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Faits Divers Publié le mardi 22 septembre 2009 | Nord-Sud

Tribunaux d’Abidjan : “Allo”, “Air Maca”

Le ministère Public vient de confisquer deux téléphones portables. Ils appartiennent à Kramo Isidore, le voisin de circonstance sur la première rangée, à gauche. Venu assister l’un des siens accusé d’abus de confiance, il se retrouve aussi dans le box des prévenus. La mine renfrognée, il continue de rouspéter lorsque l’agent de police lui arrache ses téléphones. « Ce n’est pas bien. J’ai été surpris par la sonnerie de mon portable. Et puis, vous m’arrachez mes téléphones », murmure-t-il. Toutefois, il est conduit manu-militari par l’agent dans le box. Isidore tombe dans le panneau pour outrage à magistrat. Nous sommes le 14 septembre au tribunal des flagrants délits du Plateau. Peu avant la scène, un élément de la police avait prévenu le public sur l’attitude à observer une fois à l’intérieur de la salle des audiences. Sur un ton martial, il avait mis en garde l’assistance. « Eteignez vos portables ! Ce n’est pas la peine de les mettre sur vibreur ! Si ça sonne on vous arrête. On appelle cela outrage à magistrat. Ce n’est pas moi mais c’est la loi », tranche-t-il.

L’outrage, un délit réprimé par la loi…

Selon lui, il est formellement interdit de lire par exemple un journal ou de murmurer lors des audiences. « Il s’agit de la vie des gens. Gardez le silence », insiste l’agent de sécurité. Ces conseils d’usage tombent dans des oreilles de sourds. Puisqu’au moment où les jugements se déroulent, un autre portable sonne au milieu de la foule massée à l’entrée de la salle. Le juge interrompt pour cinq minutes le jugement en cours. « Sergent, allez-y me chercher ce portable ! Amenez-moi aussi le propriétaire du téléphone », enjoint le magistrat. A grandes foulées, l’agent traverse la salle. Il fonce droit vers la sortie pour mettre aux arrêts le fauteur de troubles. Mais, l’individu tente de prendre le large. Peine perdue, le flic le saisi au niveau de la ceinture puis lui arrache le cellulaire. Il rejoint Isidore au banc des accusés. Le ministère Public hausse le ton. Il demande au président du tribunal d’appliquer la rigueur de la loi. « D’habitude, quand on les prend ils sont relaxés. Cette fois-ci, il faut qu’ils servent d’exemple à tous ceux qui pensent qu’ici c’est le marché », tonne le magistrat qui prend le soin de garder les trois téléphones saisis. Le jugement reprend son cours normal. Les dossiers sont liquidés au fur et à mesure.
Assis dans le coin, Isidore et son compagnon d’infortune, attendent « visiblement » anxieux leur passage à la barre. Entre-temps, des conversations se font entendre au fond de la salle. Les procès sont momentanément suspendus. « Taisez-vous ! Taisez-vous ! On a la possibilité de tenir les audiences à huis clos. Donc, c’est la dernière fois que je vous interpelle sur le silence à observer. Celui ou celle qui se fera prendre passera en jugement. On n’est pas ici pour s’amuser », insiste le président du tribunal. Le service d’ordre veille au grain. Et les procès repartent de plus belle. Isidore et son co-prévenu comparaissent à la barre pour répondre de l’accusation d’outrage à magistrat. Evidemment, ils plaident coupables puis demandent la clémence du tribunal. « M. le président nous sommes en faute. On vous demande pardon. Cela ne va plus se reproduire. Croyez-nous, c’est une négligence de notre part. On vous demande pardon», s’excusent-ils en harmonie. Mais, le juge, aidé par le procureur, réprimande les prévenus. « Cela vous coûte combien de fermer vos téléphones. Il est inscrit sur les affichages au niveau des deux box d’éteindre les portables. Mais, vous tordez le cou à la loi. Ici, ce n’est pas un marché. C’est la liberté des gens qui est en jeu. Cela ne vous dit absolument pas grand chose », fait remarquer le juge qui menace d’envoyer au cachot les deux « indisciplinés ». “Vous irez goûter, ironise le président du tribunal, les délices de la prison”. Têtes baissées, genoux fléchis, mains croisées, Isidore et son compagnon ne cessent de demander l’indulgence du juge. « Pardonnez ! Pardonnez ! Pardonnez ! », plaident-ils. Cette stratégie porte fruit puisque le tribunal prononce la relaxe. Tout en leur remettant les téléphones, il met en garde toute l’assistance contre toute forme d’indiscipline. Outre le Palais de justice du Plateau, les cas d’outrage à magistrat se rencontrent aussi au tribunal de Yopougon.

Et pourtant, le public fait la sourde oreille

Là-bas, les magistrats adoptent une grande flexibilité vis-à-vis des cas d’indiscipline. Il n’en demeure pas moins que les objets confisqués ne sont pas rendus sur place. Kouamé Pascal a en fait la difficile expérience. Le 31 août, il comparaît à la barre des flagrants délits en tant que témoin-victime dans une affaire de vol en réunion. Ce jour-là, avant le début des audiences, l’agent de la police, exige le silence. Mais surtout, il insiste pour que les portables soient mis hors tension. Pascal n’entend pas les choses de cette oreille. Il refuse de se plier à l’injonction. Bien avant que le juge ne lui fasse appel, son téléphone portable se met à sonner. Pascal tente de se frayer un chemin pour prendre l’appel. Mais, l’agent ne lui laisse pas le temps de sortir de la salle. Il le stoppe puis lui arrache le téléphone devant un public médusé. L’appareil est remis au greffier de séance.

« On donne quand on veut »

Quant au fauteur de troubles, il prend place dans le box des accusés. « Il y a assez de places à la Maca. Vous voulez goûter la prison alors, on vous donne l’opportunité », affirme le juge. Certes, Pascal, remporte son procès dans l’affaire de vol en réunion dont il est la victime. Mais, il n’aura pas son téléphone confisqué par le greffier. « A défaut de vous envoyer en prison pour outrage à magistrat, on va garder votre portable. Cela vous apprendra à bien vous conduire une fois que vous êtes au tribunal », conseille le président du tribunal. Ironie du sort, le 14 septembre, soit quinze jours après le fait, nous rencontrons au greffe l’infortuné Pascal. Il explique qu’il est venu chercher son téléphone. « J’ai plaidé auprès du juge et du procureur. Ils m’ont dit de me mettre en relation avec le greffe. C’est ainsi que je suis venu voir le greffier concerné. Heureusement, il m’a remis mon portable », se réjouit Pascal qui précise qu’il a fait assez de va-et-vient avant d’avoir gain de cause.

Un reportage réalisé par OM
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