En novembre 2009, le mur de Berlin s’écroulait. Un vent de liberté, certainement l’un des plus forts jamais manifesté par l’homme, s’emparait du globe entier. Partout, les peuples exprimeront leur désir d’échapper aux chapes de plomb et leur ambition de prendre en charge leur destin. En un mot comme en mille, la chute du communisme en tout cas dans sa dimension institutionnelle et étatique telles que les anciens régimes de l’Est et leurs rejetons dans les pays en voie de développement d’Afrique et de l’Amérique du Sud l’avaient conçu et pratiqué, a redonné du tonus au libéralisme politique. La démocratie se vautre depuis lors comme la voie triomphante pour la conduite des affaires du monde. C’est elle qui offre à l’humanité la meilleure option en vue de son épanouissement économique, social et culturel. Les choses semblent se présenter ainsi puisque pour l’heure, aucun autre système politique alternatif ne semble proposer mieux. Même si la Chine avec son extraordinaire croissance économique laisse à penser que le système politique libéral n’est pas le seul à induire le développement économique et social, personne ne peut ignorer que le géant asiatique, deuxième économie du monde juste derrière les Etats-Unis, futur numéro un selon tous les spécialistes dans les prochaines décennies, a opéré un virage à cent quatre vingt degré au niveau économique. Le pays continent est passé du dirigisme étatique rigide à une économie de marché qui fait pâlir d’envie les économistes les plus libéraux. Il faut donc faire avec : le présent et une bonne partie de l’avenir de l’humanité se conjugueront sous la houlette du libéralisme politique. Un atout de ce système, qui fonde d’ailleurs son charme, est la dévolution de la souveraineté au peuple. C’est lui qui confie et peut retirer le pouvoir. Ce pouvoir, la classe aux affaires doit l’exercer sous la vigilance du peuple ou, tout au moins dans son respect. Le respect de la population prise dans sa globalité comme à travers ses composantes professionnelles, politiques, syndicales ou de la société civile. Dans les pays africains où, bon gré malgré, le système démocratique libéral s’est installé, cette vérité tarde à avoir droit de cité. Illustration en Côte d’Ivoire ! Les élections présidentielles moult fois reportées ont été fixées au 29 novembre 2009. La population ivoirienne, de longs mois, a été fixée sur cette échéance avec promesse de la tenir. Les dispositions prises pour annoncer ce dernier rendez-vous ne laissaient pas place au doute. L’exécutif et la commission électorale indépendante, la main sur le cœur le répétaient en tous lieux et en toute circonstance. Le peuple souverain voyait cependant que les retards s’accumulaient. Il a maintes fois exprimé ses inquiétudes de voir le 29 novembre passer sans exercer son droit. Les assurances se sont multipliées jusqu’au dernier moment. C’est le chef de l’Etat qui va alors monter au créneau, non pas dans une adresse solennel pour s’excuser et expliquer la situation à ses compatriotes. Dans une improvisation lors d’une rencontre, Laurent Gbagbo va lancer ces mots : « si les élections n’ont pas lieu le 29 novembre, ça fait quoi ? ». Ces propos situent sur l’estime que le premier magistrat du pays voue à son peuple et révèle l’importance qu’il lui accorde. C'est-à-dire, pas grand-chose ! Le peuple, la population, on en dispose, on en fait ce qu’on veut ! Il y a d’un côté le maître, et de l’autre le néant. Ou presque. Le message n’est pas loin de là. La commission électorale indépendante va elle aussi chausser la botte de l’arrogance. Et attendre les derniers instants pour annoncer officiellement le report du scrutin. Sans la moindre humilité à l’égard des Ivoiriens. Ce peuple souverain ravalé au stade de simple faire-valoir. C’est d’une certaine manière ce dédain qui explique les fausses promesses et les engagements à l’emporte pièce pris devant les corps socio professionnels. Médecins, greffiers et enseignants, pour ne parler que de ces cas, aboutissent à des accords avec l’Etat allègrement foulés aux pieds par ce dernier au moment de leur application. C’est le peuple, pris en une masse informe unique ou en détail, il ne compte pas. Grosse erreur cependant ! En refusant de s’armer de courage pour aborder et expliquer les difficultés de l’heure à temps aux Ivoiriens, en refusant la posture de l’humilité qui grandit en pareille situation, les gouvernants risquent gros. Vraiment gros!
D. Al Seni
D. Al Seni