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Société Publié le mardi 13 octobre 2009 | Notre Défi

Après quatre jours d`incarcération, Le directeur de ‘’Notre Défi’‘ raconte son calvaire

Notre Défi : Bonjour DG. Il faut rappeler à toutes fins utiles que vous êtes également le Directeur de publication du journal ’’Notre Défi’’. Quatre jours d’incarcération. Pourquoi cela ?

Baté Mabo : Pourquoi cela ? Honnêtement, je ne réalise pas encore que cela ait été possible. En effet, dans notre édition Nao 032 du 21 septembre dernier, nous avons publié un article relatif au scandale juridico-financier qui prévaut à la Mutuelle d’Assurance des Taxis-Compteurs d’Abidjan dite MATCA. Ne comprenant pas qu’à quelques pas du Parquet d’Abidjan, des individus, dépourvus de tout statut soient installés de force et surveillés par nos forces de l’ordre, nous avons décidé de mener une enquête très approfondie pour en savoir davantage. C’est ainsi que des révélations nous ont été faites sur le silence du Procureur Tchimou. Nous ne sommes pas des charlatans pour tout savoir. Alors, avec tout ce dont nous disposions, j’ai personnellement appelé mon aîné, le Procureur Tchimou. Il m’a demandé de prendre contact avec son conseiller en communication qui n’est autre que le confrère Patrice Pohé. Ce que j’ai fait. A deux reprises, j’ai rencontré mon frère Pohé pour recueillir l’avis de son patron sur les informations le concernant. Dans l’article que nous avons publié, nous avons relaté tout ce que le confrère nous a dit à ce propos. Dans le souci d’une enquête cohérente, nous avons parlé du parcours professionnel du grand frère Tchimou. C’est ce dernier volet qui m’a valu la privation de liberté pendant quatre (4) jours. Le procureur Tchimou n’a pas apprécié qu’on parle de son parcours avec ‘’ tant de mépris’’. Pourtant, son conseiller et moi, en avons parlé avant publication. Il m’a même fait la révélation selon laquelle, à Man, le Procureur Tchimou était le substitut de son actuel ministre de la justice, le Ministre Koné Mamadou. Mieux, les propos recueillis auprès de notre source, ont été mis entre guillemets comme ceux de son conseiller, Patrice Pohé.

N.D : Alors, pourquoi, après avoir respecté les différents principes en la matière, le Procureur Tchimou vous a fait arrêter ?

B.M : Plus haut, j’ai dis ‘’mon grand frère’’, parlant du Procureur Tchimou. Un aîné peut donc se fâcher contre son cadet. Vous savez, nous traversons une période qui rend tout le monde frileux. Ainsi, ils vont dire des choses auxquelles on ne pense même pas, à ces autorités. Les gens ont dû faire croire à mon aîné, le Procureur que j’étais contre lui. Et que je travaillais à ce qu’on le fasse partir du Parquet du Plateau. Voyez-vous, je ne savais pas être aussi important à ce point. Que mes écrits puissent influencer le chef de l’Etat dans ses choix. Vous permettrez que je n’entre pas dans les détails des échanges que j’ai eus avec lui, le mercredi 07 octobre dernier, lorsque j’ai été déféré pour la première fois au Parquet. C’est à un homme très en colère que j’ai dû présenter des excuses. Son attitude a donné raison à tous ceux qui disent qu’il est quelqu’un de bien. Malgré le tort que ses collaborateurs disent que l’article lui a causé, il a pardonné et ordonné qu’on me ramène à la Police criminelle, le temps qu’il réfléchisse. Avec les pouvoirs qui sont les siens, il aurait dû me mettre immédiatement sous mandat de dépôt. Mais le langage qu’il a tenu, m’a même donné la chair de poule. Je suis certain que cet homme a beaucoup d’humanisme en lui. C’est pourquoi, je suis sincèrement désolé que mon article ne soit pas suffisamment compris. Je suis également convaincu que si les oiseaux de mauvais augure n’étaient pas passés par là, mon grand frère Tchimou m’aurait proposé un droit de réponse. C’est avec beaucoup de plaisir que j’aurais publié celui-ci et rectifier les choses si elles s’avéraient écorchées.

N.D : Monsieur le Directeur, vous avez dit qu’il vous a ramené à la police criminelle, le temps de réfléchir…

B.M : Beh oui ! Le 24 septembre, seulement trois jours après la parution du journal, nous avons été convoqués à la police criminelle. Pendant quatre heures de temps, le rédacteur en chef qui faisait office de Directeur de publication délégué et moi-même, avons été auditionnés. Croyez moi, ce n’était pas quatre heures de plaisir. Pour moi, tout avait été dit, quand le jeudi 1er octobre, les procéduriers de notre dossier m’ont appelé pour me demander de me rendre à la police criminelle pour une confrontation. Malheureusement, je partais en voyage. Je leur ai donc proposé qu’on remette le rendez-vous à mardi 06 octobre. Rentrez seulement la veille avec une grosse grippe, ce sont d’ailleurs eux, qui m’ont réveillé. Où êtes-vous ? A quelle heure, allez-vous être ici ? Je sentais déjà la pression sur leur dos. Alors, j’ai préféré me rendre à leur rendez-vous au lieu d’aller voir mon médecin. Quand le Sous-directeur des enquêtes a vu l’état dans lequel j’étais, il leur a dit, ’’faites un peu vite, il faut qu’il aille à l’hôpital. ‘’ C’était mal connaitre les contours de cette histoire. Aux environs de 16 heures, tout mon corps a commencé à chauffer très fort. Je faisais une fièvre terrible.On pourrait dire que je faisais 40 degré. Je grelotais. J’ai donc demandé aux procéduriers de m’appeler un médecin. L’un d’eux est allé voir le Directeur de la police criminelle. Quelques instants après, il est venu me dire que ce dernier lui aurait dit d’appeler moi-même, mon médecin. Malheureusement, le mien que j’ai joint, m’a dit qu’il était loin d’Abidjan. Je comprendrai plus tard que le Procureur et plaignant en même temps, avait été informé de mon état de santé. N.D : Qu’est ce qu’il a pu dire à votre avis ? B.M : Je n’y étais pas. Seulement, ce qu’il faut savoir, c’est qu’un Procureur de la République peut donner l’ordre à la police d’interpeller quelqu’un, il peut également demander de le relâcher, même provisoirement. Surtout qu’il s’agissait d’un cas de force majeur. Dieu a fini par me guérir. Et pendant que je grelotais, les mêmes procéduriers qui semblaient visiblement sous pression, m’ont fait descendre des deux étages pour prendre mes empreintes comme un vulgaire bandit. C’est ainsi que le lendemain, au milieu de huit braqueurs ensanglantés, j’ai été conduit au Parquet. Je suis resté au violon après que j’ai échangé avec mon aîné, le Procureur Tchimou aux environs de 15 heures jusqu’à 18 h30. Mon retour à la police criminelle agaçait d’ailleurs les policiers qui disaient avoir beaucoup de choses sérieuses à ‘’gérer’’. Le lendemain jeudi, la diffamation qui m’était reprochée s’est transformée en outrage à magistrat. Une enquête de moralité sur ma personne démarrera. Des voisins et des collègues patrons de presse ont été interrogés. Ça devenait infernal et insupportable. N.D : Mais vous n’êtes pas le premier à être arrêté pour un ‘’délit de presse’’. Jamais, l’on n’a assisté à un pareil traitement. Même au temps du pouvoir Bédié. B.M : C’est plutôt le cas des journalistes indépendants qui inquiète. Quelqu’un me disait à la police criminelle telle que l’enquête a été faite avant publication, s’il s’agit de journaux proches des partis politiques, ils n’auraient jamais été convoqués, à fortiori, passer quatre jours au violon. Aussi, c’est le lieu de se demander si la dépénalisation de délit de presse dont on a tant parlé, est une utopie ou une réalité ? De toute façon, pour l’instant, j’ose croire que, c’est un grand frère qui, énervé, est en train de démontrer à son jeune frère, qu’il dispose des pouvoirs et non des moindres, qui peuvent le réduire à néant. Mais, qu’il s’agit juste d’une démonstration. Pas plus. Quand on aura fini avec la procédure, nous essayerons de voir certainement, comment nous allons désormais travailler ensemble. N.D : Mais, qu’est ce qui reste à faire encore ? B.M : Ah, je ne vous l’avais pas encore dit ? Je dois passer à l’audience du mercredi 14 octobre prochain. Sa collaboratrice m’a même demandé de mettre tout en œuvre pour ne pas être absent. N.D : Vous ne trouvez pas qu’on vous harcèle ? N’est ce pas un abus d’autorité ? B.M : Non .Dans la vie, il ne faut pas croire que tout est mauvais. Vous savez, tout ce que Dieu fait, est bon. J’ai personnellement fait une enquête. J’ai interrogé toutes les parties. Des propos ont été mis, soit au conditionnel, soit entre guillemets. Pour cela, on me met en prison pendant quatre jours. Et puis, après, on dit, bon, maintenant, va à la maison. Mais le mercredi, il faut venir ici, on va te juger. On aurait peut-être pu faire le contraire. Me juger avant de me mettre en prison ! Mais, je ne juge pas. Je serai au tribunal et on verra par la suite. N.D : Que feriez-vous si ‘’Notre Défi’’ était fermé par le Procureur Tchimou ? B.M : Arrêtez ! Je vous l’ai suffisamment dit plus haut. Ce Monsieur est si bon qu’il ne tuerait pas une mouche. Quel intérêt aurait-il selon vous à fermer un hebdomadaire comme ‘’Notre Défi’’ ? Non, il est très intelligent pour rendre célèbre un journal. N.D : Malgré ce que vous dites, il vous a maintenu malade au violon. Avez-vous peur qu’il vous mettre en prison ? B.M : Non du tout. (Il s’énerve). Vous connaissez mes méthodes. Quand vous dites bonjour à quelqu’un qui se met en colère, demandez-lui pardon. Ce n’est ni une faiblesse, encore moins, une peur. La prison dont vous parlez, n’est-elle pas faite pour les hommes ?
Laurent Gbagbo et son épouse Simone n’ont-ils pas en 92, été arrêtés sur ordre de Dramane Ouattara et jetés à la MATCA comme des voyous ? Ils sont depuis 2000, les deux personnalités, les plus importantes de notre pays . Si pour avoir fait mon travail dans les règles de l’art, je dois être mis à la MACA, parce que celui qui se plaint est procureur de la République, je ne peux que bénir le nom du Tout Puissant. Rassurez-vous donc, je n’ai pas peur de la prison. Ces va-et-vient entre la police criminelle et le Parquet, m’ont même permis de rencontrer des ex-barons de la filière café-cacao. J’ai aussi rencontré des personnalités que je cherchais depuis belle lurette. Voyez-vous, c’est pourquoi, je disais que tout ce que Dieu fait, est bon. N.D : Pourquoi, ne portez-vous pas plainte auprès de la cours pénale internationale ? B.M : Depuis quand un petit frère porte plainte contre son aîné ? Comme nous sommes tous ‘’musclés’’ et ‘’grands’’, on peut utiliser d’autres pouvoirs ou moyens pour justifier sa force. Je vous ai dis que c’est comme cela que je vois les choses pour l’instant. Cela ne veut pas dire que je ne sais ni lire, ni écrire…Même si nous sommes dans un pays en voie de développement. N.D : Monsieur le Directeur, nous sommes à la fin de notre entretien. Quel message avez-vous à lancer ? B.M : Je voudrais d’abord saluer le fait que le Procureur Tchimou ne soit pas allé au bout de sa logique malgré tous les pouvoirs qui sont les siens. Aussi, voudrais-je remercier tous ceux qui se sont mobilisés pour ma libération. Notamment, Monsieur Tapé Koulou Laurent, président de l’Union des Patrons de Presse pour la République (UPPR) dont je ne fais pourtant pas partie. Sa disponibilité m’a particulièrement fait chaud au cœur. Quand je l’ai trouvé au secrétariat du Procureur Tchimou, lorsque j’ai été déféré pour la première fois, j’ai été très ému. Il n’a pas lâché prise jusqu’à ce que je sois libéré. Je n’oublierai pas également tous les agents de la police qui m’ont véritablement soutenu pendant mon séjour dans leurs locaux. Bien que je ne puisse pas les citer, c’est sûr qu’ils se reconnaîtront. Quant à mes amis, Monsieur Ouattara Siagnan, Directeur du ‘’Nouveau Navire’’, Monsieur Claude Dassé de ‘’Soir Info’’ et son collègue Alain Bouabré, Monsieur Kah Zion, président du Groupement des éditeurs et patrons de presse, notre confrère en ligne ’’Connexionivoire. Net’’, le journal ‘’Nuit et Jour’’, tous les confrères qui se sont mobilisés, je dis merci. Je n’oublierai pas aussi des personnalités, qui dans l’ombre sont intervenues pour que je sois en liberté. Je leur témoigne ma sincère gratitude. Que Dieu les bénisse abondamment. Enfin, je souhaite vivement que nos autorités privilégient les droits de réponse quand elles estiment que des informations les concernant, sont erronées. Cela les grandirait davantage. Que le Seigneur bénisse la Côte d’Ivoire. Que la dépénalisation du délit de presse soit une réalité et non une utopie pour une Côte d’Ivoire développée, libre, une Côte d’Ivoire d’égalité et de justice pour tous.

Interview réalisée par Yahi G. Bonfils
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