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Société Publié le mardi 13 octobre 2009 | Nuit & Jour

Place des martyrs, Statue de la liberté, Akwaba… : Quand les monuments se transforment en asiles pour fous

A l’origine, la conservation dans la mémoire collective des périodes qui ont marqué la marche et la vie des peuples. Vu sous cet angle les monuments historiques ont su, depuis les époques reculées, retracer aux générations postérieures, les différents évènements de l’histoire de leurs peuples. L’Afrique et plus particulièrement la Côte d’Ivoire n’ont pas dérogé à cette règle. Mais, contrairement aux Etats européens, américains, asiatiques les pays africains ont du mal à entretenir les édifices qui symbolisent les grands moments de leur histoire. Révélations sur une situation peu glorieuse les Etats du continent noir.

D’un point de vue sociologique, les monuments jouent un rôle d’une grande importance dans la marche des sociétés humaines. Ils font revivre dans l’esprit de la postérité les moments épiques qui ont marqué l’assise de ces sociétés. Ainsi, grâce aux monuments, les Français par exemple ont su éveiller à la mémoire de tous leurs contemporains les grands moments de l’histoire de leur pays. En effet, grâce à l’Arc du Triomphe qui trône en première ligne sur les Champs-Elysées, tous les Français d’aujourd’hui revivent avec émerveillement les actes de bravoure accomplis par leurs ascendants au XIXe siècle. Souhaité par Napoléon 1er dès 1806 et réalisé grâce à la dextérité de l’architecte Jean-François Chulgrin, l’Arc du Triomphe fait aujourd’hui partie intégrante du patrimoine culturel de la France. Et des milliers de français y affluent pour revivre l’histoire de la France ancienne. Pour preuve, ce monument historique a enregistré 1.300.000 visiteurs en 2007. L’intérêt pour cette œuvre architecturale est pratiquement national, surtout grâce à la flamme du souvenir qui y est ravivée tous les jours à 18 h 30 en souvenir du soldat inconnu inhumé en ces lieux en 1921. Grâce à ces pratiques quasi religieuses autour de l’Arc du Triomphe, la société française y voit une partie d’elle-même.

La même réhabilitation de l’histoire anime-t-elle les Etats africains ?

Comme les Français, plusieurs Etats africains se sont inscrits dans la réhabilitation historique. C’est le cas notamment au Congo Brazzaville où une stèle en l’hommage à Savorgnan de Brazza a été édifiée à Brazzaville, ville qui porte le nom de l’illustre explorateur. Cependant, le faisant, le gouvernement congolais a somme toute ignoré les valeurs réelles du peuple congolais qui a aussi connu des époques glorieuses. C’est tout comme si le peuple congolais se réjouissait de la période de la colonisation qui y a eu lieu et à laquelle Savorgnan de Brazza a justement ouvert la porte. Bien évidemment les Congolais ont vivement dénoncé cet état de fait qui, plutôt que de réveiller en eux un pan plus épique de leur histoire, a plutôt tourné le couteau dans leur plaie encore douloureuse. Comment s’étonner donc si le monument à la mémoire de Savorgnan de Brazza n’attire aucun visiteur congolais vu que personne ne s’y reconnaît ? Ainsi donc, cet édifice qui aura coûté une fortune à l’Etat Congolais, sera abandonné aux reptiles et autres clochards ou déments qui n’ont pas de gîte.
C’est à ce triste tableau qu’il nous est donné d’assister en Côte d’Ivoire. Dans ce pays, les dirigeants prennent de plus en plus plaisir à construire des monuments symbolisant des modèles dont le peuple ivoirien n’a aucune perception. Ainsi, dans la foulée du monument Akwaba à Port-Bouët, ont vu le jour celui de St-Jean et la place des martyrs à Cocody, le monument de la liberté à Yopougon, et bien d’autres qui sont encore en construction. La réalisation de ces édifices a coûté et continue de coûter des sommes énormes aux malheureux contribuables qui broient du noir. Puisque ces différents monuments sont réalisés uniquement selon la volonté de certains dirigeants pour justifier d’énormes sorties d’argent. Dès lors, ils confient la réalisation de ces chantiers pharaoniques à des copains qui y trouvent leur compte. Ici donc les monuments sont crées pour permettre à leurs initiateurs de s’enrichir avec certains de leurs petits copains. Vu sous cet angle les arguments utilisés pour symboliser tel ou tel fait de l’histoire ne tiennent. Pour preuve, les Ivoiriens ne manifestent aucun intérêt à aller visiter ces nombreux édifices qui ont fière allure dans la cité. Même la place des martyrs qui, en principe, devrait drainer du monde, ne reçoit aucun visiteur.

Les Africains n’ont-ils pas la culture de l’histoire ?

S’il est vrai que les monuments ne sont pas visités en Côte d’Ivoire, il n’en demeure pas moins que certains véhiculent tout de même la mémoire de grands évènements qui ont marqué l’histoire nationale. Seulement, les Africains, et plus particulièrement les ivoiriens ne veulent pas cautionner le faux en visitant de façon aveugle des édifices qui ne retracent nullement leur passé véritable. Or, c’est malheureusement le cas des 99% des monuments qui ont poussé comme de la mauvaise herbe ces dix dernières années à Abidjan. Les conséquences de cette situation sont plus que dramatiques. Les différents édifices ne reçoivent aucune visite, même aux dates qui commémorent le motif de leur réalisation. Et pendant ce temps, nos monuments ‘’symboliques’’ sont pris d’assaut par des hordes de fous qui en font leur habitation. Il n’est pas rare de les voir installer des foyers ardents à ces endroits, enlevant toute velléité de contemplation au potentiel visiteur. Pire, ces édifices qui ont coûté des centaines de millions de francs n’ont droit à aucun entretien. Ils tombent régulièrement en pièces détachées. C’est le triste cas du monument de la liberté à Yopougon Siporex qui, non seulement, crée des embouteillages monstres à longueur de journée, mais est en train de se dégrader fortement par endroit, alors qu’il n’est même pas encore inauguré. Cette situation doit donc interpeller nos dirigeants. Car il ne sert à rien de construire des édifices publics et puis refuser de les entretenir. Les peuples africains ne sont certainement pas au stade où il faut vénérer des faits historiques à travers ses symboles. Quel plaisir trouvera un citoyen à contempler un monument, tant qu’il sera soumis aux difficultés liées à l’emploi, vêtu de haillons et toujours confronté aux problèmes de sa survie quotidienne ?

Idrissa Konaté

Photo : Monument de la liberté Siporx

Légende : Ces édifices qui ont coûté des fortunes sont devenus le foyer des fous.
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