Malgré le report des échéances électorales au paravent fixées au vingt neuf novembre dernier, les ivoiriens avaient dans la grisaille un point notable à se mettre sous la dent. Le jeu politique avait commencé à se positionner sur le terrain des idées et des propositions. Devant les jeunes réunis dans un stade à Yopougon le samedi 31 octobre 2009, le chef de l’Etat sortant a déroulé son programme pour la jeunesse ivoirienne. Dix universités, huit cent trente mille emplois directs, l’école gratuite jusqu’à l’âge de seize ans, l’égalité des chances entre tous, filles comme garçons…autant de promesses aussi achalandées que celles faites avant lui par le patron du Rassemblement des républicains, Rdr. Alassane Ouattara s’est engagé à rendre l’école gratuite jusqu’ à quinze ans, recruter pour cela douze mille enseignants par an pendant cinq ans, construire six mille classes dans le primaire et cinq mille dans le secondaire sur la durée d’un mandat et offrir aux demandeurs un million d’emplois sur la même période. Dans la même veine, les candidats du Pdci, de l’Udpci et du Mfa, tout comme les indépendants ne sont pas avares en propositions et ambitions. Pour une fois que la compétition électorale prend les couleurs d’un rendez vous ouvert et non joué à l’avance, les populations (re) apprenaient à écouter tout le monde et, à doucement mais sûrement, comparer les projets et ambitions de ceux qui sont à la conquête de leurs suffrages. Pour un pays qui s’est noyé ces quinze dernières années dans les logorrhées pseudo nationalistes, et les invectives aussi nauséeuses les unes que les autres, c’était une véritable révolution qui s’amorçait. La politique reprenait ses droits dans le bon sens. Un signe que chacun sentait le besoin de faire sa mue, de jeter les dérives à la poubelle et aller à l’assaut des citoyens. Ceux-ci sont en effet accablés par les difficultés de toutes sortes et attendent avec scepticisme pour un grand nombre les solutions dont se veulent porteurs les candidats à la magistrature suprême du pays. La surprise est alors grande quand dans un tel contexte, marqué, qui plus est, par la publication par le Conseil constitutionnel de la liste officielle des candidats, certains se lancent à bride abattu dans un retour aux discours putréfiant et ethniciste en tentant de remettre au gout du jour le dénie de la nationalité d’un candidat en course. Les hommes du chef de l’Etat et candidat lui aussi, qui sont sur ce terrain pensent ils véritablement rendre service à Laurent Gbagbo avec un tel agissement ? D’un, en reprenant cette campagne sur la nationalité de Alassane Ouattara en ce moment précis, le camp du chef de l’Etat montre à tous qu’il est incapable de maintenir le jeu sur le terrain des réponses concrètes à apporter aux attentes des ivoiriens, et qu’ils s’essoufflent déjà à soutenir le rythme imprimé par ses adversaires à ce niveau. La campagne sur la nationalité d’un adversaire n’est alors qu’une puérile diversion pour « stratèges » en panne sèche. De deux, toute action politique vise un objectif. Particulièrement en période de campagne électorale. Que peut espérer obtenir les hommes du chef de l’Etat en réchauffant le discours sur la nationalité du président du Rdr? Ses partisans sont plus que jamais massés autour de lui et ne jurent que par lui. Les militants du parti socialiste d’ici ne sont plus, eux, à convertir à l’opposition contre Alassane. En termes d’efficacité, le jeu initié par le camp Gbagbo est nul. Sauf, et c’est là le troisième point, sur le plan des ressentiments et des fractions dans le pays. Au moment où Gbagbo et ses hommes font recours à « un ancien chauffeur de Houphouët Boigny », à « un ancien résident de Dimbokro des années cinquante » et à « un ancien ambassadeur du Burkina aux Etats unis comme armes miracles à mesure de prouver que « Alassane Ouattara n’est pas ivoirien », celui-ci est en tournée dans le nord du pays. Là bas, les populations font corps avec le candidat du Rdr dans toutes les localités qu’il visite. La manœuvre visant leur champion est perçue, au moins dans ces zones, comme la persistance de la volonté de les bouter hors du destin national. Ce faisant, Gbagbo et ses hommes se positionnent comme des obstacles majeurs aux retrouvailles indispensables entre ivoiriens et au dépassement de la sale crise identitaire semée dans le pays. Là, aussi le chef de l’Etat ne peut espérer engranger grand-chose. Ni politiquement, ni en terme d’image. Lui qui, jusque là doit incarner la Côte d’Ivoire, une et indivisible, garantissant l’égalité entre ses citoyens. Il y a trop à faire dans ce pays pour le relever, et personne ne peut se laisser aller à la médiocrité. D’où qu’elle vienne.
D. Al Seni
D. Al Seni