x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Art et Culture Publié le jeudi 19 novembre 2009 | Le Mandat

Le reggae ivoirien - Les artistes à la recherche d’un soutien

Même si des chanteurs comme Alpha Blondy, Tiken Jah, Ismael Isaac, Serge Kassy, Kajeem et bien d’autres ont donné des couleurs au reggae ivoirien, il reste une réalité qu’on ne doit pas ignorer : le reggae est un genre venu de loin, de Jamaïque. Comme le rap venu des Etats-Unis, ce n’est pas une musique typiquement ivoirienne. Et elle a du mal à rester au sommet et à révéler de nouveaux talents.

Une autre réalité défavorable qui fait désormais partie du quotidien des artistes reggae, ce sont les préjugés entourant leur milieu et qui les font passer, à tort ou à raison, pour des marginaux. Pour beaucoup de personnes, le reggae rime avec drogue et alcool. Donc, comment faire comprendre à quelqu’un que tu ne fumes pas et que tu ne bois pas ? Avec une telle étiquette, la recherche d’un producteur n’est pas chose aisée. Avec leur look (dreadlocks au vent ou emballés dans un bonnet aux couleurs jamaïcaines), les chanteurs de reggae n’arrivent pas toujours à se faire accepter. A moins d’être un nom déjà connu, l’accueil est souvent froid et se crée un climat de méfiance. Et comme, en Côte d’Ivoire, le reggae est considéré comme une musique qui vend très peu, ce n’est pas avec les bras ouverts que les producteurs reçoivent les chanteurs. Très peu, parmi eux, acceptent de produire des albums reggae. Certains artistes reggae, comme Spyrow; sont aujourd’hui obligés de vendre leurs Cd eux-mêmes. Puisqu’aucune maison de distribution ne le fait pour eux. En fait, les maisons de disques qu’ils ont contactées leur demandent de payer une somme d’argent comme caution avant d’être distribué. Un peu comme une certaine garantie qui les couvrirait, au cas où l’album n’est pas vendu. Pour vivre, certains sont obligés de jouer tous les week-ends dans différents espaces reggae d’Abidjan. Là, ils en profitent aussi pour faire la promo de leurs œuvres. Lorsque tu es membre de l’Unartci, la somme de 250 000 F doit être versée à la Rti pour avoir droit désormais à tous les passages télé. Mais ils n’ont pas tous la même chance d’y arriver surtout pour ceux qui viennent d’arriver dans le milieu. Pour des raisons commerciales, les maisons de distribution préfèrent plutôt commercialiser les artistes mondialement connus, c’est à dire les grosses têtes d’affiche, comme ils le disent, y compris celles qui ont disparu : Bob Marley, Burning Spear, Jimmy Cliff, Eric Donaldson, Ijahman ou des groupes tels que Third World, Morgan Héritage, Steel Pulse, Culture Cumbolo…. Sur le plan africain, leurs choix se portent sur Lucky Dube, Alpha Blondy, Tiken Jah, Kajeem, Ismaël Isaac, Serges Kassy. De façon générale, et les producteurs ne cessent de le répéter, le reggae ivoirien ne se vend pas. En tout cas, pas comme le zouglou, le couper-décaler ou même la musique tradi-moderne produite massivement tous les mois. Conséquences ? Le faible taux de sortie d’albums reggae dans les bacs locaux. Tandis que les autres rythmes sortent des disques à profusion et à tout moment. Alors, le reggae serait-il victime du choix du public ?

Adèle Kouadio
Retour sur l’un des plus grands livres paru en 1998/ ‘’En attendant le vote des bêtes sauvages’’

Koyaga est le Général-Président de la République du Golfe, l’une de ces ‘’ventrocraties’’ qui pullulent sur le continent africain. Un potentat bien aimé de son peuple. Si d’aventure le peuple rechignait à le plébisciter, ‘’les bêtes sauvages’’ elles-mêmes sortiraient de la brousse pour voter en sa faveur. Mais voilà Koyaga, grand initié de la confrérie des maîtres-chasseurs, totem faucon, vient de perdre les deux éléments mystiques qui assurent son pouvoir autocratique à la tête de la République du Golfe. Il n’est toutefois pas inquiet, car il sait ce qu’il doit faire pour récupérer son pouvoir. Son géomancien le lui avait dit « il doit faire dire son ‘’donsomana’’ ». Un ‘’donsomana’’ est un récit purificatoire dans la confrérie des maîtres-chasseurs malinké qui doit être dit par un ‘’sora’’, par un griot des chasseurs. ‘’En attendant le vote des bêtes sauvages’’ est donc, dans toute son extension, un donsomana en six veillées ayant chacune un thème: la tradition, la mort, le destin, le pouvoir, la trahison, la fin de toute chose. Durant six veillées donc, au son de la cora du griot, on entre dans la vie de Koyaga. D’abord son enfance, l’école coloniale, puis ses exploits en Indochine, le retour au pays et enfin le coup d’état sanglant qui le mena au pouvoir. Vient ensuite l’heure de son initiation dans le cercle fermé des dictateurs françafricains. Le dictateur au totem caïman, le vieux sage d’Afrique, exigera de le recevoir en premier pour lui expliquer les bases du métier : ce qu’il faut faire, ce qu’il faut éviter, comment nager dans toutes ces eaux troubles. Koyaga rendra ensuite tour à tour visite au dictateur au totem lièvre, au dictateur au totem hyène, au dictateur au totem léopard, et enfin au dictateur au totem chacal. Tour à tour, ils ne lui ménageront ni conseils, ni faveurs, ni confidences. Pour ceux qui auront révisé leurs classiques de géopolitique africaine, il sera impossible de ne pas associer le caïman à Félix Houphouët-Boigny, le lièvre à Sékou Touré, l’hyène à Jean-Bedel Bokassa, le léopard à Joseph-Désiré Mobutu, le chacal à Hassan II, et le lion à Haïlé Sélassié. Difficile de ne pas reconnaître le défunt Gnassimgbé Eyadéma en Koyaga, l’homme au totem faucon, le Général-Président de la République du Golfe. Ahmadou Kourouma avait même souhaité dans une première version parler de tous ces « dictateurs liberticides » en utilisant leurs vrais noms, en lieu et place de leurs avatars totémiques. Mais la crainte de représailles juridiques sans fin l’en avait dissuadé. Au delà de la fable philosophique, l’œuvre monumentale d’Ahmadou Kourouma inaugure ici le style de la fable politique. Se basant sur d’innombrables faits authentiques, balayant une plage temporelle allant de la décolonisation à la pseudo-démocratisation, associant la plus pure tradition Malinké aux évènements sociopolitiques de la post-guerre, Kourouma peint ici l’un des portraits les plus pertinents, malheureusement, de la post-colonialité: un cortège indécent de bouffonnerie, d’esprit de jouissance, et de pourriture morale chez les oppresseurs; de déshumanisation chez les opprimés. Cette œuvre est un fabuleux hymne à l’oralité, un coup de force stylistique, une démonstration d’érudition, un jalon incontournable dans la littérature africaine contemporaine. Une œuvre visionnaire, car qui aurait pu se douter que la réalité surpasserait la fiction, qu’un jour, ‘’les bêtes sauvages’’ voteraient bel et bien dans la République du Golfe?
Adèle Kouassi
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Art et Culture

Toutes les vidéos Art et Culture à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ