Pour son engagement en faveur de la sous-région - Alpha Blondy nommé ambassadeur de la paix de la CEDEAO

La star ivoirienne du reggae, Alpha Blondy, est depuis le 14 novembre 2009, Ambassadeur de la paix de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Il a reçu cette distinction à Port Harcourt (Nigeria) au cours d’une cérémonie présidée par le Dr Mohammed Ibn Chambas, président de la Commission de la CEDEAO. En présence du gouverneur de Port Harcourt et des têtes couronnées de la région. Alpha Blondy a été choisi par la CEDEAO pour “sa contribution à la paix en Côte d’Ivoire et dans la sous-région ouest-africaine ainsi que son engagement en faveur de la cause du continent africain”. Avant de rencontrer bientôt individuellement, comme il l’a confié à Notre Voie, les Chefs d’Etat de la CEDEAO dans le cadre de sa campagne pour la paix dans la sous-région, la star ivoirienne a prononcé un important discours à Port Harcourt dont nous vous proposons l’intégralité. Monsieur le président en exercise de la CEDEAO Madame et messieurs les chefs d`Etat membres de la CEDEAO, Monsieur le président de la Commission de la CEDEAO Excellences, mesdames et messieurs les Ambassadeurs, Mesdames et messieurs, Chers frères et sœurs, C`est un honneur immense que la vénérable institution qu`est la CEDEAO fait à ma modeste personne en m`élevant à la dignité d`Ambassadeur de la paix. Moi, le citoyen du monde, porte-voix des sans-voix, je mesure à sa juste valeur le poids de cette récompense. Excellences, Mesdames et Messieurs, Je suis un traumatisé de guerre comme d`autres sont des déplacés ou des mutilés de guerre. Je suis un homme qui a connu les affres du chaos, du mépris et du rejet. Aussi je saisis cette occasion solennelle pour lancer un message fort, pour crier haut et fort mon indignation devant la désolation que la guerre a causée partout, là-bas, ici et ailleurs... . Mon message est une invitation à l`amour, à la solidarité et au partage. Le temps de nous décimer, de nous auto-flageller et de nous autodétruire est révolu. Je proclame donc: faisons la guerre à la guerre. Je voudrais, avec l`excuse de mon innocence, avoir la témérité de vous proposer d`abolir la guerre au sein de la CEDEAO et de toutes les organisations africaines et internationales, que celles-ci s`appellent Communauté des Etats de l`Afrique centrale, SADEC, Union africaine, Union européenne ou Nations unies. Prendre la résolution d`abolir la guerre est une nécessité impérieuse. Pourquoi les hommes qui se font la guerre ne décideraient-ils pas, d`un commun accord, qu`il est temps d`y mettre le holà, qu`il est temps de sonner le tocsin contre la guerre? La communauté de la CEDEAO pourrait être le porte-étendard, le modèle de l`abolition de la guerre. Excellences, mesdames et messieurs, Il est vrai que cela met en jeu de lourds intérêts financiers, mais c`est l’avenir de l’humanité en général, et l`avenir des peuples africains en particulier qui se joue, l`avenir des peuples qui ont survécu à l`esclavage. Il est temps d`éradiquer la traite des armes comme on a éradiqué la traite des hommes. Aucun pays de la CEDEAO ne doit plus faire la part belle aux marchands d`armes, ces commerçants de mort prompts à créer des guerres dans le but criminel de vendre leur arsenal de destruction. Je ne vous apprendrai pas que c`est l`instabilité politique qui entraîne l`instabilité économique et est à l`origine de notre grande pauvreté. L`Afrique ne peut se payer le luxe de la guerre, et à plus forte raison, le luxe de s`installer dans la guerre. Car, si l`envol d`un papillon à Abidjan peut créer un cyclone aux Antilles, il va sans dire qu`une guerre en Côte d`Ivoire, au Nigeria, en Sierra Leone ou au Liberia aurait des effets dominos dont souffrirait toute la communauté de la CEDEAO : effets politiques désastreux, effets économiques catastrophiques. Non, nous ne voulons pas de cela chez nous. L`objectif clairement affiché est d`arrêter la circulation des armes et leur accumulation. Je l`ai déjà indiqué, cela peut paraître à première vue utopique. Mais les progrès les plus fabuleux ne sont-ils pas un produit de l`utopie? Ne sont-ils pas le résultat des rêves les plus fous? Alors, il faut y croire. Et j`y crois. Les guerres ont fait trop de tort à l`humanité. C`est pourquoi je souhaite que des voix plus autorisées que la mienne s`emparent de cette idée pour la porter aux quatre coins de la terre, afin que ce rêve devienne réalité. Car, lorsqu`un homme rêve, ce n`est qu`un rêve, mais lorsque plusieurs rêvent ensemble, c`est le commencement de la réalité. La CEDEAO pourrait endosser la paternité de ce rêve et en faire son cheval de bataille. Elle pourrait prendre une décision pour exprimer son opposition à la guerre. Excellences, Mesdames et Messieurs, Ce combat pourrait commencer par la condamnation ferme et sans concession des coups d`Etat. Une condamnation qu`il faudrait matérialiser par des actes forts telle la réinstallation du président déchu. Au besoin par la force : cette proposition peut paraître paradoxale, mais pour mettre fin à l`engrenage, il faut agir fermement. . . L`objectif est que plus jamais aucun chef d`Etat ne soit victime de coup d`Etat. Quelle que soit sa gestion, il ne doit pas être victime de quelques prétentieux assoiffés de pouvoir. Car rien ne peut justifier que l`on prenne les armes pour chasser du pouvoir quelqu`un qui y est arrivé par la voie des urnes. Excellences, mesdames et messieurs, il est temps qu`en Afrique la démocratie passe de l`exception à la règle. A cette fin, la CEDEAO pourrait créer sa police spéciale. Une unité d`élite qui serait prête à intervenir en tout temps et en tout lieu pour faire respecter la légalité. Une telle mesure dissuaderait, il faut l`espérer, tous les apprentis sorciers putschistes. Car il est clair que les coups d`Etat se nourrissent aussi de l`hypocrisie de la communauté internationale qui, bien souvent, ne va pas au-delà des condamnations de principe. Nous soumettons ces propositions aux Etats membres pour que des fonds soient réunis dans le but de doter notre Organisation d`une brigade d`intervention capable de mettre fin à toute forfaiture antidémocratique. Nous ne doutons pas de la compétence de l`ONU. Mais l`histoire nous enseigne que l`ONU a rarement mis fin à une guerre. Peut-être parce que l`ONU est trop éloignée des réalités du terrain? Une brigade d`intervention au niveau de la CEDEAO aura sans doute plus d`efficacité. En outre, ceux qui croient encore naïvement que nous sommes toujours à l`ère esclavagiste, ceux qui croient que l`homme africain n`est pas encore entré dans l`histoire doivent revoir leur approche cynique et dévalorisante pour l`Afrique. Qu`ils sachent que la conscience africaine a mûri. Excellences, mesdames et messieurs, L`abolition de la guerre s`impose à nos Etats. Cette abolition serait une bénédiction pour les populations. Car les fortunes que les Etats africains engloutissent dans l`achat des armes pourraient améliorer les conditions de vie de nos chères populations. Et puisqu`il faut commencer quelque part, puisqu`il faut que quelqu`un donne l`exemple, pourquoi les Etats de la CEDEAO n`enclencheraient-ils pas le mouvement? L`espace de la CEDEAO pourrait être déclaré “marché fermé” aux marchands d`armes. Les grandes révolutions dont le récit jalonne l`histoire de l`humanité ont commencé quelque part. Pour l`abolition de la guerre, la CEDEAO pourrait être ce nécessaire point de départ. Je vous remercie. Alpha Blondy, Port Harcourt, novembre 2009