Un évènement important est passé inaperçu. Il s’est déroulé, au cours d’une émission publique, de Kunta Mader, à la Radiodiffusion, dont j’étais l’invité principal. En ce dimanche-là, pendant trois heures de temps, j’ai vu de nombreux artistes faire des prestations devant un public enthousiaste. Entre deux ou trois chansons, l’animateur me donnait la parole pour donner mon point de vue, présenter l’un de mes livres ou parler d’une tranche de ma vie liée au livre et à la littérature. Quand j’ai informé le public, essentiellement féminin, que j’avais écrit pour mon roman : « Christine » pour sensibiliser les jeunes filles sur les maux et les dangers à ne pas sortir avec les « vieux », j’ai été pris à partie. « On veut les vieux. Ils savent aimer. » Durant toute l’émission, l’animateur annonçait régulièrement la venue de Gadji Cély Saint Joseph, chanteur et Président du Burida. Paul Madys, chanteur, était déjà installé. Et à mes côtés. A chaque fois qu’on annonçait Gadji, je faisais jouer mon subconscient. Je redoutais un clash. Au cours de la campagne électorale pour le conseil d’administration du Burida, les artistes se sont comportés pire que les politiciens. Jacques Pilhan, gourou de la publicité, aujourd’hui décédé , disait : « Pour gagner une campagne présidentielle, il faut flinguer l’adversaire. » Les artistes ont été à la hauteur. Dénigrement systématique, mauvaise foi, mensonge, calomnie, violence, complot, utilisation ou manipulation de la presse, fétichisme et maraboutage et d’autres choses encore plus vilaines. Les élèves (les artistes) ont dépassé les maîtres (les politiciens). On était véritablement dans la cage des fauves. Pour survivre, il fallait « bouffer » l’autre. Les enfants de chœur avaient leur place dans un terrier. Quand Gadji arriva, enfin, la tragédie attendue pouvait commencer. Le King parla de son concert de la semaine suivante. Paul Madys demanda à l’animateur qu’il aimerait prendre la parole et faire une déclaration. Silence dans le studio. Paul Madys fut l’un des plus grands pourfendeurs de Gadji après avoir été l’un de ses grands collaborateurs. Ils étaient plus que des frères. Le temps d’une campagne le petit frère a sorti les « couteaux ». En politique, devant les intérêts, il n’y a pas de frère ou d’ami. Seule la fin justifie les moyens. Hampaté Ba aimait dire : « Un président n’a pas d’amis. Il peut dire Biton est mon ami mais Biton ne doit jamais dire le Président est mon ami, ça ne se fait pas. Le Président n’a pas d’amis, c’est une institution. Quand on va contre… » Me prenant comme témoin de sa déclaration, Paul Madys, présenta ses excuses à Gadji pour tout ce qui a pu se passer au cours de la campagne. Applaudissements nourris du public. J’étais à l’aise pour présenter à Gadj les excuses de Madys. J’ai fait remarquer à ce dernier que la campagne était comme un match de football. Après la fin de la partie, on oublie les tacles, les contestations, les bagarres. J’ai demandé aux deux artistes de se donner l’accolade. En ce moment précis, je ne pensais qu’un spectacle similaire que va nous offrir, dans quelques semaines, nos hommes politiques. Pendant presque dix ans, le développement du pays s’est arrêté. Tout était politique. Le pays ne travaillait plus. Après notre qualification pour la coupe du monde 2010 je m’attendais à voir nos rues envahies par un public déchaîné. Un ami, devant mon étonnement , m’a appris que les Ivoiriens ne s’intéressent plus à autre chose sauf qu’à la politique. Et rien d’autre. C’est grave. Nous arrivons à la fin de cette longue campagne présidentielle à la satisfaction de tous. Le pays a des années à rattraper. La seule solution pour nous en sortir réellement c’est de mettre la politique au garage pour plusieurs années. Le Président élu doit absolument mettre en veilleuse les activités des partis politiques pour deux ans, trois ans ou quatre ans. Après concertation. On ne peut plus après une élection présidentielle attaquer une autre aussitôt pour cinq ans. Le pays ne peut plus supporter une autre campagne présidentielle qui va durer encore cinq ans par des contestations, des dénigrements pour tenir en haleine un public friand de « sang ». Il faut remettre les Ivoiriens au travail. La seule solution est de leur éviter les éternels débats politiques stériles. Que tous les politiciens, pour une fois, se mettent d’accord pour prendre de longues vacances à l’étranger. Il faut les féliciter d’avoir été chaque jour sur le terrain. Il est temps qu’ils partent en congé. Même Dieu s’est reposé le septième jour. Il n’y a pas que la politique dans la vie. Il y a beaucoup plus d’autres choses plus passionnantes et importantes qui favorisent le développement du pays et de l’individu. Encore quelques jours, ou, pour qu’on en finisse pour longtemps avec cette campagne qui a couvert deux jeux olympiques. Politiciens de tous bords, merci, repos, vous méritez de longues vacances. Revenez dans trois ans, quatre ans ou même cinq ans. Laissez-nous travailler un peu. Partez, on développe le pays. Ainsi va l’Afrique. A la semaine prochaine.
Par Isaïe Biton Koulibaly
Par Isaïe Biton Koulibaly