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Politique Publié le mardi 1 décembre 2009 | L’expression

Evénements de novembre 2004 - Le Gl Poncet donne sa part de vérité

Que s’est-il exactement passé en Côte d’Ivoire, à l’automne 2004, lorsque des militaires français ont été bombardés par un SU-25 ivoirien, puis que les manifestations à Abidjan ont contraint à l’évacuation des ressortissants français? La revue Le Casoar, éditée par l’association La Saint-Cyrienne, publie dans sa dernière livraison un très intéressant article du général Henri Poncet, alors commandant de l’opération Licorne. L’article vaut surtout par l’analyse fine de la stratégie des Ivoiriens. Le général Poncet, qui était précédemment à la tête du Cos, distingue trois phrases qui s’enchaînent au gré des circonstances.

1) Le pouvoir veut reconquérir de manière classique la zone rebelle et déclenche des frappes aériennes (4 Sukhoi Su-25 et cinq hélicoptères de combat Mi-24) le mercredi 3 novembre avec l’idée d’une attaque terrestre le vendredi 5 contre la « capitale » rebelle Bouaké. Mais « le résultat n’est pas à la hauteur des espérances » car cette stratégie « n’est pas adaptée aux réelles possibilités des Fanci », les forces armées loyalistes.

2) D’où, dès le samedi 6 novembre, une nouvelle stratégie dictée par les « faucons ». C’est un changement « radical » qui vise tout simplement à « changer d’ennemi »: on passe des rebelles aux Français. C’est alors que se produit l’attaque aérienne contre le camp français (10 morts dont un Américain et 34 blessés) et que débutent les grandes manifestations anti-françaises à Abidjan.

3) Devant la forte réaction française qui parvient à garder la situation sous un relatif contrôle, les mêmes optent pour une troisième stratégie, « la guerre de l’information comme alternative » : « se poser en victimes en recherchant le bain de sang en jetant les foules sur les positions françaises et en libérant 4000 prisonniers de droit commun pour ajouter au chaos ». Cette stratégie décrite comme une « bataille de la légitimité, de la posture et de la preuve » aboutit à l’épisode de l’Hotel Ivoire le mardi 9 novembre. Trois stratégies, donc, en une semaine.

Mais ce qui retient le plus l’attention dans l’article du général Poncet sont ses références psychologiques. Ce sont ses considérations qui expliquent, selon lui, le basculement de la première stratégie (reconquête militaire des zones rebelles) à l’attaque contre les Français. « Il y a une explication psychopathologique, ce qu’en psychiatrie, on désigne sous le terme de défense paranoïaque. Quant un individu, un groupe dans le cas qui nous intéresse, se sent gravement menacé, ou est proche de l’éclatement, il cherche pour ne pas disparaître une nouvelle ressource en s’inventant un ennemi qu’il diabolise et en se posant en victime », écrit le général Poncet. En Cote d’Ivoire, « il faut tuer le père, l’ancienne puissance coloniale ». Et de pointer le fait que « la crise ivoirienne, crise fragmentaire et identitaire, a relevé plus de la psychologie au sens freudien du terme que de la diplomatie ». « Comme l’a écrit Freud à Einstein, la violence est fondatrice de droit et de communauté : elle implique le pacte à venir. (…) Déclarer la guerre à la France, en bombardement ostensiblement un camp (…) se veut l’événement fondateur d’une nouvelle Cote d’Ivoire ».

Libération
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