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Art et Culture Publié le jeudi 19 novembre 2009 | Le Patriote

“Une saison au Congo ” à l’Etoile du Nord - La tragédie de Patrice Lumumba


Un homme, proche du bouffon théâtral, coiffé d’un chapeau en roseau, s’éveille, soudainement, dans un bistrot. Il se met à fredonner des airs pleins enchantements. Nous sommes au Congo en 1958. C’est l’effervescence de l’indépendance qui venait d’affranchir ce vaste pays de 2 millions de km_, du joug colonial du Royaume de Belgique, petite puissance de 30 000km_. Ecrite par Aimé Césaire, la pièce « Une Saison au Congo », interprétée, samedi soir à l’Etoile du Nord dans le cadre des 14èmes JTC, par la Compagnie du Théâtre National Daniel Sorano de Dakar, dans une mise en scène de Seyba Lamine Traoré, nous plonge de plain pied dans un Congo bouillonnant, impatient de franchir une étape importante de son histoire : la liberté de se gouverner. Ce sont treize comédiens tous issus de l’Académie d’Arts Dramatiques de Dakar qui vont se déployer pour servir la substance de ce théâtre. La fièvre de l’indépendance, à peine, passée, naissent les dissensions internes ; une lutte féroce pour la conquête du pouvoir. Jeune révolutionnaire, socialiste et totalement libéré du complexe du colonisateur, Patrice Lumumba, interprété remarquablement par Ibrahim Mbaye, est nommé Premier ministre par le Président Kazavubu. Fougueux et idéaliste, Lumumba dénonce la mainmise économique de la Belgique sur le Congo…Ce qui ne plaît pas du tout à l’ancienne puissance coloniale. Mais la menace la plus sérieuse n’est pas celle qu’on croit, mais celle qui vient de l’intérieur… Cette pièce peint, avec réalisme, le destin tragique d’un héros incompris, trahi par sa fougue, trahi par ses proches. A partir d’une histoire vécue, donc réelle, « Une saison au Congo » métamorphose la réalité, pour construire une figure charismatique à la lucidité exaltée, exemplaire, symbole de l’histoire d’un continent en quête d’une identité. A la fois psychologique et politique, cette pièce met en lumière la dimension tragique de Lumumba. C’est un théâtre qui se nourrit de dialectique, de trahison. Même si, les comédiens semblaient préoccupés par la restitution de ce texte fort, hautement engagé, leur jeu était profondément théâtral, esthétiquement correct.
Dans un théâtre trop étroit et inadapté pour une telle représentation, la scénographie était un exercice périlleux, qui triture les méninges. Subir le décor d’Antigone, une pièce précédente, ou le changer carrément. Le metteur en scène choisira, lui, sa première option, pour autant loin d’être une sinécure. Aux cubes qui semblaient encombrer le décor, il a imprimé de multiples fonctions : tantôt chaises, tantôt estrades,…bref de strapontins. Sur scène, Ibrahima Baye, est incroyablement réaliste dans la peau de Lumumba. Lunettes intello, une raie dans le cuir chevelu, tout rappelle Lumumba chez ce jeune homme, qui donne réelle dimension par sa présence. Les autres comédiens, eux aussi ; tirent leur épingle du jeu. Singulièrement le comédien qui incarnait Mokutu. Il était d’un cynisme froid, qui symbolisait tout le complot qui se tramait contre Lumumba. C’était tout simplement saisissant.
Toutefois, le jeu des acteurs, la mise en scène dans son ensemble fut contrariée par cette salle assez particulière, qui offrait hélas l’opportunité à certains spectateurs de s’adonner à un encombrant et agaçant ballet de va-et-vient…
En définitive, « Une saison au Congo » met l’Afrique face à ses contradictions. Ecartelée entre le désir de liberté et l’asservissement, entretenu par une volonté de maintenir le cordon ombilical avec la tutelle coloniale. Et rappelle, à travers la mort de Lumumba que l’affranchissement de l’Afrique n’est peut-être pas pour maintenant. Cinquante ans après les indépendances… Yacouba Sangaré (Envoyé spécial à Tunis)
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