. On ne peut pas dire que la guerre est à l'origine de toutes ces souffrances, car j'en connais au Fpi dont les joues grossissent et on les voit circuler dans de grosses voitures. Les Akyé ont donc décidé de suivre le Pdci et son candidat jusqu'à la victoire finale.
Si on vous demandait un message à l'endroit de vos parents Akyé, que leur diriez-vous ?
Je dirais que j'étais fils du Pdci, je voulais faire un changement, mais le changement ne m'a rien apporté. J'ai été délaissé. Ce n'est pas un cri du cœur que je lance. Je pense qu'il est mieux aujourd'hui de retourner dans ma maison Pdci que je n'aurais jamais dû quitter. Je ne nourris aucune haine, aucun sentiment de rancune.
Interview réalisée à Adzopé par
Diarrassouba Sory
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